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Full text of "L'illustration : journal universel"

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L'ILLDÏÏRATION 


^33:^  û)a  3(î)(i)  'ya^sj)jiL^L^':2£j 


Srptrnilire.  Ocanlirp,  JVovrnibre,   nérriiibre 

1846 

•Vniitler,    Févfirr 

1847 


FAïag 


CHEZ  J.  DUBOCHET  ET  C'^  EDITEURS 

fiO,    RUE   RICIIEI.IRU. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/lillustrationjo08pari 


L'ILLUSTRATION, 


Ah-  pour  Parii.  5  moii,  8  ti.—A  mois,  16  [r.  —  Un  an,  30  fr. 
Prix  de  chaque  N°  7Sc.  —  La  colltclion  mensuelle,  br.,  2  rr.  75. 


N»  IW.  Vol.  VIII,—  SAMEDI  ri  SEPTEMBRE  1846. 
Bareaax,  rae  Blcbeltea  60. 


Ab.  pour  les  dép.  —  3  moii,  9  Fr. 
Ab.  pour  l'Étranger,     —      <0 


-  6  moii,  17  fr.  -  Un  an,  sa  (r. 
-       SO  —        W. 


SOnMAlBE. 

BUlOlr«  de  la  semalnf .    Vue  âe  In  baie  de  Diégo-SvnTez.  —  Des 
Mareta^H  publics  ei  des  Halles.  —  Ccorrler  de  Paris.  Courses 

de  cfiepdux  ît  Sniiif-PèlersU'XiTs. —  lAVOirn  publics.  Etablissement 
de  la  rue  de  Sèvres.  Buanderie  à  vapeur;  le  Lavoir.  —  Correspon- 
dance, —  Deux  Chastes  en  Prusse.  Par  M.  Lou-s  Viardot.  —  La 

Perse.  Maison  de  Hussein-Khan,  à  Tabri:  ;  Mir.-a  arménien,  Gror- 
gien,Khanrieorfien,Prctre  arménien, Cullivaleur,yi!iaciantarmn,ien, 
Kurde  de  Makhcu,  Kurde  d'Ourmizah,  Mamaccni,  Milicien  de  A'nr- 
bin,  Kurde  d'Brivan,  Cavalier  de  Chiraz  ;  Tombeau  de  Chnh-Khoda- 
Bend/h.à  Sullauyeh:  Trônede  Felh-Alt-fhàh.à  Téhéran;  le  prince 
Jdalek-Kassem-Mina  ;  Méhémet-Chàh  ;  Fn  chambellan  du  chah; 
Salle  du  trône,  ii  TéJiéran.  —  Le  cbevalier  d'Aclure.  Nouvelle, 
parM.  Fabred'OliTet.  (Fin.)  —La  vie  de  cbàteau.  Vingt-qualre 
Caricatures, '^zT  c\ism.  —  Bnlleiln  blblloçrapblque,  —  Annon- 
ces. —  Dock  aoltanl.  à  Marseille,  l'ne  Gravure.  —  L'an  do 
cbaDli,l>ar  Dui'icx.  —  Rébus. 


Histoire  de  la  Semaine* 

Après  les  révélations  de  la  semaine  dernière  sur  des  votes 
et  des  majorités  obtenus  aux  dernières  élections,  est  venu,  à 
l'ouverture  de  cette  semaine,  un  débat  non  moins  grave  par 
les  conséquences  logiques  du  vote  qui  l'a  clos.  La  Chambre, 
après  une  épreuve  douteuse,  a  déclaré  nulle  l'élection  de 
M.  Drault,  député  de  la  Vienne,  qui  avait  pris  par  écrit,  en- 
vers les  électeurs,  sur  certaines  questions  politiques,  des 
engagements  que  le  rapporteur  du  bureau  et  M.  le  ministre 
des  affaires  étrangères  ont  supposé  lui  avoir  été  dictés  plu- 
tôt qu'avoir  été  volontairement  acceptés  par  lui.  En  vain 
M.  Barrot  a  objecté  que  de  semblables  appréciations  du  tor 
intérieur  rappelaient  plutôt  les  procédés  de  l'inquisition  que 
ceux  d'un  gouvernement  constitutionnel,  et  que  la  tribune 
ne  devait  pas  être  convertie  en  confessionnal  ;  en  vain  quel- 
ques nouveaux  députés  se  sont  refusés  à  suivre  le  ministère 


sur  cette  pente,  une  majorité  de  17  voix  a  prononcé  l'exclu- 
sion de  l'bonorable  M.  Drault. 

Le  bureau  définitif  de  la  Cliambre  se  trouve  constitué. 
M.  Sauzet  a  été  nommé  président  par  225  suffrages  sur  537 
votants.  M.Odilon  Barrot,  que  la  gauche  et  le  centre  gauche 
lui  opposaient,  en  a  réuni  98.  Les  autres  oppositions  se  sont 
partagé  16  voix.  —  Pour  vice-présidents,  la  majorité  a  élu 
JIM.  Bignon,  Lepelletier  d'Aulnay,  Hébert  et  François  De- 
le^sert,  ces  deux  derniers,  préférés  cette  année  par  les  vain- 
queurs à  MM.  Debelleyme  et  Duprat,  qui  précédemment 
avaient  reçu  cette  distinction.  Aces  choix,  la  minorité  oppo- 
sait les  noms  de  MM.  Billault,  Georges  Lafayette,  Vivien  et 
Abbatucci.  — Les  secrétaires  sont  MM.  de  Biissière,  Oger  et 
Saglio,  ministériels,  et  Lanjuinais,  opposant,  que  la  majorité 
a  consenti  à  admettre. 

Justice  militaire.  —  Le  tableau  général  de  l'adminis- 
tration de  la  justice  militaire  en  France,  soumis  au  roi  pour 
l'année  IS4ô,  présente  les  résultats  suivants  :  Sur  334,091 


t  Vue  du  port  degl. 


hommes,  dont,  y  compris  la  garde  municipale  et  les  sapeurs- 
pompiers,  se  composait  rtlTeclif  de  l'arnit  i',  et  sur  h  sqiiels 
l'actionjudiciaire  s'est  exercise,  4,8  (8  ont  été  mis  en  jugenienl. 
De  ce  nombre  il  rautdéduirc748infoumis,cc  quiiloinc  la  pro- 
portion de  1  .'ur  8.1.— Sur  lerombre  (4,lt0),  2,!I87  ont  clé 
condamnés,  et  par  suite  le  rappoit  des  rcndsn  nations  ('ans 
l'année  à  l'effectif  soldé  est  de  1  sur  112.  Le  ntmilire  des 
eondamnalions  àdes  peines  affliclives  et  iiifanranles  (mort, 
dé tenlion.  travaux  fiinés,  réclusion)  a  été  de  4£(l.  Celui  des 
condamnations  à  des  peines  correctionnelles  (boulet,  travaux 


publics,  prison,  destitution,  amende)  a  étéde2,;ifi7.  —  Les 
peines  infamantes  (mt  été  api^liquéis  diuis  les  pro|i(irlious  de 
I  sur  "ii.'i.  — Les  peines  ci.i  rei  linniH'lIrsdans  les  proporlions 
de  1  .'^urlôO.  — Sur  !lOcoiiil;iiiiiiiili(Hi^  à  mort,  la  rltuieuce 
royale  en  a  crmnnué8S.  —  Il  n'j  a  doue  eu  que  cinq  con- 
damnalions  capitales,  savoir  :  peur  assassinat  en  France 
contre  un  Français,!  ;  ptur  neuilre  en  Algdie  (entre  in 
Fr3r(;ais,  I  ;  ]  <ur  inn^l  (3i(Jiiiali(  n  (u  Alférie,  1;  )  our  es- 
pionnage, fn  Algérie, conirc  les  Français,  2.  —  Il  résulle  de 
cet  éiienré  qu'il  n'y  a  eu  en  France,  \  our  la  juridirlicn  n  i- 


lilaire,  qu'une  seule  exéciiiiou  à  mort  pour  un  cas  que  la 
justice  ordinaire  eût  puni  du  m(''uie  supplice, — eten  Algérie, 
4  exéciilionspour  des  fails  de  discipline  doul  la  présence  de 
rcnudiiiarciidu  la  répression  extrême.  — Les  engagés  vo- 
lonlaires  ont  eu  un  prévenu  sur  27,  et  un  cdndamué  sur  33. 
—  Les  jeunes  soldais  servant  p(ur  leur  ci  nqile  ont  un  pré- 
venu sur  1(3,  et  un  condauuiésur  148. —  Les  remplaçants 
ont  eu  1  prévenu  sur  .'il,  et  1  condamné  sur  68.  —  Dans  la 
cavalerie,  il  y  a  en  1  condamné  sur  I3i  ;  dans  l'inranlerie, 
I  condamné  sur  IIIS;  dans  rarlillerie,  I  condamné  sur  104; 


Lii^LUSTHATION,  JOLftNAL  UNIVERSEL. 


dans  le  génie,  i  condamné  sur  251  ;  dans  les  balailliins  d'ou- 
vriers d'adminislriitiun  et  des  équipages  rriilKaires,  1  ciin- 
damiié  sur  123;  dans  les  C(lIll|l;l^'Ilil■s  du  vi'lrniiis,  1  rnii- 
daiiFiié  sur  177.  — Le  corps  nival  d'iiliil-iiiiijnr,  riiilcnilaini' 
militaire  et  les  élèves  des  écnlisinililaires  uoul  (■iirouiu  au- 
cune prévention.  — Dans  les  iiivaliilcs  de  la  guerre,  il  y  a 
eu  deux  CDUdauitiations.  —  Les  sapeiirs-pnnipieis  de  la  viIIiî 
de  Paris  ont  eu  -i  condamnations  sur  un  elVeclildc  (i.Tiijdui- 
nies.  —  Lafjarde  municipale  a  subi  7>  e(nMlariinali(ins  sur  un 
elîeclif  de  5,L^J8  hommes  (1  sur  1,(10(1  eiivinni).  —  Enfin  la 
Rondarmerie,  sur  un  elVeclif  de  LI.OIIO  ollieiers,  sous-ofli- 
ciers  et  gendarmes,  n'a  eu  qu'un  seul  prévenu  et  une  seule 
condamnation. 

Taïti.  —  Une  revue  liimensuelle  qui  passe  pour  être  pro- 
tégée par  le  rninisiére,  des  alïaircs  ('■trangèrcs  et  pour  rece- 
Toir  quelques  oinununiealiiins  de  l'audiassadeur  de  France 
à  Londres,  le  l'arlefmiUf  a  pnh'ié  sur  les  affaires  de  Taïti 
une  note  qui  peut  servir  à  expliquer  à  la  suite  de  quelles 
déterminations  nouvelles  le  gouverneur  Bruat  a  renoncé  à 
poursuivre  l'obtentiiin  d'une  réparation  légitime  et  s'est  dé- 
cidé à  i:i|.i"'ler  la  InVate  l'fm«/V  ; 

«Non,  ni'  piV'ii'n  Iniis  pa.s  i-\|insei-  ici  la  politique  du  cabi- 
net, ni  aiiiK  i|ii  r  si.r  lis  i\|ilii  aliiins  que  M.  le  ministre  des 
alTaii'es  élianf^éies  ddit  présc'nler  sans  doute  h  la  tribune  : 
i"  sur  les  ordres  envoyés  à  Taili;  2"  sur  les  actes  actuelle- 
ment consommés  'dans  les  lies  de  la  Société  ;  3°  sur  la  cor- 
respondance échangée,  à  ce  sujet,  avec  un  goiiverneinent  al- 
lié. Nous  voulons  apprécier  seulement  ces  trois  ordres  de 
faits  qui  ont  amené  un  résultat  évident  et  très- facile  à  re- 
connaître, dès  que  l'on  observe  l'attitude  du  fjouverneur 
Bruat,  les  dispositions  actuelles  de  Potnaré-Valuné,  les  or- 
dres donnés  au  commandant  de  VUranie  de  se  rendre  de 
Hiiabiné  à  Taïti.  Nous  sommes  arrivés  enlin  à  la  solution  de 
l'affaire  de  Taïti. 

«  La  question,  pour  le  gouvernement,  était  ou  de  mainte- 
nir l'état  de  choses  actuel,  et  on  en  voit  les  conséquences 
dans  la  dernière  affaire  de  Huahiné,  ou  de  se  décider  à  l'é- 
vacuation de  Taïti,  ou  de  limiter  le  protectorat  à  une  partie 
de  l'archipel.  C'est  à  ce  parti  que  le  gouvernement  a  dû  s'ar- 
rêter. 

«  M.  le  ministre  des  affaires  étrangères  a  échangé,  depuis 
i84S,  avec  le  ministre  anglais  comte  d'Aberdecn,  une  série 
de  notes  annonçant  la  résolution  adoplre  par  le  ;;ouverne- 
ment  du  roi  d'affermir  et  de  mainlenii-  le  |iiii|ei  lorat  de  la 
France  en  le  limitant,  et  de  regarder  ainsi  (  cinime  en  de- 
hors du  protectorat,  les  îles  sur  lesquelles  la  souveraineté  de 
Pomaré  était  restée  douteuse,  à  savoir  Huahiné,  d'où  le  gou- 
verneur Brual  a  déjà  rappelé  la  frégate  ['Uranie,  Bora-Bora, 
Uaïatea  et  Maupiti. 

«Le  ministre  des  affaires  étrangères  de  France  déclara 
au  nànistre  d'Angleterre  qu'en  transmettant  ces  instructions 
précises  à  ses  agents,  il  devait  être  entendu  que  l'indépen- 
dance de  la  partie  de  l'archipel  non  soumise  au  protectorat 
de  la  France  devait  être  entière  ;  que,  par  aucune  conven- 
tion, ces  îles  ne  pourraient  être  soumises  à  une  autre  puis- 
sance maritime,  et  cette  hase  dut  être  établie  préalablement, 
avec  d'autant  plus  de  raison  que  le  protectorat  des  îles  si- 
tuées à  quarante-cinq  lieues  de  Taïti,  telles  que  Hualiiné, 
avait  été  offert  par  les  chefs  au  commandant  des  stations 
navales  anglaises  dans  la  mer  du  Sud. 

(I  Le  cabinet  britannique  répondit  à  cette  notilication  du 
cabinet  français  en  annonçant  sa  ferme  intention  de  mainte- 
nir dans  l'Archipel  la  politique  qui  l'avait  déjà  guidé  lors- 
qu'il refusa  le  proteclorat  des  îles  Sandwich.  Il  se  trouva 
donc,  sur  tous  ces  points,  parfaitement  d'accord  avec  le  gou- 
vernement français,  etil  fut  convenu,  en  outre,  que  le  gou- 
vernement britannique  retirerait  délinilivernent  son  pavillon 
de  guerre  des  possessions  soumises  à  notre  protectorat. 

«L'affaire  de  Taïti  ainsi  réglée  et  rétablie  d'après  les  pre- 
miers traités,  les  instructions  reçues  par  les  agents  des  deux 
nations  devaient  modifier  leur  con'dnite,  et  c'est,  selon  nous, 
à  ce  fait  qu'il  faut  attribuer  le  changement  survenu  dans 
l'ordre  de  choses  régnant  jusque-là  à  Taïti,  et  c'est  ainsi 
qu'on  peut  dire  des  deux  gouvernements,  que  moins  que  ja- 
mais ils  se  sont  laissé  entraîner  à  SMÙHer  [a  grande  politique 
à  la  petite.  L'affaire  de  Taïti  est  terminée,  ou  du  moms  nous 
disons  qu'elle  l'est  diplomatiquement.  » 

DiÉGo-SuAREï.  —  Des  lettres  de  Bourbon,  du  mois  de 
mai,  avaient  annoncé  que  le  gouverneur  de  cette  colonie  ve- 
nait d'être  informé  du  projet  d'une  entreprise  par  les  An- 
glais sur  Madagascar,  et  que  l'amiral  Bazoche  avait  envoyé 
la  gabare  \a.  Zélée  pour  surveiller  les  mouvements  de  la  ma- 
rine anglaise.  Par  le  dernier  courrier  de  l'Inde,  une  des  plus 
notables  maisons  françaises  de  Pondichéry  écrit,  à  la  date  du 
8  juillet,  qu'on  venait  d'y  recevoir,  de  Bourbon,  la  nouvelle 
do  l'occupation  de  la  baie  de  Diégo-Suarez  par  les  Anglais. 
Le  gouvernement  ne  peut  tarder  à  démentir  ou  à  confirmer 
celte  nouvelle. 

Les  ndriistères  de  la  marine  et  des  affaires  étrangères  re- 
gorgent de  documents  précieux  sur  l'ile  de  Mad.ii^ascar  et  sur 
riniportance  qu'il  y  aurait  eu  pour  le  ((Minneive  lraiM;,ais  de 
Bourbon  et  des  cèles  orientales  (rAhiiiiie,  ilelidilii'  depuis 
longteMips  m\  comptoir  français  dans  la  baie  de  Diégo-Sua- 
rez,  sitn'''e  à  l'exiréniiié  nord  de  l'Ile.  11  ya  peu  d'années  que 

des  néi;(H'ianls  lio ailles  de  lionihon,  s'unis.santà  des  mai- 

los  principaux  ports  d(\  !'(_)- 
m  (lu  goiivernenientet  avec 
ipii  avail  pour  lint  piiiiei- 
leuls  eoloiiiaiix  à  la  haie  ,1e 
f;ne   de    lialea 


lulnrent,  sous  la  piol 

l'ours,  lormi'r  une  soi 

Miller  quelques  établi 

ez,  I 


sons  de 
céan,  V 
son  cou 
pal  <le  f 

l)iégo-Siiaii'Z,'etd'élalil 
qui,  parlant  de  It'ini'liiiii, 
Mada.^asear,  nolannuent: 
à  la  cole  (le.  Zanzibar,  et  sérail  ee 
(|u'à  1111  lien  non  eneore,  déliiiiln 
(jelle  i-onip:if'iiie  seinhlail  a|i|i 
les  éléioeuls  moraux  l'I  matériel; 
étaient  des  hommes  qui  avaient  p 
oh  connaissaienl    les   ressources 


'ail  loi 
olalili; 


é         ih       r  ''     '*''"''"' 

ineiils.IrUiégo-Suarez, 
dans  la  mer  Kouge  jus- 
iil  ili'signé. 

■  dans  SCS  projets  tous 

succès.  Ses  l'ondateurs 

uni,  l'-tudié  le  pays,i|iii 

ne  halançaiiMit  pas  à 


y  consacrer  la  majeure  partie  de  leur  fortune-  C'était  une 
œuvre  inûrie,  réiiéehie,  d'un  avenir  cerlain.  On  ne  sait 
quelles  lurent  les  iilijeclions  que  je  gouvernement  souleva 
ciinlie  la  loiinalion  de  celte  société  et  si  le  gouvernement 
anglais,  apies  en  avoii'  eu  connaissance,  n'a  pas  employé 
contre  elle  la  voie  de  la  diplonialie.  Toujours  est-il  que  l'es 
lii'goeialeurs  du  coninieiee  île  liiinrbon  et  des  maisons  de 
Bordeaux  et  de  Nantes,  l'alignés  des  lenleurs  qu'on  leur  o[)- 
posait,  se  ictirèrent  et  remirent  à  un  jour  plus  heureux  l'exé- 
cution de  leur  projet. 

S'il  est  vrai  que  les  Anglais  se  soient  établis  à  la  baie  de 
Diégo-Suarez,  ils  n'annnil  lail  que  réaliser  le  projet  depuis 
longtemps  élaboré  par  les  ih-ih  iants  de  Bourbon.  La  baie  de 
Diégo-Suarez  est  le  plus  beau  umuil^ge  de  l'île  de  Madagas- 
car ,  sa  situation  est  des  plus  heureuses:  elle  commande  en 
quelque  sorte  le  commerce  de'Zanzibar,  du  Zanguébar  jus- 
qu'à la  mer  Rouge  et  complétera,  pour  les  Anglais,  leur 
vaste  plan  commercial  dans  les  mers  de  l'Inde. 

Etats-Unis.  —  On  a  reçu  des  nouvelles  de  New-York  en 
date  du  IG  août.  Des  négociations  sontengagées  entre  legou- 
vernement  des  États-Unis  et  celui  du  Mexique  pour  la  con- 
clusion de  la  paix.  C'est  sans  doute  aux  offres  de  médiation 
faites  par  l'Angleterre  qu'il  faut  attribuer  cette  nouvelle  di- 
rection donnée  à  la  polilique  des  Elats-Unis,  car  c'est  du 
président  de  l'Union  que  sont  venues  les  premières  proposi- 
tions faites  au  Mexique.  Le  président  avait  demandé  à  la 
chambre  des  représentants  un  crédit  de  2  millions  de  dollars 
(10  millions  de  francs)  dans  la  prévision  d'une  indemnité  à 
payer  au  Mexique.  La  Chambre  a  voté  le  crédit;  avec  cet 
amendement  important  que  l'esclavage  ne  serait  jamais 
établi  sur  le  territoire  qui  pourrait  être  acheté  au  Mexique 
avec  cette  somme.  Le  bill  passa  ensuite  au  sénat ,  pré- 
cisément le  jour  lixé  pour  la  clôture  du  congrès. 

Grande-Bretagne.  —  Après  la  plus  longue  session  qui 
ait  été  tenue  depuis  un  demi-siècle  (219jours  et  18b  séances), 
le  parlement  a  été  prorogé  du  28  août  au  4  novembre.  La 
prorogation  a  eu  lieu  par  commissaires. 

Le  Standard  avertit  les  électeurs  qu'ils  doivent  se  tenu- 
prêts  pour  une  dissolution,  inévitable  selon  lui. 

Irlande.  —  Dans  la  dernière  séance  de  l'association, 
M.  O'Connell  a  prononcé  un  discours  dont  voici  les  passages 
principaux  : 

«  Les  jeunes  Irlandais  ont  déclaré  qu'ils  useraient  d'abord 
de  la  force  morale,  et  que,  en  cas  d'insuffisance,  ils  recour- 
raient à  d'autres  moyens.  Eli  bien  !  ces  moyens,  je  le  déclare, 
ne  sont  autre  chose  qu'un  crime  de  haute  trahison,  et  si 
l'association  les  eût  adoptés,  moi  et  mes  amis  nous  n'au- 
rions pas  été  poursuivis  comme  coupables  de  conspiration, 
mais  comme  coupables  de  haute  trahison,  et,  avec  l'aide  du 
journal /a  jVohoK,  nous  aurions  été  convaincus,  et  en  défini- 
tive nous  aurions  porté  nos  têtes  sur  l'échafaud. 

«Jamais  la  position  de  l'Irlande  n'a  été  plus  favorable,  car 
tous  les  partis  veulent  venir  à  son  secours.  Deux  bills  ont  été 
adojités  pour  améliorer  la  position  des  tenanciers.  Comment 
donc  ne  soutiendrais-je  pas  les  hommes  qui  ont  présenté  un 
pareil  bill  et  qui  ont  voté  .'id.OOO  livres  sterling  jiour  soula- 
ger la  (leliesse  du  peuple  irlandais  1  Cette  somme  n'est  sans 
doute  pas  Irès-eonsiderable,  mais  n'oubliez  pas  qu'un  autre 
bill  a  été  adopté  dans  le  but  de  procurer  du  travail  au  peuple. 
Je  soutiendrai  tout  gouvernement  qui  adoptera  de  bonnes 
mesures  pour  l'Irlande,  sans  cesser  jjour  cela  de  demander 
le  rétablissement  du  parlement  irlandais.  » 

Inde.  —  La  malle  directe  de  Calcutta  du  mois  de  juillet 
apporte  quelques  détails  intéressants  sur  la  reddition  de  la 
forteresse  de  Kote-Kangra,  et  sur  la  situation  actuelle  du 
royaume  de  Lahore.  Il  paraît  que  le  commandant  de  ce  fort 
de  Kangra  avait  tout  fait  pour  gagner  du  temps,  en  traînant 
en  longueur  les  négociations  avec  le  délégué  de  la  cour  de 
Lahore.  Il  voulait  ainsi  atteindre  la  saison  des  pluies  qui 
aurait  rendu  impossible  toute  opération  directe  contre  la  for- 
teresse. 

Le  résident  anglais,  Lawrence,  et  le  brigadier  Wbeeler 
s'élant  aperçus  que,  s'ils  attendaient  seulement  huit  ou  dix 
jours,  les  opérations  du  siège  deviendraient  impraticables, 
n'ont  rien  épargné  pour  réduire  le  fort  avant  le  terme  fatal. 
Us  firent  arriver  en  toute  hâte  des  pièces  d'artillerie,  qui 
ont  eu  quarante-deux  milles  à  franchir  pour  atteindre  les 
hauteurs  environnant  le  fort.  Le  convoi,  suivant  le  bord  de 
la  rivière  Gadj,  espèce  de  torrent  très-rapide,  d'environ 
quatre  pieds  de  profondeur,  a  été  obligé,  dans  les  deux  der- 
niers jours  de  sa  marche,  de  la  traverset  vingt-cinq  fois  le 
premier  jour  et  vingt  et  une  fois  le  jour  suivant. 

Enfin,  en  sept  jours,  toutes  les  difficultés  ont  été  surmon- 
tées avec  l'aide  d'environ  quinze  cents  travailleurs  civils; 
les  pièces  ont  été  montées  sur  les  hauteurs,  et  le  l'eu  allait 
commencer,  lorsque  le  commandant  du  fort  demanda  à  ca- 
nitiiler.  Le  major  Lawrence  exigea  qiie  la  garnison  se  rendît 
a  discrétion,  et  elle  est  sortie  avec  bagages,  mais  sans  armes. 

On  a  trouvé  dans  le  fort,  dont  la  garnison  consistait  en  i 
ou  500  hommes,  neul  pièces  d'artillerie,  dmil  la  plus  loile 
est  un  canon  de  six,  et  une  somme  de  soixaiilr  a  siexaiile- 
dix  mille  roupies.  Après  la  reddition  de  Kaii;jra,  le  {m  im  de 


Kotela  se  remlil  ; 
forte  :  c'est 
puis  la  base. 


iilli 


Ou  ilil  erlle  de 


de     llrf, 


111   h 


i.oliee  il  niie|irlileeilailelle  ,\r  fM  pieds 
carres,  niaecesMhle  de  trois  coli's,  el  eoiiiiiiiiniqnaut  par  le 
quali  lime  a\rr  la  \ille  du  même  nom,  au  moyen  d'un  sentier 
lelleoieiii  ese  d  |H',  i|u'oii  ne  peut  pas  le  gravir  à  cheval. 

Ainsi  se  tiuiue  complétée  rocciipalion  britannique  du 
nouveau  territoire  cédé  à  la  compagnie  par  la  cour  de 
Lahore. 

Chine.  —  Les  nouvelles  de  Chine  vont  jusqu'au  2t  juin. 
A  cette  époque,  les  lies  Cliusan  n'i'taieiit  paseiieoie  restiiuées 
aux  Chinois,  nialijii'  la  slipulalioii  loinielle  du  traité  de  Nan- 
kin, qui  avait  lise  ei'lle  reslitiilinn  au  payeuieul  de  la  der- 
nière partie  de  la  eontribution  de  guerre.  A  Koiit  elmu-Koii, 
après  une  éeliaulToini'e  dont  l'équipage  du  navire  anglais  Iv 
Di'ilalus,  a  été  la  cause  première,  les  domestiques  chinois 


avaient  averti  leurs  maîtres  européens  que  la  population  chi- 
noise préparait  une  attaque  contre  leurs  maisons. 

Tous  les  résidents  européens  se  relirèrtnt  alors  à  bord  des 
navires-dépots  slalionnant  dans  la  rivière.  Après  ce  départ, 
la  population  chinoise  pilla  les  maisons;  un  marchand  an- 
glais se  sauva  par  les  toits.  Les  navires  marchands  voulurent 
s'approcher  de  la  ville  pour  porter  secours  aux  marchands 
étrangers.  Mais  les  autorités  chinoises  supplièrent  le  consul 
de  tenir  les  navires  élo!gnés,parce  que,  disaient-elles,  il  leur 
serait  impossible  de  contenir  le  peuple;  le  consul  britannique 
se  rendit  à  cette  demande,  mais  on  pense  que  le  gouverne- 
ment anglais  demandera  une  indemnité  pour  les  violences 
commises. 

Grèce.  —  L'opposition  compte  sur  le  nouveau  cabinet  an- 
glais pour  ressaisir  le  pouvoir.  .Mille  bruits  circulent  au  sujet 
d'intentions  attribuées  à  lord  Palmerston.  Nous  ne  sommes 
point  trop  disposés  à  croire  à  la  modération  du  noble  vicomte, 
mais  la  violence  lui  a  réus.si  assez  mal  pour  qu'on  doive  dou- 
ter qu'il  rentre  incontinent  dans  la  même  voie.  De  toutes  les 
nouvelles  qui  nous  viennent  aujourd'hui  de  la  Grèce,  deux 
seulement  sont  certaines.  Le  minisière  Colelti  a  triomphé 
des  violences  de  l'opposition,  et  le  nom  de  la  France  est  béni 
par  les  Hellènes.  En  effet,  tandis  que  l'Angleterre  el  la  Rus- 
sie exigent  impérieusement  le  payement  de  1  inlérêl  de  l'em- 
prunt garanti  par  les  trois  puissances  prolectrices,  la  France 
a  consenti  à  laisser  un  million  à  la  disposition  du  gouverne- 
ment grec  pour  être  employé  en  travaux  publics. 

Portugal.  —  Les  troupes  espagnoles  s'étant  mises  en 
mouvement  pour  se  retirer  des  frontières  du  Portugal,  l'esca- 
dre anglaise  qui  était  dans  le  Tage  a  repris  la  mer  ne  laissant 
dans  le  port  que  deux  bâtiments. 

Espagne.  —  Nos  feuilles  officielles  françaises,  de  peur  de 
porter  ombrage  à  la  jalousie  anglaise  ou  aux  susceptibilités 
espagnoles,  parlent  peu  des  projets  de  mariage  de  la  reine 
Isabelle.  Néanmoins,  le  Journal  des  Débals  a  imprimé  ces 
jours-ci  :  «  Les  journaux  de  Madrid,  depuis  quelques  jours, 
s'occupent  exclusivement  de  la  question  du  mariage  de  la 
reine.  Le  Titmpo  annonce ,  à  la  date  du  26  août,  que  le  cabi- 
net s'est  prononcé  pour  l'infant  don  François  d'Assises,  lils 
aine  de  l'infant  don  François  de  Paul,  qui  se  trouve  en  ce 
moment  à  Madrid,  et  que  ce  choix  a  été  accueilli  avec  grande 
faveur  par  l'opinion  publique.  Le  même  journal  assure  que 
cette  question  sera  résolue  dans  un  bref  délai,  et  que  dans  ce 
cas  le  gouvernement  convoquerait  immédiatement  les  corlès 
pour  leur  donner  connaissance  de  ce  mariage  et  obtenir  leur 
adhésion.  » 

La  feuille  ministérielle  se  tait  sur  la  répugnance  que  l'on 
attribue  à  la  jeune  reine  pour  cette  union,  et  sur  les  consé- 
quences effrayantes  pour  la  succession  en  ligne  directe  que 
la  chronique  espagnole  croit  pouvoir  tirer  de  la  voix  criarde 
et  inquiétante  de  M.  le  duc  de  Cadix. 

Etats  pontificaux.  —  Une  nouvelle  que  l'on  donnait 
comme  positive  à  Home,  c'est  que  le  roi  de  Sardaigne  aurait 
écrit  au  pape  une  lettre  très-fiatteuse,  dans  laquelle  Charles- 
Albert  félicite  Pie  IX  de  l'amnistie  qu'il  a  donnée  et  des 
institution.s  qu'il  a  promises  à  ses  Etals.  Cette  démarche  du 
roi  de  Sardaigne,  dit-on,  a  inspiré  du  courage  au  cardinal 
Gizzi,  secrétaire  d'Etat;  aussi  a-t-il  envoyé  une  note  au  roi 
de  Naples;  elle  contient  des  plaintes  sur  les  intentions  hos- 
tiles que  le  gouvernement  napolitain  montre  contre  la  cour 
de  Rome. 

Prusse.  —  On  sait  qu'en  matière  de  duels  les  officiers 
prussiens  sont  pris  entre  les  deux  alternatives  d'un  singulier 
dilemme.  La  loi  pénale  les  punit  delà  réclusion  dans  une  forte- 
resse s'ils  acceptent  le  défi,  et  la  cour  d'honneur  les  condamne 
à  la  perte  de  leur  grade  et  souvent  à  l'expulsion  s'ils  refusent. 
La  Gazette  d'Aix-la- Chapelle  rapporte  à  ce  sujet  un  juge- 
ment étrange  d'une  cour  d'honneur. 

Un  lieutenant  d'artillerie  s'était  chargé  de  transmedre  à 
un  autre  officier  une  lettre  d'un  de  ses  amis,  qui  se  plaignait 
de  certains  propos  tenus  sur  le  compte  d'une  dame.  L'officier 
auquel  la  lettre  était  adressée  se  crut  offensé  et  demanda  sa- 
tisfaction à  l'auteur  de  la  lettre,  qui  refusa.  Il  provoqiia  alors 
le  lieutenant  d'artillerie,  qui  relusa  de  même.  L'affaire  fut 
portée  devant  la  cour  d'honneur,  laquelle  rendit  le  remar- 
quable arrêt  que  voici  : 

«  Attendu  que  le  lieutenant  A a  refusé  un  cartel  en 

déclarant  que  le  duel  est  un  préjugé  de  caste  ;  qu'en  agissant 
ainsi,  il  a  manqué  de  respect  à  ce  qui  doit  être  la  base  des 
armées,  l'honneur  militaire  ;  que  vu  son  caractère  ferme,  son 
excellente  éducation,  sa  remarquable  instruction,  sa  bonne 
et  morale  conduite,  il  n'a  pas  agi  ainsi  par  manque  de  dignité, 
mais  par  goût  pour  les  idées  du  jour,  qu'il  croit  justes  ; 

«  Attendu  ses  relations  avec  les  communistes;  attendu  que 
les  communistes  veulentle renversement  de  l'ordre  des  cho- 
ses établi  (nous  voilà  bien  loin  du  duel)  : 

«  Attendu  que  le  communisme  est  contraire  aux  idées  du 
roi,  auquel  le  lieutenant  A...  a  juré  fidélité; 

«  Le  condamne,  à  27  voix  contre  5,  à  la  perte  de  son  grade 
et  de  son  rang  d'officier.  » 

Prix  hécphnés  par  l'Acahéhiie  française. —  L'Acadé- 
mie a  arrêté  ainsi  qu'il  suit  les  prix  (lu'elle  décernera  dans 
sa  séance  |)ublii|ue  annuelle.  Le  prix  d'éloquence  (éloge  de 
Tuigol)  a  elo  donné,  à  riiuaniniile  des  voix,  à  un  travail  très- 
reinai(|uable  de  M.  Henri  Baiidi  illait,  déjà  distingué  par  l'A- 
cadémie dans  leeiiiieourssur  Vollaire.S'ur  le  prixMonthvon, 
destiné  à  récompenser  les  ouvrages  utiles  aux  mœurs,  trois 
médailles  de  ô,0ll()  fr.  chacune,  soûl  accordées  M'a  madame 
Agénor  de  Gasparin,  poursa  liroelmre  ■  Il  y  a  des pautrrs  à 
l'aris-.-l'  à  madeinoiselle  Carpenlier,  Youncf. Salles  d'asile: 
3»  à  Jl.  Maiboau,  pour  ses  (.'mhrs.  Ensuite,  deux  médailles 
de  2,000  Ir.  tliaeune,  sont  accordées  à  deux  ouvrages  lillé- 
raires  distingués  par  l'Académie  :  Kludes  sur  la  fie  el  les 
ournKifS  de  la  Hortie.  par  LéonFeugère;  2"  i\"oiit:eai(ji- e,ç- 
sais  lilléi-dires.  par  M.  Gériisez. 

L'Académie  avail  proposé  en  ISlt,  pour  sujet  d'un  prix 
extraordinaire  de  liltéraliire  à  décerner  eu  I8t(i,  un  l'ocn- 
liulaire  desprinrijkdes  locutions  deMoliire.  Onze  conciirrenls 


LULUSTllATION,  JOURNAL  UNîVEUSEL. 


se  sont  disputé  ce  prix,  que  l'Académie  vient  de  partager  ex 
(equo,  dans  l'une  de  ses  dernières  séances,  entre  l'ouvrage 
n"  5,  dont  l'auteur  est  M.  Francis  Guessard,  ancien  élève  lie 
l'école  des  chai  les,  et  l'ouvrage  n"  10,  dont  l'auteur  estiM.  K. 
Gcnin,  prolesseur  à  la-faculté  des  lettres  de  Strasbourg.  L'A- 
cadémie a  accordé  en  outre  des  mentions  honorables  aux  mé- 
moires n"  1 1  et  n°  8. 

Monnaie  des  méuaiiies.  —  On  frappe  en  ce  momonl  à 
riiôtel  des  Monnaies  une  médaille  assez  ctuieuse.  La  face  re- 
présente deux  images  allégoriques,  liguranl  l'Abondance  ver- 
sant ses  trésors  dans  les  coffrts  de  la  France.  L'in-criplion 
porte  :  CréJ il  public  rétabli.  Sin-  le  revers,  on  lil  ces  mots 
dans  une  couronne  ;  Bourse  de  Parts,  cniirs  ries  fonds  publics 
consolidés.  18IG  :  S  0|0  tiO  francs.  J8.i(i  ; ."!  0|0  120  FU.tNCS. 
Désastres.  —  On  écrit  de  Livourne,  le  -îi  août  : 
«  Depuis  hier  les  secousses  ont  complètement  cessé.  La 
population  se  remet  peu  à  peu  de  son  épouvante.  Les  rap- 
ports arrivés  de  tous  les  points  où  le  tremblement  avait  occa- 
sionné des  sinistres  portent  le  nombre  des  morts  à  "0  et  celui 
des  blessés  à  18t).  Par  suite  de  l'écroulement  ou  de  l'ébran- 
lement des  maisons  qui  les  rend  inhabitables,  plus  de  4,000 
personnes  se  trouvent  sans  abri.n 
—  On  écrit  de  Trieste  (.\ulriche),  le  l">  août  : 
«  Les  dernièies  lettres  de  Jérusalem  annoncent  que  toute 
la  Palestine  est  en  proie  aux  horreurs  de  la  famine  qui  a  été 
causée  par  le  tarissement  des  fleuves  et  des  ruisseaux.  A  Sa- 
fet,  beaucoup  de  personnes  déjà  avaient  péri  faute  de  nour- 
riture. » 

Nécrologie.  —  A  peine  réunie,  la  chambre  nouvelle  a 
déjà  perdu  un  de  ses  membres,  et  un  des  plus  jeunes,  M.Fré- 
déric Porlalis,  député  de  Toulon  et  conseiller  à  la  cour  royale 
de  Paris. 


JlallP8  et  .VInrclire. 

•I"  HAri'OUT  SI  R  LES  MARCHÉS  PIBLICS  EN  ANGLETERRE,  EN 
BELGIQIE,  EN  HOLLANDE  ET  EN  ALLF.3IAGNE.  —  2"  EXA- 
MEN CRITIQLE  DL:  PROJET  d'.4GR.O.DISSEMENT  ET  DE  C0.\- 
STRICTION  DES  HALLES  CENTRALES  D'APPROVISIONNEMENT 
POIR  LA  VILLE  DE  PARIS.  —  NOUVELLES  OBSERVATIONS 
SIR   CE   PROJET,    PAR  M.  HECTOR  HOREAl',   ARCHITECTE. 

Le  projet  de  ccmsiruclion  des  halles  centrales  de  Paris,  dont 
nous  avons  déjà  entrelenu  nos  lecteurs,  a  donné  lieu  à  des 
travaux  et  à  des  publiralions  intéressantes.  Nous  avons  déjà 
parlé  de  l'ouvrage  dans  leipirl  M.  Me\nadier,a  exposé  ses 
idées  sur  ce  sujet.  Aujourdlini.  il  hhus  r.'-le  à  rendre  compte 
des  derniers  rapports  iniprini's  pu  liniiinuislration,  et  des 
observations  publiées  par  M.  Iliiinr  linnMu,  architecte,  dont 
nous  sommes  si'irs  de  rencontrer  les  travaux  désintéressés, 
sitôt  qu'il  s'agit  d'une  question  d'utilité  publique  ou  d'em- 
bellissemenl  pour  la  capitale. 

La  principale  donnée  du  projet  de  l'administration  a  été 
évidemment  de  rectifier,  d'améliorer  et  de  compléter  l'état 
des  choses  actuel,  en  conservant  aulant  que  possible  ce  qui 
existe,  en  utilisant  les  terrains  déjà  occupés  par  les  halles.  Le 
|)rojel  de  Jl.  Horeau  est  beaucoup  plus  hardi.  Il  abandonne 
l'emplacement  séculaire  des  maicliés,  les  transporte  aux  bords 
de  la  Seine,  sur  le  quai  de  la  M^si-serie,  échelonne  leurs 
vastes  hangars  le  long  de  la  place  du  Cliàlelet,  qu'il  aurandit, 
et  les  instal'e  sur  une  vasie  superllcie  de  (i.3,000  mètres,  tra- 
versée au  milieu  pai-  lo  prolongement  de  la  rue  de  Itivoli. 

Ce  plan  est  cirlainemenl  liacé  avec  hardiesse  et  dans  des 
proportions  qui  hapiieiil  au  premier  coup  d'œil  par  leur  ne|- 
leté  et  la  régularité  il.;  leur  ensendile.  Dans  la  brochure  dont 
nou<  nous  occupons,  M.  Horeau  s'attache  à  jusiilicr  ces  dis- 
positions. Il  a  voulu  do(Hier  aux  halles  des  abords  l'aiiles, 
des  voies  d'anivaye  droites  cl  nombreuses,  un  espace  large- 
ment a-'ré.  Il  Hpuilre,  par  une  rjijiiile  revue  des  manliés 
établis  dans  les  principales  villes  de  l'I-'urope  continentale, 
que  l'on  a  toujours  profité,  autant  que  postible,  de  la  imixi- 
milé  des  voies  lluviales,  et  c'est  daAs  le  même  but  qu'il  place 
les  balles  sur  les  quais  de  la  Seine. 

Mais  la  question  des  arrivages  n'est  pas  la  seule  qu'il  faille 
prendre  en  considération.  Le  mouvement  du  commerce,  les 
habitudes  de  la  population  doivent  être  également  exami- 
nés; on  ne  peut  les  interrompre  sans  dommage,  lorsqu'elles 
sont  consacrées  par  l'intervalle  des  siècles.  C'est  sur  la  pierre 
<||i  Pont-Alais,  à  l'entrée  de  la  rue  Montmartre,  cette  pierre 
sous  laquelle  la  légende  avait  enterré  l'homme  qui  inventa  le 
premier  impôt  de  consommation,  que  s'est  tenu  le  marché 
aux  poissons  depuis  que  Paris  cxisic. 

La  vengeance  pr.pulaire  qui  se  plaisait  ù  fouler  aux  pieds 
et  i  couvrir  de  la  boue  du  ruis.-eau  celte  pierre  sépulcraîe, 
symbole  d'exactions  passées,  ne  l'a  pas  vu  enlever  sans  re- 
gret en  1710  Aujourd'hui,  les  traditions  .sont  effacées,  mais 
les  habitudes  subsistent.  Le  cours  du  commerce  des  halles 
coule  toujours  dans  le  mèuie  lit  depuis  six  cents  ans.  Les  vieux 
piliers,  derrière  lesquels  s'entassc-ut  tant  de  trafics  populai- 
res, en  sont  l'iucvitahle  afllueut.  La  force  des  choses  et  des 
années  a  tout  combiné  peu  à  peu  dans  la  même  direction  et 
pour  les  mêmes  besoins.  Habitations,  population,  industries 
diverses,  tout  est  eu  harinouie  dans  ce  quartier  des  halles. 
Faut-il  rompre  tout  à  coup  cet  ensemble  séculaire,  arracher 
les  marchés  à  leur  antique  emplacement  de  la  Pointe-Saint- 
Euslache,  pour  les  Iransporler  sur  un  sol  nouveau,  sur  les 
quais  de  la  Seine? 

Sans  doute,  si  Paris  enlier  ëlail  à  construire,  il  vaudrait 
beaucoup  mieux  ne  pas  placer  les  halles  au  lieu  qu'elles  oc- 
cupent; mais  la  ville  tout  entière  s'est  formée  peu  à  peu  de 
foucbes  successives, et,  ponrainsidire.  O'alluvions  super|to- 
sécs  qui  sont  moulées  les  unes  sur  les  auties.  Tout  est  régu- 
lier dans  celle  apparente  irrégularité.  Fnlever  une  partie, 
c'est  souvent  lieulir  et  désorganiser  tout  le  reste.  Aussi,  il 
pe  s'agirait  pas  seulement  de  déplacer  les  balles,  il  s'agirait 
aussi  de  déplacer  loule  une  populalion.  de  déplacer  tout  un 
quartier,  qui  en  forment  le  corlége  obligé.  Faut-il  lesinsUd- 


1er  sur  le  quai,  à  dent  pas  du  Louvre,  lorsqu'on  a  déjà  dé- 
pensé tant  de  temps  et  d'argent  pour  en  débarrasser  à  peu 
prés  la  place  du  Chàlelet?  IiidépenJamment  du  malaise  gé- 
néral qui  résulterait  pendant  longtemps  pour  ces  petits  com- 
merces et  la  population  nombreuse  qu'ils  alimentent,  de  ce 
déplacement  coûteux  et  pénible,  n'y  pourrait-on  voir  encore 
d'autres  inconvfnienL<,  celui,  par  exemple,  de  croiser  une 
ligne  continue  de  circulation  générale,  comme  celle  des  quais, 
par  le  mouvement  spécial,  et  je  dirais  presque  station  nuire, 
qui  est  appelé  à  desservir  les  halles? 

Ces  observations  sur  l'iiinuence  des  dispositions  prises  dès 
l'origine  par  la  popidalion,  et  la  tornialion  successive  de 
la  cité,  paraissent  conlirmées  par  les  détails  curieux  contenus 
dans  l'ouvrage  dont  il  nous  resie  à  rendre  compte.  C'est  l'in- 
téressant rapport  de  la  commission  spéciale  qui  a  été  déléguée 
par  l'adminislralion  pour  visiter  les  marchés  des  capitales 
voi-ines. 

La  seule  ville  d'Europe  que  son  étendue  et  l'importance  de 
sa  populalion  puisse  assimiler  à  Paris,  c'est  Londres.  Eh  bien! 
on  remarque  dans  celte  ville  immense  la  même  disposition 
qu'à  Paris.  C'est  au  centre  de  la  vieille  cité,  dans  le  quartier 
populeux,  que  sont  situés  les  marchés  les  plus  considérables, 
ceux  (pidu  peut  appeler  les  halles.  D'autres  sont  espacés  dans 
les  dilVi'ii'iils  (piartiers,  comme  le  sont  à  Paris  le  marché  des 
Jacobiii.sSaiiit-llonoré,  le  marché  Saint-Germain,  le  marché 
de  la  Madeltine,  de  la  Vallée,  etc.;  et,  lorsqu'à  Londres,  on 
a  voulu  déplacer  un  des  marchés  du  centre,  le  commerce  a 
souffert,  le  nouveau  marché  est  resté  languissant.  La  môme 
cause  produirait  sans  doute  ici  les  mêmes  effets. 

Les  marchés  de  la  cité  de  Londres  sont  au  nombre  de  six  : 
.\eii';iate,  Leadenhall,  Billingsijate ,  Farringdon,  Smitli/ield 
et  Honexj-Lane. 

Xewgate  est  le  principal  marché  à  la  viande.  C'est  là  qu'on 
trouve  l'immense  approvisionnement  de  Londres,  et  c'est  un 
coup  d'œil  effrayant  et  saisissant  à  la  fois  que  cet  amas 
énorme  de  viande  fraîche  et  sanglante,  que,  comme  un  ogre 
affamé,  la  capitale  anglaise  dévore  en  un  jour.  Les  yeux  pari- 
siens ne  sont  point  habitués  à  rencontrer  un  semblable  spec- 
tacle. Mais  ce  qu'ils  rencontrent  encore  moins  à  Paris,  Dieu 
merci  !  c'est  le  hideux  aspect  des  tueries  qui  encoinbient  les 
aboi'ds  du  marché.  Quand  on  s'est  introduit  par  hasard  dans 
ces  kmes,  dans  ces  ruelles  sangiantes  où  l'on  égorge,  on  se 
souvient  avec  satisfaction  de  nos  admirables  abattoirs,  de  ces 
monuments  réguliers  et  imposants,  si  bien  tenus  par  une  ad- 
ministration active  et  sévère,  dignesenfin  d'une  grande  cité, 
et  qui  dérobent  à  la  vue  de  la  population  les  barbares  détails 
et  les  dégoûtants  apprêts  de  l'abattage  et  du  dépeçage  des 
bestiaux. 

Mais  ce  qui  est  plus  étrange  encore  à  Londres  que  les  tue- 
ries de  Newgate,  c'est  le  marché  de  Smith/ield.  On  trouve 
là  vivant,  beug'ani  et  bondissant,  l'animal  qu'on  abat  quel- 
ques pas  plus  loin.  On  h  peine  à  concevoir  l'exislence  d'un 
pareil  marché  au  centre  d'une  capitale  populeuse.  Figurez- 
vous  170,000  bœufs,  1,81)0,000  mont,  ns,  50,000  veaux, 
50,000  porcs,  qui  Iraveivent  la  ville,  qui  se  pri  sseni,  (pii  se 
heurtent  chaque  année  dans  l'étroite  enceinte  du  marché,  si 
mal  disposé  qu'il  semble  le  beau  idéal  du  désordre  et  de  la 
confusion.  Figurez-vous  enfin  les  marchés  de  Sceaux  et  de 
Poissy  tifinsp  ulés  dans  la  ruo  Saiul-Denis,  et  vous  n'aurez 
qu'une  faible  idée  de  Smithfield,  car  ces  deux  marchés  ré- 
luiis  sont  loin  d'atteindre  le  chiffre  lormidable  du  marché 
anglais. 

Leadenhall  est  principalement  affecté  à  la  vente  de  la  vo- 
laille et  du  gibier  ;  on  y  vend  aussi  le  beurre,  les  œufs  et  les 
cuirs.  C'est  une  halle  aussi  mal  disposée  et  aussi  mal  con- 
struile  que  les  deux  précédentes.  Elle  se  compose  d'un  la- 
byriulhe  de  riielli'S  et  de  cours  rouvertes,  où  la  marchan'iise 
est  exposée  dans  des  bontiipies  ou  sur  des  l'talages  mal  aérés, 
mal  éclairés,  et  si  insalulircs,  que  la  compagnie  des  Indes  a 
été  forcée,  dit-on,  de  comlMiniier  et  de  calleulrer  les  lepètrcs 
de  son  hôtel  qui  ilounent  de  ce  colé,  |)uiir  éviter  |es  éinana- 
tions  fort  désagréables  qui  s'élèvent  de  ces  taudis. 

"Tout  aupiès  se  trouve  Billingsijaie,  le  célèbre  marché  aux 
poissons,  célèbre  par  l'étendue  de  son  commerce,  mais  re- 
marquable surtout  aux  yeux  du  visiteur  par  la  vétusté  sor- 
dide de  ses  bâtiments,  le  désordre  et  la  malpropreté  qui  y 
régnent. 

Le  marché  de  Fnrringdnn,  affecté  à  la  vente  des  légumes, 
des  fruits  et  de  la  viamlc,  e^i  Ir  seul  qui  puisse  être  décoré 
du  nom  d'édifice.  Il  ri's-''!ii''lr  mi  marché  Saint-Germain,  à 
Paris,  piais  cette  con-ii  iniioii  i  st  récente.  Il  se  tenait  aupa- 
ravant dans  Farringd'in's  Bridge  sireet  :  et  depuis  qu'on  la 
déplacé  pour  le  meilre  plus  à  l'aise,  il  languit  et  dépérit.  La 
plupart  (les  boutiques  sont  vides,  et  il  ne  fait  pas  ses  frais. 

Le  marché  à'Uuney-Lane  est  insi:;nitiant. 

Parmi  lesaulres  marchés  disséminés  dans  l'étendue  de  Lon- 
dres, quelques-uns  sont  importants,  presque  tous  d'ailleurs 
sont  modernes.  L'un  des  plus  considérables,  celui  de  t'ocen/- 
Gardeu,  a  été  bâti  en  1828,  par  le  duc  de  Bedford.  Trois 
rangs  de  galeries,  soutenues  par  des  colonnes  de  granit  com- 
posent l'édifice,  isolé  sur  ses  quatre  faces  par  des  voies  pu- 
bliques, bordées  de  bàlimenls  en  arcades.  On  y  vend  des 
fruits,  des  fleurs  et  des  léuuines. 

Le  marché  de  Huiigerfnrd,  situé  près  du  Strand  est  encore 
plus  récent  :  il  ne  date  que  de  1852.  Il  sert  à  la  vente  du  pois- 
son, des  fruits  et  des  légumes,  et  le  commerce  y  manque 
d'activité. 

Lesaulres  marcbés,  ceux  de  Bnrough,  de  M'hile-CIiapel, 
de  Paddingicn  et  de  llaymarkel,  sont  encore  moins  impor- 
tants. Ils  servent  généralement  au  commerce  d'un  ordre  in- 
férieur •  celui  de  Boroiigh,  aux  légumes  comnnins;  celui  de 
AVhite-Chapel,  aux  viandes  de  basse  qualité. 

Ce  rapide  aperçu  suffit  pour  montrer  que  nous  n'avons  rien 
à  envier  à  la  capitale  de  la  Grande-Hietagne,  et  que,  même 
dans  l'état  actuel,  Paris  est  beaucoup  mieux  partaf-'éque  Lon- 
dres. Les  autres  capitales  des  Etals  \oisins  sont  encore  dans 
im  ordre  bien  inférieur.  En  lielgiipie,  en  Hollande,  en  Alle- 
magne, presque  partout,  les  denrées  se  vendent  à  ciel  ouvert 


sur  la  voie  publique.  Lorsque  les  marchands  sont  abrités,  c'est  . 
en  général  sous  de  frêles  échoppes  mobiles,  lii  uxellcs,  Am- 
sterdam, Leipsicli,  Nuremberg,  Berlin,  Munich,  etc.,  sont 
moins  bien  dotées  à  cet  égard  que  plusieurs  de  nos  villes  de 
pTovince. 

Il  faut  en  excepter,  dans  la  plupart  des  villes  de  Belgique,  , 
les  boucheries  et  poissonneries,  i;énéra  einent  assez  bien  in- 
sl.illèes,  quoiiuiedans  des  bâtiments  dune  étendue  restreinte. 
Nous  citerons  en  première  h:;ne  la  vieille  boucherie  d'Anver.s, 
monument  gothique  qui  ne  manque  pas  d'élégance  architec- 
turale, la  poissonnerie  de  la  même  vile,  celle  de  Bruges,  le 
marché  des  Récollets,  à  Bruxelles,  etc.  Quant  à  ceux  de  La 
Haye,  ils  paraissent  siirlonl  remarquables  par  l'absence  de 
cette  propret^,  proverbiale  eu  llolliuulc,  mais  dont  on  se  dis- 
pense ioil  bien,  à  le  qu'il  parait,  lorsiju'il  s'agit  d'objets  de 
consomuiation.  A  llotlerdani,  a  Aiusteidani,  le  plus  grand 
commerce  se  fait  sur  les  bateaux. 

En  .4llemagne,  il  n'y  a  point,  pour  ainsi  dire,  de  marcliés. 
Berlin  ne  possède  que  quelques  banques  qui  servent  de 
boucheries.  Le  principal  marclié  est  situé  sur  la  belle  place 
de  Donollscher,  si  tant  est  qu'on  puisse  ap|ieler  de  ce  nom 
quelques  échoppes  mobiles,  mal  rangées,  et  abritant  impar- 
faitement les  denrées. 

C'est  dans  la  seule  Angleterre,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
en  commençant,  que  nous  pouvions  trouver  des  établisse- 
ments qui  pussent  entrer  en  comparaison  avec  les  noires.  Les 
villes  secondaires  y  ont  même  des  marchés  très-considéra- 
bles, comparativement  à  leur  étendue.  En  première  ligne,  il 
faut  citer  Newcaslle,  dont  la  halle,  divisée  en  huit  nefs  lon- 
gitudinales et  transversales,  occupe  15,000  mètres  de  super- 
ficie, et  forme  pour  la  ville  un  jirand  bazar  central  d'objets  de 
consommation  et  d'usage  domestique.  Il  est  vrai  que  toutes 
les  villes  ne  sont  pas  aussi  bien  dotées.  .\  Manchester,  les 
marchands  sont  seulement  campés  dans  la  vaste  plaine  de 
Scliudhill,  en  plein  air,  sur  le  sol,  ou  à  peine  abrités  par  de 
petites  échoppes.  Liverpool,  au  contraire ,  a  quatre  marchés 
qui  couvrent  une  surface  totale  de  10,000  mètres,  et  dont  le 
principal,  celui  de  Saint-Juhn,  presque  aussi  grand  que  les 
trois  autres  réunis,  est  disposé  d'une  manière  remarquable. 
Mais  la  ville  la  mieux  partagée  est  celle  de  Birkeiihead  qui  se 
construit  en  face  de  Liverpool,  de  l'autre  côté  de  la  Mersey. 
Son  marché  qui  embrasse  8,000  mètres  de  terrain,  est  con- 
struit d'une  manière  élégante  et  commode  à  la  fois.  Il  a  été 
terminé  le  1"'  juillet  18t.'>. 

MaisBirkenhead  est  une  ville  nouvelle,  une  ville  tracée  et 
construite  d'un  seul  jet,  pour  ain.sidire,  dans  toute  son  éten- 
due; elle  n'a  point  d  habitudes  à  modifier,  de  passé  à  oublier 
ou  à  rectifier.  C'est  à  Londies,  c'est  à  Paris  que  la  difficulté 
.se  présente;  aussi  nous  terniiiicronsensnuliailant  quel'admi- 
nistraliou  municipale  trouve  le  moyen  de  la  surmonter,  en 
même  temps  que  nous  donnerons  un  juste  tribut  d'éloges 
aux  travaux  désintéressés,  qui,  comme  ceux  de  M.  Hector 
Horeau,  éclairent  celte  question  difficile,  et  fournissent  de 
nouveaux  éléments  à  la  discussion. 


dturvirff  d«  Paris. 

La  semaine  a  été  gnive,  aussi  nous  ne  vous  retiendrons 
pas  longtemps  aujourd'hui.  Le  sérieux  n'est  pas  de  notre 
compétence;  discussions  politiques,  économiques,  académi- 
ques, juridiques;  voilà  toute  la  distraction  permise  aux  Pa- 
risiens depuis  huit  jours;  voilà  leur  entrée  en  vacances.  Qui 
donc  s'aviserait  encore  de  les  accuser  de  légèreté?  Nous  les 
voyous  bien  corrigés  de  ce  charmiint  défaut.  Quelle  gravité, 
au  contraire,  non-seiilemeiit  dans  les  affaires,  majs  dans  les 
plaisirs.  Celle  constance  des  mêmes  goûts  dans  le  Parisien 
pourrail  devenir  le  thème  d'une  caiiserje  dç  circonstance  et 
remplir  nos  deux  pages  de  spfech  liebdoil.adaires;  maii^il  y- 
aurait  laiiiiie  dans  )(|os  archives,  et  l'exactitude  est  la  poli- 
tesse d'un  courrier. 

Donc  la  semaine  a  été  sérieuse,  c'est-à-dire  ennuyeuse, 
tenez-vous  pour  avertis.  Pour  commencer,  le  grave  M.  de  Mon- 
lliyoïi,  en  coulianl  la  vertu,  sa  légataire  universelle,  à  la  tu- 
telle de  l'Académie  française,  ne  se  doutait  pas  qu'il  souillait 
la  discorde  parmi  les  pères  conscrits  de  la  lillératurc.  Mer- 
credi dernier,  il  s'agissait  encore  de  récompenser  l'ouvrage  le 
plus  utile  aux  mœurs,  mais  sur  quel  front  placer  cette  cou- 
ronne enviée?  M.  Uoyer-Collaid  avait  dii  :  «  Nous  ne  savons 
plus  à  qui  décerner  ces  prix  Monthyou  depuis  que  M.  Guizot 
a  perdu  sa  femme,  car  de  sou  vivant  il  n'y  en  avait  que  pour 
elle.  »  Quand  Tiirenne  mourut,  on  créa  cinq  maréchaux 
pour  le  remplacer,  c'est  ce  qu'on  appela  sa  petite  monnaie. 
L'Académie  imite  le  gran  I  roi,  avec  mu  couronne  elle  a 
fait  cinq  lauréats,  éparpillant  ainsi  le  buiiquet  sur  plusieurs 
fronts,  au  lieu  de  le  décerner  à  lauleiir  des  Enlrelievs  de 
village,  suivant  une  décision  primitive.  Dais  l'auteur  de  ces 
Euirriiens  porte  nu  nom  fameux  et  fâcheux;  et  comment  les 
faveurs  du  philanilirope  Jlonlhvon  seraient-elles  acquises  à 
Timon  le  niLsanthropc?  L'ombie  du  testateur  en  frémirait 
d'indignation.  C'est  sur  cette  phrase  de  M.  Dupaty  qu'on  est 
allé  au  scrutin,  et  les  dix-huit  voix  des  membres  présents  se 
sont  partagées  ainsi  ; 

POIJR  TIMON.  CONTRE   TIMON. 

MM.  MM. 

De  Puniierville.  Mole. 

Victor  lluL'o.  De  Sé-ur. 

Mérimée.  '  De  Barante. 

Alfred  de  Vigny.  De  Saint-Aulaire. 

Sainte-Beuve.  "  Dupaty.   ' 

Droz.  Yilet. 

Ancelot.  Tissot. 

Ballanche.  Patin. 

Villemain. 

Lebrun. 

D'après  l'inspection  de  cette  liste,  où  figurent  d'un  coté  des 


L'ILLDSTBATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


personnages  qui  ne  sont  rien...  qu'académiciens,  et  où  brille 
de  l'antre  le  banc  presque  entier  de  la  pairie  acadi'iniique 
avec  un  appoint  universitaire,  les  malveillantMj'unt  pas  man- 
qué do  dire  qu'une  fois  encore  la  politique  aviiil  l;iil  vinli'inr 
h  la  littérature,  et  comme  la  bardiessc  des  ciloiniiKiIruis  ne 
respeclc  rien,  ils  ont  prétendu  que  l'on  avait  vcii^r^  mm  |  .m- 
teur  des  entretiens  de  village  l'impertinence  de  l'écrivain  diis 
pamphlets. 

Ceci,  du  reste,  n'est  que  le  petit  événement  delà  semaine; 
le  principal,  c'est  l'arrivi'c  ;'i  l'aMs  de  M.  Cobden,  le  chef  de 
l.-i  ligue  di«  abolitioniMcs  il.ms  Irs  Irois  royaumes,  l'un  de  ses 
plus  grand.s  citoyens  et  de  ses  incilli'urs  orateurs.  Sa  présence 
a  produit  dans  un  cerlain  nmndi:  le  mémo  elïot  qu'autrefois 
Franklin  parmi  la  belle  société  du  dciiiicr  siècli'.  M.  Cdliilrn 
olîre  d'ailleurs  plus  d'un  point  de  ressciiililaiice  nwi-  Ir  pa- 
triarche américain,  par  la  douceur  et  la  simplicité  de  ses 
manières,  autant  que  par  l'élévation  de  son  caractère  et  l'é- 
nergie de  ses  conviclions.  En  attendant  les  anecdotes  que  la 
curiosité  parisierme  ne  manquera  pas  de  recueillir  à  propos 
de  cetliiiunne  céli'hii',  viiici  un  pelil  iclKiniilldn  de  sa  parole  : 

on  lui  di'manilait  la  (li'lioilioo   il hi|inli',  de  cette  hydre 

dont  il  a  jure  d'aliatln;  les  riiilli'  l.'lrs  :  «  l.c  monopole,  ré- 
pondit-il, oh  !  c'est  un  personnage  mystéi  ieux  qui  s'asseoit 
avec  votre  famille  autour  de  la  table  à  thé,  et  quand  vous 
mettez,  un  morceau  de  sucre  dans  votre  tasse,  il  en  prend 
vivement  un  autre  dans  le  sucrier  ;  puis,  lorsque  votre  femme 
et  vos  enfants  réclament  ce  morceau  qu'ils  ont  bien  gagné, 
le  mystérieux  fdou,  le  monopole,  leur  dit  en  l'avalant  :  Je  le 
prends  pour  votre  protection.  » 


Dans  les  discours  de  Cobden  et  de  ses  adhérents,  on  trouve 
parfois  d'excellents  tableaux  de  nio'urs,  témoin  celte  pein- 
ture que  l'un  d'eux  fait  de  la  vie  du  grand  seigneur  britan- 
nique et  de  la  singulière  indépendance  dont  il  se  targue. 
(I  C'est  un  cuisinier  français  qui  prépare  le  diner  du  maître, 
un  domestique  .vî(î.«e  qui  prépare  le  maître  pour  le  diner  ; 
I  Ses  vins  |<iM\iiiiiiriil  dc-s  liMiils  ilij  Itliin,  del'Ebre,  du  Klii'me 
ou  de  II  i.iiin  iir.  I,.s  |il;inli  s  ilc  ses  jardins  lui  sont  venues 
de  I'Ami-,  ri,  \r  i,il.,n  1(11  il  liiiiii',  i\v  l'Amérique.  Son  cheval 
favori  csl  d'oiitzine  aialii\  ■■!  mui  chien  de  la  race  du  Saint- 
Bernard.  Sa  galerie  est  liclii'  lii'  lableaux  italiens  et  llaïuands, 
et  son  musée  encombré  de  débris  ^recs.  Les  perles  qui  pa- 
rent la  personne  de  milady  ii'niil  p;is  élé  trouvées  ccrlaine- 
inentdans  des  liuitres  britiiniiiqiiis,  et  la  plume  qui  orne  sa 
tôle  n'a  pas  été  arrachée  à  un  viiliiiilr  anglais.  Notre  couple 
éprouve-t-il  le  besoin  de  quehjiie  di.sti action  ?  Il  la  demande 
à  des  comédiens  français,  à  des  chanteurs  italiens,  à  des 
exécutants  n/fejnom/s.  Son  instruction  est  l'effet  d'un  emprunt 
forcé,  son  esprit  est  un  composé  exotique.  Sa  religion,  il  la 
lient  de  l'Orient,  sa  philosophie  de  la  Grèce  et  de  Rome,  son 
algèbre  de  comptoir  lui  vient  de  l'Arabie,  et  tous  ses  arts  des 
quatre  coins  du  monde.  Bref,  il  n'est  pas  jusqu'au  marbre 
de  sa  tombe  qu'il  n'aille  demander  à  l'étranger.  » 

Vous  voyez  à  quel  point  nos  paroles  sont  anglaises  :  notre 
excuse,  c'est  notre  véracilé.  Il  n'y  a  pas  d'échos  plus  sincè- 
res que  nous.  Prêtez  un  peu  l'oreille  aux  bruits  de  la  ville,  s'il 
est  question  d'un  voyage,  aussitôt  c'est  la  reine  Viltoria  and 
Albert,  dont  la  venue  est  annoncée  incessamment;  que  si 
vous  prononcez  le  mot  opéra,  on  vous  répond  :  le  directeur 


du  théâtre  de  Drury-Lanc  s'est  assuré  pour  la  saison  d'hiver 
l'élite  des  artistes  italiens,  ne  laissant  au  nôlre  que  le  fretin 
et  le  rebut.  S'il  est  question  de  courses  ou  de  chasses,  c'est 
encore  relativement  à  l'Angleterre.  On  a  parlé  d'un  duel,  c'est 
un  duel  anglais.  Que  la  nouvelle  arrive  d'un  autre  pays,  elle 
ne  s'en  fait  pas  moins  britannique;  n'est-ce  pas  eu  Angle- 
terre qu'on  vient  de  ressusciter  Van-Amburgh'/ 

C'est  ainsi  qu'il  ne  tiendrait  qu'à  nous  de  commérer  lon- 
guement sur  les  événements  d'outre-Manche,  tant  il  est  vrai 
qu'en  ce  moment  Paris  ne  présente  aucune  [ihysionomie, 
(|iril  ne  s'y  passe  rien  d'intéressant,  et  que  pour  découvrir 
du  nouveau,  chacun  se  croitobligé  de  franchir  la  frontière,  à 
commencer  par  notre  dessinateur,  avec  lequel  nous  allons 
fournir  une  course  jusqu'en  Kussie.  Il  est  vrai  que  grâce  à  la 
fidélité  de  son  esquisse  nous  pourrions  économiser  une  des- 
cription, et  nous  contenter  de  dire  :  ceci  vous  représente 
l'hippodrome  de  Tsarkoé-Sélo  aux  portes  de  Saint-Péters- 
bourg, mais  il  y  a  des  lecteurs  plus  exigeants  et  pour  eux 
seuls  voici  un  petit  dessin  à  la  plume  que  nous  adresse  no- 
tre correspondant  de  Saint-Pétersbourg  : 

«Cet  hippodrome,  construit  dans  la  vaste  plaine  qui  s'é- 
tend sur  la  gauche  du  chemin  de  fer,  en  face  de  Tsarkoé-Sélo, 
a  deux  verstes  de  circonférence.  Il  se  compose  d'une  ga- 
leri»  publique  partagée  en  deux  amphithéâtres  à  la  romaine 
avec  deux  rangs  de  loges  que  supportent  des  pilastres  d'ordre 
ionique.  Le  premier  pavillon,  destiné  à  la  famille  impériale, 
a  sa  principale  entrée  par  un  escalier  à  double  rampe.  L'in- 
térieur est  une  rotonde  avec  colonnade  d'ordre  corinthien  ; 
l'autre  pavillon,  destiné  aux  autorités,  présente  un  octogone 


(Courses  de  chevauji  à  Tsarkoo-Selo.  près  de  Saint-Péterbliour: 


d'ordre  romain.  C'est  sur  le  petit  balcon,  situé  au  bas  de  ce 
pavillon  que  se  placent  les  juges  de  la  course.  Dans  la  vaste 
plaine  où  l'on  a  tracé  ce  magnilique  cirque,  des  milliers 
d'amateurs  jouissent,  chaque  année  au  mois  d'août,  du  beau 
spectacle  que  présentent  les  courses.  » 

C'est  ainsi  que  le  gouvernement  russe,  imitateur  habile  de 
la  civilisation  de  l'Occident,  encourage  et  favorise  l'amélio- 
ration des  chevaux. 

Nous  disions  tout  à  l'heure  que  Paris  n'a  aucune  physio- 
nomie en  ce  moment,  voici  néanmoins  une  invention  qui  ne 
saurait  manquer  du  lui  donner  un  aspect  tout  nouveau.  On 
parle  d'un  pi ncéih'  de  mécanique,  au  moyen  duquel  les  mo- 
numenls  dp  ti  cqulale  seraient  transportables  à  volonté.  L'é- 
dilité  (lai  isii'iini'  l'ii  fera  l'essai  prochainement  avec  la  tour 
Saint-.l;H(|iirs  l;i  ItmiiliiTic,  qui  viendrait,  dit-on,  rcniplacor 
lacoliiiiiir  il  II  i;li;ilili'l.  llcstiMilrutipiei'c  iiiiiiveaii  syslème 
de  i:li:iiiu''iiii'nl  i  Ml'',  l'inir  |ii-ii  qu'il  ii'iississi'.  Huila  (lai'  èlii' 
applii'iir  :,riirralrnii'iil  il, lus  la  capilale.  C'.'sl  un  t:r;inil  |.;is 
d(!  faii,  vl■l^  l:i  ili'rnnv''i1i'.liiiniiiivi'iiii'iil  piTiirliirl,  l'I  un  ili' 

menti  ilniiiii'  a  ii'l  iimiiiih'  di's  poliliipies  ;  m uni''  (ms 

les  masses  sans  danger.  Vous  verre/,  que  di'S  villes  entières 
liniront  par  voyager  comme  leurs  populations,  et,  avec  les 
chemins  de  fer,  cela  peut  les  mener  bien  loin.  Une  autre  in- 
vention, plus  mmlesle,  unis  non  mniiK  siir|iri>naii!e,  c'est 
celle  du  nnuveau  restaurant,  dit  tirs  1/  /  /i/;i''.v,  ilmit  l'ouver- 
ture est  aiuiimcée  au  boulevard  I' 
invention,  le  garçon  est  siipiiriim'' 
cnminopar  encliaiileini'iil  cl  vn'i. 
f-inUstique.  Plus  de  ces  dialiun''- 
le  menu  le  plus  déli 


à  celte 


il  le  plus  (I 
MUS  êtes  s 


ul'ili'.tU' 


Muir 


sur  le  gril.  —  lil,  ces  heiguets'?  —  Vous 


dans  la  poêle. —  Mais  cette  anguille  à  la  tarlare'?  —  Un  mo- 
ment, on  vous  écorche. 

En  fait  d'événement  politique,  nous  n'en  voyons  pas  de 
plus  digne  que  le  suivant,  de  figurer  dans  notre  chronique. 
Un  économiste  distingué,  dont  l'entrée  à  la  Chambre  a  fait 
naguère  quelque  bruit,  s'étant  cru  insulté  par  un  journaliste, 
lui  adressa  un  cartel,  à  quoi  M.  M.  répondit  :  «  Depuis  deux 
siècles,  on  rit  de  Don  Quicbotle  pour  s'être  battu  contre  un 
moulin  à  vent,  jugez  de  ce  qu'on  dirait  de  moi  si  j  allais  me 
battre  contre  une  girouette.  » 

Le  théâtre  s'est  ressenti  de  cette  somnolence,  il  n'a  donné 
qu'un  petit  acte,  les  Brodeuses  de  la  Reine,  au  Vaudeville. 
C'est  une  aventure  apocryphe  de  Boufllers  adolescent  qui, 
travesti  en  femme,  se  glisse  parmi  les  demoiselles  brodeuses 
lie  la  reine  Marie  Lecksinska.  Ainsi  faufilé  dans  le  bercail,  le 
lii'lil  clii'valii'r  se  permet  i|uelques-unes  de  ces  bêtises  plei- 
ii'"i  ili'sin  il  que  lui  atlribue  li'  prince  de  Ligne.  Ce  favori  des 
iniiM-.  di'Mi'iil  celui  de  ces  demoiselles,  en  tout  bien  tout 
liiinni'iir,  rar  notre  Boufllers  parie  et  agit  pour  le  compte  et 
pai  (iiiicinaliou  d'un  ami.  Comme  Acbilleaii  milieu  des  lillrs 
de  Scyros,  Boufllers  manie  les  fuseaux  el  l'aii:ilille  lusquau 
moment  où  des  épaulettcs  de  cnlonel  lui  fuiil  jeler  au  loin 
cotillo:!,  cornette  et  verlu^;ailio.  Celte  pelitr  [liece  ,  dénuée 

issilr   ipi'elle  a  obtenue  à  la 

liri'  améable,  cantatrice  dis- 
viaisi'inlilaldes. 


d'intrigue,  doil  \\-<[w 
présence  de  mail, un-'  AH 
liiiîuée,  mais  riilmirl  ili'' 
Nous  soiiiiiH'S  il  uis  la; 
riiiiUeurloiinli'Fiaiii-e; 


lilMlilli'i'h: 


pari... 
Dans 


li'S  m 


■|..'ni 

lient  pas  Ioii|ihiis 

le  Palais-Hoval  m 


colibris  au  bi-aii  pliiina;;e,  au  brillant  rainag 


'iliens  vnyiment  et 


Saiiivill 


Tousez,  Ravel,  les  plusjaseiirset  les  plus  gais  de  sa  collection. 
Alcide  n'a  rien  perdu  deson  enrouement,  on  dit  pourtant  qu'il 
était  allé  dans  le  Midi  aliii  de  s'en  guérir,  l'imprudent  !  Sur 
toute  sa  route,  Alcide  s'est  vu  entouré  d'hommages  et  com- 
blé des  attentions  les  plus  délicates.  A  Lyon,  il  a  trouvé  sous 
les  ariii.'s  toutes  les  troupes  dramatiques  de  la  ville,  el  il  a 
été  coinplinieiilé  par  les  autorités...  Iliéàlrales.  C'est  en  vain 
qu'il  avait  voulu  garder  le  plus  sévère  incognito,  son  nez  l'a 
trahi  ;  on  lui  a  demandé  des  reiirésentations,  il  répondit  : 
«Je  ne  vous  eu  ferai  qu'une  (représenlalion),  je  ne  voyage  pas 
pour  mon  agrément  personnel,  gl'ihid  Dieu,  non!  je  vais 
prendre  les  eaux  de  Savoie  pour  rattraper  un  filet  de  la 
mienne,  seulement  laissez-moi  répéter  ici  ce  que  l'empereur 
vous  a  dit  en  ISI.~)  :  Lyonnais,  je  vous  aime  !...  » 

Un  fait  plus  aulhenïique  et  plus  avéré  que  le  précédent, 
c'est  le  vote  de  vingt  mille  francs  destinés,  par  le  conseil  mu- 
nicipal de  Lyon,  ù  récompenser  l'auteur  hjonnais  de  la  plus 
lii'lle  tragédie  et  du  meilleur  opéra.  N'est-ce  pas  un  noble 
exemple  donné  par  la  si'cinule  ville  du  royaume  à  ceux  qui, 
ayant  pour  mission  ollicielle  d'encourager  les  arts, ne  savent 
guère  eniployer  les  fonds  dniil  ils  disposent  qu'à  nourrir  de.s 
voles  coui|ilaisanls  el  ralVeroiir  des  eoiisciemes  chancelantes? 

Tous  les  journaux  relmlisseiil  encore  de  celle  réclame 
nujiliale  ipie  l'on  prendiail  pour  un  l'euillel  détaché  des  mé- 
uioiresde  Daugeau,  ou  îles  Annales  tU-  l'Iiéraldiipie  d'ilozier: 
«  On  annonce  le  luari.ige  de  S.  .\.  li.  le  [iriiice  Honoré  Sta- 
nislas de  Cirlmahli.  ihevaller  du  Saiul-Èinpire,  grand  d'Es- 
paj^ue.  dernier  desceiulanl  des  Goyon,  et  prince  souverain  de 
Monaco.  «  N'esl-ce  point  le  cas  de  répéter  le  mot  philosophi- 
que de  .Saiulio,  celle  parole  d'unesi  haute  portée  et  d'une  ex- 
pression si  élèganle;  Qiir  qu'  ça  nte  fait? 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


De  temps  immémorial  on  ne  connaissait  dans  Paris  à  Tu- 
sage  lin  blanchissage  du  linge  que  ces  immenses  bateaux  à 
l'aspect  triste  et  délabré  qui  sta- 
tionnent depuis  le  pont  Marie 
jusqu'au  pont  des  Invalides,  of- 
frant, il  est  vrai,  aux  lavandiè- 
res des  faubourgs  de  la  grande 
ville,  moyennant  une  légère  ré- 
tribution, les  avantages  d^un 
lavoir  à  eau  courante  et  d'un 
séchoir  ii  air  libre,  mais  aussi 
les  désagréments  d'un  grand 
éloignement  des  quartiers  po- 
puleux et  d'une  exposition  per- 
manente à  toutes  les  intempé- 
ries des  saisons;  en  outre,  et 
sans  parler  des  entraves  qu'ils 
apporlent  à  la  navigation  le 
long  des  rives  de  la  Seine  , 
ces  bateaux  ont  toujours  été 
construits  ou  entretenus  pjr 
leurs  propriétaires  avec  une  in- 
curie telle  ,  que  les  pauvres 
blanchisseuses  qui  les  fréquen- 
tent se  sont  souvent  vues  ex- 
posées au  danger  d'une  chute 
dans  la  rivière. 

Frappés  de  ces  graves  incon- 
vénients, quelques  capitalistes, 
plus  philanthropes  qu'indus- 
triels, ont  depuis  quelques  an- 
nées entrepris  de  doter  les 
quartiers  populeux  de  Paris  de 
lavoirs  publics  et  de  buande- 
ries, établissements  dans  les- 
quels ils  se  sont  moins  occupés 
de  la  réalisation  d'un  grand 
bénélice.quc  du  bien-être  de  la 
classe  pauvre. 

Réunir  dans  un  même  local 
les  facilités  que  présentent  les 
anciens  bateaux  et  les  amélio- 
ler,  sans  augmenter  la  rétribu- 
tion qu'ils  perçoivent,  doter  en 
outre  les  personnes  qui  vivent 

de  cette  industrie  des  moyens  de  diminuer  les  frais  des  ac- 
cessoires du  blanchissage,  tel  est  le  problème  qui,  après  de 


liRvoirs  publies. 

Ér.*DLlSSEMEXI   DE   LX   RIE   DE  StVRLS. 

laborieux  essais,  parait  avoir  été  résolu  par  M.  Hybier,  l'un  1  nous  paraît  pouvoir  être  proposé  comme  modèle  des  éUiblis- 
des  promoteurs  de  cette  populaire  inslilulion.  sements  de  ce  genre  nidispensables  aux  grandes  cités. 

'  '   '  Ce  vaste    édihce,   situé  au 

centre  d'un  quartier  populeux 
éloigné  de  la  Seine,  est  destiné 
à  pourvoir  aux  besoins  de  la 
classe  ouvrière  ;  construit  d'a- 
près les  plans  de  M.  Roussille, 
architecte-voyer  du  dixième  ar- 
rondissement, sur  un  terrain 
d'une  superlicie  de  plus  de  9U0 
mètres,  sa  longueur  est  de 
3S  mètres,  et  sa  largeur  de 
2S  ;  une  élégante  charpente  en 
ter  soutenant,  dans  toute  sa 
longueur,  une  lanterne  vitrée 
met  les  laveuses  à  l'abri  de  l'in- 
tempérie des  saisons,  leur  dis- 
tribue en  tout  temps  une  égale 
et  large  masse  de  lumière,  et 
donne  à  l'ensemble  de  la  con- 
struction un  aspect  simple  et 
gai. 

Deux  grands  bassins  établis 
dans  toute  la  longueur  de  la 
salle  afi'ectée  spécialement  au 
lavoir,  contiennent  une  eau 
toujours  renouvelée  par  un  jet 
d'une  grande  proportion,  ali- 
menté par  l'eau  de  la  Seine, 
reconnue  seule  propre  au  la- 
vage; autour  de  ces  bassins  ont 
été  disposées  avec  soin,  pour 
le  savonnage  du  linge,  des  bat- 
teries où  cent  cinquante  per- 
sonnes au  moins  peuvent  si- 
niuUantment  laver  à  l'aise  ;  un 
robinet  pratiqué  au-dessus  de 
chaque  place  fournit  l'eau  à 
volonté  ;  le  sol,  entièrement 
dallé,  est  tenu  dans  un  état  de 
propreté  dont  on  a  lieu  d'être 
étonné  quand  on  réilécliil  au 
(Bna^dene  à  vapeur.)  nombre   des   travailleuses  qui 

fréquentent  chaque  jour  le  fa- 

Le  lavoir  qu'il  a  tait  élever,  en  société  avec  M.  Cliambîllan,  1  voir  ;  cette  propreté  est  due    à  l'établissement  d'un  système 

dans  la  lue  de  Sèvres,  n"  101,  au  fiubourg  Siint-Gcrmiin,  |  de  caniveaux  souterrains  qui  conduisent  toutes  les  eaux  un- 


propres,  et  lesdéve^ent  dans  le  grand  égout  de  la  rue  de  ,  Ji^^ï^'esdu^^lïr£^;iSafe:lîi;;:!:t  1  ^SïS:^  ^ilSf^^î^^t^Œf;^:: 
""Tce  lavoir  est  annexée  une  buanderie  à  vapeur,  plus  par-  I  Lis  ;  cette  buau  lerie,  vaste  e!  aér^e,  de  m  .ui;.re  à  c.  que  |  paq.iets  de  linge  distinguas  par  un  numéro  délivré  à  chaque 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNH'ERSEL. 


1,1  indii-SBiisii  et  ictenns  piir  ini  lien  qui  s  oppose  h  ce  qu  aii- 
ciiiiP,  oiecft  puissH  s'en  é^liaiipcr,  SDnl  dôposcs  avec  ordre  dans 
I ,  ,  nv  où  iii  ii'ssive  est,  coulée  d'après  les  meilleurs  proce- 

,],,..    r. ,,,11  ;i  viiiieiir  qui  sert  à  cet  elTel,  et  dont  des  ou- 

VI 1  -.,  :  [i  r,  ,,iv  allacliés  à  l'étal)  issemfiut  oui  seuls  le  maiiie- 
iii.'iil.   1.,  '^..Mii.'  Iiiutesles  garanties  nécessaires. 

Un'e  iiucluiie  à  vapeur  de  la  force  de  8  chevaux,  construite 
dans  les  ateliers  de  M.  Frey  jeune,  sert  à  élever  d'un  puils 
artésien  l'eau  spécialeuient  destinée  à  passer  le  lin^o  au  bleu. 
Celle  uiiieliiiiu  l'ail  eu  même  temps  mouvoir  deux  séchoirs  de 
nouvelle  iuvenlion,  appelés  hydro-extructeurs,  qui  sèchent 
le  lin^e  dans  l'espace  de  six  à  sept  minutes. 

Au  moyen  de  la  réunion  de  ces  divers  appareils,  la  per- 
sonne qui  apporte  son  lingar  le  soir  avant  six  heures,  peut  le 
remporter  le  lenlemain  lessivé,  lavé,  séché  et  n  ayant  plus  a 
subir  que  l'opération  du  repassage. 

Enfin,  pour  éviter  la  perte  d'un  leriips  précieux,  on  a  ré- 
servé une  salle  dans  laquelle  les  laveuses  peuvent  prendre 
leurs  repas.  „  .      ,  .  ,,  1 1- 

A  la  suite  d'une  visite  minutieuse  liute  dans  cet  établisse- 
ment-nwdèle  par  les  ingénieurs  de  la  ville  de  Pans,  en  pré- 
sence (le  M  le  préfet,  ce  dernier  a  adressé  à  MM.  liabier  et 
Chanihellan  l'es  complimenls  mérités  pour  la  persévérance 
et  les  soins  .pi'ils  ont  apportés  à  l'exécution  d'une  œuvre  si 
nécessaire  anx  besoins  de  la  classe  ouvrière. 

Tout  en  nous  associant  à  ces  éloges,  qu'il  nous  soit  permis 
de  re(;r.  lier  (pie  les  forces  employées  dans  ces  sortes  d'éla- 


.l'étais  il  peine  (Muivalescent,  qu'un  nouveau  mal,  la  slu- 
pide  coijuehi'lie,  ayant  pénétré  dans  la  maison  uiaMré  les 
doubles  l'em'-lres,  les  poêles  immenses  el  h-s  liooclies  de  clia- 
leur,  nu  is  l'iinj(«  lous  chassés  de  Saint-l'étershourg  par  ordre 
de  la  l'acuité,  et  sans  plus  de  délai  que  n'en  donne  la  police, 
en  cerlains  pays,  aux  étrangers  suspects  d'opinions  révolu- 
tionnaires. C'était  à  la  lin  de  lévrier.  L'hiver,  Irès-rigoureux 
après  avoir  été  lardif,  régnait  encore  dans  toute  sa  rude  et 
mâle  beauté,  sous  lesoixanlièine  déféré  de  latitude  nnrfl.  Mais 
nous  savions  qu'en  avani-.iMl  vers  le  niili,  nous  ne  larde- 
rions ps  à  rei ...o„.„o 


du  printemps.  Il  1 
iieii!e  el  dans  la    I 


iint 


nniçe 


hlissements  ne  remlent  pi 
pourrait  en  obU^iir  au  uuiwu 
qui  iMidrait  à  réunir  aii\  'ur 
les  moyens  d(!  procurer  a  lu-. 
prêté  ilu  ciM'ps  et  la  SHlohril 
cepeniianl  qu'il  vient  d'être  : 
list('S  parisiens  on  pnjjet  de  rei;ei 
vation  de  pliisienis  l'I  i^i-^aiid.'ss 
aux  lavoirs  piililic<,  dil-'  l'iililisal 

p»rdue    danslrlal   arhirl   des  cIl  .    , 

  la  classe  ouvrière  de-bains  cliaiids  ii  7M  cent,  el  des  loge- 
nienis commodes,  salubresel  aères  fi  des  prix  excessivement 
modérés  ;  il  paraîtrait  même  que  les  Anglais  se  sont  emparés 
de  ces  idées  f^énéreuseset  en  ont,  S(uisun  Auguste patronaf^e, 
commencé  à  Londres  riipplicalionavoe  l'énergie  industrielle 
qui  les  dislinnue.  Il  faut  esaMer  (iiie  cet  exemple  ne  sera  pas 
perdu  pour  Paris,  et  que  les  capitaux  Hécessaires  viendront 
en  aide  à  des  projets  si  éminemment  Utileè. 


services  que  l'on 

"mjii  plus  large, 

i;i     M        ■   11^  enientdu  linge 

,1 1\  al.  rii-'   pauvre  la  pro- 

(lii  li)i.'ei>H'iit;  on  nous  assure 

omis  à  nue  so(;iélé  de  capila- 

qni,  au  moyen  de  l'élé- 

les  va-iles  salles  alVeelées 

l'ela  sinaliondanced'eau 

;.  iiiMnictlrait  de  donner 


■riii  (■liirin".,'icf 


s  adresse  une  réclnnia- 
iiieiil  Ihermal  de  Vieliy, 
1  est  dit  dans  cet  article 
ii,|>eole»rs  de  'Vichy,  ont 
' ,  el  l-s  permis  sur  le  vu 


a  preiiu 

lil  M.    I 

Ile  est  iijnorec 


lient  qu'ils  p'euveiil  choisir  leur  médecin  à  Vichy 
Nous  avons  reçu  le  dessin.  Avez-vous 


par  laquelle  nous  vous  demandions  quelques  dé' 
utice  qui  doit  acconipas;ner  cette  curieuse  expé- 


■  Nous  avons  reçu  votre  envoi, 


asttf-.fee.«*  «■•a   Prtttsme. 


11  Ami  lecteur,  Rare  à  l'an  prochain  !  »  disais-je,  l'an  passé, 
en  terminant  le  récitde  quelques  chasses  en  Russie  (1).  Celle 
menace  annon(;ait  une  suile  anx  mêmes  histoires  ;  mais,  hé- 
las !  j'avais  compté  sans  mon  liûle,  non  l'hôte  par  qui  j'elais 
logé,  mais  celui  que  je  logeais,  et  mieux  cpie  dans  ma  mai- 
son, dans  ma  propre  substance, 

La  lièvre  ardente  à  la  marche  inégale. 

Il  y  a  des  organisations  malheureuses,  impressionnables  à 
toutes  les  iniluences  morbides,  qui  partout  contractent  le  mal 
(In  pays,  non  pas  du  pays  qu'on  regrette,  le  mal  de  la  patrie, 
mais  (lu  pays  qu'on  habile  accidentellement,  le  mal  que  la 
mé  lecine  nomme  endémique.  J'avais  eu  à  Paris  le  choléra, 
à  Gienade  la  dvssi'ulerie,  à  Itome  la  mal'nria,  à  Londres  le 
spte^e^;  A  Vera-ia  u/c  je  serais  mort  du  romilot^ctjro,  et  à  Cal- 
cutta (J'un  giaiili'iiieiitdf  hiie,  ciiinme  ce  pauvre  'Victor  ,1ac- 
quemont.  A  Siiiit-S'élershoni').;,  je  ne  pouvais  manquer  d'at- 
traper la  fièvre  gastrique-nerveuse,  si  ordinaire  et  quelque- 
fois si  fatale  aux  étrangers.  A  peine  donc,  vers  la  fin  del'au- 
tomnis  et,  comme  on  (lit,  pour  peloter  en  attendant  partie, 
avions-nous  chassé  des  lièvres  (ddesrciiar.l^,  sdii  ni  halliies, 
soit  anx  chiens  cmirants,  montés  sur  rc-,  ^\^r||,all^  i!i,'\aii\ 
cosaques  venus  des  bords  du  Don,  (pidnaiirh'  mu  les  jarrrls 
au  mvindre  appel  de  la  langue,  el  (\m  l'c  oiiteiil,  iiniuiiliiles, 
les  coups  de  fusils  tirés  entre  leurs  oreilles;  à  peine  eulin  la 
neige  d'hiver,  la  neige  désormais  sans  ilé(;el  jusqu'au  prin- 
temps, avait-elle  pris  possession  de  la  terre  russe,  donnant 
ouverture  aux  grandes  chasses  d'élans  et  d'ours,  aue  la  lièvre 
cruelle  me  coucha  pour  trois  mois  sur  le  liane.  Adieu  pelisse, 
/(jk/ou/j  el  hottes  de  feutre  ;  adieu  lriiiu"aijx  et  tiHnjas  ;  iiilicn 
carabine  el  poignard;  adieu  hr.ives  cl  tiiiis  eiinipagnons.  hia- 
ves  el  dociles  traqueurs;  adieu  chasses  à  l'aire  el  hislulrcs  à 
rac(Miter  !  Voilà  pourquoi  je  te  manque  de  parole,  cher  lec- 
teur, pourquoi,  prêt  à  te  c(Uiduire  i"!  d'autres  expéditnins,  je 
commence  par  me  justifier  de  l'emmener  liors  de  la  liussie. 

(1)  Voir  yinimiriuinn  des  "0  aciftl  el  5  sepleiribre  1810. 


,! ■  Il  III,  if-nir  pi'i-  a  \  (.-,  a  jir  sur  la 

i-ji  r  piivi'ipicn  c,  pal  lis  il, MIS  un  bon 

rnié),  dont  les  moindres  l'entes  étaient 
i.,,i^nrii-:  iiM  ni  (  ill.iili ées  de  l'ourrufc,  nous  étions  suivis 
diiiie  cal  ilic  Iraiicaise  glissant  aussi  sur  des  patins,  mais 
dont  il  sul'lisait  de  remettre  les  roues  aux  fusées  (les  essieux 
pour  en  faire  une  voiture  terrestre.  Le  passage  d'un  ré;;mie 
à  l'autre,  je  veux  dire  de  la  neige  à  la  terre  et  du  tra'ma^:e 
au  roulage,  ne  se  fait  jamais  sans  de  graves  difficultés.  Il  n'y 
a  pas  de  frontière  bien  marquée  entre  le  royaume  de  l'hiver 
et  celui  du  printemps;  quelques  accidents  de  terrain,  quel- 
ques degrés  de  plus  ou  de  moins  dans  le  thermomètre,  qui 
marche  avec  les  heures  du  jour,  font  passer  rapideineiit  de 
l'un  à  l'autre.  A  midi,  l'on  s'embourbe  dans  la  vase,  tandis 
qu'au  coucher  du  soleil  on  patine  sur  une  glace  toute  fraîche 
et  toute  unie.  Au  milieu  des  plaines  où  le  vent  a  roulé  et  dis- 
persé les  dernières  traces  de  la  neige  un  traîneau  s'engrave 
sur  la  grande  route  comme,  au  rellux-,  uiie  barque  dans  le  sa- 
ble ;  tandis  qu'au  liane  des  collines  Ofi  la  neige  s'est  amon- 
celée six  mois  durant,  nue  voiliii-e  s'enfonce,  se  penche  el  se 
couche  (pieliiuefois  comme  roulée  par  une  avalanche.  Avec 
des  attelages'  doublés,  triplés,  quintuplés,  avec  le  secours 
plus  int(dligent  et  plus  efficace  des  bras  d'hommes  qui  s'ar- 
ment de  pics  et  de  pioches  pour  frayer  le  chemin,  im  n'a- 
vance qu  avec  une  lenteur  désespérante,  surtout  après  l'ex- 
trême rapidité  desdébuls.  Au  départs, nous  faisions  aisément 
sur  la  neige  durcie  delà  grand'route  quatre  à  cinq  lieue.s... 
pardon,  quinze  à  vingt  kilouiètresà l'heure.  Plus  loin,  quand 
nous  atleignîihesle  dégel,  qui  nous  surprit  aux  environs  de  la 
ville  universitaire  de  Dorpal(Ucrpl), 

Quand  les  jeunes  zéphirs,  de  leurs  tiédes  haleines, 
Fondirent  l'écorce  des  eaux, 

nous  ne  plimes  faire,  en  deux  jours,  que  deux  relais  de  poste, 
sans  compter  un  jour  perdu  dans  l'intervalle  pour  réparer 
les  avaries  de  notre  double  équipage.  Dès  que  la  iicige  nous 
manqua,  le  DiisoA:  fut  ingratemeiil  abandonné,  coninic  on 
congédie  un  bon  serviteur  lorsqu'il  cesse  d'èlie  iililc  ;  cl  une 
fois  remontés  sur  nos  roues,  nous  quiuàmes  l'allure  des  Im- 
tues,  sans  retrouver  pourtant  celle  des  lièvres.  Sur  une  route 
défoncée  et  submergée  par  le  dégel,  les  voitures,  embourbées 
jusqu'aux  essieux,  avancent  k  la  manière  d'un  chariot  de  loin 
'dans  un  marécage.  Le  trajet  devient  Irès-pénible  lorsque  la 
chaussée  manque  et  qu'on  se  trouve  réduit  à  louvoyer,  à 
serpenter,  à  patauger,  à  barboter  au  travers  des  chemins  vi- 
cinaux, comme  il  arrive  notamment  dans  les  villages  juifs  de 
la  Courlande.  J'avais  cru  jusqu'alors  que  le  plus  malheureux 
pays  de  l'Europe,  le  plus  désolé,  le  plus  navrant  à  voir,  c'é- 
tait la  Pologne  (je  n'ai  pas  visi':>  lo:,i"  ■  Mais  les  villages 
juifs  de  la  Courlande,  tels  q\v   i  >!,  -.  àrsclikn/.y,  I  em- 

portent encore  d'un  degré  il-ii-  r,  n^  ,  ;  Mtiirssion  du  mal. 
Décidément  il  n'y  a  rien  de  plus  misiiable,  de  plus  sale,  de 
plus  hideux,  rien  qui  répugne  davantage  aux  regards  et  qui 
alllige  l'àme  aussi  profondément.  Mais,  an  reste,. quand  on  a 
vu  l'ininiense  el  maguiliqne  palais  que  les  ducs  de  Courlande 
ont  élevé  naguère  à  Millau,  sur  les  bords  de  l'Aa  (I)  ;  quand 
on  a  vu  dans  lous  ces  villages  juifs  de  belles  églises  chrélien- 
nes  qu'ornent  une  foule  d'images  habillées  en  plaques  d'or 
et  d'argent,  on  ne  s'élonne  plus  de  l'épouvanlable  misère  où 
croupit  une  population  méprisée  et  maudite. 

A  cette  époque  de  l'année,  les  fleuves  sonl  le  principal 
obstacle,  et  quelquefois  insurmontable,  que  rencontre  le 
voyageur.  Après  avoir  franchi  je  ne  sais  plus  quelle  livièie 
torrentielle  sur  un  petit  pont  improvisé  quisubsiste  pourtant 
pisqu'à  i'aulomne,  espèce  de  radeau  flottant,  amarré  par  ses 
bouts  aux  deux  rives,  long,  étroit,  sans  garde-fou  d'aucune 
sorte,  et  qui  plie  à  un  pied  dans  l'eau  sous  le  [loids  d'une 
voilure  lancée  à  toute  course  ;  après  avoir  passé,  sur  une 
glace  humide  et  bourbeuse,  les  deux  larges  bras  de  la  paisible 
Uwina,  et,  dans  un  bac  déjà  rétabli,  le  cours  plus  impétueux 
de  l'Aa,  nous  espérions  bien  être  au  boni  de  nos  épreuves  et 
de  nos  tribulations.  Déjà  Taurogen,  le  bourg  lionlière,  était 
dépassé,  ainsi  que  les  splendides  bâtiments  de  la  douane  el 
de  la  ]iolice  russes;  déjà  le  t;o.saque  à  cheval  qui  accompa- 
gne tout  voyageur  à  son  entiée  et  ïi  sa  sortie,  avait  l'ait  lever 
devant  nous  la  barrière  de  l'empire;  déjà  les  employés  du 
Zolhvrrai  a\aiiiil  jicsé  mes  fusils,  seuls  objets  qu'atteignit 
le  taiii;cli|a  le  |iii>lilliin,  en  gland  uniforme,  qui  elail  monté 
sur  I'oimIc  ses  dicvaux  pour  rcniplacer  le  cocher  rii.sse  des- 
C(!ndii  du  siège,  sonnait  gaiement  la  faul'aii^  du  d.'part  dans 
le  petit  cordecliasse  pendu  àson  liras. Nous èlioiis  en  Prusse; 
des  bornes  iiiiHiaiivs  indiquaient  la  ilislance  au  chef-lieu  de 
province,  a  l,i  pl.iic  des  i^iands  poliMiix  de  hids  peint  i|iii, 
en  lîii-sie,  sur  le-  (li'iix  l,ices  de  Icnrangle,  uianiiient  le  nom- 
bre (!,■  \er:les  eiiiivini  relais  de  pnsie  et  l'autre.  Qui  pouvail 
désormais  aiicler  on  ralentir  holre  marche  dans  un  pays  si 
bienadiiiinisliè,  sur  une  route  si  bien  enlivleniie?  Une  hiis 
la  posle  |M\èe  jiiMpi'à  Berlin  ,  et  quelques  thalers  en  poche 
p -le  trink-iielil  des  postillons,  il  ne  reslail  plus  qu'à  dor- 
mir grasseineiil  sur  les  deux  oreilles  :  au  moins  nous  en  nat- 
tions-nous, M, lis,  I  oninie  il  arrive  si  souvent  dans  ce  chemin 
plein  d'accideiils  divers  qu'on  appelle  la  vie,  c'était  à  l'heure 
présumée  du  repos  (pie  nous  attendait  le  plus  rude  labeur, 
A  peine  avions-nous  fait  un  quart  de  mille  au  delà  de  la 

(1)  Celui  qn'liahila  tonglenips  Louis  WIII  émigré. 


frontière,  en  descendant  par  une  pente  douce  la  colline  de 
Taurogeii,  que  nous  aperçûmes  devant  nous  tout  un  horiz<;n 
d'eau  et  comme  une  vue  de  la  mer.  Nous  savions  bien  pour- 
tant, sans  recourir  aux  cartes  de  géograiihie,  qu'une  grande 
roule  desservie  par  la  poste  ne  va  [las  d'habitude  se  perdre 
dans  l'Ociian.  Aussi,  nous  croyions  nos  yeux  dupes  de  quel- 
que illusion  d'optique,  de  quelque  mirage  produit  par  le 
brouillard  des  vallées,  el  nous  plaisantions  agréablement  sur 
les  erreui  s  oii  riioiiime  est  jeté  par  ses  propres  sens.  Mais 
notre  dissertation  philosophhjue  fut  brusiiueinent  interrom- 
pue par  l'aspect  manifeste  et  palpable  de  la  réalité.  Sans  êtie 
l'Océan,  c'était  bien  une  mer  qui  nous  barrait  le  passage. 
Anèté  par  (les  glaces  que  le  dégal  avait  amoncelées  àson 
emhoni  liiiie,  et  lermilé  violemniciil  dans  son  lit,  le  Niémen, 
déborde,  iieinilaii  piMpi  a  ileo.v  li.  nés  de  ses  rives  les  prai- 
ries basse.,  qui  mais  se|iaraieiil  de  lui.  L'étroite  chaussée  sur 

laqiielli;  js  cliermuioiis  avec  lenteur  et  précaution,  était 

hatlue  des  (Jeux  cùlés  jiar  un  Ilot  bourbeux  et  clapolanl,  el 
bient()t,  la  vovant  disparaître  devant  imus  sous  le  niveau  des 
eaux  eiiv,ilnss,inlês,  le  postillon  i  oiis  déclara  qu'il  n'y  avait 

plus   >eii  il.naiieei..    (jiie   Lille?  S'obstiiier  à  suivfe  la 

roule  siileuei-ee;  il  V  avaii  ieii,i  Mil',  fulic.  licvenir  en  ar- 
rière pour  allwidrc  la  dèb.icU-,  du  Heuve  el  la  rentrée  de  ses 
eaux?  quelle  boule  el  quel  ennui  1  Au  milieu  de  nos  perplexi- 
tés, et  tandis  que  nous  parcourions  d'un  regard  désolé  ce  lac 
sans  rivages,  qui  confondait,  au  bout  de  l'horizon,  ses  eaux 
troubles  et  jaunâtres  avec  les  dernières  ligues  d'un  ciel  gris 
el  brumeux,  nous  vîmes  apparaître  dans  le  lointain  un  petit 
balean  qui  portait  à  sa  poupe,  au  haut  d'un  bâton,  l'aigle 
noir  de  Prusse  sur  uli  moiiclioir  blanc.  Ce  signe  indiquait 
avec  évidence  qu'il  faisait  un  service  public. Nousie  liélànics, 
et  il  vint  complaisamment  s  accob'i  auprès  de  nous  sur  le 
liane  de  la  chaussée.  Deux  rameurs  et  une  espèce  de  pilote 
qui  manœuvrait  le  gouvernail,  inonlaient  ce  bateau,  chargé 
du  passage  des  dépêches.  Ces  braves  gens  nous  proposèrent, 
moyennant  la  taxe,  de  nous  i  amener  à  lilsit,  d'où  ils  étaient 
partis,  si  nous  conspiiiinii- ii  lain-  i  oiiduire  par  notre  voiluie 
au  relais  d'où  nous  veiiimis  1  ,i^.  m  de  la  posle  avec  deux  on 
trois  passagers.  Nous  accrplaims  de  grand  cœur,  et  laissanl 
notre  équipage  â  la  garde  du  fidèle  Ivan,  nous  sautâmes  dai, 
la  barque  avec  quelques  paquets  des  plus,  précieux  ou  di 
moins  lourds,  qui  servirent  de  sièges  et  d'abris  )iour  les  fem- 
mes et  les  enfants. 

L'air  était  froid,  et  le  brouillard,  s'épaississant  de  plus  en 
plus,  nous  enveloppa  bienti'itde  son  voile  humide  et  sombre. 
Nousvoguions  lentement  et  sans  bruilsur  une  eau  et  sous  un 
ciel  que  Poussin  m'avait  déjà  montrés  dans  son  chef-d  œuvie. 
Celait  la  même  trislesse,  lamêmedé.solalion,  et  le  déluge  se 
révélait  à  nous  dans  toute  sa  biblique  horreur.  Si  nous  ren- 
conlrions  de  grands  arbres,  ils  étaient  engloutis  )usqu'à  la 
moitié  de  leurs  troncs  séculaires,  et  les  saules  des  prairies  ba- 
layaient de  leurs  rameaux  extrêmes  le  fond  de  noire  bateau, 
comme  eussent  fait  des  joncs  dans  un  élang.  Quelquefois,  avant 
d'apercevoir  dans  la  brunie  épaisse  les  maisons  submerg<  es, 
nous  entendions  les  cris  de  détresse  poussés  par  leurs  habi- 
tants réfugiés  sous  les  toits.  Les  uns  demandaient  qu'on  lelir 
envoyât  une  barque,  pour  qu'ils  pussml  fuir  avec  leur  butin 
une  habitalion  qui  inenai,ail  ruine;  d'autres,  plus  rassurés, 
priaient  seulement  qu'on  leur  apportât  du  pain  au  prochain 
voyage,  et  souvent  même  des  essaims  d'enfants,  échappés  par 
les  lucarnes  des  greniers  et  grimpés  sur  le  chaume,  se  li- 
vraient, avec  l'insouciance  de  leur  âge,  à  des  jeux  périlleux, 
il  nous  arrivait  fréquemment  de  rencontrer  de  larges  bancs 
de  glaces  llotlantes,  qu'il  fallait  briser  etséparer  à  coups  d'a- 
viron, ou  que  nous  franchissions  à  lorce  de  rames  en  les  fai- 
sant plier  et  enfoncer  sous  le  poids  de  notre  fragile  embar- 
cation. Serrés  en  petit  groupe  pour  nous  réchaiiflér,  et  gar- 
dant ce  silence  morne, celte  attention  inquiète,  recueillie,  que 
donne  t(miours  une  sitiiallini  siiignlièie  et  critique,  nous  er- 
rions à  travers  le  brouillard,  immobiles  el  muets,  comme  les 
ombres  qui  traversaient  jadis,  dans  la  barquedu  vieux  Caron, 
les  sept  replis  du  Slvx.  il  y  avait  deux  heure.s,  deux  mortel- 
les heures,  que  durait  celte  lugubre  traversée  ;  je  n'avais  pas 
compris  pourquoi  notie  pilote,  an  lieu  de  suivre  la  ligne  droite 
que  traçaient  les  hauts  peupliers  de  la  chaussée,  avait  fait,  à 
angle  droit,  un  immense  détour,  et  je  le  voyais  maintenant. 
incertain  sur  la  route  à  suivre,  louvoyer  en  lous  sens  et  ne 
prendre  aucun  parti.  BienP'it  nos  rameurs  échangèrent  avec 
lui  quelques  mots  d'inquiétude,  el, déposant  leursavirons,  ils 
se  penchèrent  tous  pour  écouler  avec  grande  attention  ;  un 
silence  de  mort  régnait  sur  toute  l'étendue  des  eaux.  Ils  i(>- 
prirentles  rames,  firent  un  nouveau  trajet  de  quelques  cen- 
taines de  pas,  el  leconimencèrent  à  (irêter  l'oreille.  Celle  lois, 
un  léger  bruit  d'eau  courante  arriva  jusqu'à  nous,  venant  de 
notre  droite  et  de  fort  loin,  u Marchons!  s'écria  le  pilote,  en 
portant  notre  proue  à  gauche  ;  nous  avons  passé  !  »  Et  les  ra- 
meurs, redoublant  de  zèle,  nous  tirent  voguer  rapidement  à 
vol  d'oiseau,  u  Qu'avons-nous  passé'?  demandâmes-nous  avec 
empressement.  —  Un  endroit  dangereux,  répondit  le  pilote. 
Par  le  lit  d'un  petit  ruisseau  qui  ((lu'e  sous  un  pont,  les  eaux 
ont  rompu  la  chaussée,  et  se  pivcipilenl  par  relie  hrèclie  avec 
une  furie  irrésistible.  Si  nous  fussions  tombés  dans  ce  cou- 
rant, il  nous  eût  emmenés  jusqu'à  la  mer.  Voilà  p(miquoi  j'ai 
dû  faire  Un  si  long  détour  et  ne  pas  me  hasarder  fans  laisser 
le  torrent  derrière  nous.  »  Hieiit('il  après,  notre  barque  alla 
s'amarrer  conire  les  fenêtres  d'un  grand  nuinlin,  que  l'eau 
ballait  de  tons  côtés,  comme  un  de  ces  dangereux  récifs  ({iii 
élèvent  au-dessus  des  Ilots  de  l'Ucéan  leur  cime  solitaire  el 
victorieuse  des  tempêtes. 

Nous  étions  parvenus  à  la  rive  du  Niémen.  Il  ne  fallail  plus 
que  traverser  la  larteiir  de  son  lit.  Déj!l,  par-dessus  le  brouil- 
lard, qui  descendait  else  roulait  sur  la  terre,  seinblab'eà  des 
nuages  de  fumée  urisc,  nous  apercevions  les  toits  des  plus 
hauts  édifices  de  Tilsit  el  les  pavilhms  des  pelits  bàlimenls 
qui  encombraient  sa  rade.  Un  grand  souvenir  bistorii|ue  se 
dressait  devant  n(Mis.  C'était  là,  à  quelques  pas,  sur  un  radeau 
fixé  au  niiliendii  fleuve,  qu'en  1807,  après  la  terrible  bataille 
d'EyIau,  les  empereurs  Naimléon  et  Alexandre  avaient  eu 


L'iLLtSTUATlON,  JOURNAL  UMVEllSEL. 


cette  entrevue  rélèbre,  qui  non-seulement  deviiit  rendre  la 
paix  au  monde,  mais  dans  laijuelu',  coupant  la  carte  d'Europe 
par  une  liyne  tirée  du  goll'e  de  Kiga  au  golfe  de  Salonique, 
le  Corse  et  le  Byzantin  (comme  ils  s'appelaient  eux-nièines) 
se  partagèrent,  dit -on,  toute  cette  Europe  en  deux  empires. 
Je  cliercliais  il  retrouver,  précisément  entre  la  ville  el  noire 
moulin,  la  place  même  uù  se  lit  celte  enlrevue  fameuse,  qui 
monlie  k  leur  apogée  la  gloire  et  la  fortune  de  Napoléon.  Mais, 
au  lien  d'un  cours  d'eau  rapide,  je  n'aperçus  qu'une  surlace 
iuunoblle,  raboleuse,  loui  rnenlée,  oii  l'on  edt  dit  que  des  blocs 
de  rocliers,  précipités  de  quelque  nioulagut,  s'étaient  lieurtés 
et  amoncelés  en  roulant  pêle-mêle  au  fond  d'une  vallée.  C'est 
qu'en  elïet,  les  glaçons  charriés  par  le  llenve,  et  pressés  les 
uns  contre  les  autres  par  le  rétrécissement  des  rives,  s'étaient 
justement  arrêtés  depuis  la  mer  jusqu'au  delà  du  petit  puit 
de  Tiisit.  Notre  barque  avait  dû  s'arrêter  aussi  devant  cet  ob- 
stacle, insurmontable  pour  elle.  En  biver,  peu  tant  la  gelée, 
armés  de  bâtons  ferrés  comme  ceux  que  portent  les  touristes 
sur  les  glaciers  de  .4lpes,  nous  eussions  facilement  franclii 
cette  autre  mer  de  glace.  Mais  un  tel  genre  de  voyage  était 
alors  impraticable  ;  car  entre  les  glaçons  mal  joints  el  mou- 
vants quelquefois,  le  tleuve  se  montrait  en  llaques  écnmeuses 
et  menaçâmes.  Il  ei'ilfallu  risquer  des  sauts  de  tremplin  où  le 
moindie  faux  pas  pouvait  être  mortel.  Que  faire  donc,  ipie 
devenir,  el  coumient  continuer  sa  route  lorsqu'on  ne  peut  plus 
faire  usage  de  traîneau,  de  voiture,  de  baïque,  ni  nlêinc  de 
ses  jambes'^ 

Notre  pilote,  qui  avait  déjà  pénétré  dans  le  moulin  par  une 
facile  escalade,  mit  le  nez  à  une  lucarne  comme  le  Bon  Dieu 
de  Bélanger  :  »  Ne  bougez  pas,  nous  dil-il,  prenez  seule- 
ment un  peu  patience.  »  Et  pliant  sous  sa  langue  les  grands 
doigts  de  ses  deux  mains,  il  termina  sa  courte  harangue  par 
trois  vigoureux  coups  de  silHet.  On  devait  l'entendre  jusqu'à 
l'autre  rivage,  où  nous  tenions  les  yeux  bxés.  Peu  de  leinps 
après,  nous  aperçûmes  venir  à  nous  et  s'avancer  sur  le  fleuve, 
tanlôl  disparaissant  dans  des  profondeurs  invisibles,  tantôt 
franchissant  les  blocs  de  glacé  en  bonds  lormidables,  un  ani- 
mal énorme,  inconnu,  étrange,  la  cbiiiière  de  Lycie,  ou  le 
dragon  de  l'Apocalypse,  ou  le  monstre  marin  évoqué  par  Thé- 
sée, à  la  vuedilquei  les  coursiers  d'Hippolyle  prirent  le  mors 
au.\  dénis.  Ce  monstre-ci  avait  pour  le  moins,  autour  de  ses 
larges  lialics,  dix  bras  et  vingt  jambes.  Il  glissait  et  cbemi- 
nait,  montant,  descendant,  traçant  des  zigiags,  comme  eut 
fait  un  gigantesque  insecte  aux  mille  pieds.  Kassurés  par  la 
promesse  du  pilote,  nous  regardions  curieusement  cet  objet 
singniier,  être  ou  machine,  app-^lé  pour  notre  délivrance.  Feu 
à  peu  nous  distinguâmes  ses  membres  ou  ressorts,  et  nous 
reconnûmes  enfin  ce  qui  le  composait.  Le  corps  du  monstre 
était  une  barque  ronde  et  plate,  portée  non  sur  une  seule 
quille  centrale,  mais  sur  deux  bandes  de  fer  latérales  sem- 
blables aux  patins  d'un  traîneau.  Cinq  longues  traverses  en 
bois  étaient  fixées  par-dessus  ses  bords,  cpielles  dépassaient 
d'un  mètre  ou  deux,  et  dix  hommes,  attelés  en  deux  troupes 
égales  sur  les  flancs  de  cet  étrange  véhicule,  le  poussaient  en 
cadence,  combinant  leurs  elToits  par  des  cris  mesurés.  Us  ar- 
rivèrent ainsi  jusqu'à  nous;  et  lorsqu'ils  eurent  fait  pivoter 
leur  machine  à  deux  fins,  ils  nous  invilèrenlà  y  prendre  place. 
Nous  allâmes  de  nouveau  former  nngronpe  intéressant  et  pit- 
toresque, assis  sur  nos  bagages  au  centre  de  la  galère,  à  la- 
quelle nous  tachions  de  donner  du  lest  par  noire  poids  bien 
équilibré.  La  chiourmc  reprit  son  pnsle.  Ayant  tordu  leurs 
pantalons,  qui  ruisselaient  d'eau  glacée,  el  essuyé  leurs  fronts, 
qui  ruisselaient  de  sueur,  nos  dix  rameurs  s'attelèrent  de  nou- 
veau, chacun  à  sa  perche,  qu'ils  portaient  contre  leur  poi- 
trine el  sur  leurs  bras  croisés,  à  la  manière  des  vignerons  au 
pressoir.  La  bêle  aux  mille  pieds  se  remit  en  marche.  Elle  al- 
lait avec  lenteur,  avec  prudence,  el  toujours  à  la  mesure 
d'une  bruyante  et  discordante  musique.  Lorsqu'il  s'agissait 
de  frauehiV  un  bloc  de  glace  dressé  devant  nous,  la  barque 
devenait  traîneau,  et  nos  dix  hommes,  bien  cramponnés  sur 
leurs  vingt  jambes,  le  hissaient  à  force  de  bras  et  à  l'aide  de 
ses  patins  ferrés  ;  puis,  lorsqu'il  fallait,  à  la  chute  du  glaçon, 
passer  un  petit  bras  de  fleuve  pour  gagner  un  autre,  banc,  le 
traîneau  redevenait  barque  ;  el  alors,  s'accrochant  par  les 
mains  à  leurs  bâtons,  nus  pauvres  marins  d'eau  douce  se 
laissaienlemporter  par  la  secousse  donnée,  pendus  dans  l'eau 
jusqu'à  mi-corps.  El  ainsi,  tantôt  traînant,  tantôt  traînés, 
tanlôl  escaladant  les  glarcs,  el  tanlôl  submergés  dans  les  Ilots, 
ils  recommençaient  alternativement  leur  agréable  exercice. 
Certes,  si  les  anciens  Grecs  eussent  connu  celte  manière  de 
passer  un  fleuve  au  dégel ,  ils  auraient  pu  singulièrement 
améliorer  le  supplice  de  Sisyphe.  0"  est-ce, au  prix  décela, 
que  rouler  un  rocher  sur  le  flanc  d'une  montagne'? 

Nous  avions  commencé,  avant  midi,  notre  voyage  nauti- 
que; nous  descendimes  sur  la  berge  à  la  tombée  de  la  nuit. 
Là  nous  attenilait,  avec  une  bonne  calèche,  M.  N.,  dirccleur 
des  postes  de  la  province,  homme  de  cd'iir  excellent  et  d'es- 
nril  distingué,  cliel  d'une  nombreuse  et  belle  famille,  excel- 
lente et  distinguée  comme  lui-même,  et  dont  la  maison  bos- 
piUilière  est  une  véiit.iblc  oa^is  cpie  la  providence  des  voya- 
geurs a  jetée  au  miliiMi  'lu  désert  qui  sépare  Sabit-i'étershoiirg 
de  Berlin.  Obligés  d'altendi\i  la  oébàcle  pour  que  nos  éipii- 
pages  vinssent  nous  rejoindre  à  Tiisit,  nous  avions  au  moins 
deux  ou  trois  jours  de  loisirs  forcés  à  remplir.  Or,  je  vous  le 
demande,  qu'est-ce  ipii  remplit  le  mieux  en  ce  monde  des 
loisirs  forces?  assurément  une  partie  de  chasse.  Il  fallait  donc 
clias«er  tout  convaleseenl  que  je  lusse,  et  fort  brisé  d'un  si 
rude  voyage.  Je  priai  mon  hôte  de  me  donner  ce  plaisir,  on  je 
Voyais  aussi  un  puissant  moyen  de  guérison.  «  Hélas  !  iin^ 
dit-il  ton'  désole,  pourquoi  faut-il  que  vous  me  demandiez 
juslemenl  ce  qui  n  est  pas  en  mon  pouvoir!  —  Cepen  lani, 
rcpris-je,  vous  avez  des  élans  dans  votre  voisinage,  el  ce 
sont,  je  le  sais,  les  derniers  que  l'on  rencontre  en  revenant 
du  nqfd  au  midi.  — Sans  doute,  répondit  M.  N.,  notre  roi  en 
a  un  grand  trimpeau  parqué  dans  un  de  ses  domaines,  iineile 
boi^ée  à  l'enihouclinre  du  Niémen,  et  je  pourrais  même  vous 
obtenir  la  permission  d'en  choisir  un  au  milieu  de  ce  trou- 
peau, Maisl'ile  est  fermée  par  les  glaces  mieux  (jue  notre  port, 


el  votre  attelage  de  tantôt  ne  poiiiiail  pas  pousser  jusqiie-l;i 
sa  barque  à  patins. —  Eb  bien  !  de^  sjn^lin,,  ilrs  chevreniU'? 
répliqiiai-je,  obstiné  dans  mou  iili'e  —  Nm^  en  avons  aussi, 
me  dil  M.  N.,  et  que  nous  cbasserioiis  >aiis  permission  ;  mais 
ils  habitent  naturellement  les  foiêls,  el  nos  torêls  sont  lonles 
situées  en  Couriande,  au  delà  du  fleuve.  Vonlez-vous  le  tra- 
verser encore,  sauf  à  ne  pmnoir  levenir  de  huit  jiuirs?  Pour 
moi,  je  ne  puis  quitter  si  longtemps  ma  maison  el  mes  allai- 
res.  —  En  ce  cas,  chassons  des  lièvres,  dis-je  à  M,  N.;  il  y 
en  certainement  dans  vos  plaines.  —  Oui,  répondil-il,  ci 
beaucoup;  mais  tachasse  est  fermée  depuis  buil  jours.  — 
Alors,  repris-je,  baissant  buijoiirs  mes  prétenlitns,  nous 
avons  au  moins  les  oiseaux  de  passage'?  —  Nous  avons,  ré- 
plii|ua-l-il,  c'est-à-dire,  nous  aiuons.  Vers  une  ou  deux  se- 
maines, les  bécasses  commenceront  à  paraître  dans  nos  tail- 
lis, et  les  canards  dans  nos  étangs.  Les  bécassines  seront 
pent-élre  arrivées  un  peu  plus  toi  dans  nos  marais;  car  déjà, 
m'a-t-on  dil,  quelques  petites  sourdes  mit  été  vues  voltigeant 
sur  les  joncs  desséchés,  et  les  vanneauv,  cette  avant-garde 
ordinaire  de  tout  le  gibier  ein|ilumé  (|ue  le  printemps  nous 
ramène,  commence  à  faire  entendre  son  cii  mélancolique, 
tandis  que  la  maigre  cigogne  porte  déjà  an  haut  de  nos  clo- 
chers les  branches  sèches  qui  feront  son  nid.  —  Enfin,  m'é- 
criai je,  pour  couper  court  à  loiile  objection  de  mon  hûlp 
sage  el  prévoyant,  chassons  ce  que  Dieu  nous  enverra  :  bé- 
cassines, vanneaux,  ramiers,  grives,  alouettes,  qiloi  que  ce 
soit  ;  mais  chassons.»  Et  le  lendemain  malin,  après  avoir  pris 
le  café  avec  une  bonne  tranche  de  bœul  salé  de  Dantzig,  en- 
tourée de  clioucrouteet  assaisonnée  d'un  verre  de  vin  du  Uhin, 
nous  nous  mimes  en  campagne  à  la  grâce  de  Dieu. 

J'avais  dû  enfoncer  mes  jambes  amaigries  dans  de  longues 
bottes  de  marais  qui  montent  jusqu'à  la  ceinture;  et  ne  me 
piquant  point  de  tirer  les  bécassines  à  balle  franche  avec  une 
carabine  cannelée,  force  m'avait  été  de  prendre  un  lourd  fusil 
de  très-gros  calibre  (n"  10),  que  j'avais  porté  an  bord  de  la 
Neva  pour  les  grandes  chasses  de  l'Iiisii.  |-|  p.iurtanl,  pen- 
dant plusieurs  heures,  sous  la  rosir  (  niiiiuii,  ih'  d'une  pluie 
fine  et  froide,  nous  arpentâmes  des  Iriiidi  ^  hei  i>sees  de  brous- 
sailles, des  terres  fangeuses,  des  niai  ecagcs  inondés,  avec  une 
persévérance  et  un  courage  qui  méritaient  la  plus  éclatante 
récompense,  0  injustice  du  sort  !  ô  déceptions  de  l'espérance! 
ô  dures  épines  de  la  vie!  quand  nous  retournions  à  Tiisit 
vers  le  soir,  la  tête  penchée  sous  le  poids  de  la  tristesse  et  de 
nos  casquettes  imprégnées  d'eau  comme  des  éponges,  je  me 
rappelais  involontairement  le  classique  apologue  d'Horace. — 
Parturiutil  montes,  me  disais-je;  ce  qui  signilieen  bon  fran- 
çais :  On  brave  les  difticullés  d'une  longue  et  pénible  route; 
on  voyage  sur  patins  et  sur  roues,  à  travers  la  gelée  et  le  dé- 
gel, la  neige  et  la  boue,  les  juifs  et  les  douanes,  on  passe  des 
fleuves  sur  un  radeau  llotlant,  sur  la  glace  fondue,  en  bac,  en 
barque,  en  traîneau  ;  on  touche  à  l'Allemagne,  la  terre  pro- 
mise des  chasseurs;  on  chausse  vile  ses  bottes  de  sept  lieues, 
on  prend  sur  son  épaule  un  canon  de  48;  dans  l'eau  tombée 
et  sous  l'eau  qui  tombe,  on  marche,  on  marche,  on  marche... 
et  puis,  nascituT  riilivulus  mus,  un  chasseur  d'élans  et  d'ours 
rentre  triomphalement  au  logis...  avec  une  sourde. 


II, 


Nécessairement  j'avais  une  revanche  à  prendre,  et  ce  ne 
pouvait  être  fi  Tiisit,  Aussitôt  que  les  glaçons  qui  faisaient  le 
Idociis  de  cette  ville  eurent  enfin  levé  le  siège,  et  que  nos 
bagages  purent  traverser  le  fleuve,  nous  partîmes  en  toute 
bâte  jiiiur  Berlin.  Ni  Kanigsberg,  la  docte  cl  libérale  patrie 
de  Kaiil,  ni  Elliiiig,  si  animée  par  le  commerce  et  l'indus- 
trie, ne  pouvaient  retenir  un  sent  jour,  une  seule  heure,  no- 
tre imiiatient  désir  de  rencontier  enliii  la  iiai^Muile  venliire 
el  de  sentir  le  premier  souffle  du  priiileni|is.  L'uiilijiie  (disla- 
cle  à  une  prompte  arrivée  pouvait  se  trouver  an  pied  de  l'an- 
tique l't  iiiaje;,liienx  château  qui'  les  chevaliers  tentons  élevè- 
rent à  .Miirirnboiiig,  où  la  Vislule,  à  l'époque  des  débâcles, 
emporte  qiie!i|iiel'ois  les  digues  qui  resserrent  cl  contiennent 
son  lit.  MaU  lieiiieusemeiil  les  glaces,  rompues  par  le  dégel, 
s'étaient  laissé  traîner  paisiblement  jusqu'à  la  Baltique,  sans 
révolte  et  sans  coinbat. 

C'était  plus  loin,  en  remontant  le  cours  du  fleuve,  que 
grondait  l'insurrection,  el  dans  les  sombres  nouvelles  que  le 
flot  nous  apportait  des  deux  capitales  de  la  Poloune,  nous 
eussions  cru  entendre  la  parole  désespérée  de  Kosciuszko  à 
Macijovice  :  Finis  PuUmiw'.  si  nous  ne  savions  ipi'un  peuple 
est  toujours  immortel  quand  il  croit  en  lui  et  en  Dieu. 

A  Vienne,  j'ai,  comme  on  dit,  une  providence;  c'est  le 
prince  F.  S.,  qui,  dans  son  château  de  Jlarienllial,  en  Hon- 
grie, sur  le  flanc  des  Karpatlies,  ma  donné  la  franche  el  cor- 
diale hospitalité  du  chasseur.  A  Beilin  aussi,  j'ai  ma  provi- 
dence prussienne,  le  cou. te  de  U.,  qui  m'a  ouvpil  avec  une 
égale  hienvelllaiiee  son  château  et  ses  forêts  de  Lancke  C'est 
sur  lui  iiue  je  complais  |i(iur  efl'acer  par  quelque  aition  A'i'- 
clat  ma  nnntense  déroute  de  Tiisit.  Il  ne  trompa  point  mon 
espoir,  et,  bien  reconiniandé  à  l'inlendanl  de  ses  domaines, 
je  pris  un  beau  soir  celle  roule  déjà  connue,  aei  ompagné 
d'un  ami,  d'nn  fidèle  co-npagnon  de  mes  eh.ivses  en  liiissie, 
que  d'heureuses  circonstances  m'avaienl  fait  retninver  à  Ber- 
lin. Le  vinage  fut  court,  car  les  deux  tiers  du  trajet  se  font 
par  le  chemin  de  b'r  de  Sietlin,  qui  lie  maintenant  Bolin  à 
son  port  de  mer.  comme  fera  pour  Paris  le  chemin  du  Havre, 
el  qui,  terminant  la  grande  ligne  de  l'Océan  à  la  Baltique  par 
Bruxelles  el  Cologne,  pour  dioiuci  II  main  à  la  navigation 
régulière  par  la  vapeur  que  vieniieiil  d'établir  les  Busses  einre 
Kronstadt  el  Stellln,  mettra  bientôt  Sainl-Pétersbourg  à  six 
jours  de  Paris. 

La  chasse  préparée  pour  le  lendem.ain  s'annonçait  sons  les 
plus  sinistres  augures.  D'abord  nous  avions  passé  chez  l'in- 
tendant  du  comte  une  nuit  pleine  d  agitation  el  irair^oisscs. 
Non  pas  que  l'orage  el  la  tempête  eussent  déchainé  sur  nous 
leurs  fureurs,  ni  que  l'incendie,  aux  lueurs  sinistres,  nous 
eût  ouvert  les  yeux  en  sursaut;  mais  nous  aviims  dormi...  je 


me  trompe,  couché  dans  de  vrais  lits  prussiens.  Vous  ne  sa- 
vez pas,  ami  lecteur,  ce  que  c'est  qu'un  lit  prussien?  il  laut 
alors  que  je  vous  l'apprenne.  Un  lit  prussien  n'a  ni  somnier, 
ni  matelas,  ni  draps,  nicuuveitnies.  Eté  connue  hiver,  leson't 
deux  étioils  et  courts  lits  de  plume  qui  le  composent,  enler- 
més  dans  des  espèces  de  grandes  taies  d'oreiller;  l'un  dessus, 
l'antre  dessous.  Pour  se  coucher,  il  faut  se  glisser  prudent 
ment  entre  les  deux,  puis  s'y  Imir  coi,  tapi,  immobile  et  bitn 
recroquevillé;  sinon,  au  moindre  mouvement,  le  lit  d'eu 
bani  roule  à  coté  du  lit  d'en  bas,  ou  tout  au  moins  les  pieds 
passent,  et,  en  se  déeouvranl  ainsi,  on  court  risque  d'attra- 
per des  douleurs  rliiimalismales,  si  rc  n'est  une  fluxion  de 
poitrine.  Elletlivenient,  pressé,  enfoui,  suHoqué  entre  ces 
deux  montagnes  de  plumes,  le  patient  est  moins  dans  un  lit 
que  dans  une  étuve,  dans  un  bain  de  vapeur,  et  s'y  trouve  ex- 
posé à  une  kyrielle  de  maux  égale  à  celle  dont  le  colériuue 
M.  Piirgon  menace  ce  pauvre  M.  Argan,  lntns|iiiation,  pal- 
pitation, sull'ocation.  lièvre,  cauchemar,  asphyxie.  a|ioplexic, 
paralysie,  catalepsie  et  privation  de  la  vie.  C'(4l  en  tout  cas  le 
plus  terrible  sudoriliqiie  que  je  connaisse.  Onaiid  iMiM.  les 
geiililshomines  du  (ui/' veulent  maigrir  un  jockev  de  coiii.se, 
ils  feraient  mieux  vraimenl  de  l'enterrer  dans  un"  lit  prussien 
que  snus  une  couche  de  rumier.  Ce  serait  aussi  ellicace  el 
pins  propre. 

Aflaibli  par  cette  orageuse  nuitée,  au  moins  autant  que 
par  quatre  mois  de  maladie,  je  pouvais  à  peine,  en  me  levant, 
soutenir  le  poids  de  ma  carabine.  Heureusement  que  je  n'a- 
vais aucun  besoin  de  mes  fortes.  Nous  allions  commencer 
par  une  chasse  (|ui  ressemble  aux  lits  de  Prusse,  en  ce  que 
ceux-ci  ne  ressemblent  à  nul  aulre.  C'est  une  chasse  qui  ne 
se  fait  ni  à  pied,  ni  à  cheval,  mais  en  voiture.  Chasser  aiiifi 
se  nomme  iifiischen.  Dans  un  petit  char-à-bancs  à  quatre 
roues,  traîné  par  deux  cheVaux  et  conduit  par  un  cocher  qui 
occupe  le  sléee  de  devant,  deux  tireurs,  assis  sur  le  siège  de 
derrière,  de  façon  à  te  que  chacun  veille  sur  un  des  côtés,  se 
fout  nunclialaimtient  charrier  à  travers  bols,  sans  prendre 
d'autre  piccaulion  que  celle  de  ne  pas  parler  trop  fort.  Il  est 
même  pei mis  de  fiiiner.  et  de  battre  le  lu  iquel  pour  allumer 
sa  pipe.  t.iiie  deviendrait  un  Allemand  s'il  eiail  séparé  deux 
heures  eutièi  es  de  cette  chère  et  |ieiiiétnelle  compagne  de  sa 
vie!  Malgré  le  grincement  des  muts  sur  l'essieu  et  le  bruit 
des  branches  ou  des  l'enilles  sèches  qu'elles  ccra.'enl,  toute 
celte  grosse,  lourde  et  bruyante  machine  fait  moins  peur  aux 
animaux  sauvages  que  la  vlie  d'un  seul  homme  niarcliunl  à 
pas  de  loup.  On  approche  aisément  ainsi,  à  bonne  poilée  de 
balle,  les  cerfs  et  les  chevieuils,  ce  que  les  Allemands  nom- 
ment le  gibier  rouge-,  car  \cyitiier  miir  (les  sailiiliers),  beau- 
coup plus  farouche  el  mieux  avisé,  se  lient  huit  le  |our  dans 
des  fourrés  impénétrables  à  toute  espèce  de  véhicule,  fût-ce 
celui  qu'inventa  le  grand  Pascal,  une  simple  biouelte. 

Celle  chasse  est  assui  énienl  l'une  des  |ilus  agréables  qui  se 
puissent  faire;  elle  a  tout  lattra  i  d'une  quête  pleine  de  n  uu- 
vement  et  d'activité,  sans  en  avoir  la  fatigue,  et  tout  le 
charme  d'un  aflut,  si  agité  des  doucis  angoissis  de  l'espé- 
rance, sans  avoir  l'ennui  de  l'immobilité.  Elle  est  d'ailleurs 
fort  productive,  et  plus  sûre  peut-être  qu'aucune  aulre.  Pour 
nous,  loulefois,  le  pftischen  se  réduisit  à  une  simple  prome- 
nade; et  c'était  déjà  un  plaisir  délicieux  que  de  parcourir, 
par  un  temnsdoux,  sans  neige  el  sans  l'i  imas,  des  foièts  pres- 
que semblables  aux  nôtres,  où,  près  des  arbres  du  nord,  les 
bouleaux  el  les  pins,  croissent  le  chêne,  le  hêlie  et  l'ormeau. 
Nous  avions  d'ailleurs  les  émotions  de  la  chasse.  Mais  nous 
ne  pûmes  trouver  l'occasion  de  placer  une  seule  balle.  Ce 
n'est  pas  que  le  gibier  manquât;  au  contraire.  Il  était  nom- 
breux, et  nous  rencontrions  souvent  les  cerfs  et  les  chevreuils 
par  petits  troupeau.v.  Ce  n'est  pas  non  plus.  Dieu  merci,  qhe 
nous  fussions  inatlentifs,  bavards,  lourds  el  empêtrés  coiiiine 
des  ellas^ellrs  de  bricole.  Non  vraiment,  nous  tenions  la  bou- 
che close  mieux  que  des  trappistes,  les  yeux  ouverts  comme 
lépervier  qui  plane  sur  sa  proie,  et  la  main  alerte  comme  le 
chat  qui  va  lancer  un  coup  de  grille.  Oui,  messieurs  les 
rieurs,  et  si  nous  passâmes  la  matinée  entière  sans  licii  abat- 
tre, sans  rien  tirer,  ce  fut  unii]uemenl  par  excès  de  galan- 
terie. 

Loi'is  VunnoT. 
{La  fin  à  un  prochain  numéro.) 


l<a  Perse. 

En  dépit  de  la  fréquence  et  de  la  gravité  des  accidents  sur- 
venus sur  les  chemins  de  fer,  depuis  leur  récenle  création, 
leurs  rails  gigantesques  ont  envahi  l'Europe.  La  longue  paix 
dont  elle  jouit  depuis  trente  ans  a  propagé  tontes  les  indus- 
tries, multiplié  les  Iransaclions  commerciales,  elles  voit  s  de 
communication  qui  en  ont  été  à  la  fois  la  tause  et  la  consé- 
quence, ont  établi  entre  les  peuples  des  relations  toujours 
croissantes.  Si  l'on  y  ajoute  cette  fureur  de  locimiotion, 
celte  :irti\ilé  lirûlante,  ipii  se  sont  emparées  aiippurd'bni  de' 
Ion  les  e>|,i  Ils,  on  eoniprendi  a  ipie  riiiimense  réseau  ipii  s'é- 
tend lie  |i!iiseii  phis  sur  1(111- les  points  de  notre  vieil  Occident 
inen.iee  d'envahir  jusqu'à  l'Orient, 

An  siècle  (leiiiier,  on  voyageait  peu.  Le  téméraire  qui  re- 
venait de  Moscou  ou  de  Constantinoplc  était  recherché 
Comme  un  personnage  intére'isant.  Ses  poches  semblaient 
remplies  d'aveiilmes  in:iiiu»ei lies,  et  sa  mémoire  devaitêtre 
ampliMiient  garnie  iraiiecilules  piquantes  sur  les  niœiirs  dés 
boyarils  on  le  fanalisine  des  Turcs. 

Niais  la  civilis.ilion,  celle  grande  corruptrice  du  caractère 
national,  qui  >'esl  longleinps  passée  de  chemins  de  fer  eln'en 
use  aujourd'hui  que  imiir  achever  sou  oiivraL'e,  a  rapproché 
tons  les  peuples.  Les  I  nsiuiii' s  ii'huI  plus  quiMles  nuances 
légères,  les  mu'uis  se  .li-nii-ueni  ;i  yi-ww  les  nues  des  autres, 
un  langage  unique  s'iinpn-e  il,,  plus  ..n  plus,  et  il  n'y  a  pas 
jusqu'à  la  religion,  cet  abiiiie  sans  fond,  qui  a  si  longtemps 
séparé  les  nations,  qui  ne  tende  à  se  combler  el  à  livrer  pa.<- 
sage  au  progrès.  Car  c'est  ainsi  que  l'on  est  convenu  d'appe- 
ler cette  teinte  uniforme  el  monotone  qui  s'étend  de  plus  en 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


plus  sur  la  surface  du  plobe. 
Grâce  aux  clieniins  de  fer,  la 
France  n'aura  InenlM  plus  de 
provinces  ;  la  Belgique  est  à 
Bruxelles.  L'unilé  allemande 
existe  de  fait  par  les  grandes 
jonctions  ferrées  de  Munich  à 
Berlin,  devienne  à  Cologne.  Le 
Kremlin  et  Cronstadt  se  lou- 
chent. L'Ilalie,  celte  terre  pri- 
vilégiée, si  chère  aux  poêles  et 
aux  artistes,  qui  devança  l'Eu- 
rope du  qiiiir/.ii'iiio  sif'cie,  clic 
veut  la  siiivii'  aujouiiriiui.  \'e- 
nisc  n'a  pins  ili>  la^uDes  ;  Klo- 
renccs'i'sl  r;q)pi'(ii-lii''i'  ilr  l'isc, 
qui  esti'lli'-iiii'nic.  ilcvciiiii'  |iiirl 
de  mer.  Nuplis  a  drs  l;cii!ii>ni;;> 
maintenant  ipii  s'clriidi'iit  jus- 
qu'à Castelliunaiv  .1  Siu  iviili-. 
Pie  IX,  le  |)a|"'  ^fiii'ic'ii\  i\ 
libéral,  a  iirujiiis  ilr.v  niils-iiini 
à  son  peuple  enthousiasmé. 

Pauvres  poêles  el  pauvres 
peintres,  vous  qui  nous  succé- 
derez, k  qui  emprunterez-vous 
vos  sujets  ?  où  irez-vous  chei- 


(Maisoc  ie  Hussein-Khan,  à  Tabriz.) 


dont  ils  ont  menacé  la  Chim-. 
et  qui  suit  partout  leur  dra- 
peau. 

Parmi  ces  pays,  le.  plus  re- 
marquable est  la  Perse.  Son  his- 
toire, qui  se  lie  aux  faits  les 
plus  reculés,  ses  conquêtes,  ses 
arts,  sa  littérature,  sa  religion, 
tout  contribue  à  le  rendre 
intéressant.  Limitrophe  de  pays 
barbares ,  envahi  par  les  apiV 
tres  armés  du  prophète  Korei- 
cliylc,  saixagé  par  les  hordts 
tartares  de  Tchenghis  el  de 
Timour,  vingt  fois  abattu,  il  se 
releva  vingt  fois  et  resta,  dans 
ces  temps  modernes,  le  pays 
le  plus  civilisé  de  l'Asie, 
comme  il  avait  été,  dans  l'an- 
tiquité, le  plus  fort  et  le  plus 
glorieux,  depuis  son  aiïran- 
chissement ,  sous  le  règne  de 
Cyrus. 

"  Au  voyageur  étonné  qui  vient 
de  traverser  les  désens  pials 
de  la  Mésopotamie  ou  les  mon- 
tagnes âpres  et  sauvages  de 


Géorgien.      Khan  géoi 

^^umvaieiir. 

cher  vos  inspirations?  Hugo,  où  Irouveras-tu 
des  orientales  à  chanter?  El  loi,  infortuné  Ro- 
bert, si  lu  étais  resté  parmi  nous,  dans  quel  coin 
de  la  chère  Italie ,  dis-nous,  aurais-tu  trouvé 
encore  les  motifs  de  tes  ravissantes  composi- 
tions ? 

Vos  muses  sont  travesties.  La  langue  froide 
et  souvent  égoïste  de  la  politique  a  remplacé 
les  accents  mélodieux  de  l'une.  L'autre,  cou- 
verte de  deuil,  a  jeté  son  tambourin  et  ses 
castagnettes,  sa  tleur  cl  sa  robe  écarlale  bro- 
chées d'or,  pour  revêtir  le  sombre  costume  qui 
convient  à  la  forge  enfumée. 

Grâce  donc  au  raii-ujai/,  infernal  trait  d'u- 
nion qui,  de  tous  les  peuples,  n'en  fera  bien- 
tôt plus  qu'un,  la  nationalité  se  perd,  l'origi- 
nalité s'elface,  et  lout  tend  il  s'uniformer. 

Les  dislances  autrefois  s'évaluaient  par 
des  unités  assez  longues.  11  en  faut  dix  aujour- 
d'hui pour  remplir  le  même  espace  de  temps. 
C'était  la  lieue  parcourue  en  une  heure. 
Maintenant,  non  content  de  nous  faire  par- 
courir dix  lieues  dans  le  niêine  temps,  on  nous 
menace  de  nous  en  faire  parcourir  dix- 
huit. 

Multipliant  par  ce  chifl're  les  affaires,  les 
voyages,  tous  les  actes  de  notre  vie  dépendant 
de  la  locomotion ,  on  arrive  à  ce  résultat  pa- 
radoxal qu'en  vivant  dix-luiil  fois  plus  vile, 
nous  aurons  vécu  dix-huit  fois  plus.  Puis,  jetant 
audacieusenient  ce  défi  à  Uieu ,  aux  hommes, 
aux  machines  à  vapeur,  abandonnez-vous  au 
progrès,  contiez  votre  vie,  sans  réfléchir,  l'hé- 
sitation n'est  pas  permise,  h  l'adresse  d'un 
mécanicien  et  à  la  probité  équivoque  d'un 
spéculateur ,  chaque  tour  de  roue  vous 
fera  gagner  du  temps,  jusqu'à  ce  qu'un 
choc,  un  déraillement,  ou  la  chute  d'un  viaduc  vienne  comme 
la  foudre  arrêter  votre  élan.  Alors  vous  êtes  plongé,  noyé 
dans  un  marais  ;  votre  corps,  broyé  avec  la  machine,  les  voi- 
tiu'es  et  le  charbon,  carbonisé  inslanliinémcnt,  n'est  pas  même 


reconnaissable.  Et  pour  avoir  voulu  dépasser  les  limites  niar- 
quées  par  la  Providence  à  la  vie  qu'elle  vous  avait  destinée, 
vous  l'avez  abrégée,  sans  nécessité,  sans  profit  pourpersonne, 
sans  gloire  pour  voire  pavs. 

Parlez-moi  de  l'Orient  !  i  la  bonne  heure  !  Là  on  se  sent 
vivre,  on  vil  réellement.  Avec  un  beau  ciel,  des  mœurs  fa- 
ciles et  simples,  on  a  peu  de  besoins;  partant,  on  se  hâte 
peu.  A  cheval  ou  sur  la  bosse  d'un  chameau,  l'homme  d'O- 
rient, rêveur  el  contemplatif,  s'en  remettant  à  Dieu  de  son 
existence,  atteint  tranquillement,  du  pas  modéré  de  sa  mon- 
ture, le  but  de  son  voyage,  mais  il  arrive.  Peu  pressé  d'ar- 
river, il  l'est  encore  moins  de  repartir.  Il  attend,  en  priant, 
l'occasion,  la  bonne  ou  la  mauvaise  fortune.  Sera-t-il  heu- 
reux ?  ses  projets,  ses  désirs  seront-ils  réalisés  ?  Dieu  le  sait. 
Avec  celle  résignation  vraiment  philosophique  elqui  renvoie 
à  Dieu  tout  ce  qui  vient  de  Dieu,  l'homme  d'Orient  n'éprouve 
]joinl  de  ces  déceptions  qui  font  prendre  en  dégoût  la  vie  el 
ses  semblables.  Calme,  modéré  dans  ses  désirs,  sans  folle 
ambition,  le  repos  est  son  goût  dominant.  N'esl-il  pas  plus 
heureux?  Aura-l-il  moins  vécu,  parce  qu'il  aura  vécu  da- 
vantage avec  lui-même?  Pourquoi  donc  parler  de  civilisation 
à  ces  gens-là?  Que  veut-on  leur  porter  en  leur  donnant  le 
piogrès?  Qu'y  gagneront-ils? 

Le  voyageur  avide  d'impressions  nouvelles,  curieux  de 
pays  qui  ne  ressemblent  pas  à  ceux  qui  composent  la  grande 
famille  européenne,  devra  aller  bien  loin  maintenant  pour  les 
trouver.  Il  faudra,  qu'abordant  auxrivages  orientaux,  il  s'en- 
fonce dans  celle  Asie  où  les  traditions  antiques,  la  vie  pas- 
torale et  le  fanatisme  religieux  maintiennent  encore  une  cou- 
leur locale  qu'il  n'a  pas,  jusqu'à  ce  jour,  été  donné  à  la  va- 
peur d'effacer. 

Au  centre  de  l'Asie,  sont  des  contrées  peu  accessibles, 
éloignées  du  littoral  de  l'Océan  ou  de  la  Méditerranée,  que 
de  vastes  déserts  el  d'impénétrables  chaînes  de  montagnes 
protègent  contre  les  envahissements  de  la  civilisation.  Là  les 
baïonnettes  n'ont  pas  encore  forcé  ces  barrières  naturelles, 
la  politique  astucieuse  des  diplomates  n'est  point  parvenue  à 


aliéner  entièrement  à  leur  prolil  la  nationalité  des  peuples 
qu'elles  protègent.  Le  Pinjab,  l'Affghanistan,  la  Perse,  sont 
encore  des  pays  neufs  nui  se  défendent  contre  les  atteintes  du 
poison  corrupteur  que  les  Européens  ont  importé  dans  l'Inde, 


l'Arménie ,  Ecbatane  ,  Suze  et  Pcrsépolis , 
montrent  encore  les  restes  de  leurs  palais  et  de 
leurs  temples,  leurs  innombrables  bas-reliefs, 
au  pied  desquels  Alexandre  s'arrêta  respec- 
tueusement. 

A  cette  époque,  la  Perse  vaincue  s'assoupit 
sous  le  gouvernement  des  Arsacides.  Bientôt 
elle  se  relève  avec  Ardechir,  et,  resserrée  dans 
ses  anciennes  limites,  elle  parvint  à  les  éten- 
dre encore.  Elle  s'oppose  aux  envahissements 
des  Romains,  et  le  triomphe  de  Sapor,  vain- 
queur de  Valérien,  atteste,  sur  la  roche  .sculp- 
tée ,  les  efforts  qu'elle  lit  pour  reconquérir  sa 
gloire  passée. 

Mais  le  fondateur  de  l'islainisme  avait  jeté 
le  fourreau  de  son  glaive  à  deux  tranchants, 
el  sa  bannière  victorieuse  vint  se  planter  sur 
la  tombe  de  l'inforluiié  Jezdidgord,  dernier 
prince  sassanide. 

Ce  fui  le  point  de  départ  d'une  ère  toute 
nouvelle  pour  la  Perse.  De  gré  ou  de  force,  les 
autels  du  fei  furent  renversés,  la  religion  de 
Zoroastre  fit  place  à  celle  de  Mahomet,  et  la 
Perse,  musulmane  sous  le  régime  des  sultans 
de  Ghizné,  entreprit  sa  régénération.  Le  goût 
arabe  introduit  alors,  comme  l'avait  été  jadis 
celui  des  Grecs,  les  arts  se  modifièrent,  la 
littérature  se  transforma  et  les  mœurs  se  pliè- 
rent aux  exigences  du  Koran. 

Peu  après,  fatiguée  du  gouvernement  des 
Attabeks  el  des  pelils  princes  qui  s'étaient 
partagé  l'héril.ige  de  Timour,  la  Perse,  tra- 
vaillée par  des  (lonles  religieux,  en  vint  à  l'hé- 
résie.Un  t^ramlscliiMiir  s.'  ioiiiia.el  un  religieux 

entrcp .ml  .iiiliiiil  iiir.iiiiliilienx.  soulemipu- 

des  S'.  I  ileui>   ;iii-M  ili'N.més  (lu'.irilenls,  s  en 

fit    011    levier   puissant,    pour     .-oulever    de 

sa  base  et  renverser,   au  nom  d'Ali,  tout  l'édifice  que  les 

successeurs  d'Omar  avaient  élevé  sur  les  ruines  des  temples 

guèbres. 

Désormais,  entre  les  Persans  devenus  schyitesel  les  sunni- 


L'ILLUSÏRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


tes,  s'éleva  une  Lanière  infran- 
chissable que  la  haine  religieu- 
serouçissait  naguère  encore  du 
sang  des  uns  et  des  autres. 

Le  chef  de  celte  grande  sec- 
te, qui  devait  maintenir  l'équi- 
libre entre  les  deux  croyances, 
comme  entre  les  deux  nations, 
Chah  Isniaël, fonda  une  nouvelle 
dynastie  de  princes  dont  le  rè- 
gne jeta  un  grand  lustre  sur  la 
Perse  moderne.  Plus  brilliinlp 
alorsque  jamais,  elle  se  couvrit 
de  superbes  mosquées,  de  palais 
magnifiques;  des  édifices  dé 
toutes  sortes  embellirent  les 
villes.  Ispahan  devint  le  foyer 
de  cette  renaissance,  et  les  sou- 
verains qui  en  occupèrent  suc- 
cessivement le  troue  la  couvri- 
rent de  ces  monuments  admi- 
rables qui  lui  ont  conservé  le 
premier  rang  parmi  les  cités 
orientales. 

La  puissance  et  la  grandeur 
de  la  Perse  sous  le  règne  des 
Sophis  ne  put  la  sauver.  Atta- 
quée par  les  AITghans,  qui  s'en 
emparèrent,  agitée  par  des  dis- 
sensions, remuée  par  des  fac- 
tieux qui  prétendaient  à  l'hé- 
ritage  de  ces  princes,  elle  vit 
bientôt,  maigre  la  gloire  mili- 


! 

^1 

^fe 

f 

Il 

^Sîè 

(TriJne  de  ielli-Ali-Cliah  a  Teberan  ) 


taire  de  Nadir-Chih,  s'affaiblir 
son  unité  nationale.  Sans  cesse 
partagée  par  les  rivalités  de 
ceux  qu'elle  se  donnait  pour 
chefs,  la  guerre  civile  lui  laissa 
peu  de  loisir  pour  édifier  de 
nouveaux  monuments,  ou  mê- 
me pour  conserver  ceux  qu'elle 
devait  à  la  magnilicence  de  ses 
anciens  monarques.  Le  siège 
du  gouvernement,  suivant  la 
fortune  ou  la  tribu  de  celui 
qui  l'occupait,  se  trouva  fré- 
quemment changé.  Transporté 
d'Ispahan  à  Chiras,  et  de  celte 
ville  à  Téhéran,  où  il  est  resté, 
ces  revirements,  qui  n'eurent 
jamais  lieu  sans  beaucoup  de 
combats,  furent  la  causedu  dé- 
péris.sement  des  arts  et  de  l'in- 
dustrie. Les  mœurs  s'en  res- 
sentirent connue  les  édifices, 
et  le  découragement  abaissa 
les  unes  de  même  que  l'aban- 
don laissa  les  autres  tomber  en 
ruine.  La  Perse  aujourd'hui, 
sous  le  règne  de  Méhémet- 
Chàh,  n'est  plus  que  l'ombre 
incertaine  et  déchirée  de  ce 
qu'elle  fut  au  temps  du  grand 
roi  Cliàh-Abbas.  Mais  tout  ce 
qui  reste  oncoredesmonuments 
et  des  arls  de  cette  époque 


suffit  néanmoins  pour  en  faire  un  des  pays  de  l'.Vsie  les  plus  i  du  nord,  celhi  du  centre  cl  celle  du  sui.  Le  cliinil  de  ces  1  du  pays  ,  offrent  une  grande  variété  dans  chacune  d'elles. 

policés  et  les  plus  intéressants  à  étudier.  1  trois  zones  dilîère  beaucoup.  Leurs  populations  ont  des  nuan-     La  zone  septentrionale  comprend  les  provinces  de  I  Azerbaïd- 

Ce  royaume  se  divise  en  trois  zones  bien  distinctes  :  celle  |  ces  très-tranchées.  El  les  productions  du  sol,  comme  l'aspect  |  jan,  du  Ghil  an,  du  Mazendran  et  du  Kliorassan.  Leur  climat, 


>iO 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


l'hiver,  est  rigoureux,  surtout  duus  l'Azerbaïdjan,  où  la  neige 
tofiilie  en  ab  )nildnoe.  Ces  provinces  sont  les  plus  peuplées 
tic.  la  l'er-ie,  il  l'exception  Ju  Kliorassan,  où  se  trouvent  de 
grands  déserts  salés.  ,,.,,.  i 

La  zone  du  centre  comprend  les  provinces  de  I  Irak-Ailjem, 
du  Kurdistan  persan  et  du  Kerman.  Là,  les  saisons  uIVrent 
des  vai'iiitidiis  hieii  moins  sensibles  que  dans  le  Nord  ;  I  été 
n'a  iioiiit  (le  ebaUiir  iinupiiortalile,  et  l'hiver  est  sans  froid 
rigoureux.  Ispahan  est  la  cipilaln  de  l'Irak,  et  c'est  dansée 

centre  quose  trouvent  iass.'iiihl.'>lr- III imenls  les  plus  beaux 

de  l'art  persan.  Le  lvmii;iii,  r,i  .i.m  !r  |,;„  tir  (l.'snUdd  une 
aridité  une  la  population  m  ■m.'  m:  l.'.uiiilnail  pas,  ne  pré- 
sente rien  de  remarquable,  si  ce  n'est  la  ville  dun.cine  nom, 
où  se  sont  conservées  quelques  fabriques  d'éiolles  qui  ne  sont 
pas  sans  valeur.  .         ,       ir  r. 

La  zone  qui  s'étend  ausud,  et  jusqn  au  rivage  du  goUe  Her- 
siquc,  se  compose  du  Lavistan,  du  liais,  du  Louvislan  et  de 
l'Arohislan.  Cette  contrée,  qui  est  occupée  par  de  hautes 
montagnes  entre  lesquelles  seipeiiteiit  des  vallées  arrosées  par 

de  ihreiix  loirenl.,  e.l  liiibilée  p,,i- île- Inims  .le  pasteurs 

nom.»l(«  porlaiil  iliileinils ^,  mais  qni  >r|He-eiileiit  tou- 
tes l'antique  popiilalimi  p.Tse,  relie  ,1'nii  snilitCj.us  celle 
qui  tient  encore  souvent  de  nos  jours  dans  ses  mains  e  sort 
(les  souverains  qui  régnent  sur  ce  pays.  La  zone  du  sud  porle 
le  nom  de  quermsir,  ou  pays  de  la  chaleur,  nom  parfaite- 
ment justifié  par  l'élévation  de  température  de  son  cliniat,  et 
par  les  vents  brillants  qui  régnent  l'été  sur  la  côte,  où  ils  de- 
viennent souvent  mortels. 

Depuis  l'avènement  au  lr6ne  de  la  nouvelle  dynastie  Ibn- 
dée  par  Aga-Mohainet-Klian,  de  la  tribu  des  Kadjiars,  les 
princes  qui  ont  régné  sur  la  Perse  se  sont  bien  rarement  mort- 
,  très  aux  populations  méridionales,  dont  ils  ont  toujours  re- 
douté l'esprit  turbulent,  le  courage  entreprenant  et  les  tra- 
ditions qui  ont  conservé  parmi  elles  l'esprit  de  domination. 
Aujourd'liui  conbné  au  territoire  occupé  parla  puissante  tribu 
dont  sa  famille  est  issue,  Méhémet-Chàb  tient  sa  cour  à  Té- 
héran, d'où  il  sort  peu,  et  qui,  depuis  cinquante  ans,  a  ac- 
quis une  importance  plus  grande. 

Les  principales  villes  de  Perse  sont  Tabriz,  Zendjàn,  Cas- 
biii,  Téhéran,  Komii,  Kactian,  Ispahan,  Meched,  Kerinan, 
Jezd,  Himadan,  Kermanchilh,  Cliiraz,  Boucliir,  Schoucbter 
et  Bender-Abbas. 

Tabriz,  capitale  de  l' Azerbaïdjan,  est  une  très-grande  ville 
assise  au  milieu  d'une  contrée  couverte  de  ruines  causées  par 
les  tremblements  de  terre  qui  s'y  font  fréquemment  sentir, 
et  cette  ville,  plus  que  les  autres,  en  a  soutlerl  cruellement. 
Elle  est  située  au  fond  d'une  grande  vallée  qui  s'étend  jus- 
qu'au lac  d'Ourmyab.  De  nombreux  et  grands  jardins  l'avoi- 
sinent;  on  y  récolte  beaucoup  de  fruits,  de  toute  espèce,  au 
dire  du  chevalier  Chai'dih,  qui  la  visita  il  y  a  deux  cents  ans; 
sa  population  était  alors  de  SOU,Ol)0  âmes.  Depuis  les  guer- 
res avec  les  Turcs,  les  tremblements  de  terre  et  la  peste  l'ont 
tellement  réduite,  qu'elle  s'élève  à  peine  aujourd'hui  à 
60,000. 

En  général  la  ville  est  bien  bâtie;  ses  maisons  basses,  per- 
cées de  belles  et  larges  fenêtres  aux  vitraux  de  couleur,  ont 
un  aspect  original  et  varié  qui  ne  manque  pas  de  goût.  Parmi 
elles  se  distingue  celle  qu'habite  un  des  grands  personnages 
de  Perse,  lliissein-Khan,  le  même  que  l'on  vil  il  Pans  en 
ISj!)  (voir  la  gravure).  Les  mosquées  n'oll'rentrien  de  remar- 
quable. Celle  qui  dut  être  la  plus  belle  a  été  presque  rasée 
par  un  tremblement  de  terre,  et  c'est  à  peine  si  ce  qui  reste 
de  son  portail  et  de  ses  émaux  de  couleur  peut  donner  une 
faible  idée  de  ce  qu'elle  fut. 

Tabriz  est  la  ville  la  plus  commerçante  du  royaume  ;  elle 
possède  des  fabriques  ;  de  nombreuses  caravanes  qui  peu- 
plent les  caravensérails  y  apportent  les  produits  de  la  Chine 
et  de  l'Inile,  ceux  du  mi'di  de  la  Perse,  de  la  Turquie  ou  de 
l'Europe.  Dans  ses  bazars  règne  une  très-grande  activité  due 
au  commerce  de  transit  qui  s'y  fait  sur  une  assez  grande 
édielle.  C'est  de  là  en  clïet  que  les  marcliandises  de  France, 
d'Angleterre  et  de  Russie,  pénètrent  au  centre  de  la  Perse; 
comme  c'est  par  lii  aussi  que  sortent  pour  se  vendre  à  Stam- 
boul tous  les  objets  de  fabrique  orientale. 

Kn  mirchant  de  Tabriz  vers  la  capitale  actuelle,  Téhéran, 
on  rencontre  successivement Zendjàn  etilashiii.  L;i  ineinièii', 
qui  semble  avoir  eu  autrefois  une  iiii|iHi:nire  |ilii>  li  inl  ■. 
est  aujourd'hui  réduite  il  des  pruportimis  Iml  iiiiideslis.  [AU: 
possède  néanmoins  les  restes  encore  imposants  d'un  [lalais, 
dont  les  lambris,  tous  d'or  et  de  glaces,  ainsi  que  les  com- 
partiments de  marjuterie,  le  disputent  d'élégance  aux  pein- 
tures et  aux  vasques  de  marbre  blanc  sculplé. 

Dans  le  voisinage  de  Zimi  Ijàn,  on  voit  debout,  au  milieu 
d'une  vaste  plaine,  le  mannilique  et  large  dôme  de  Sulla- 
nyeh,  dont  la  banliesse  fait  bonneur  à  l'art  des  architecte  s 
persans.  Cette  bslle  coupole,  autrefois  recouverte  d'émaux 
azurés,  et  accompagnée  de  minarets,  est  à  peu  près  dépuuil- 
lée  de  ses  ornements,  et  ne  présente  plus  que  les  briques 
dont  elle  a  été  faite;  elle  recouvre  un  sanctuaire  dans  lequel 
repose  hi  cendre  d'un  prince  dont  le  nom  doit  sa  conserva- 
tion au  monument  seul ,  Chiih  Ivodah-Bendeh  {voir  la  gra- 
vure). ,     . 

Casbin  est  une  ville  de  30  ,à  40,000  fîmes,  avec  plusieurs 
belles  mosquées  et  de  visles  medressèhs,  ou  collèges.  Les 
b.izars  y  soni  ii.  --^j.  n  ieii\,  et  les  citernes  où  l'on  conserve 
les  eaux  pliiviiil'.  |i  un  ii  i  umiiiiule,  sont  des  monuments 
remarquables  .le  lu  |.,v\..\..nie  .les  habitants.  Les  fues  y  simt 
larges,  et  h.MU.'.iii|i  sont  plantées  d'aibivs.  Parmi  les  é  hli- 
ces  qui  m.^ritent  dètre  cités,  il  faut  cmniiler  le  timilMMii  ilii 
saint  I.iiaiii-lliiss.MU,  huit  brillant  et  reipl.'inlissanl  il.' liMuail 
qui  le  .■  ,n!.'.  A  p  "i  .li'  ilisl.ini-  .le  ('.:isliiii,  Trliéian  inimtre 

sou  e.i.-  .'I I  s  .  I.riis  .■léiiel.M's,  iMi  avant  il.'s.pii'lles  s'ou- 

vrenl.l.'  L..-.'.  l'.-~.',  l)ii..iin.'  .■.II.-  \ill.'  ii.'  s.iil  pas  très- 
Vdste,  elle  a  on  iisp.'cl  .1.' eiipll.il.',  .■!  le  ni.Miv.Mii.iit  .le  la  po- 
pulation nomhieiis,.  qui  s'.i;;il.>  ilaiis  ^es  loiiis  tr..|.  ii-siTii'S 
prouve  bien  l'aggluMiiiiatiuii  iriialiitants  que  le  séj.mr  .lu  iii.i- 
iiaraue  y  attire.  Cet  aspect  cess...  quand  vient  l'été.  Alors  l'air 
est  insalubre,  les  eaux  se  corrompent,  une  aimospbcre  mor- 


bilique  plane  sur  la  ville,  on  les  malades  abondent.  A  cette 
éiiojue  le  chiili  émigré,  avec  toute  sa  cour;  il  va  planter  sa 
lente  dans  les  gorges  du  Schimrdn,  et  toutes  les  familles  que 
rien  n'attache  aux  murs  de  Téhéran,  ou  que  la  misiue  n'y 
retient  pas  malgré  elles,  suivent  ce  mouvement  pour  aller 
demander  aux  ruisseaux  de  la  montagne  et  à  ses  pentes  ver- 
dovantcs  un  air  plus  frais  et  plus  salutaire.  Les  monumenls 
les  plus  di^n.'S  d  allention  à  Téhéran  sont  dus  au  règne  de 
F.lli-Mi-Chàh,  grand-père  du  roi  actuel.  Ce  prince,  dont  les 
prodigalités  lui  ont  fait  ii  l.irl  il.inner  le  litre  de  Grand,  répan- 
dit l'or  autour  de  lui  il.m-  l'.l.i  précaire  où  se  trouvait  déjà 
la  Perse,  et  malgré  les  il.|M..iin.s  .!.■  l'Inde  donlNadir-Cliab 
avait  enrichi  lotrésor  r..v,,l,  I.'  luxe  d.'  Feth-Ali-Cliah  et  celui 
de  ses  nombreux  enfants  ne  pouvaient  se  soutenir  qu  aux 
dépens  de  ses  sujets,  sur  qui  pesaient  des  impots  onéreux. 
'Cependant,  au  milieu  des  ruines  dont  se  couvrait  la  Perse 
dotons  cotés,  il  faut  savoir  gré  i»  ce  monaniued'avoiréléve  ii 
Téhéran  et  dans  ses  environs  quelques  édilices  ipti  prouvent 
que  l'art  persan,  et  le  goût  dont  il  porte  renqireinte,  ne  s  é- 
taient  point  tout  à  fait  perdus  dans  les  troubles  de  la  guerre 
civile.  , 

Le  palais  dii  chah  à  Téhéran  (voir  la  gravure)  renferme  une 
salle  du  trône,  q(ii  n'est  point  indigne  de  tlgUrer  à  côté  de 
celles  du  palais  d'Abbas  le  Grand  à  Ispahan.  Le  liône,  spa- 
cieux etsupporlé  par  des  cariatides,  est  entièrement  fait  d  al- 
bâtre. Quoique  d'Un  goûtnoUveau,  il  se  ressent  de  rinlluence 
des  idées  des  anciens  Perses  qui  sculptèrent  celui  de  Uaiius 
sur  les  murs  de  Persépolis,  car  l'idée  du  trône  porté  par  des 
ligures  emblématiques  est  la  hiême. 

A  une  heure  il  peu  près  de  Téhéran  est  une  belle  habita- 
tion d'été  également  due  il  Feth-Ali-Chab  .  et  qu'on  appelle 
Kasrè-Kadjiar.  Là,  de  frais  ombrages  et  de  belles  eau.x_ vives, 
sembleraient  devoir  attirer  la  cour;  mais  Méhémet-Chàb,  qui 
a  des  goûts  nomades,  préfère  la  tente,  et  ce  palais  reste  aban- 
donné. 

{La  fin  au  prochain  nmnéro.) 


lie  clievRlier  il'Agliire. 

(Suite  et  IJD,  —  Vo.r  t.  VU,  p.  a(,2,  378  et  400.| 


La  soirée  était  déjà  assez  avancée.  Le  marquis  de  Kerue- 
ven  était  seul  dans  son  cabinet,  éclairé  par  une  petite  lampe 
d'étude.  Enveloppé  de  sa  robe  de  chambre,  les  mains  croisées 
derrière  le  dos,  il  marchait  U'un  pas  inégal,  en  long  tt  en 
large,  la  tète  baissée  et  le  front  soucieux,  s' arrêtant  par  in- 
tervalles et  se  parlant  à  lui-même  comme  un  homme  com- 
battu par  diverses  pensées. 

(1  .le  ne  sais  que  croire  et  que  penser!  mnrmura-t-il;... 
Rodolphe  d'Aglure";...  bizarre  coïncidence  de  nom!  » 

Et  il  s'arrêta  un  moment,  appuyant  sa  main  sur  la  table, 
comme  pour  rassembler  ses  souvenirs. 

«  Et  sans  doute,  en  regardant  ce  jeune  homme. . .  ses  yeux. . . 
sa  physionomie...  j'ai  retrouvé  tout  à  coup  cette  impression 
que  plus  de  vingt  années  n'ont  pu  eiïacer.  C'est  le  regard, 
c'est  le  sourire  de  Dorothée  !...  Bon  Dieu  !  aurais-je  retrouvé 
mon  lils!  » 
Il  fit(|uelques  pas  avec  impétuosité  et  s'arrêta  de  nouveau. 
«  Et  sa  mère?...  vit-elle  encore?...  Pauvre  femme  !  que 
j'ai  si  indignement  trompée,  trahie,  abandonnée...  Comme 
elle  m'aimait,  bon  Dieu  !  On  m'a  dit  qu'elle  en  était  morte  ! 
J'ai  été  coupable... 

«  Coupable?...  de  quoi?...  aurais-je  pu  lui  faire  partager 
ma  vie  d'aventures  et  de  dangers?  Et  maintenant  encore... 
ruiné,  perdu,  si  je  ne  trouve  une  fortune  qui  m'aide  à  sou- 
tenir mon  grade  et  mon  rang  i|ui  ne  sont  pour  moi  qu'un  far- 
deau Irop  lourd,  qu'aurais-je  l'ait,  que  ferais-je  encore?  N'a- 
elle  pas  été  plus  heureuse  de  ne  connaître  que  les  prenriières 
douceurs  de  l'hymen,  et  de  pouvoir  pleurer  son  épouii  avant 
d'avoir  eu  le  temps  de  perdre  son  amour  et  de  pleurer  ses 
chagrins?  Ah!  certainement,  Mauxchamps  avait  raison. 

«  ...  Mais  mon  lils!...  c'est  le  mien  !  Il  est  grand,  il  est 
beau,  il  est  brave,  il  est  di^ie  de  moi!  Je  veux...  mais...  sa 
mère?  et  le  nom  que  je  porte?  comment  avouer... 

u  Ensuite...  qui  me  dit  que  c'est  mon  lils?  Il  y  a  des  d'A- 
glure partout...  Il  y  en  avait  iin  à  l'armée  d'Italie  !  Parbleu, 
rien  ne  me  prouve...  Mais  cette  ressemblance  !  c'est  lui,  c'est 
elle,  c'est  Dorothée! 

u  II  faut  que  je  m'en  assure.  Je  demanderai  à  ce  jeune 
honnne  quelle  est  sa  famille.  —  Et...  s'il  est  mon  fils...  que 
ferai-je?  » 

Kcineven  tomba  sur  son  fauteuil  et  se  cacha  le  front  entre 
ses  mains. 

«Fatales  conséquences  de  ma  coupable  conduite!  Dans 
quel  cinbarras  suis-j.'.  maintenant  !  Combien  je  paye  cher  ces 
folies  de  jeunesse,  ces  escapades  de  garnison  (jui  nous  fai- 
saient rire  autrefois!  Je  ne  puis  renoncer  à  l'alliance  du  ba- 
ron d'Eckstein...  Je  suis  perdu  sans  la  d.)t  de  Clutilde  !  et 
mes  créanciers  qui  ne  m'accordent  un  instant  de  répit  que 
pour  me  laisser  conclure  ce  riche  mariage  qui  les  rassure, 
londralcnt  sur  moi  comm^  autant  d'oiseaux  tie  proie  !...  Ne 
puis-je  tout  concilier?  qu'ai-je  besoin,  moi,  Kerneven,  de 
recnnnaitre  KoiJolphc  d'Aglure  pour  mon  lils?  Il  a  un  imin, 
ce  jeune  hoiiime,  une  famille;  il  ignore  tout...  lunirquiii  le 
lui  appr.'iiihe?  Ne  pnis-je  remplir  auprès  de  lui  les  devoirs 
d'un  |MTc,  s.iiis  en  prendre  le  tilre?  Ne  puis-je  le  soutenir, 
le  piiil.'gei-  dans  sa  carrière,  le  recevoir  dans  mes  bras,  m'as- 
surer  sou  alï.'clion,  s-ans...  » 

Il  se  leva  a\.N-  iiuiiati.iu,  lit  (pieliliies  pas  et  s'àrrèla  comme 
h'appé  d'un.'  i.II.'m.hi  ii. nivelle:  «Mais...  il  me  déteste,  lui; 
il  m'a  insulté,  il  aime  Clolilde  !  Tout  me  le  prouve...  et  sa 
inèie!  sa  mère,  si  elli;  vilencore...  N'aurais-je  pas  aussi  en- 
vers elle  un  devoir  il  remplir!  » 

Il  retomba  sur  son  fauteuil,  dans  son  altitude  de  méditation 
profonde. 


Uniu-tanI  après,  jj  tressaillit,  releva  la  tète  et  préla  l'oreille. 

»  V'otie  mi.ilie  nie  piiiii.ii.ii.  ra  de  le  déianger...  disait  une 
voix  au  dehors.  J.'  ne  pois  attendre  ;  veuillez  lui  annoncer  Ite 
chevalier  Rodolphe  d'Aglure.  » 

Le  marquis  se  leva  comme  par  une  comiDOtion  électrique. 
Puis  il  se  rassit  et  attendit,  les  yeux  lixés  sur  la  porte  : 

(I  Que  voulez-vous?  dit-il  au  valet  qui  se  présenta. 

—  C'est  un  jeune  homme,  monsieur  le  marquis,  qui  in- 
siste absolument  pour  vous  parler  sur-le-champ... 

—  C'est  bien,  j'ai  entendu.  Faites  entrer.  » 

Rodolphe  parut  presque  aussitôt  sur  le  seuil.  La  demi-ob- 
scurité, qui  régnait  dans  la  salle,  ne'  permettait  pas  de  saisir 
sur  saphjsiononiic  l'empreinle  de  f'émotion  puissante  qui 
l'agilail.  Le  marquis  se  leva  pour  le  recevoir. 

u  Monsieur  le  chevalier,  dit-il,  d'un  ton  calme  et  poli,  je 
ne  m'attendais  pas  à  vous  revoir  sitôt...  Mais,  quel  que  soit 
le  inotifqui  vous  amène  chez  moi,  .sojczle  bienvenu. ..Veuil- 
lez prendre  la  |ieine  de  vous  asseoir.  » 

Rodolphe  [lariil  frappé  de  cette  aisance  et  de  ce  sang-froid. 
L'exallali.in  passiiiniii'e  qui  l'avait  amené  si  rapidement  chez 
Kerneven  en  l'ut  nuiiiiie  amortie  :  une  sorte  de  trouble,  d'in- 
décision lui  su.i.'.la,  etuue  réilexion  subite,  qui  dans  le  pre- 
mier moment  lui  avait  échappé  se  présenta  tout  à  coup  à  son 
esprit. 

«  J'ai  pensé  en  elTet,  monsieur  le  marquis,  répondit-il  d'un 
accent  encore  éfaau  qu'il  s'eflbifait  d'aflèrmir,  que  ma  visite, 
si  niompte  après  notre  rencontre,  pourrait  vous  paraître  sin- 
guliête...  Mais  j'espère  que  vous  l'e.xcuserez,  quand  vous  en 
connaîtrez  le  motif. 

—  Je  vous  écoute;  monsieur. 

—  je  crois...  monsieur  le  marquis...  que  le  nom  de  ma  fa- 
mille...  que  le  nom  de  Rodolphe  d'Aglure...  ne  vous  est  pas 
inconnu.  » 

Rodolphe  sentait  sa  voix  s'éloullér  dans  sa  poitrine.  Il  s'ar- 
rêta et  attendit. 

«  En  ellet,  monsieur  le  chevalier,  je  crois  l'avoir  entendu 
déjà  prononcer,  répondit  Kerneven  d'un  ton  indifférent.  J'ai 
appris  qu'un  comte  d'Aglure  avait  servi  sous  Belle-Isle... 
Mais  vous  êtes  Allemand,  je  crois? 

—  Allemand!...  Je  suis  Français,  monsieur  le  marquis; 
fils  d'un  Français  au  service  de  Prusse...  et  mort  à  Fried- 
berg...  au  moins...  on  noUs  l'a  dit  ! 

-^  Ah!  lit  le  marquis;  et  il  y  eut  un  moment  de  silence. 
Mais  votre  mère,  alors...  votre  mère  était  Allemande? 

—  Oui,  monsieur  le  marquis.,  ma  mère  s'appelait  Doro- 
thée de  Lichstadt... 

—  S'appelait?  inlerrompit  vivement  le  marquis  avec  un 
mouvement  involontaire;  elle!...  seiiez-vous  orphelin? 

—  Non,  monsieur  le  marquis...  elle  vit...  et  pleure  tou- 
jours son  époux. 

—  Ab!  fit  encore  le  marquis;  et  il  y  eut  encore  un  mo- 
ment de  silence.  Rodolphe  attendait,  le  "cœur  palpitant... 

—  Je  conçois,  reprit  enfin  Kerneven  avec  calme,  qu'elle 
regrette  d'être  séparée  de  son  lils  unique.  Vous  êtes  bien 
jeune,  monsieur  le  chevalier,  et  bien  ignorant  du  monde, 
pour  vous  y  conduire  seul  et  sans  guide. 

—  J'espère,  dit  avec  une  certaine  vivacité  Rodolphe,  qui 
crut  sentir  une  allusion  sous  ces  paroles;  j'espère  me  vnn- 
duire  toujours  de  manière  à  faire  honneur  au  nom  que  je 
porte... 

—  Je  n'en  doute  [las,  interrompit  Kerneven  avec  le  même 
calme.  )i 

Ce  calme,  cette  indilîerence,  avaient  achevé  d'ébranler  la 
conviction  qui  avait  amené  Rodolphe  chez  le  marquis.  Il 
voulut  toutefois  ne  rien  né^;liger. 

«  Permettez-moi  de  vous  demander,  monsieur  le  mar- 
quis, si  vous  avez  eu  des  parents  de  votre  nom  au  service  de 
Prusse''  » 

Kerneven  resta  un  moment  sans  répondre. 

te  Ce  serait  possible,  monsieur  le  chevalier,  dit-il  enlin 
avec  une  cei laine  coiilrainte.  Ma  famille  est  nombreuse... Je 
ne  puis  rien  affirmer  ii  cet  égaid. 

—  Je  venais  seulement  pour  m'en  assurer,  répliqua  Ro- 
dolphe avec  amertume.  J'avais  espéré  que  vous  pourriez 
éclairer  des  doutes  que  j'avais  conçus...  Je  vois  que  je  dois 
y  renoncer. 

—  Des  doutes?  demanda  vivement  Kerneven.  Quels  dou- 
tes? 

—  J'avais  pensé...  que,  peut-être,  nos  familles...  auraient 
été  alliées. 

—  Ah!...  comment  cela? 

—  Pardon.  C'est  sans  doute  une  erreur...  et  pat  conséquent 
ces  détails  de  tainille  vous  intéresseraient  peu.  Mon  nom 
vous  étiiil  presipii'  inconnu. ..Vousignoiiezceluide  ma  mère... 
Ainsi  noire  pai  enté,  si  elle  existait,  serait  trop  éloignée  pour 
changer  en  quoi  i)ne  ce  lût  nos  si'iitiinenls  réciproques.  J'a- 
vais cru  devoir  faire  celle  déniarcbe  auprès  de  vuus...  Main- 
tenant vous  me  permellioz  de  ne  pas  insister;  et  je  vous  de- 
mande pardon  d  avoir...  » 

Il  se  levait  pour  sortir.  Kerneven  l'arrêta  parle  bras. 

u  Nullement!  Je  suis  au  contraire  charmé,  clievilliet,  d'a- 
voir eu  avec  vous  celte  nouvelle  entrevue,  moins  brusque  et 
moins  vinl.'ule  ipie  la  jireuiière.  Je  vous  remercie  do  celle 
démarclie  :  elle  tait  lii.inieur  à  la  délicatesse  de  votre  con- 
science et  il  hi  11.. blesse  de  vos  seulinienls...  Il  serait  possible 
que  celle  alliance  evislàt  ei\  effet...  et  je  serais  heureux 
qu  une  pareille,  inêine  éloignée... 

—  Mtnisieui  le  marquis,  interrompit  Rodolphe  avec  éner- 
gie, il  faudiail  que  celle  parenté  fui  bien  nipprocliée.  pour 
me  faire  oublier  le  mal  que  mois  m'ave/  l'ail  !  oui!  ieravoue; 
j'avais  cru  un  moment....  Mais  ce  n'est  qu'une  chimère,  je 
le  vois. 

—  Qu'aviez-vous  cru  ?  demanda  vivement  Kerneven. 

—  Ce  que  j'ai  cru  !  répondit  Rodolphe  en  tressaillant  à 
l'acceiil,  au  mouvement  qni  accomiiagnaieiit  celle  parole.  J'ai 
cru,  oui,  j'ai  cru,  nu  moment,  ijne  Kodolphe  d'.-\glurc... 
tué  à  la  bataille  de  Friedberg...  s'appelait  le  marquis  de  Ker- 
neven !  » 


L'ILLLSÏRATIOIN,  JOUHNAL  UNIVERSEL. 


4i 


Le  marquis  se  leva  bnisquenienl,  par  uii  niouvenitiit  in- 
volontaire (lui  aclk'va  de  troubler  Rodolphe. 

u  Le  marquis  de  Iverneven!  Comment...  mais,  mais,  c'est 
singulierl  cunliiiua-t-il  en  souriant  et  en  se  rasseyant  sans 
alïîCtation.C'est-à-direque  vous  me  preniez  pour  votre  père!... 
Qui  a  pu  vous  donner  celte  idée? 

—  ya'im,iorte?  puisqu'il  n'en  est  rien  ! 

—  Mais  si  l'ail  ;  il  m'importe  à  moi.  Je  serais  très-lier  d'a- 
voir nn  tils  tel  que  vous...  et  vous,  que  l'erie/.-vons  si  j'étais 
votre  père  ? 

—  Si  l'étais  votre  Ois  !...  repartit  Rodolphe  avec  une  émo- 
tion qui!  ne  pouvait  maîtriser.  Je  me  jetterais  à  vos  pieds, 
pour  vous  demander  votre  bénédiction...  et  je  voudiais  vous 
conduire  moi-même  dans  les  bras  de  ma  mère  qui  vous  pleure 
depuis  vingt  ans.  n 

Le  marquis  se  tut  un  moment. 

«Je  comprends!  reprit-il  après  un  moment,  avec  une  gaieté 
qui  dissimulait  mal  son  émolion  intérieure,  ce  serait  à  mer- 
veille 1  vous  seriez.  eiicli:mté  d'être  quitte  de  votre  duel  de 
demain,  et  plus  encore  d'être  débarra^sé  de  votre  rival  auprès 
de  Clotilde  d'EcksIein. 

—  Monsieur  le  marquis  !  s'écria  Rodolphe  abusé  etindif;né 
par  ce  ton  de  plaisanterie.  Je  reyrplte  le  peu  de  paroles  que 
je  viens  de  prononcer,  puisque  vous  avez  pu  vous  méprendre 
surles  sentiments  quiles  avaient  dictées.  HourRodoIplie  d'A- 
glure,  devenu  le  marquis  de  Iverneven,  je  n'aurais  été  qu'un 
tils  respectueux  et  soumis,  sacriliant  à  son  repos  et  à  sa  vo- 
lonté les  plus  chers  sentiments  de  mon  cœur,  et  les  plus  dou- 
ces espérances  de  ma  vie...  Mais  antrement,  mais  pour  vous, 
tel  que  vous  vous  montrez  à  mes  yeux,  je  serai  l'amant  de 
Clotilde,  et  le  plus  implacable  ennemi  que  vous  puissiez  ren- 
contrer ! 

— Fort  bien!  repartit  Kerneven  en  souriant  encore,  de  sorte 
que  vous  me  laissez  le  choix.  Il  faut,  ou  que  j'épouse  votre 
mère,  et  que  je  vous  reconnaisse  pour  mon  lils,  ou  bien  que 
je  me  coupe  la  «orf;e  avec  vous  !  L'alternative  ne  laisse  pas 
que  d'être  embarrassante. 

—  V(ms  plaisantez,  monsieur  le  marquis!  dit  Rodolphe 
avec  liaulenr  en  se  levant.  Soit  !  vous  êtes  libre  d'interpréter 
comme  il  vous  plaira  ma  démarche...  Mais  seulement  jusqu'à 
demain,  je  vous  en  piéviens. 

— .\  merveille  1  repartit  Iverneven  en  se  levant  aussi.  Mais 
encore  un  mot,  chevalier.  Cesl  aujourd'hui,  il  y  a  seulement 
quelques  heures, que  vous  m  avez  provoqué.  Voussaviez  mou 
nom  alors,  aussi  bien  que  maintenant  :  comment,  dans  ce 
court  intervalle  celle  sint;ulière  idée  a-l-elle  pu  vous  venir'? 

—  Heu  impute!  répunJit  brusquement  Kudolphe.  Des  ré- 
vélations, à  la  sincérité  desquelles  j'avais  dû  croire,  viennent 
de  m'être  faites.,,  et... 

—  Des  révélations  !  cela  est  biinrl-e  !  et  par  qui? 

—  Connalsseï-vous  le  colonel  dp  Manxchamps?  » 
Kerneven  tressaillit,  «  Mauxchainps?,..   atlelides...  ijme 

semble  .. 

—  Oh  !  ne  cherchez  pas,  c'est  inutile...  Pour  de  sembla- 
bles événements,  il  ne  doit  pas  être  nécessaire  de  rassembler 
à  grand'peiue  ses  .souvenirs.  La  mémoire  du  coeur  est  plus 
prompte.  Nous  en  resterons  là,  monsieur  le  marquis;  et 
nous  ncMis  séparerons  ..  jus  .u'à  demain  ! 

—  Comme  il  vous  plaira,  chevalier,  repartit  le  marquis 
avec  un  sanjî-froid  indilTérent.  Avez-vons  des  témoins? 

—  Des  témoins?  reprit  Rodol|ihe  assez  embarrassé.  Entre 
gens  d'honneur  ..  il  me  semble  que  les  vôtres  suflisent. 

—  Nullement,  jeune  houime;  |e  vous  remercie  de  la  bonne 
opinion  que  vous  avez  de  moi  et  de  mes  amis.  Mais  permet- 
tez-moi de  vous  dire  que  c'est  une  imprudence,  et  que  je 
n'entends  pas  que  vous  agissiez  ainsi...  Ceci  est  une  remon- 
trance paternelle,  chevalier  1 

—  Vous  proloufiez  la  plaisanterie,  monsieur  le  marquis. 
Je  m'en  étonne;  et  j'attendais  de  vous  plus  de... 

—  C'est  que  voire  idée  m'a  paru  bizarre.  —  A  propos, 
vous  aimez  donc  bien  Clotilde  t  Vous  êtes  son  ami  d'enfance, 
à  ce  que  j'ai  entendu? 

—  Monsieur  le  marquis  ! 

—  Et  entre  nous,  voyons,  à  ctfcur  ouvert..,  Clotilde  vous 
aime-t-elle? 

—  Monsieur  le  marquis!  vous  abusez... 

—  Bah  !  un  peu  plus,  un  peu  moins...  nous  payerons  tout 
cela  à  la  fois...  Mais  j'en  cimviens  :  c'est  assez  pnur  aujour- 
d'hui. Nous  remelirons  le  reste  à  demain  !  Sans  adieu, 
monsieur  le  chevalier.  M.  le  vicomte  de  Montaran  aura  l'hon- 
neur de  vous  voir  dem.iin  malin  pour  vous  indiquer  le  lieu 
de  notre  rendez-vous.  An  revoir!  » 

Et  il  lui  ouvrit  la  porte  du  cabinet. 

"  AJeinain!  »  dit  violemment  Rodolphe,  et  il  sortit. 

Kerneven,  resté  seul,  s'assit  près  de  la  table,  et  reposa  un 
moment  sa  tête  entre  ses  mains.  Puis  il  écrivit  un  billet  et 
sonna. 

"  Lalleur!  dit-il  au  v.ilet;  voUs  allez  porter  cette  lettre  à 
M.  de  Montaran.  Quoiqu'il  soit  tard,  je  veux  qu'il  la  reçoive 
ce  soir.  Allez.  >> 

VI. 

«  Bonjour,  mon  cher  Ferdinand,  dit  le  marquis  en  entrant 
dans  le  salon.  Je  viens  de  bonne  heure,  n'est-ce  pas?  Votre 
père  n'est  pas  sorti?  .„ 

—  Pardonnez-moi...  mais  il  ne  peut  tarder  à  rentrer.  Il 
n'a  pas  déjeuné. 

—  Ah!  ah!...  Eh  bien,  mon  cher  ami,  me  serait  il  possible, 
en  l'attendanl,  de  présenter  mes  hommafics  à  mademoiselle 
Clotilde?  Je  voudrais  l'entretenir  un  instant.  » 

Ferdinand  parut  un  peu  embarra'sé. 
«  Ma  sœur  a  été  souffrante   hier  toute  la  journée,  et  jo 
crains... 

—  Je  serais  désolé  qu'elle  me  reRisàt...  Ce  que  j'ai  à  lui 
dire  est  réEJlBitient  important  pour  elle  et  pour  moi...  Veuillez 
la  faire  prévenir,  je  vous  en  prie,  que  je  lui  demande  en  grâce 
un  moment  d'entretien. 

—  11  suffit,  monsieur  le  marquis.  Vous  avez  entendu,  Jo- 


seph? dit-il  au  domestique.  Prévenez  ma  sœur  et  mademoi- 
selle Czernitz. 

—  A  propos,  mon  cher  Ferdinand,  reprit  le  marquis  en  le 
prenant  sous  le  bras  et  en  se  promenant  en  long  et  en  large 
dans  le  salon  pendant  qu'ils  attendaient  lerésullat  de  ce  mes- 
sage. Dites-moi...  Qu'est-ce  que  ce  chevalier  Rodolphe  d'A- 
glure  que  vous  avez  amené  ici,  avant-hier?  » 

Ferdinand  rouiiit  et  se  déconcerla. 
"C'est  un  jeune  homme,  dit-il  enlin...  mon  camarade  d'u- 
niversité... qui... 

—  Vous  avez  été  élevés  ensemble,? 

—  Oui...  par  suite  du  voisinaKe. 

—  Il  appartient  à  une  bonne  famille? 

—  Mais...  oui...  par  les  feunnes  au  moins. 

—  Comment  ?  par  les  femmes  ? 

—  Oui...  nous  avions  cru  longtemps...  Mais  enlin...  nous 
avons  appris... 

—  Ah  !  bien,  je  comprends.  U  n'est  pas  légitime? 

—  C'est  cela.  Ce  nom  d'Aglure  est  un  nom  eu  l'air  que 
son  père  avait  pris  pour  tromper  sa  mère. 

—  Vrainwnt!  V  a-til  longtemps  que  v(nis  l'avez  appris? 
— Avant-hier  soir.  M.  de  Mauxcbanq)s  nous  a  raconté  tonte 

cette  histoire.  Mon  père  a  été  fort  courroucé  et  a  défendu  hier 
à  Rodolphe  de  reparaître  ici.  Ce  pauvre  garçon  a  été  tout  sur- 
pris et  a  été  bien  désolé. 

—  Je  le  conçois.. .  Et  vous  ne  savez  pas  son  véritable  nom  ? 
— Comment?   Il  n'en  a  pas  d'autre  que  le  sien.  Son  père 

est  sans  doute  quelque  aventurier  inconnu.  » 

En  ce  moment  Clolilde  entra,  suivie  de  sa  dame  de  compa- 
gnie. Kerneven  la  salua  avec  une  galanterie  respectueuse,  et 
s'approcha  d'elle  en  lui  exprimant  tendrement  toutes  les  in- 
quiétudes qu'il  avait  ressenties  en  apprenant  qu'elle  était  souf- 
frante. En  ell'et,  la  pâleur,  l'air  abattu  et  nn'lancoliqoe  de  la 
jeune  lille,  étaient  assez  visibles.  Elle  s'assit,  et  K.Miieven, 
après  avoir  échangé  encore  quelques  phrases  avec  Feidioand 
qui  lui  donna  une  poignée  de  main  et  sortit,  vint  se  placer 
auprès  d'elle. 

«Vous  m'avez  fait  dire,  monsieur,  conmiença-l-elle  pres- 
que aussitôt,  que  vous  aviez  quelque  chose  d'inqiortant  à 
m'apprendre?  » 

L'air  froid  et  haulain  de  Clolilde  frappa  Kerneven.  Il  ne 
lui  était  pas  habituel  et  aimonçait  san.s  doute  quelque  résolu- 
tion nouvelle.  Il  voulut  s'en  assurer. 

«  C'est  toujours  chose  importante  pour  moi  de  vous  voir  et 
de  vous  parler,  répondit-il  galamment.  Il  y  avait  si  longtemps, 
deux  grands  jours,  que  j'en  étais  privé... 

—  Est-ce  là  tout  ce  que  vous  aviez  à  me  dire,  monsieur? 
interrompit-elle  avec  une  ii-onle  mordante.  J'avoue  qu'il  était 
bien  utile  de  me  déranger  pour  cela  ! 

—  Vous  me  maltraitez  ce  iualiu,  charmante  Clolilde,  re- 
partit Kerneven  eh  souriant.  Mais  je  vous  avertis  que  je  vais 
vous  le  renihe,  et  je  vous  dirai  même  que  je  ne  viens  que 
dans  ce  seid  but.  Je  suis  jaloux. 

—  J.ilonx!...  Il  me  semble  que  vous  n'avez  pas  encore  le. 
droit  de  l'être,  répondit  Clolilde  avec  une  fierté  pleine  d'a- 
mertume. 

—  Pardon.  Je  le  prends  dès  à  présenL  Je  suis  jaloux..,  et 
vous  devez  savoir  de  qui. 

—  Moi  ! 

—  Sans  doute.  ,îe  suis  jaloux  du  chevalier  d'Aglure. 

—  Monsieur  le  marquis!  iiiloinnnpit  vivement  Clolilde;  puis 

elle  ajouta  en  faisant  un  mouvc nt  pour  se  lever  et  partir  : 

Je  n'ai  pas  l'habitude  d'enteinlre  de  pareils  discours...  Vous 
me  permettrez  de  m'y  soustraue. 

—  l'oint  du  tout  !  reprit  Kerneven  en  la  retenant  d'un  ton 
moitié  sérieux,  moitié  plaisant.  Je  tiens  »  vous  dire  tout  ce 
que  j'ai  sur  le  cœur...  et,  jiar  une  juste  réciprocité,  je  vous 
prie  de  me  dire  te  que  voUs  avez  sur  le  viMre. 

—  Vraiment  !  dit  Clotilde  avec  expressiiui. 

—  Oui,.,  sérieusement!  Je  ne  viens  ce  matin  que  pour 
l'entendre.  Je  vous  ai  déjà  dit  souvent  que  je  vous  aimais... 
Vous  ne  m'avez  jamais  rien  réptnidu. 

—Vous  auriez  du  complendre  !  repartit  amèrement  la  jeune 
fille,  emportée  par  un  mouvement  plus  prompt  que  la  ré- 
flexion. 

—  Ah!.,,  fil  Kerneven;  fort  bien!  reprit-il  après  un  mo- 
ment. Ceci,  en  effet,  est  assez  clair...  Et  que  répondriez- vous 
au  chevalier  d'Anglure  s'il  vous  faisait  la  même  question? 

—  Monsieur  le  marquis  !,.. 

—  Voyons!  dit  Kerneven  gaiement  en  la  retenant  encore. 
Continuons  avec  la  même  franchise.  Dites  :  vous  déplaît-il 
autant  que  moi  ? 

—  Qu'est-ce  que  tout  cela  signifie,  monsieur?  répondit 
ClotiliFe  avec  hauteur.  Pourriez-vous  me  l'expliquer? 

—  Oui,  je  vous  l'expliquerai  tout  à  l'heure.  En  attendant, 
je  veux  vous  apprendre  ce  que  vous  ignorez  peut-être  encore  : 
c'est  que  ce  soi-disant  chevalier  d'Aglure  esl  nu  homme  de 
rien,  un  ndsérable  bâtard... 

—  Monsieur!  monsieur!  s' écl^ia  Clolilde. 

—  Parbleu!  le  fait  est  certain,  avéré.  Il  a  été  raconté,  prouvé 
dans  ce  salon  même...  elle  pauvre  dialdu  n'a  rien  trouvé  à 
répondre.  C'est  pour  cela  que  M.  votre  père  l'a  chassé  de 
chez  lui.  » 

Clotilde  pnria  virement  le.s  iliains  à  son  front  et  se  cacha 
un  moment  le  visage  par  Un  ge.ste  plus  prompt  que  la  pen- 
sée. Puis  elle  releva  raphlement  la  tête. 

«  (Test  une  calomnie  !  dltelle  avec  force. 

—  Siirloul  venant  de  moi,  n"est-re  pas?  ajouta  Kerneven 
en  souriant,  s'il  faut  que  j'interprète  anisi,  ma  belle  enfant, 
le  regard  accusateur  que  vous  m'avez  lancé.  Mais  qu'importe 
pour  le  chevalier  Rodolphe,  qu'il  soit  ou  ne  soit  pas  bàtaril! 
Vous  ne  l'en  aimerez  pas  moins  pour  cela. 

_ — Je  ne  vous  ai  pas  dit,  monsieur,  rtpliqua  Clolilde  avec 
dignité,  tandis  nUe  son  sein  palpitait  malgré  elle,  je  ne  vous 
ai  pas  dit  si  je  l'aimais...  et  je  pourrais  m'onènsér  dc>  celle 
supposition...  qui,  de  votre  part,  est  presque  une  insulte.  Mais 
je  puis  dire  à  haute  voix,  et  je  suis'  bien  aise  de  le  dire  devant 
vous,  que  si  j'aimais  un  homme,  quel  qu'il  fiit,  je  l'aimerais 


pour  lui-même,  pour  ses  vertus,  pour  la  noblesse  de  son  ca 
ractêre  et  de  son  cœur...  et  les  torts  que  la  fortune  pourrait 
avoii-  envers  lui  ne  lui  feraient  rien  perdre  de  mon  estime  et 
de  mon  amitié.  » 

Ke"neveu  la  regarda  un  moment  en  silence. 

«  C'est  bien  !  dit-il  enlin  d'une  voix  émue.  Je  sais  ce  que  je 
voulais  savoir. 

—  Quoi  !  uuinsieur?  demanda  Clolilde  avec  fierté. 

—  Et  j'en  féliciterai  le  chevalier  d'Aglure,  ajouta  Kerne- 
ven en  souriant  malicieusement. 

—  Vous  n'avez  à  féliciter  personne,  monsieur  le  marquis, 
repartit  Clotilde  avec  amertume.  Mon  parti  e.^l  irrévociîble- 
ment  pris...  et  j'espère  que  mon  père  m'accordera  ce  que  je 
veux  lui  demander.  ' 

—  Quoi  donc,  ma  belle  eid'anl? 

—  Demain...  je  me  retirerai  dans  un  couvent. 

—  Ali!  s'écria  Kerneven  en  se  levant.  Par  exemple!...  voilà 
une  singulière  idée. 

—  Mon  paili  est  pris!  répéta  Clolilde  d'un  ton  ferme,  et  j'es- 
père qu'à  l'avenir,  monsieur  le  marquis,  après  ce  queje  viens 
de  vous  dire...  vous  n'essayerez  pas  d'y  mettre  obstacle. 

—  Si  fait,  pat-bleu  !  repliqua-t-il  en  souriant,  et  qui  plus 
est...  je  iie  serai  pas  le  seul.  » 

En  ce  monieul  on  parlait  dans  l'antichambre. 
«  Monsieur  le  maïquis  de  Kerneven  doit  être  ici,  disait  la 
voix  de  Rodolphe. 

—  Oui,  monsieur  le  chevalier...  Mais... 

—  Il  vient  de  m'écrire  pour  me  prier  de  l'y  rejoindre. 
Veuillez  le  prévenir,  je  vous  prie,  n 

Le  valet  ouvrit  la  porte  du  salon.  Clotilde  était  restée  pâle 
et  muette. 

((  Priez  monsieur  le  chevalier  d'Aglure  d'entrer  un  mo- 
ment ici,  dit  Kerneven.  Et  se  tournant  vers  Clotilde  avec  un 
sourire  :  Vous  le  permettez,  n'est-ce  pas,  mademoiselle?  » 

(Clotilde  se  leva  en  silence  pour  s'éloigner.  Kerneven  la  re- 
tint. 

«  Ah!  par  exemple!  .s'écria-t-il ;  il  faut  que  vous  restiez... 
Entrez  donc,  chevalier  !  cria-t-il  à  Rodolpoe  qui  s'arrêtait  in- 
déi  is  sur  le  seuil;  venez  vite,  nous  avons  besoin  de  vous.  » 

Rodolphe,  étonné,  fit  quelques  pas  dans  le  salon,  et  salua 
la  jeune  lille  qui,  tout  énuie,  voulait  fuir. 

«  Tenez!  ajouta  Kerneven  qui  ne  lâchait  pas  la  main  de 
Clolilde  qu'il  avait  saisie.  Veiicz  à  mon  aide  pour  persuader 
à  mademoiselle  Clotilde  qu'elle  a  tort.  Elle  veut  à  loule  force 
se  rctiier  dans  un  couvent. 

—  Monsieur  le  marquis  !  repartit  vivement  Rodolphe  d'une 
voix  élonlTée.  J'ai  peine  à  comprendre  cette  plaisanterie...  Il 
ine  semble  que  ce  n'est  ici  ni  le  lieu  ni  le  moment.  Je  serais 
désolé  que  mademoiselle  m'en  crût  complice...  et  je  la  prie 
d'agréer  mes  excuses  pour  la  manière  dont  je  me  présente 
devant  elle...  M.  de  Montaran  est  venu  nie  prévenir  que  vous 
m'attendiez  ici;  et  bien  qUe  ce  rendez- vous  m'ait  paru  bien 
bizarre,  je  n'ai  pas  cru  devoir... 

—  Et  vous  avez  parfaitement  bien  fait,  interrompit  Kerne- 
ven. Je  n'attends  plus  que  M.  le  baron  d'Ëckstein  pour  nous 
expliquer  tous  les  quatre  ensemble. 

—  Monsieur!  reprit  impétueusement  Rodolphe;  ce  n'est 
pas  là  ce  que  j'attendais  de  vous  et  ce  que  je  suis  venu  cher- 
cher ici...  Celte  ruse  me  paraît... 

—  Un  moment  !  interrompit  Kerneven  avec  aisance.  Cette 
ruse  m'a  fait  apprendre  ce  que  je  voulais  savoir.  Avouez-le 
maintenant,  charmante  Clolilde.  Vous  détestez  le  manjuis  de 
Kerneven,  n'est-ce  pas...  et  vous  aimez  le  chevalier  d'A- 
glure? 

—  Monsieur!  dit  Clolilde  palpitante.  'VoUs  abu.sez... 

—  J'abuse  de  votre  secret,  n'est-ce  pas?  mais,  laissez-moi 
achever.  Je  veux  vous  dire  que  vous  allez  vous  trouver  bien 
emlianassée...  car  vous  aimez  et  vous  détestez  à  la  fois  cha- 
cun de  nous  deux.  » 

Rodolphe  licssaillit,  et  Clolilde  le  regarda  avec  élonne- 
meiit. 

u  Rien  de  plus  c'air!  reprit  Kerneven  avec  une  émolion 
conteifue,  moi,  je  suis  Rodolphe  d'Aglure,  marquis  de  Ker- 
neven... et  ce  jeune  homme,  c'est  encore  Rodolphe  A'A- 
glure,  marquis  de  Kerneven,  connue  moi  ! 

—  Ah!  mon  Dieu  !  n  fit  Rodolphe  en  ciiancelanl.  Le  mar- 
quis lui  lendit  les  bras,  et  le  pressa  sur  son  cœur. 

«  Fh  bien  !  Clotilde,  dit-il  d'une  voix  émue  en  se  tournant 
vers  la  jeune  lille  qui  reslait  palpitante  et  troublée.  Quelle 
que  fût  lu  haissahcB  de  l'homme  que  v<ins  auriez  choisi,  vous 
l'aimeriez  toujours,  m'avez-voiis  dit.  Eh  bien!  j'espère  que 
vous  aimerez  toiijmirs  Rodo'phe...  bien  qu'il  soil  mon  fils. 

—  .\li!  mon  Dieu!  balbutia  Rodolphe,  se  laissant  lomber 
aux  genoux  de  son  père.  Mon  père!  quoi...  vous-même, 
vous... 

—  Eb  bien!  eh  bien!  dit  une  voix  forte  derrière  eux. 
Qu'est-ce  que  cela?  » 

C'était  le  baron  d'Ëckstein  qiii  était  entré,  et  reslait  lout 
stupéfait  du  spectacle  hiailendn  qui  s'offrait  à  lui. 

«  l'.e  que  c'est!  s'écria  Kerneven.  Mon  cher  baron...  c'est 
lejemie  marquis  de  Kerneven...  c'est  mon  lils,  que  je  vous 
présente. 

—  Quoi?  (onmient  !...  s'écria  le  gros  baron,  comprenant 
à  peine. 

j      — Sans   doute!...  c'est  Rodolphe  d'Aglure,  marquis  de 
Kerneven,  ciunme  son  père,  cpii  est  devant  vous.  El  puisque 
I  viuis  vouliez  un  Kerneven   pour  gendre,  permettez-moi  de 
I  vous  oflrir  celui-ci.  cpii  est  plus  jeuiie,  plus  beau...  et  <|iii  a 
d'ailleurs,  l'inappiiTiable  avantage  il'èlM-  aimi'  de  mademoi- 
selle Clolilde...  (|iiidéli.>le  pii,r,,mléii!,-iil  l'aiilrc! 

—  Ah!  monsieur  le  niaïqnis!   s'éi  lia  Clolilde. 

—  \'oyous  !  vnyiuis!  répéla  le  baron.  J'avoue  que  je  n'y 
cntuprends  encore  rien.  Expliquez-Vous,  je  vous  en  (irie...  » 

Il  paraît  ipi'ils  s'expliciuèrent,  et  que  le  barotv  d'Iùkstein 
linil  par  comprendre.  Car,  quelques  jours  après,  Clolilde 
d'Kckstein  était  l'épouse  de  Rodolphe  d'Aglure,  marquis  de 
Kerneven. 

D.  Faork  d'Olivet. 


42 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL'  UNIVERSEL. 


lia  vie  de  eliàteau,  caricatures  par  Clians* 


(Arrivée  au  cliâteaii  par  un  rhemm  vicinal  de 


odè  e  d  unechanbr 
a  an     ; 


(Quatre  heures  du  matio.) 


/*V/'^"''"' V 


(La  promenade  dans  le  parc.) 


(Essai  d'une  nouvelle  voilure.) 


(La  vi>iteà  M.  le 


(Le  cliâlclain  à  son  ami.  —  Teiiuz.  v.nn  mi  sitllo  dt-  bains.  J'ai 
fait  faire  toutes  les  conKtTuction»  par  dw  ms^émema  aogluiG.) 


(Lu  lu.vn,'  au  m^tiio  :  —  Admirai:  mo-i  cèire  du  Lib<*i 
je  l'di  planté  il  y  a  Ki  ans  ;  il  vieat  à  merveille.) 


Comme  ces  canards  ront  heureux  dans  celle  mir 
—  Dites  mon  étang, 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


^3 


IjB  vie  de  chaleaU)  caricatures  par  Clinin. 


•;E  lionne   a  tlNK  LIONNE.        : 
Première  dame  :  —  Que  vous  êtes  donc  bonne, 
toute  belle,   de    venir  me   surprendre  comme 

vous  me  trouvez  dans  ud  né^^li^é 

Dtuxiême  dam*-  :  —  Vous  êles  magnifi()ue.  Je 
vcQue  moi-même  eu  toilette  du  matio.j 


Habits  confectionnés  par  les  dames  du  châleau 
pour  If^SjcnfaDts  pauvres  de  la  commune.) 


<Voici[un  tapis  que  je'vais  brodtr  pour  mon  grand  salon.  Vous  Ferif z 
bien  aimable,  chère  amie,  de  m'en  faire  la  mo.Iié  pendant  les  fauit 
ioure  que  vous  allez  rester  avec  nous.) 


URE   nu  DINF.K. 

reul-dle  qu'on  serve  la  soupe  !  Voilà 
sont  au  bout  de  l'allée qut  arrivent.) 


I//Im  IJ"^Jk 


tLe  soir  d'une  journée  de  cbesse. 


Le  moment  du  départ.) 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Bulletin   bibllosrapltiqn*. 

/icriîwins  iH  jiui'les  de  V AUemagne ;  par  M.  Ili-NRI  Bla/e. 
Paris,  l«iO.  1  vol.  in-l!<.  A/«c/ie;  IJvij.  5  Ir.  ao. 

Les Poi'tes  contempoi'ains de  V Allemagne  ;  par  M.N.  IIaRTIN- 
Paris,  1846.  1  vol.  in-18.  y«k«  Renmtard.  ô  fr.  HO. 


Il  y  a  plus  d'un  siiVIe  et  demi,  un  jésuite,  un  critique, le  père 
Bouhours,  posait  sniiu'.iiMiiil  en  Frinrce  celle  ipiestion,  <pi"il 
df^cidaît  par  la  ue^:iiivi'  :  I  u  .Hlauiind  pt'it-d  iivtiir  de  VesprU"* 
L'auteur  it  jamais  l:iiii(ii\  i\r  \:\  Mniuèrp  de  bien  penser  sur  les 

nvrrm/es  d'rspril   Miv:iit    ril:ilii'll  cl  l'esp;i(,'nril  ,  UKlis    il    ii,'linrait 

ei>Mi|.lili'Uiriil  l'^dleinarjd.    L'im'iI-iI    su  ,  il  ii'iOI    |kis  I lu 

uidiii--.  il  m'im'M  |i:is  compris  les  (i-iivrcs  <lc  Miicli  llnllcn.  0|iil/, 
PaMlflcinmiiin.  l..iKau,,iu  niéiiie  .I,' lIoliiMisleinct  llollin:aiMi-\v:il- 
d:iu.  <pii  av:iiciil  |i^ini  de  son  li-mps,  car  il  mettait  lli^ilu  à  coté 
lie  Virgile,  n  ci'  ipii  est  un  peu  fort,  dit  Laharpc,  niéuie  pour 
uii.iesiiile  parlant  d'un  jcsu)!.'.  « 

Pendant  nresiipie  tout  le  dix-huilièine  siècle,  la  France,  qui 
ne  croyait  plps  à  cette  naïveté  ilu  père  Bouhours,  s'occupa  fiu'l 
peu,  au  point  de  vue  littéraire,  de  l'Allemagne,  qui,  du  reste, 
se  bornait  à  imiter  serviléuieul  les  écrivains  et  les  |ioëles  du 
trand  siècle.  Pans  les  dcrni.ics  aiuiccs  s.'uli'un'nt,  cpielqnes  es- 
prits cnrienv  se  ,lern:ni.lei'enl  ,,■  (|Ui-  devenail  la  poésie  au  ilcla 

vanv,  de  irailuire  la  M,:--si,„lr,  de  Klopstork,  et  \:t  Mari  d'.lb.l, 
de  Gessner.  E'n  1790,  bien  qu'elle  les  connilt  peu,  la  (Constituante 
décerna  le  titre  de  citoyen  français  à  KIopsiock  et  à  Schiller. 

Toutefois,  jusqu'à  l'époque  où  parut  le  livre  de  madame  de 
St3ël,c'esl-à-direjusqu'en18tS,  l' Allemagne  lit  lèraire  fut  presque 
complètement  inconnue  en  France.  L'illuslre  anti'ur  île  Connue 
aura  toujours  la  gloire  de  l'initiative,  et  maigre  Icsileleciuositi's 
de  son  livre,  nous  croyons,  avec  M.  Sainte-  lïenve,  <'  qu'il  n'y  a 
pas  encore  à  chercher  ailleurs  la  vive  inia^e  de  cette  éclo.sion 
soudaine  du  génie  allemand  ,  le  tableau  de  cet  âge  brillant  et 
poétique,  qu'on  peut  appeler  le  siècle  de  Goethe.  >i  L'Athmarjne 
a  été  corrigée,  remplélèe,  continuée;  elle  n'a  point  été  relaite. 
Ceux-ci  ont  ('■tiidie  et  appriitiiiiili  rhi-Inire,  le  droit,  la  science, 
onla  plulosopliic  ;icii\-i:i  lie  jii.L^ciii  ipie  la  poésie;  d'antres  enlin 
se  bornent  à  obseivcr  les  niii'iiis  l'i  les  caractères,  aucun  n'a 
même  essayé  de  reconstituer  l'edilice,  de  la  baseausommet,  sur 
un  nouveau  plan. 

Parmi,  les  travaux  littéraires  les  plus  j-écents  dont  l'Allemagne 
a  été  le  sujet  eu  France,  nous  devons  une  mention  parliculière 
à  deux  ouvrages  i|ui  viennent  de  pàiaitre  :  les  Érrivains  et  Pnë- 
tes  de  l'AUemufini^,  de  M.  Henri  iila/.e,  et  les  Pmies  co/Uempii~ 
rniiis  de  rMeiinigne,  par  M.  N.  Martin.  MM.  li|a/.e  et  Martin  se 
sont  rencontrés  a  peu  prés  dans  la  même  idée,  senleinent  ils  ne 
l'uni  pas  traitée  de  la  même  manière.  Une  courte  analyse  de  ces 
iivrages  moutrera  en  quoi  ils  se  ressemblent,  en  quoi  ils 


dllle 


Le  livre  de  M.  Bjaze  se  divise  en  deux  parties  d'inégale 
grandeur.  La  première,  et  la  plus  longue,  est  consacrée  à  la  poé- 
sie lyrique;  1.1  seconde,  aux  écrivains  et  aux  poijtes,  ou  plutôt  a 
quelques  écrivains  et  à  qneltpics  poêles. 

Dans  SI  disserijiieii  sur  la  poésie  lyrique.  M.  Blaze  ne  se  con- 
tente pas,  de  nous  l'aire  coiinailre,  par  des  appréciations^raison- 
nces,  des  ilelads  liio^^rapliiiiies  et  des  Iradiii-lions,  les  succes- 
seurs de  Scliillerelilelioeihe,  il  entreprend  l'histoire critiquedu 

tied,  cetic  poésie  que  nous  iLvoiisioMjMiirsi^ ce,  dit-il,  «parce 

(pie  pareille  aux  lenjissme' „,iivhi  du  liliiii  et  du  Danube,  elle  se 
cache  sous  les  grandes  herbes  cpii  bordent  le  lleuve  de  la  litté- 
rature, et  n'envoie  ses  mystérieuses  boullées  qu'à  ceux  qui  s'at- 
tardent au  cœur  de  la  nationalité  germanique.»  M.  Henri  Blaze 
définit  le  tiei,  il  donne  des  exemples  de  ses  dillërenls  genres,  il 
cherche  à  faire  coniprendre  poiirqiii  i  il  n'a  rii'ii  d'absolu;  puis, 
après  avoir  montre  eoniineiu  d  naquit  et  se  ilevehippa  du  (pi;i- 
torzième  au  seizième  siei  h>,  puinii  le  peuple,  ei  coninieiii  son 
caractère  national  se  perdii  au  sei/.ieine  sici-le,  il  nous  fait  assis- 
tera sa  renal-s e  avi-i-  l;i  pnesie  alleiiLiiele  an  sie.'l,'  dernier, 

avec  ce  umll  pie  iij'Maenienl   ilenl   llnelln'  csl    le  Im'Ios. 

Quand  il  : - h.-  les  deux  | is  ,lii  Un. .illemand, 

"  l'épi ii-se „l  Miiaiiinie  du  sei/ieni.'  siècle  et  la  crise  litté- 
raire du  dix-hniliènie,  ..  M.  Menu  lila/e  ileiai  he  du  groupe  cer- 
taines inilividiialiles,  (îueilie,  .Schillei-,  |i|iland,  Frédéric  Biic- 
keit,  Justin  Ke.riieret  lidoiiaid  .Moiike.  .Sa  inétliode  est  celle- 
ci  ;  il  explique  dans  quelle  siiiiiiioii  d'esprit  et  de  Cœur,  au 
niilieii  de  quelles  eircnn  ijin  es ,  ,  is  poêles  ont  écrit  leurs 
principaux  rcciinlsd  u,,i,i.  il  appivii..  leurs  poésies,  et  pour 
Jiisiilier  ses  pi;.;enieiii,,,  il   iiii.hiii,  s„ii   en  vers,  soit  eu  prose, 

<|Mel,i,ies-i,,is  de  leurs  i  liels-il'o-li  Me.  T.es  rindes,  qui  na^lie- 
llielll   l.e;nirnnp  :i    èlrc  écriles   d'illl  sUle  plus    simple,  —    M    II. 

Ida/e  prend  solive pathos  piiiii  l.i 'poésie.  -  lions  seniblcnt 

iii.ilheiireiisciiienl  iiicoinplèles.  Illiland.  Kenier,  liiickeil  cl 
Mierike,    reniplisseiil  qii.ilre   loilus    ch.ipilres.    ^olls  ne  iimis  ,.|i 

l'l:"W"':""  I'''-;  '^  -l'iucs  liages,  ipielqnes  pliiases  iliriden- 

les  seiileiiic.nl  soni  consacrées  de  loin  en  lein  a  d'autres  piicles, 
qui  méritaient  d'èlre  inienx  traites.  Millier,  Auastasius  Griin, 
Heine.  Cliainisso,  .Simrock,  le  comte  de  Hlaten,  Freiligralh,  Le- 
nan,  llerweiili,  et  lieaiiconp  d'autres.  En  outre,  M    Henri  lîlaze 

nous   seiid.le   lieiinconp    trop   cpris   ,<decs-lle| si,'  vanne  c|ni 

ne  peiii  eue  enniprisc  que  dans  cerlailies  di-posil  ii.iis  .l'espril, 

el  -iir  l'en  ■:    ,1e    laquelle   felal   de  I lin,'  ,'M,ti,.,iiv  inllne 

cll'aie;,-  ::elil    ,,  .l'aime,  aillani  ipi,'  lui,  !:i  v,-~.ry 1  li,!,.,!;  mais 

je  l'i'cl I  ■  l',,iir,,np.  p-  r:n, ,,.,■,  1,-  Uns ,  ,| -I   l,Hijoiirs 

;''•    '''   I -^  !"'■" '''"'   'l'i'eii  n-  peiil   ,i|,l.i,s.i,.r,p,-;,  des 

beiMclixe.,  p,,r   „H  lenips  ,l,„iu,.el  dans  , ;,'s  ,,,ii,li I i,„is  imlis- 
.,.lii,lecldl-ol,s, 


,1e  la   l'n 
es  qui    s 


sont  oppn.ees 
se  conp.nl,.  p; 
M    Henri  Itla/.i 


p,,i'p, 


et  qu'il  ne 


;il  p; 


delaïUs. 


pour  moi 


lier,  a  l'aide  d' 

hoiiellesqiieleveiileii,|i.,:i,.       i,  „,  ,,,„,!,,„   „    ,,,  ,     ,  i|  |„„. 

.I""i-s( ire  les  lendani'c,  |,,...H  -.,,,.s  ,,,.   i,    „,,,i.,lle   ,.eole'/ 

Pourquoi  se  moulre-t-jl  si  dédaigneux  el  si  dur  envers  la  iioésie 
|iolilique-( 

La  seconde  partie  de  l'ouvrime  de  M.  fleuri  Bla»e  est  presque 
eniièrinnent  consacrée  à  trois  écrivains,  Jeau-Paiiî  Bichter,  Im- 

'ui'iui et  Louis  TiecU.  Ces  éliidésson't  suivies  de  deux  arli- 

cles  sur  b,qiina  d'Arnim  el  Clément  Brentauo,  Goethe  et  la  com- 
tesse Slollierg. 

M.  Martin  ne  .s'occupe  que  des  poètes,  et  des  poètes  contem- 
porains. Sa  méthode  est,  à  peu  de  chose  près,  celle  de  M.  Henri 


Blaze.  Il  mêle  la  biographie  des  ailleurs  qu'il  étudie  à  l'analyse 
età  l'appiei  iaiiini  de  leiii  sonvrcs,  dont  il  traduitnne  partie,  soit 
l'ii  vers,  s'iil  en  |irose.  Moins  piciiaiiienx  que  son  rival,  il  man- 
ipie  eiM me  ,1,'  simplicité.  Ln  gênerai,  il  nous  parait  plus  juste 
ilaiis  SCS  jiej,  iiieiiis.  Le  principal  didàutipie  mois  ,  i,,\:ons  ,1e- 
voir  lui  lepi'iiliei,  cesL  d'être  trop  court.  Son  sujet  eomp,, riait 
d'autres  ,le\ilop[,cmenis.  Lu  (erminani  cliacniu-  de  s,  s  éludes, 
on  regrelle  ipi  elle  ne  soit  pas  plus  longue  au  moins  de  nioilie. 
M.  Martin  se  lail  lire  avec  trop  de  plaisir  pour  ne  pas  s'exposiT 
a  se  voir  demander  un  second  volume,  ou  une  seconde  édition 

M.  Mailiii  cliidie  d'ahoiii  les  poêles  (|ii'on  appelle  1,^  s..ua- 
bes  :  Loiii-  lliland,  Williem  .Millier.  Justin  Keioc  ,  .i.,i,  il„  1 1  ,|e 
>:hanii.sso.  Karl  Siniroik,  le  comte  de  l'ialen  et  Lu  Ociie  lui,  k.  il. 
Il  traduit  qnidques-unes  de  leurs  plus  délicieuses  laulaisies. 
Nous  ne  citerons  comme  un  échantillon  de  cette  poésie,  qu'un 
seul  tel/,  l'Enfant  malade,  d'Uldand  : 

o  mère  !  écputc  ers  acrprdii. 


Q'i 

Mo 

Is  Bonl  doux  au  cœur,  à  l'oreille 
Is  font  doux,  0  mêri-  !  —  Kt  tu  d 
,  cette  mugii^ue  m'éveille. 

'■♦  «ipiip. 

J'êr 
Olj 
Dor 

oute...  écoute...  et  n'entends  rien 
dors,  mon  pauvre  enfant  malade 
s,  le  repos  te  fera  bien  ; 

Non,  ce  chant^qui  me  réjouit 
Ne  vient  pas  d'une  voix  mortelle  ; 
C'est  un  chœur  d'anges  qui  m'appelle. 
Adieu,  ma  mère;  bonne  nuit. 


D'après  M.  M.artin,  la  poésie  allemande  compte  aiiiourd'hiii 
quatre  ec,,l,s  :  l'école  souabe,  dont  nous  venons  d'enniiierir  les 

plus  illn-lcs    lepie.-eiilanls;   l'école  : icMenne,  qui  : r 

l"'"'fM ■ I'"'  'INC  sorte  d'ecleclisine  poeliqne  on  tien- 
nent se  1,'iiiiir  ,■!  -niiMiil  se   l'„i,div  la  naïve   d,nnvnr  de  l'eenle 

souabe  el   l'n s.epliqiie  propre  a  l'e.  ni,'  prilsHeline    ,iiril,-l 

plusjnste  iFappelei  l'eco!,.  ,[ii  d  ;  eiilin,  une  ,pi  .tinnii,'  ,■,■,, le 

qUMl'apparllenl  pas  pins  nn  nmil  ,pi'an  sud,  ipii  c,.inple  pur- 
tout  des  adeptes,  et  semble  vouloir  tout  envahir,  lecole  politi- 
que pure.  ' 

Cette  division  constatée,  M.  Martin  nous  fait  counaitre  les 
quatre  principaux  poètes  de  cette  école  antrichieuue,  qui.  selon 
lui,  offre  ce  caractère  vrainieiil  remarquable  et  diiiin-  d  el,i"e-, 
que,  dans  la  mesure  qu'elle  a  toujours  su  garder  enii.-  l'nispTri- 
lion  politique  el  la  cunteniplalien  de  la  naliire,  elle  a  e,,ii^i:im- 
nienl  respecté  les  lois  rii^onieiises  de  l'an  l'i  lès  siiM,,piiliiliies 

les  plus  délicates  de  la  poésie.  Iles  ,p e  p,„  i,,s  s.. m  An  is|a- 

suis  Griiu  (le  cunile  Dallersper;;  ,  I  enail.  i;iiailes  u,.,  k  el  /.ed- 

litz.  Après  avoir  déplore  la  posiii Iillicile  que  lait  aces  po(;tes 

le  gonveiiieinenl  aiilrichicn,  M.  Miiriin  lui  adresse  de  sages 
consiiis,  ,p,'i|  se  Irouveia  bien  de  siiiire,  «  s'il  vent  ressaisir,  à 
a  leie  des  destinées  de  l' Allemagne,  une  inllueuce  que  la  Prusse 
lui  enlevé  cliaipiejonr  dav.iiila.ne.  n 

Aux  repies, 'ni:iiiis  ,l,j:i  ,  .iêlires  de  l'école  autrichienne,  suc- 
cèdent,— iniiih    I  :, l'qiii.—  lheodor  Ka'rner,Schenkendorf, 

Arndt,  lims  pi.ei.s  iKiiiniLiii\,  ennemis  acharnés  de  la  France, 
qui  ontaïKq.te  pour  muse  I  implacable  .\eim'sis,  la  sombre  déesse 
de  la  haine  et  de  la  vengeance.  !\I.  Mm  un  a  en  raismi  de  louer 
ces  trois  poètes,  Ku'rner  snrlonl,  mort  an  champ  d'iionnenr 
l'epeedans  nue  main  cl  la  Ivre  il.ms  l'unire  •  mais  mois  oublions 
volontiers  ,,d \:iliaii.iii  Inilin-eei  ,eiii'  iiiimiii,'   laroindie 

quiprolili'lil    de.-  l'Iie  nid,.,  -  -,'|)Iii,i-i!K  | 
nirde  mauvais, -s  ;  i,-si,,iis  ,  non-  Mimons 

étudier,  av.cJl.  iHarlin,  'les  chefs  el  I.      .        ..,  ..   ..    . 

tants  de  (adie  école  politique  qui  réclame  l'allran'cbissement  vé- 
ritable de  l'Allemagne,  Freiligralh,  Hoffmann  de  Fallersleben, 
Herwcgh,  Prulz.  ' 

Parmi  liîs  pièces  les  plus  remarquables  de  celte  école  qu'a 
traduites  M  Martin,  nous  en  choisissons  une  au  hasard,  adres- 
sée aux  poêles  allemands.  C'est  Herwegh  qui  en  est  l'auteur. 

AUX    rOLTES   ALLEMANDS. 

Soyez  fiers!  il  n'est  point  d'or  au  monde  qui  résonne  aussi 
bien  que  l'or  des  cordes  de  vos  lyres!  Il  n'est  point  de  prince 
assez  puissant  pour  que  vous  soyez  forcés  de  vous  l'aire  ses  ser- 
viteurs. Eu  dépit  de  l'airain  et  du  marbre,  sa  uiépioire  mourra, 
si  vous  la  laissez  mourir;  la  ponr|n'e  la  plus  belle  est  encore 
elle  ,1,-  vos  eleoiis  ipi'aiiime  !,■  saim  de  vos  .œnrs! 

l'areillean  di:,i,i;„il,  la  roM'e  ne  hrilie-l-elle  pas  lonjoiirs  pour 
vous  an  indien  des  ],l;,isiis''  i\'est-ce  pas  la  plus  belle  des  lentes 
rov;iles  que  ce  lialdai|iiiii  (In  ciel  arrondi  sur  vos  tètes?  Est-ce 
d'iela  ve^n,'.  ,loiii  les  rameaux  s'enlacent  sur  un  humble  loit  de 
s  mieux  ipie  le  lierre  parasite  qui  rampe  au 


,d  1  iitrele- 

n,ilre  pari, 

ipanx  représen- 


pied  ,1,. s   p;,l 

Que  vol.,' 

les  alollelle^ 

Iranqnillem, 


ton 


■ille  p; 


eni. ,',  poêles!  résonne  et  palpite  haulemèut  avec 
lilii,'>  ,1  lis  les  airs!  Partout  vous  reposerez  plus 
Ml  ipie  dans  le  caveau  des  princes.  On  peut  trouver 
V  nue  m  ilresse.  prompte  à  traiiir  sa  foi.  Je  ne  vous 

de  dedaimier  rannean  de   vos  liancées;  mais  gar- 


chaiii 


1^ I'a.i-,v 

le  lien  de  lih, 


ferii 


el  lu 


:  vos  lyre 


aide;  que  vos  chants  l'excitent  et 
.'il  i;iî  hIesM.  sur  le  champ  de  ba- 
e/.  SOI  lin  Ivi  si  l'on  vent  lui  ravir 
,  saisissez  voiio  epee  d'une  main 


M.  Martin  est  plus  juste  que  M.  Henri  Blaze  envers  l'école  po- 
liliciue  ih's  poêles  de  la  jeune  Allemagne;  mais  il  croit  i|n'elle 
est  arrivée  a  n,,,.  de  ces  epo,|nes  de,  i.-ives  ,  n  cerlaincs  choses 
I  e  C(^  iiiond,'  n'i.lnippciil  a  la  mas- sil,- ,!,■  iiioui  ir,  ,pi'a  la  con- 
dition de  .,,  Iiaiisloiiner.  c  !'r,  I, ni, lie,  ilil-d,  que  la  politi.Mle 
puisse  snllire  a  lomler   el   a  cnli .  Iciiir  me  école  lui, 'i  sii,,  ,-st 

ilus ipiiii'a  pu  nailreqiiedaiis  l'iniaginalêin  d'un  peiiole 

a  peine  sur  le  seuil  delà  vie  |ioliinpn';  lanl  de  peispeiliv  es  s  ou- 
vrent alors  aux  veux  cbhniis.  Mais  le  inonde  poliliqne  esl  celui 
lies  rcalilcs;  des  qu'en  v  entre,  on  en  aperi;oi|  les  rigonn  n-es 
llmiles.  ConniH m,  d'ailleurs,  comevoir  une  icole  de  poi'Ics  qni, 
leurs  gramis  ,  ris  d'aiialhême  nue  lois  lances,  leur  declaralion 
de  droits  une  lois  rédigée  en  images  pins  nu  moins  heiireiisi's, 
devrait  s'alimenter  éliinellenieni  d'oppnsilion  et  de  colères. 
Evidemment,  la  muse  ne  |ieiil  pas  lon^iii  inps  inarcher  dans  celle 
voie.  Le  silence  que  garde  M  lleiwegli  depuis  l'accueil  depi 
beaucoup  moins  enthousiaste  lait  à  sou  dernier  recueil,  est,  à 
notre  avis,  aussi  significatif  sur  ce  point  que  le  recueillement 


de  M  Freiligralh  en  Sui.«.sc,  et  que  la  démission  sans  donle 
provisoire  que  nous  ont  apportée  les  /Waro/ini  de  M.  Mufliiiann 
de  Fallersleben.  .Nous  nous  irompoiis  peut-être  en  augurant 
ainsi  de  l'avenir  d'une  école  qui  compte  des  pi  ëles  rii  hes  de 
talent  et  de  jeunesse.  Qu'ils  piouveiit  donc  que  nous  avons  été 
mauvais  prophètes;  nous  ne  deinaudons  pas  mieux  que  de  faiie 
amende  honorable  devant  la  preiiiièie  belle  a'uvre  que  leur  in- 
spirera la  poliliipie.  ,, 

Des  nom  es  tlnne  page  au  plus  sur  une  vingtaine  de  prèles 
d'un  ordie  inleiieni  el  une  élude  liop  courte  sur  Henri  Heine, 
terminent  le  volume  de  M.  M;irlin. 

Somme  toute,  les  jifrirqins  el  Pi  êtes  de  l'Allemagne  e\  les 
Piiêtes  cnniemporaijia  de  l'Mleiiiuijiie,  maigre  les  li  gères  critiques 
que  nous  avons  cin  devoir  lenrlaire,  sont  des  ouvrages  sérieux, 
nouveaux,  utile.s.digncsdc  nos  éloges  el  de  nos  recominaiirlalioiis. 
Unsiiccèsglorieuxlenrberailassuie  alors  mêmequ'ils  n'auraient 
d'autre  mérite  que  de  signalera  l'allenlion  de  la  Fiance,  les 
œuvres  encore  inconnues  d'une  pléiade  de  poètes  dislingués. 
Mais  on  les  lira  avec  autant  ;d'inlerêt  queide  piolil,  et  leurs 
noinbieuses  qualités  si  lliiaieni,  a  défaut  d'autres  litres,  pour 
garaiilirdéjaa  leurs  auteurs  MM.  Blaze  et  Martin,  une  place 
boiiorable  parmi  les  criliques  et  les  traducteurs  de  noire  époque 


Uifloirc  d'une  scission  dans  le  compagnonnage,  suivie  de  la 
biographie  de  l'auleur  du  Livre  du  compagnonnage  el  de 
réllexions  diverses;  par  M.  Acricol Pehdiulier,  dit  A>i- 
gnonais-la-Vebtu,  compagnon  menuisier.  !2  vol.  à  i  fr. 
—  Paris,  184(i.  Clicz  l'auteur,  rue  du  Faubourg-Saint- 
Antoine,  iiô. 

L'auleur  du  Livre  du  compagnmmiee ,  M.  Agricol  Perdigiiier, 
vient  de  compléter  son  précédent  l'iavail  parla  publicalion  de 

lieux  veaux  volumes    L'un  cinitient  l'hisloire  d'un  mouve- 

iiienl  p.iilienlier  qui  a  éclate  dans  l'association  compagnnoiiale; 
l'antre  la  bnigiaplne  de  M,  Agricol  Perdignier.  Le  premier  n'est 
pas  siisci  plible  d'analyse.  Le  compagnnonage  s'est  partagé  en 
deux  Iracimns  cnutniiies.  M.  Agricol  Perdignier  est  intervenu 
<iponr  lâcher,  dit-il,  de  les  rapprocher,  de  les  unir  encore,  caria 
classe  onv  rière  n'est  que  trop  divisée  ;  n  mais  an  ndlieu  de  tant 
de  |iassii,iis  conliaires,   s.i    parole  a   manque  d'anlorile.  el   les 

deux  camps  se  soi unes,  ,„nsoiides  a   leur  deli inient  léci- 

pioqiie.  L'Insioiii.  d.-  1 1  Ile  s.  issioii  csl  le  coniplenieiil  indispen- 
sable du  io/c  ,fo  c„my„ij«„/,„f,jp  ,  nnipiel  nous  nous  soinineg 
liermis  de  taire  des  enipriinls  si  considérables  dans  les  deux 
articles  que  nous  avons  publies  sur  ce  sujet.  (Voir  llllvslroiion 
du  i'I  novembre  IS'oi,  page  lise,  et  ilii  21),  page  20r.,  tome  VL) 

Nous  ne  saurions  trop  rieomin.imler  aux  nombreux  lecteurs 
lies  I,  niaiis|  pliilaniliicpnines,  soi  i.disles  el  Immanilaires  des 
^lanils  |,,iini;inx  a  k,  mode,  la  leiinre  de  celle  vie  d'ouvrier, 
laioniee  siiii|.k nieiil  pal'  un  onviicr.  M.  Agricol  Perdignier  ne 
elierche  pas  a  faire  de  l'effet;  aussi  l'impression  qu'il  produit 
n'en  est-elle  que  plus  vive.  Il  est  iuipo-sible  de  ne  pas  êlre 
prolondi  nient  eniii  et  de  ne  pas  rcllècliir,  en  parcourant  ce  pe- 

li'  vol ,  trop  lin  11  rempli  de  f.iils  attristants  et  instructifs.  Ce 

n'esl  pa,i,ii  rcii.eii  parti,-  imaginaire,  raconté  avec  un  cer- 
tain ail  II  ilaiis  lin  -ivle  pins  ou  moins  correct  et  élégant;  c'est 
la  reahle  moiiiii'e  1,11e  qu'elle   est,  sans  relicence,   mais  sans 

L'^'i^eia ;  désolâmes  lev,  lalions,  doni  la  Iranehise  est  mal- 

lienrensemenl  inconie-lal.le.  \  oie.  hnis  snriout  qui  calomniez  le 
peuple,  p.irce  cpie  vous  ne  le  eoiin:ii-s,  /  pa-.  lisez  ces  pages,  si 
eloqneiiies  dans  leur  siinplieiie.  ,,ii  \L  \^,ieol  Perdiguief  ra- 
conte (a'  qu'il  a  la  ^em  lo-n,.  ,r;,pp,.i,  ,  .,s  n  ibnlations  Suivez- 
le  dans  loiiie  sa  caiinne  si  ;,^ii,|,,  -i  i,,,,, nlee,  si  honorable 

et  SI  bien  remplie.  (,ln,'  de  passa.;,  s  leins  pmiiriens  vous  citer. 

Cl  Si  nous  voulons,  nous  autres  ailisans,  approfondir  notre 
métier,  développer  notre  enleiidcmenl,  aeqiienr  quebincs  con- 
naissances, savoir  ce  cpie  c'est  que  la  vie  humaine,  être  1 inie 

enliri  dans  toute  l'elendiie  du  mol,  nous  sommes  forces  de  pren- 
dre suruolre  nourriture  et  sur  rroire  sommeil.  .Nous  ne  pouvons 
faire  la  conquête  d'un  peu  de  savoir  qu'à  cette  unique  et  dure 
condition,  souvent  mortelle,  car  les  forces  physiques  ont  des 
bornes.  »  {Page  7.) 

Il  La  maladie  nécessite  l'excès  du  travail,  l'excès  du  travail 
ramène  la  maladie  ;  quand  une  fois  on  est  enferme  dans  ce  la- 
byrinthe, dans  ce  cercle  fatal,  on  n'en  sort,  le  plus  souvent,  que 
|iar  la  mort.  Combien  j'ai  vu  de  braves  ouvriers  périr  de  la 
sorle.  à  la  llenr  de  leur  âge.  »  (Page  18.) 

«  Combien  de  fois  je  me  suis  nourri  une  journée  entière  avec 
un  sou  de  pain,  u  (Page  21.) 

ce  II  n'esl  que  trop  vrai,  l'artisan  a  de  la  peine  à  se  suffire  à 
lui-même  ;  pour  un  qui  prospère  ,  cent  qui  végètent  Les  riches 
el  les  savants,  quand  ils  s'occupent  de  nous,  disent  :  l'ouvrier 
gagne  lanl,  depini-e  laiil,  donc  il  lui  resie  lanl;  voilà  son 
compte  iiel  d'une  aiiiiie.  Ils  ne  pensent  cpi'à  trois  choses:  ga- 
gner, dépenser,  icieiiii.  Ils  suppose  ni  loin  lier  toujours  valitle, 
toujours  occniie,  tcmjours  bien  paye,  et  ils  croient  leurs  calculs 
infaillibles.  La  machine  en  fer  qui  fonctionne  se  détraque  par- 
fois; l'ouvrier,  quelle  (lue  soit  la  rudesse  de  sestravanx.  jamais! 
I\'est-il  pas.  en  etl'el,  plus  dur  el  plus  Ion  cpie  le  ter'/  Mu  man- 
que d'ouvrage,  des  maladies,  des  convalesce  nces,  des  |-ecliiilcs, 
des  conrbalnres,  des  fonlnrcs.  de  \  iii;;!  ace  idenli  peu  iinpoi-^ 
tants,  mais  souvent  répètes,  de  l'atraihlisseincnt  graduel  des  tor- 
ées et  des  degoiUs  cpii  loiil  cortège  a  lonlesces  douleurs,  iln'eu 
est  point   cpiesiion;  ou  ne  cunnait  point  tout  cela.  »    (Ptgerill.) 

Et  cet  homme  qui  a  tant  sniitlert,  savez- vous  quel  langage  il 
lient  à  ses  frêi'es,  cpii  soullit  nt  coumie  lui'?  ce  Compas-iions  du 
tour  de  France,  cpialid  vous  eprouvete/  ,1,  s  n  ii'i,  s  ,  |  .'e-  liai- 
temenls  nidi-nes.  ,|iiand   vous  serez  ii    >,  i-,-  p.,i  L,    m  i.v.ise 

l'ortuiie.  pi  n  1  /  a  i,  el  vous  VOUS  rc  1,  v,  i         ^,    V,  I-  .,!  |,    pus 

donne  l'cv.nip'i'  ,11  courage  el  de  l:i  p,  1 -,  v,-, .  i„  ,  -  \,"  v„ùs 
ai-je  pas  je ,111  m  milieu  des  posiiicnis  les  plus  extraordi- 
naires, d  ne  lanl  j.iei.iis  p,  nu,'  |'i  s|  clai  l'e '.' 

te  Jcsns  a  d.i  :  \ii,i,  v.-  ,  nneinis;  lailcs  <lii  bien  à  ceux  qui 
vous  hai.ssent;  henissev.  ceux  qui  tout  des  inipii  calions  coiiire 
vous,et  priez  pour  ceux  qui  vous  pi'isecntenl  cl  vonsedomnienl. 

«Celui  qui  vint,  il  y  a  dix-hnil  siècles,  pour  ilcirniri'  l'ava- 
rice, l'esprit  de  rapine,  la  dunte  disvceurs.  le-  liiikiisis  iin  •  a- 
liles.  le  iev,,Ii  ml   eeniirasle  d'un,,   exiiême  opulence' cl  d'une 

'■>ii''"   '  ' ""  :  "lui  '|ui  \iiit  pour  sauver  le  genre  Imm.cin, 

Il  a  lie' '"■   "  ■'   lien   sauve;   rinii|iiite  lêgni'  eucoie  sur  la 

leire;  1,1, ;is  ,  ,.sl  l.i  laiili' lies  liommes.  cl  ne  n  celle  du  Clirisl. .. 
Le  Cl.iisl  se  sni'vil  ..  L'tvangile  nous  lesle.  et  l'esprit  e|iii  en 
émane  planera  sur  les  populatiors  et  les  pénétrera,  (nfiei'  dci.,- 
à  cetle  genéieuse  inllueuce,  nngi:,i;,|  iiuvail  saice mpliia,  et 
nos  neveux  verionl  un  jour  deseeiniri'  sur  la  terre,  se  lenant 
par  la  main,  la  Liberle,  l'tgaiile  e  I  la  Fraternité,  dont  on  n':,- 
vait  encore  possède  iiiie  les  on  l'ies.  Cliacnn  comprendia  ah'rs 
que  le  lils  du  char)  entier,  ipi'c.n  avait  appelé  le  Sauveur  d.  s 
hommes,  était  vraimeiil  le  Sauveur  dans  le  sens  le  plus  positit 
el  le  plus  élciulu  qu'il  liU  possible  deMonner  à  ce  mot.  " 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


^5 


Mise  en  Teme  chez  M.  PATRIS,  propriétaire  «lu  JOl'RXAL  Df  PALAIS,  A  Paris  :  elioz  les  principaux  libraires  de  Franco. 


12  GBOS  vnu  MIS  grand  in-S°  de 
n,-J20  p.  ou  in-4"  de  l.seop., 
pap.  colle,  reiiferni.  la  matière 
de  pliisde  10  vol.  in-S»  ordin. 

PRIX  :  40  FB. 

Pri^sentant  t 


DE 


TODSiJOllEnSAEilS 


ANNOTES 


EXPLIQUÉS. 


'  cha4|ii 


article  l'état  complet  de  la  JI'RISPRLnE:«< T..  «le  la  I,K«ISI,.tTIO!«  et  de  la  DOCTKiniE  DES  AITEURS. 
pur   une  SOilÉTË   UC  JI  RI!4t  0\SL'I/l  E»>. 


Nul  n'est  censé  ijjnorer  la  loi,  et  peu  de  personnes  la  connaisseni 
question  la  plus  diflicile  qui  l'intéresse  :  ce  livbb  est  i  tile  aux  noïDi 


D  .\FK.\iREs  en 


es  conns  on!  eu  l'Iienrense  idée  île  donner  à  rliaeun,  étranger  on  ayant  drcil,  les  moyens  de  se  lixer  sur  la 

..-..>— -f '1"  ''  iilu'ége  les  recherches,  et  i>uis1'H>.sa1!I.e  aux  peo!>iiietaiiies  et  aux  cens  mi  monde  qui  ont  besoin  de  dé- 

Îendre''l'eursintérêts7 Chacun  sait,  en  eOet,  qu'un  simple  code  sans  cosisientaihe  ne  présente,  pour  qui  cherche  des  renseignements,  que  des  difficultés  souvent  insurmontables. 

Ponr  paraître  (prnchainfmeDi, 

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Par  Messieurs  :  Alcan,  .Vlbert  Auhert,  !..  liaude,  Béhier.  Bélanger,  Bcrlhelol,  \m.  Bural,  Cap,  Cliarlon,  Cha^sériau,  Clias,  Chenu,  Deboutliville,  Delalbnd,  Desiuichels,  I)éyeux,  Doyere  Dubreuil, 
Duianlin,  Dulong,  Dupasquier,  Dnpavs,  Foucault.  II.  Fonruier,  Genin,  Giguet,  Girardiu,  (iiraull  Saiut-Fargeau,  Cielley,  Guériu-Menneville,  Hubert,  Hed.  Lacroix,  L  Lalanne,  Lnd.  Lalanue, 
E.  Langier,  .S.  Laugier.  Lecouteux,  Elysée  I.efebvre,  Lepileur,  Mathieu,  Martins,  madame  Millet.  Montagne,  Mo»,  Mollot,  Moreau  de  Jonues,  Parchappe,  Peligot,  Persoi,  A.  Pievol,  Louis  Reybaud, 
Kobinet,  Schreuder,  Thomas  et  Laurens,  Trebuchet,  L.  de  Wailly,  L.  Vaudoyer,  Ch.  Vergé,  Young,  etc. 

100  livraisons  à  2S  cent. 

et  renlerniB  on  Traité  complet  pour  " 


Chaipie  livraison  hebdomadaire,  composée  d'une  feuille  grand  in-octavo  à  deux 


,-texle, 


matière 


Iles  in-octavi) 


DIVISIONS  DE  L'OUVRAGE  :  —  Sciences  vmthématiqties.  Sciences  physii/iies,  U  traités.  —  Scie 
traites.  —  heliginii,  Mnriile,  5  traités.  —  Législatinn,  Mminislmlinn,  5  traites.  —  Ethiciilinn,  Lilléralure 
Industrie,  l'i  traites.  —  Ecmwune  publique  cl  Uuuwsli>iuc,  9  traités 

AVIS  A  LIRE. 

Les  éditeurs  se  félicitent  d'avoir  pu  faire  a|iprécier  par  les 
hommes  les  plus  in>norables  le  but  utile  de  leur  entreprise,  et 
de  (louvoir  compter  dans  la  liste  de  leurs  collaborateurs  les  sa- 
vants les  plus  connus  par  leur  dévouement  aux  classes  indus- 
trieuses. 

Les  Cent  Traités  formeront  deux  volumes  grand  i»-8,  conte- 
nant la  matière  de  plus  de  trente  volumes  ordinaires,  avec  des 
gravures  sur  bois,  aussi  nombreuses  que  lai  matière  l'exigera 
comme  éclaircissement. 

Chaque  volume  sera  composé  de  50  feuilles  à  deux  colonnes, 
en  petit-texte  très-lisible,  et  imprimé  avec  luxe  sur  un  papier 
de  la  meilleure  qualité. 


Histmre,  Géographie,  13 


Cest  à  rficosse  que  nous  devons  la  première  idée  de  l'entre- 
prise que  nous  annonçons.  Le  livre  inlilnle  Chambers's  infnr- 
matinn  for  llie  peuple,  publié  à  Edimbourg,  en  1842,  obtint,  dès 
son  apparition,  un  succès  presque  inouï  Dans  le  cours  de  la 
première  année,  il  s'était  vendu  à  70,000  exemplaires. 

Nous  n'avons  emprunté  au  Chamhers's  information  que  l'idée 
de  cette  publication.  Tout  en  l'imitant  dans  sa  forme  typogra- 
phique, nous  avons  con(,;u  notre  entreprise  sur  un  jilan  tout 
dilTcrent,  car  il  fallait  avant  tout  l'approprier  aux  besoins  d'in- 
struction de  nos  compatriotes. 

La  rédaction  des  Cent  Traités  a  été  confiée  aux  savants  et  aux 
écrivains  les  plus  distingués  dans  chaque  matière  spéciale. 


naturelles  et  médicales,  M  trailés.  — 
4  traités.  —  Beaux-Arls,  6  traités,  —  Agriculture,  tti  traités.— 


Chaque  traité  sera  renfermé  dans  une  feuille  (rarement  deux), 
qui  paraîtra  sous  forme  de  livraison  hebdomadaire,  et  pourra 
s'acquérir  séparément. 

Cette  publication  s'adresse  surtout  aux  classes  laborieuses, 
pirmi  lesquelles  il  s'opère,  depuis  quelques  années,  un  travail 
d'inlelligciice  (|ue  les  hommes  à  portée  de  voir  et  en  étal  de 
comprendre  suivent  avec  intérêt. 

Néanmoins,  toutes  les  classes  de  lecteurs  trouveront  leur  pro- 
fit dans  cet  ensemble  d'instruction  sur  toules  les  choses  qu'il 
n'est  peçmis  à  personne  d'ignorer,  et  moins  i  ceux  qui  ont  du 
loisir  qu'à  ceux  qui  travaillent. 


£n  vente  eA«»  fAVMiMJV,  éaileur,  rue  HieheUett,  ««. 


PlIVEllES  RUSSES,  ».  MCOIAS  GOGOL 

Traduction  française,  publiée  par  M.  lOUIS  ITIAR^OT.  —  1  volume  m-18.  Prii  i  3  fr.  50  c. 

CI\Q  NOIIVELIES  :  TARASS  BOILBA;  Li:S  MÉJIOIIIES  D'UN  FOI;  LA  CAlÈCUKl  m  MÉNAGE  D'AlTItEFOlS;  LE  ROI  DES  GNOMES. 


EUT  VESm  dans  la  BIBI.IOTHEQUE  CAZIN  A  UN  FB.ANC  lE  VOLUME,  publiée  par  PAILIX,  UO,  rue  Richelieu- 

SOIVEMKS  m  CHASSES  EN  EUROPE 


PAR  LOUIS  VIARDOT 


SOmaAIRE  :  PRÉFACE. 


EN  ESPAGNE,  1s:;r.-18i2.  —  EX  ANGLETERRE,  1811.  —  EN  HONGRIE, 
EN  RUSSIE,  1844-lSi.j.  —  KN  PRUSSE,  181(1. 


IJu  joli  volume  in-l§-C'azlii.  —  Prix:  t  franc. 


EAU  DE  RICCI-DESFORGES. 


iHiiie  rud..'ur  1:.  plu 
Kan,  doiiL  io  siicn-s 


lir  lf>  di'uls,  IfS  t-iilrrlenir  blan- 
l-l.-lll'Sfl  l:i  .■nri.MlniHl.T.T    l'ti:i- 

Irlli-s  M'iil  les  qii:iliti's  ili-  celte 
plus  fie  r.o  :ii)s.  .\uiit«  prions  les 
ili'  ^t'  li'iiircii  ifMidir  conire  les 
elle  e^l  en  hnl,  et  nous  uhlien- 


frauiles  inees>uiUeï.  auxquelles 
drnns  jusliee. 

Ira  seule  fabrique  et  Tunique  dépôt  sont  chez  I<.  DES- 
FORGES. ex-Chirurgien]>eutiste  de  feu  S.  A.  B..  le  duc  de 
Berry,  RTTB  DESFOSEÉESMONTMARTRE.  27)  dans  la  porte- 
cochèrei  au  deuxtèoie. 


A  HENRY  I". 


H.  IiEVILlAYEa ,  CHEKISIER,  22,  rue  des  Filles- 
Saint-Thoma-,  au  Cidn  do  la  rue  Richelieu.  Nos  abonnés  nous 
sauront  gre  de  leur  faire  connaître  le  chaiigemeiit  de  domicile 
des  magasins  de  Chemises  Levillayer,  dans  lesquels  se  trouvent 
réunis  le  bon,  le  beau,  le  bien  fait  et  le  bon  marché.  Les  étran- 
gers sont  engagés  à  vi^il^:■r  ce  vaste  établissement,  oi'i  on  leur 
distribuera  un  pri\-coiirant. 


LONGUEVILLE, 

me    Ri«>hellru«    pr4>>a    le  Théàtre-Françala. 


CHEMISES. 


■  ean- 


Ce  ViiiaiRTc.  d'un  usa^  rei:onnu  hit-n  lup^rirur  nul  mut  de 
Cologn'-  el  que  tant  de  contretacleurs  clierclirnt  &  imiter,  est 
aujourd'hui  le  coMiiétique  le  plus  distingué  ei  le  plu»  ri-cliercli* 
pour  les  snins  délit;.at5  de  la  loilette  des  dames.  Il  rafial'.hit  cl 
assouplit  la  ptau..  laïuelle  il  rend  son  «lasticiUi  11  enlè.e  let  lou- 
ions et  rougeurs,  calme  le  teo  du  rasoir  et  dissipe  les  maui  de  Mtc 
\î59,rtje  SairU-Himor4,  à  Paris.  —  \  fr.SOle  flacon- ^ 


TODTES  LES  DAMES. 

'.■Ile  iiniiime  Puye,  à  l'aide  de  laqi 

i;;iiaMlie  de  la  boue  sans  le  seiiiui 

2,  au  coin  de  la  rue  Riclnlii 


Madame  TILMAN  vient 
d'inventer  une  a^çrafe 
elle  la  robe  est  soutenue 
s  des  mains.  —  Rue  de 
11,  au  premier. 


JARDIN  HABILLE 


(CUAMPS-EI.YSl-.KS). 

Soirées  musicales  et  dansantes.  —  Les  dimanches  «t  jeudis  : 
prix  d'entrée,  1  fr.  30  c.  —  Les  mardis  et  samedis  :  prix  d'en- 
trée, 5  fr.  —  Restaurant  et  calé. 


ENVELOPPES  POSTALES  ^^f^^^i'^à^l 

Speii..lchiclll   ilill-:i.lr.-s  aM\    lilllvs  .  I.iuucts  ,.|   l  rr.ilMllialulecS. 

Ces  envçl»iipcs,  ipii  uni  rc.ii  l'ai>|  i.)li:Éii(iii  ilc  .M.  \v  Iiilkcteur 
CESiiBAL  DES  PosTts,  oiit  clc  le  siijct  d'iiue  décision  (le  Ak  le 
MiMSTBE  DES  FINANCES,  poiir  Cil  auloiiser  l'emploi  avec  un  seul 
cachet  an  lieu  de  trois,  exisjés  pour  les  enveloppes  île  forme  or- 
dinaire Vente  en  gros  et  en  détail,  à  la  PAPETERIE  MA- 
RIOM,  li,  cilé  Bergère. 


LE  CHOCOLAT  MÉNîER,t;;x.::;;:i!ro;l:ii\Tx: 

cite  la  cii|iiililr  des  cciiilirlai'li'urs.  ha  forme  parliciiliiTe  et  ses 
enveloppes  ont  été  copiées,  et  les  médailles  dont  il  est  revêtu 
ont  été  remplacées  par  des  dessins  auxquels  on  s'est  efforcé  de 
donner  la  même  apparence.  Les  amateurs  de  cet  excellent  pro- 
duit voudront  bien  exii!er  que  le  nom  Menieb  soit  sur  les  éti- 
quettes et  sur  les  tablettes. 

Dépôt,  pas.sajçe  Clioiseul,  21,  et  che?  un  grand  nombre  de  phar- 
maciens et  d'é|iiciers  de  Paris  et  de  toute  la  France. 


MAliDBJOiïRINE 

Traitt  sur  la  pitrlinn  île  ers  M,fl,i<lte'.  si.iKmiI  île  la  Phlliisic, 
Asthme,  Calarriie  cl  ilcs  aiilics  iii.il.i.li.  ^  i  iniiniiini-s.  K.irlic».  olr. 

Par  le  Dorleui  -riRAT,  »P.  .Wuleninrl, 
t  T.  In-R:(.r.  SOnar  la  i.iisli-.  cil  l'AnltiM  .  r.  liicui.i.ico.  S.S.//ff. 

CHATEAU-ROUGE 

(CUAI  SSI.1;   CLICSASCOi  111). 

Soirées  musicales  et  dansantes,  les  dimanches,  lundis,  jeudi? 

Entrée  :  2fiancs. 

Les  samedis,  grande  l'été.  Entrée  :  5  francs. 


46 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Dock  nattant  à  Marseille. 


Un  dock,  dans  l'aocpplion  ordinaire  do  ce  mot,  est  un  sys- 
tème de  maft-isin  perleclionné,  un  r('sum(^  do  port  franc,  un 
entrepôt  où  lu  niari-liandise  se  (lépusr  <■[  niriiiile  les  avanta- 
ges du  toii'itoii'o  national  et  du  Icnilnnc  cli.in^pr. 

Mais  cette  explication  ne  peut  s'.ipiiliipiii  an  dock  (lottant. 


A  l'extrémité  de  l'avant,  et  dans  un  espace  triangulaire  en 
communication  avec  les  flotteurs,  est  installée  une  machine 
à  vapeur  destinée  ii  l'épuisement  des  eaux. 

L'exti'émité  de  l'arrière  forme  une  porte  par  laiinelle  en- 
trent et  sortent  les  navires. 


qui  n'a  d'autre  but  que  de  faciliter  la  réparation  des  navires. 

Sa  forme  est  un  parallélogramme,   sur  les  côtés  duquel 

sont  réservés  des  espaces  ,  dits  chambres  ou  flotteurs,  cotn- 

niunicpiant,  au  moyen  de  vannes,  avec  l'intérieur  du  bassin. 


Voici  maintenant  le  mécanisme  de  l'opération  : 
On  lève  des  soupapes  pratiquées  le  long  des  notteurs,''pour 
l'introduction  des  eaux  ;  une  heure  après,  le  bass-in,  qui  a  une 
surcharge  de  lest,  est  coulé  :  la  porte  s'ouvre,  cl  le  navire  est  | 


introduit  dans  cette  espèce  de  petit  port.  On  ferme  ensuite 
la  porte  et  les  soupapes,  on  intercepte  les  communications, 
et  la  machine  ii  vapeur  dont  nous  avons  déjà  parlé,  procède 
à  l'épuisement  des  eaux. 
i,e  dock  ainsi  allégé  remonte  et  soulève  le  navire  dont  la 
carène  reste  à  sec  ;  dans  cette  position,  le  bâ- 
timent, parfaitement  accoté,  évite  toutes  les  fa- 
tigues du  système  habituel  d'abattage  et  peut 
.se  prêter  sur  tons  les  points  à  la  fois  aux  tra- 
vaux du  carénage. 

Cet  appareil  ingénieux,  qui  permet,  au  be- 
soin, l'introduction  d'un  navire  tout  chargé, 
_;  est  une  invention  originaire  des  Etals-Unis 

dont  raoplication  n'a  encore  été  faite  en  Eu- 
rope que  dans  les  ports  d'Amsterdam,  du  Ha- 
vre et  de  Marseille. 

C'est  à  M.  de  Coninck  que  nous  devons  l'im- 
portation de  ce  système  indispensable  aux  ba- 
teaux à  vapeur  qui,  empêches  de  se  coucher 
sur  le  flanc  à  cause  de  leur  machine,  ne  se  pré  ■ 
lent  nullement  au  système  d  abattage  ordi- 
naire. 

Le  premier  essai  du  dock  flottant  de  Mar- 
seille a  eu  lieu  le  26  juin  dernier  avec  le  Sca- 
mandre,  paquebot-iioste  pesant  800  tonneaux  ; 
ce  steamer,  entré  dans  le  bassin  avec  son  ar- 
mement complet  et  le  charbon  nécessaire  à 
sa  navigation,  aurait  pu  réparer  ses  fonds  en 
moins  de  sept  à  huit  lieures. 

L'ascension  du  dock  supportant  ce  poids 
considérable  a  eu  lieu  en  deux  heures  et  do- 
mie  à  la  satisfaction  unanime  des  spectateurs, 
dont  quelques-uns,  qui  avaient  mis  en  doute 
la  réussite  de  l'opération,  ont  été  forcés  d'ap- 
plaudir à  leur  désappointement. 

Grâce  à  cette  amélioration  que  l'on  doit 
à  sa  chambre  de  commerce,  le  port  de  Mar- 
seille'qui,  jusqu'à  ce  jour,  est  resté  tributaire  des  localités 
voisines  ou  étrangères,  va  devenir  un  centre  important  de 
réparation  pour  les  flottes  de  paquebots  qui  sillonnent  la  Mé- 
diterranée. 


L'Art  (lu  Chant,  par  M.  G.  Diprez,  de  l'Académie  royale  de  musique,  et  professeur  de  chant  au  Conservatoire  de  Paris. 
—  Escudier,  place  de  la  Bourse,  20. 


L'organisation  musicale  la  meilleure  est  sans  contredit  celle 
qui  est  l)asée  sur  renseignement  du  chant.  C'est  à  cela  que 
les  Ilaliens  ont  dû  jusqu'à  ce  jour  leur  supèriorilé.  Kn  France, 
on  a  vu  pendant  longtemps,  et  même  encore  qucIqueloLs  aujour- 
d'hui, on  voit  les  enfants  mettre  les  doigts  sur  les  louches  du 
piano,  ou  sur  les  cordes  du  violon,  sans  avoir  la  moindre  notion 
de  chant.  Il  eslpresqne  impossible  de  devenir  jamais  ainsi  bon 
musicien.  Les  études  mécaniques  faites  de  la  sorte  |)résentenl 
une  aridité  rebutanle.  L'élève  ne  conçoit  pas  le  but  de  la 
nmsique,  au  milieu  de  ce  dédale  d'exercices  laslidieux.  En  Ita- 
lie, au  contraire,  comme  onthante  tout  d'abord,  des  .(n'un  com- 
mence ensuite  l'élude  d'un  instrument,  on  seul  .|iiil  l;iiil  avant 
tout  chercher  à  irailer  ce  qu'on  a  déjà  fait  avec  la  \ u)S.  La  pro- 
lixité d'ornements,  de  brod(!ries,  de  traits  brillants  et  rapides,  ne 
dégénère  pas  en  value  forfanterie  de  triples  el  quadruples  cro- 
ches. La  forme  mélodique  sert  toujours  de  base  aux  fantaisies 
les  plus  désordonnées  en  apparence.  C'est  ce  qu'on  pi'iil  vérilicr 
par  l'examen  des  compositions  inslrumentalis  des  (■.•l.liii-s  vir- 
tuoses italiens  depuis  Tartini  jusqu'à  Pagaiiiiii.  Oiiaiii  aux  com- 
positions vocales,  les  maîtres  italiens  ont  cel  :ivaiil:iL;e  sur  ceux 
de  France  el  d'Allemagne,  qu'ils  savent  chanter  avant  même 
d'avoir  la  première  notion  dcU'harmonie. 

Il  ne  peut  donc  exister  de  bonne  éducation  nmsicaleqne  celle 
dont  lechanlesl  le  fondement.  Aussi  doit-on  considérer  la  pu- 
blication d'une  bonne  méthode  de  chant,  comme  le  plus  impor- 
tant service  qu'on  puisse  rendre  à  l'art. 

Tout  le  monde  connaît  maintenant,  el  aoprécie  comme  il  le 
mérite,  l'admirable  talent  decliantenr  de  M.  Duprez.  Depuis  le 
jour  de  son  début  à  l'Académie  Royale  de  musique,  dans  le 
rôle  d'Arnold,  de  Guillaume  Tell,  on  peut  dire  qu'il  s'est  opéré 
une  véritable  transformation  dans  la  manière  de  chanler  en 
France.  Dès  qu'on  l'eut  entendu,  ce  fut  à  qui  imiterait  le  mieux 
son  style  large,  expressif,  fort,  ornementé  avec  goût  et  sobriété. 
Jusqu'alors  Tes  chanteurs  français  ne  s'étaient  guère  occupés 
de  la  qualité  et  du  volume  du  son.  L'émission  de  la  voix  se  fai- 
sait tellement  qnellenicMi;  cl  lorsque  le  son  ne  voulait  pas  sor- 
tir, cequin'élait  piis  s;ms  c\cm|ile,  au  moyeu  delégèrescontor- 
sionsde  tète,  etde  quelques  niouvemenls  de  bras,  on  se  tirait 
des  mauvais  pas,  comme  il  arrive  IrcquriiimcMi  rlir/  n.uis,  i,\c.' 

esprit.  Le  chanteur  français,   pro|irrmciil    Jil.csi   le  cl ciir 

spirituel  par  excellence.  Chanter  :nc'c  es|.nl  e^i  enellei  imii 
ce  qu'il  faut  p" 


giers 

et  liiMie  l:i 

qu'en 

disenl  les  |.; 

mnsi 
haiili 

li:ilieii:d.'.    1 
du  velilimeu 

cliins 

glICII 

Au  cuMir   el 
,el;nl  ^le|;in 

ns'i. 

l.idlv,  U: 

ralisi 

,le,,u,s  Ioml;! 

ne  l'.i 

,1    ,,:,s   scMlc, 

ele\, 

ill.illl  de  l:i 

M.  Il 

ipiv/,  il  le  |>n 

1:1. 

rnn, 

l'I ne    lie 

coin) 

ris  les  pieleli 

y  pu 

sa  mie  nislrii 

aux  : 

hnle 

s;iiis  succès  a 

agrc 

hie,  iivanl  u 

peni 

M.l    peu  de  1 

ecn\ 

dt  pour  Im 

all.|ii 


si    plus  l'cxpi 


:dlle  cl  le;;èr 
SMCU    I;,    plu 


slqil'U 


portait  de  sa  puissance  de  voix  et  de  la  force  de  son  organe,  la 
raison  se  trouvait  confondue.  On  cria  bien  plus  encore  au  mi- 
racle lorsqu'on  put  ju^er  à  Paris  de  l;i  ic;ilile  ilc  su  réputation. 
ifDécidrnienl,  dis;.il-on,  M.  Dupr  ■/.  ,,  i.i.  I  :;ir,  ;,  vauicu  la  na- 
ture, et  lui  a  dérobé  ses  secrets  les  i^lie.  pieei eux,  i.  Mais  on  crai- 
gnait qu  il  n'en  fit  son  proflt  en  égoi.sie,  et  qu'il  ne  rcsiùl  rien 
de  ses  travaux  extraordinaires  pour  le  profil  de  l'art.  De  pareils 
doutes  étaient  une  injure  à  la  conscience  de  l'artiste.  M.  Duprez 
y  vient  de  répoudre  en  livrant  au  public  les  fruits  de  ses  études, 
de  ses  méditations  et  de  loule  smi  cx]icrience. 

Nous  ne  pouvons  mieux  ieinlre( pie  de  son  remarquable 

ouvrage  qu'en  rapportant  ici  le  .pie  l:i  section  de  musique  de 
l'Académie  royale  des  Bcaiix-Arlsu  consigné  dans  le  procès-ver- 
bal d'une  de  ses  séances  :  «  L'ouvrage  de  M.  Duprez  intitulé  : 
r^rl  du  Chant,  sur  lequel  M.  le  minisire  de  l'intérieur  a  de- 
mandé un  rapport  à  l'Académie  des  Beaux-Arts,  se  distingue 


icmp- 


connu,  et  en  le  conipai 


idic 


qualité 


unt-propos,  indiqnele  plan  qu'il  a  suivi; 
sa  lucHii  iltM'si  [li\i>ei' en  trois  parties  :  la  première,  consacrée 
au  cliatit  large,  d'ex|iression  el  de  force  ;  la  seconde,  an  chant 
de  grâce  eld'agilité;  la  troisième  enlin,  au  chant  complet,  c'est- 
à-dire  aux  paroles  unies  à  la  musique. 

«  Ce  plan,  très-bon  et  bien  conçu,  est  aussi  bien  exécuté. 
L'aulcnr,  en  restant  lidèle  au  but  (pi'il  s'est  proposé,  en  écrivant 
iMie  nieiliode  daus  iaipicllc  toutes  les  dillicullcs  s.uil  traitées 
gradiiclliuueiit  !■!  se  de\el(ippenl  a\cc  hcaui'oiip  d'an  el  de  me- 
sure, a  su  donner  a  ses  lc(  nus  iili  xcrilahlc  iiilcrcl  luuMi-al. 

«Les  cl  iules  ipi' il  a  coiu  pesées,  cl  ipii  Muil  eu  grand  nombre, 
sont  remarqiialiics  par  i'.lc^auce  ei  la  distinclion  du  chant, 
aussi  bien  que  |iar  l.i  piireie  de  l'hai  loouic. 

«La section  de  musique  pense  ipie  M.  Duprez  a  rendu  un  vé- 
ritable service  à  l'art,  en  coiisigiiaui  dans  cet  ouvrage  le  résul- 
tai de  son  expérience,  el  en  livrant  |ioiir  ainsi  dire  au  public  le 
•secret  de  ce  style  simple  eteleve,  de  celle  diction  noble  et  vraie, 
caractères  disliiiclifs  du  talent  de  l'antenr. 

".sii;iM'a  la  nimiile  :  .VrBEB,  Cabafa,  SpONTiKi,  Onslow,  Adam, 


appi 


l'iii 


d.'  ;  An  ,1,1  Cl,,. 


lilu 

est  un 

e  analyse  concise  et  très-exacte 

■  M 

1> e 

/,.  On  peul  v  aioulcr  que  janLiis 

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mport 
de  vue 
lO-,    i..i 
s  un  p 
ll-le  e: 

nie  liraiiclic  de  la  musique   n'a 
plus  elevc.   M.   Duprez  a  eu  le 
r^,   d'eciuiomiser  le  texte  dans 
ilaiil  ipii  do^Miaiisc  devant  ses 
iiaiil   iiaivemeut   a\ec  ses  amis 
au  ciille  du  liean  el  du  bon. 

pales  hihli.ah 


lelcpi 


l'ex 

■ellcnleccolc.  d,'  Clio- 

elévcs  (111  uns  qu'il  s 

•rail  irop 

011^- 

d'en 

iiuerer,  pr. 

iivciil  l'clli- 

lus  a 

iproroudi  el    le  mieux 

cacilc  des  préceptes 

du  c'Iclue 

pro 

esse 

ir.  Mais   11 

s    deux    nue 

.'Col, 

Il  iheiiiie,  M    Duprez 

nous  avons  noniincc 

sont  en  M 

nl| 

le  s 

ne  la  pers 

onnilicalion 

'  ipli 

inilHpie  linp   siMlvenl 

de  fJrt  (la  Chaut.  1. 

nue,  mad 

Ulol 

elle 

tlourlol,   à 

iieardenle. 

,  il 

eiaii  ipiuu  chanteur 

Ircslimili'e.    \:\    ce- 

'  en   Italie,    Doni/j'lli 

lanl    ce  ipi'.in    l'avail 

intelligente,  d'clitc,  i 

l,i,„r,  Xr.i/.tis.^,,,,  ,  I 
les  a  un    liaiil    ■•.r    i 
pins  douce,    i„,H      iH 
s,ni  d,duil,anipe,a 

•sunic  la  p 

,\,    •'    ..  , 

1    ,i  ,11,  , 

',■  1 

■re  1 
elle 

Mil 

irtii'coiisai 
eiinil   loin 
selle    Daiiii 
ciil  douce, 
c.  de  /Miei 

leeaiiclianl 
■s  les  ipiali- 

:)  inoiilrf,  à 

lebr 

lit  de  ses  succès  rap- 

l'excelleuce  des  Icço 

is  HUc   M. 

Du 

mw. 

u  exposées 

)iun&  la  i-c- 

conde  partie  de  son  ouvrage,  celle  qui  est  consacrée  au  cbant 
de  grâce  et  d'n^iV/Vc'. 

M.  Duprez  a  dédié  son  .ht  du  Chant  à  Rossini,  qui  a  accepté 
celte  dédicace  avec  transport  :  I„  nccetin  cnn  traspnrt,,  la  de- 
dieu,  etc.  C'est  ainsi  que  comnicuce  la  lettre  de  reuierciineDls 
du  grand  maître  à  son  célèbre  interprète.  Mais  c'est  surtouLau 
public  qu'un  pareil  ouvrage  est  naturellemenl  dédié,  et  le  public 
ne  l'accueillera  pas  avec  moins  de  transport  que  Rossini. 


Rt^'ii'siiiii. 


9 


EXPL1CATI0H    DD    DERHISK   RiBDS. 

,  '    [L'homme  cniporlô  rc  se  oonlifnt  plus  quand  la  moutarde 


Jacques  DUBOCHKT. 


Tiré  à  la  presse  nn'canique  de  Lackaiipf  et  C  rue  Damictte,  5. 


L'ILLUSTRATION, 


'+t!^/ 


Ab.  pour  Parii.  S  moii,  8  fr.  — 6  mois,  16  tr.  —  Ud  an,  30  tr. 
Prix  de  chaque  N"  75  c —  La  collti-lioii  meosuelle,  br.,  2  fr.  75. 


N«  183.  Vol.  VIU.— SAMEDI  12  SEPTEMBRE  1846. 
Bureaux,  rue  BIcbellen  60. 


Ab.  pour  lei  dép-  —  5  moii,  9  tr.  —  G  moii,  f:  fr.  —  Un  an,  sa  tr. 
Ab.  pour  l'Élrangcr.     —      «0  —       SO  —        M. 


SO.HMAIRE. 

GtaemlD  de  fer  aerten  à  force  ceotrlfage.  i'ne  Grarure.  —  His- 
toire de  la  semaine.  —  Courrier  de  Paru.  Portrait  de  M.  de 
Jouy :  Sat/Us-d'Olouiie ;  Courses  de  Luçon,  Costumes  de  ta  Vendée, 
le  Marais:  Ltiçon  et  Sainte-Hermine  :  l'Hippodrome.  —  Ecole 
rOfale  v*C*rloalre  d'AlfOrl.  Amphithéâtre:  Etires  au  Iranail.  — 
Deux  Cta«SHf>8  eu  Pru^ne.  Par  M.  Lou-s  Viardot  (Fin.  —La  Ptriie. 
Deuxième  et  dernier  article.  Vue  d'Ispnhan;  Capitaine  d'injanterie , 
Irrégulier,  Kurde,  Artillerie  à  dos  de  chameaux.  Tambour,  Soldat  du 
Khoraçan,  garde  royale.  Irrégulier  du  sud ,  Artilleur,  Cavalier  ir~ 
régulier;  Camp  du  chah,  à  ïspahan;  Corlérje  du  châjt  allant  il  la 
grande  mosquée  ;  Seid,  Derviche,  Cadi,  Mollah,  Grand  mollah  ;  Cour 
intérieure  de  la  grande  mns'iuêe  d'J^p.ihan.  —  Le  pori  lie  ToillOU. 
Troisième  article.  l'ue  des  magasins  particuliers,  la  Chahie  de  fAr- 
ttnal,  dite  chaîne  neuve,    le  Pare  d'artillerie;    la   Salle  d'arm.s.  — 

Balleiln  blblloKrapblque.  —  Anuonces.— Modes.  ICiialpages. 

f.  Une  Gravure.  —  K«bua. 


Clieniin  de  tev  aéi>l<Mi  n  force  centrifuge. 

Le  Journal  du  Hinri'  du  mois  dernier  a  publié,  à  quelques 
jours  de  distance,  les  deux  articles  suivants  sur  la  curieuse 
expérience  dont  notre  dessin  offre  la  représentation  exacte  : 

«  Aujourd'hui,  à  onze  heures,  une  réunion  nombreuse 
avait  envahi  les  jardins  de  Frascati,  où  devait  être  essayé, 
pour  la  première  fois,  le  seul  chemin  de  fer  aérien  qui  existe 
en  France.  Nous  appelons  ce  chemin  aérien ,  attendu  que  le 
point  de  départ  est  à  9  mètres  au-dessus  du  niveau  du  jardin  ; 
pendant  un  espace  de  32  mètres,  la  pente  est  de  44  centimè- 
ires  par  mètre.  Arrivé  au  bout  de  cet  espace,  le  char  entre 
dans  un  cercle  de  4  mètres  environ  de  hauteur  qu'il  parcourt 
avec  une  incroyable  rapidité,  pour  remonter  ensuite,  pendant 


18  mètres,  une  pente  de  28  centimètres  environ  par  mètre. 

«  11  est  difficile  d'assister  à  un  spectacle  plus  curieux,  plus 
intéressant.  L'expérience  a  eu  lieu  en  présence  de  M.Dumon, 
ministre  des  travaux  publics.  A  son  entrée  dans  le  jardin,  le 
char  portant  deux  sacs  contenant,  chacun,  50  kilogrammes  de 
sable,  partit  avec  une  effrayante  rapidité,  et,  après  avoir  par- 
couru l'hélice,  il  vint  expirer  au  bout  du  chemin,  sous  les  fe- 
nètresdu  premier  étage  de  l'hôtel  occupé  par  madame  Aguado, 
avec  une  telle  précision,  qu'un  bouquet  de  fleurs  serait  venu 
tomber  plus  lourdement  aux  pieds  de  la  noble  dame. 

«  M.  le  ministre  des  travaux  publics  devait  partir  pour 
Rouen  à  la  marée,  qui  n'attend  pas  ;  à  peine  la  seconde 
épreuve,  qu'il  avait  lui-même  demandée  avec  le  plus  vif  in- 
térêt, fut-elle  terminée,  qu'il  a  dû  aller  s'embarquer  sur  le 
bateau  à  vapeur,  après  avoir  complimenté  l'ingénieur,  M.  Cla- 
vières,  sur  la  beauté  de  son  travail. 


«M.  Thiers  était  présent  à  ces  expériences;  il  a  adressé  à 
l'ingénieur  les  félicitations  les  plus  (laiteuses,  sur  la  justesse 
de  ses  calculs,  sur  l'exactitude  avec  laquelle  il  a  trouvé  la 
solution  du  pnihlème  de  la  force  ce nirifuge. 

«On  a  surtout  remar(|ué  la  vitesse  avec  laquelle  le  char, 
poussé  à  une  force  i|ui  lui  a  fait  faire  60  lieues  à  l'heure, 
passe  dans  l'hélice,  dont  le  diamètre  est  de  4  mètres.  On  com- 
prend qu'il  y  a  un  moment  où  le  char  est  compléltment 
chaviré  et  que,  par  conséquent,  il  n'est  plus  retenu  sur  le 
rail  que  par  la  force  ceniriluge. 

«Une  cxiiériencc  décisive  sera  faite  devant  les  autorités 
de  la  ville  du  Havre;  nuis  le  chemin  de  fer  aéricnseia  livié 
ensuite  à  la  curiosité  du  public.» 

«Samedi  dernier,  Frascati  a  donné  une  grande  lêle  à  l'oc- 
casion de  l'inauguration  du  chemin  de  fer  aérien,  construit 


dans  le  jardin,  sur  les  plans  et  snus  la  direction  de  M.  Cla- 
vières.  Nous  avons  ili'j.i  piiili'-diTiM  étrange  effort  de  la  science, 
ù  propos  d'expériciic  1"-  qui  mil  été  faites  avec  le  plus  grand 
succès,  il  y  a  queUpus  juins,  dcviiiit  .M.  le  ministre  du  com- 
merce et  en  présence  de  M.  Tliicis,  pendant  un  court  séjour 
qu'il  a  fait  au  Havre.  Avant-hier  au  ^oir,  ce  n'étaient  plus 
quelques  personnes  privilégiées,  c'était  le  public  tout  entier 
qui  avait  été  convuqué  au  curieux  et  intéressant  spectacle  de 
chars  lances  à  toute  vitesse  sur  ur.e  penle  de  44  centimètres 
par  mèlie,  et  parcourant  au  bas  de  cette  pente  un  cercle  de 
12  mètres  de  circonférence,  pour  remonter  ensuite  une  pente 
de  52  ccnlimctres  par  mètre,  le  tout  avec  une  rapidité  de 
240  kilr mètres  à  l'heure. 

«La  foule  était  nombreuse,  attentive,  anxieuse;  elle  exa- 
minait avec  intérêt  les  tunibinaisons  de  ce  travail,  manifes-r 
tant  une  vive  impatience  jusqu'au  moment  où  le  premier  char 


a  été  lancé,  puis  suivant  la  marche  de  ce  char  avec  un  fré- 
missement involontaire.  Quatre  voyages  successifs  ont  été 
accomplis  avec  un  succès  enlier,  et  chacun  de  ces  voyages  a 
été  accueilli  par  de  vifs  applaudissements.  De  nombreux 
amateurs  se  sont  offerts  pour  monter  dans  les  chars  et  tenter 
(ux-mèmes  la  course,  en  apparence  très- périlleuse,  car  le  char 
est,  penilant  un  moment,  entièrement  renversé. 

«  Une  prudence,  peut-être  excessive,  mais  à  laquelle  on  ne 
peut  qu'applaudir,  a  opposé  une  résistance  absolue  à  cet  em- 
presseiiieiit.  L'iiabile  ingénieur  a  prétexté  la  nécessité  de 
multiplier  à  1  hilini  les  épreuves,  de  consolider  mieux  encore 
diverses  parties  du  chemin  ;  cependant  il  n'ett  resté  à  quel- 
que s-pectaleiir  que  ce  soit  le  moindre  doute  sur  la  certilude 
(|ue  le  chemin  eût  été  parcouru  sans  aucun  accident,  si  l'on 
eût  cédé  aux  sollicitations,  aux  pressantes  instances  de  ceux 
que  semblait  tourmenter  le  désir  de  ressentir  les  vives  émo- 


ÀH 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


lions  d'une  c'[reuvc  de  cett»;  nature.  Ha  donc  fallu  se  con- 
Icnter,  pour  telle  première  lois,  de  la  course  decliars  cljar- 
yés  de  poids  divers  et  sur  les  sièges  desquels  avaient  été 
placés  des  personnages  travestis. 

«On  annonce,  que  d'ici  à  quelques  jours,  une  .seconde  l'ÎMe 
sera  donnée  à  Frascati,  et  que  cejour-là,  toutes  les  émotions 
du  voyage  aérien  seront  permises  à  la  fou!e.  Des  épreuves  se 
multiplient  d'instant  en  instant;  tous  les  calculs  sur  les  di- 
verses combinaisons  et  les  ellets  de  la  force  centrifune  s'é- 
tudient et  se  vérifient  avec  un  soin  extrême;  toutes  les  par- 
ties du  chemin  sont  examinées  avec  une  précision  parfaite; 
le  succès,  en  un  mot,  se  préiiare  avec  une  sollicitude  de  na- 
ture à  prévenir  toute  déception. 

cl  Du  reste,  nous  approiums  avec  sidisfaclion  que  l'auteur 
de  ce  travail  nuM  ir(]ii;ilili' n'iMilcnil  point  cmi  borner  les  ex- 
périences à  un  sini|ile  Iml  di'  i-nrinsilé  ;  iiiaisqu'au  contraire, 
ce  cliemin ,  d'une  coiicepiinii  IcIlciniMil  liardie,  que  rien 
d'aussi  important  dans  ce  genre  n'i'\M.'  rniure  ailleurs,  ser- 
virai expérimenter  divers  syslciiics  irapiilications  utiles,  et 
notamment  un  mode  d'enrayenient  pour  les  locomotives  sur 
les  pent.ss  de  chemins  de  fer.  On  comprend  que  la  pente  de 
ii  centimètres  par  mètre,  alors  que  les  plus  ra|iides,  sur  les 
chemins  de  fer,  sont  de  5  à  8  ou  U  millimètres  par  rnèlre, 
donnera  lal'aiiillé  de. se  livrera  des  expériences  positives,  en 
raison  iii'Mne  do  la  plus  grande  difficullé  à  vaincre. 

«M.  Bredart,  direiteiirde  l'établissement  de  Frascati,  avec 
le  plus  louable  empressement,  et  sans  autre  mobile  que  le 
sentiment  de  l'art,  a  mis  son  jardina  la  disposition  de  M.  Cla- 
vières.  M.  Métayer  (ils,  mécanicien  de  la  marine,  a  exécuté 
les  travaux  de  chemin  aérien  avec  zèle  et  intelligence.  » 

,  A  ces  comptes  rendus,  faits  sur  les  lieux  mêmes  par  des 
témoins  oculaires  et  dignes  de  foi,  nous  nous  contenterons 
d'ajouter  pour  le  moment  quelques  nouveaux  détails  que  nous 
envoie  notre  correspondant. 

Ce  cliemin  aérien  n'est  pas  une  expérience  entièrement 
nouvelle.  M.  Clavières,  habile  mécanicien  de  Bordeaux,  l'a 
exporté  d'Angleterre,  où  il  en  existe  un  sur  une  échelle  plus 
petite,  il  est  vrai,  car  le  cercle  n'a  que  2  mètres  au  lieu  de 
4  mètres  de  diamètre.  Comme  l'indiquele  journal  du  Havre, 
le  chemin  aérien  de  M.  Clavières  n'a  pas  seulement  pour  but 
de  satisfaire  un  intérêt  de  curiosité  ;  son  ingénieux  et  hardi 
constructeur  se  propose  surtout  de  s'en  servir  pour  se  livrer 
à  des  expériences  utiles,  pour  essayer  un  frein  dynamomé- 
trique  qui,  sises  espérances  se  réalisent,  doit  pouvoir  arrêter 
ses  wagons  sur  sa  pente  de  iO  centimètres  par  mètre. 

On  comprendra  sans  peine  l'ulililé  d'une  pareille  décou- 
verte appliquée  aux  chemins  de  fer  actuels  dont  les  pentes  ne 
dépassent  jamais  le  maximum  de  9  millimètres  par  mèlre. 
Dans  le  cas  où,  comme  il  en  a  la  presque  certitude,  le  frein 
dont  M.  Clavières  est  l'inventeur,  produirait  sur  le  chemin 
de  fer  aérien  les  elfeis  qu'il  en  attend,  avec  quelle  facilité 
n'arrêterait  on  pas  désormais  les  machines  à  vapeur  sur  les 
chemins  de  fer  ordinaires  ? 

Les  expériences  dont  nous  avons  emprunté  le  récit  au 
Journal  (la  Havre,  ont  été  depuis  plusieurs  fois  renouvelées. 
Elles  ont  toutes  réu.ssi.  On  a  rempli  les  wagons  d'œufs,  de 
verres  d'eau,  de  bouquets  de  Heurs,  le  Irajets'estaccompliainsi 
que  le  représente  notre  dessin  sans  qu'un  œuf  se  fut  brisé, 
sans  qu'une  fleur  eût  glissé  ii  terre,  sans  qu'une  goutte  d'eau 
eût  coulé.  Enlin  un  des  ouvriers  a  voulu  entreprendre  à  son 
tour  cette  petite  excursion  plus  périlleuse  en  apparence  qu'en 
réalité.  Parti  du  point  le  plus  élevé  à  une  heure  de  l'après- 
midi,  il  arrivait  ii  l'extrémité  opposée  (75  mètre.s)  à  \  heure 
8  secondes.  En  mettant  pied  à  terre,  il  a  paru  fort  satisfait 
de  son  voyage.  Pendant  la  descente,  il  a  distingué  parfaite- 
ment, malgré  la  rapidité  de  sa  course,  les  objets  qui  l'entou- 
raient; mais  nur^dis  entré  dans  le  cercle,  il  n'a  plus  rien  vu, 
et  en  sorUnl  il  a  nioonlé  la  pente  opposée  à  la  descente,  en 
regardyll  Imji  ;i.il.imdf--Jui  et  en  battant  des  mains.  Il  avait, 
du-il^i  s|iiré  lii'i.-lji  ileiùeiit  el  il  avait  surtout  éprouvé  une 
seiisr||^^ui-*iil.  :ii!i.Tabie  en  f.iisnnt  le  tour  de  l'hélice.  Aussi, 
a  t-ilivx'iifu  rçcrt/fi«>;iW'r^  O^'ux  collectes  faites  en  sa  faveur' 
à  la  fet'v  de  QlaKjfe¥\(ié/ience,  ont  produit,  la  première' 

Blii3«o>ir«de  la  Semalii». 

Nos  législateurs  ont  marché  d'un  tel  pas,  oue  notre  dernier 
numéro  n'a  pu  les  suivre.  Nous  les  avons  laissés  à  la  consti- 
tution délinitive  du  bureau  de  la  Chambre.  Nommer  la  com- 
mission pour  la  rédaction  de  l'adresse,  la  commission  de  la 
comptabilité,  une  commission  de  pétitions,  élire  les  deux 
questeurs,  MM.  Clément  et  de  l'Espée,  assister  à  un  débat 
il  I  iiccasiiiu  lies  mesures  réclamées  par  les  incendies  qui  af- 
lli^^enl  II'  sii:l-est,  et  à  l'occasion  de  manœuvres  militaires 
qui  auiaieul  appuyé  des  manœuvres  électorales  h  Perpignan, 
euleiidre  la  lecture  du  projet  d'adresse  improvisé  par  un  rap- 
porteur que  le  choix  de  la  Chambre  est  venu  surprendre,  ou 
plulot  prémédité  par  un  rapporteur  désigné  d'avance  à  des 
commissaires  également  choisis,  voter  enlin  par  assis  et  levé 
00  discours  de  la  couronne  retourné,  tout  ci  la  n'a  demandé 
pour  ainsi  dire  que  lu  leiiips  (|ue  nous  metloiis  à  l'énumérer- 
mais  le  scrutin  a  été,  lui,  plus  exigeant,  et  pour  léunir  251 
boules  dans  I  urne,  il  n'a  pas  fallu  moins  de  Irois  heures  do 
li:ilrnuill/s  dans  tous  les  couloirs  de  la  Chambre,  dans  ks 
qiiaineis  aijacenis,  dans  les  minisières,  aux  directions  du 
personnel,  et  jusque  dans  la  cour  de  la  malle-posle.  Mais 
enhn,  ["i  six  heures  un  quart,  l'urne  et  M.  Sau^et  se  sont  trou- 
vés satisfaits. 

Le  lendemain  vendredi,  les  ministres  sont  venus  dans  les 
deux  Chambres  donner  lecture  de  l'ordonnance  royale  qui 
proroge  la  session  au  1 1  janvier  1847. 

Chaeiiu  s'aeenrde  ;\  reeuiiiiailre  que,  pour  avoir  été  courte, 

avant-s,  ss.iHi   a   ele  si^Miiliealive.   D'abord  elle  a  beaucoup 

un.  MX  ili*  oniimé,  ipi,.  n  avaient  su  le  faire  des  supputations 

conhadictoircs,  les  lurces  respecUves  de  la  majorité  et  de 


l'opposition,  ensuite  elle  a  fourni  à  cette  incontestable  majo- 
rité l'occasion  rapidement  saisie  de  se  bien  dessiner  et  de 
dissiper  toute  incertitude  sur  ses  tendantes  et  tur  sa  marche 
à  venir. 

Question  des  grains. — Sur  plusieurs  points  de  la  France, 
la  population,  par  trop  préoccupée  des  moyens  de  subsistance 
qu  elle  trouvera  dans  la  saison  rigoureuse,  rompromct  les 
chances  favorables  de  ressources  suflisaiiles  et  de  mercuriales 
abordables  [lar  des  mouvements  et  des  éiiieiiieM)iii  ont  pour 
inévitable  elTel,  en  entravant  la  circiilaliun,  de  nuire  ù  l'ap- 
provisionnement des  marchés  et  de  faire  élever  les  prix. 
M.  le  minisire  de  ragriculture  et  du  commerce  vient,  à  la 
date  du  25  août,  d'adres.ser  une  circulaire  aux  préfets  pour 
leur  demander  les  ressuiines  ipi'oflrent  leurs  départements 
en  réserves  et  en  récnlles  iinii\el|es.  Ces  renseignements  eus- 
.sent  peut-être  été  recueillis  plus  lïit  avec  plus  d'opportuniié 
encore.  Quant  à  M.  le  ministre  de  la  guerre,  il  fait  procéder 
à  plusieurs  adjudications  considérables  pour  l'intégralité  de 
fournitures  qui,  échelonnées  et  par  livraisons  successives  au- 
raient produit  un  vide  moins  brusque  sur  certains  marchés. 
Le  chef  du  même  département  ministériel  prévoit,  dit-on,  la 
nécessité  d'avoir  recours  ii  un  crédit  extraordinaire  de  25  mil- 
lions pour  les  subsislances  de  notre  armée  d'Afrique.  En  Algé- 
rie et  dans  le  midi  de  la  F'rance,  les  récoltes  seront,  à  ce  qu'on 
assure,  plus  que  médiocres;  les  orges,  les  pommes  de  terre 
surtout  feront  défaut.  Cette  insuffisance  n'aura  certainement 
pas  le  caractère  d'une  disetle,  mais  elle  exigera  pour  notre 
année,  dans  la  prévision  du  gouvernement,  un  supplément 
considérable  de  dépense. 

Dans  celte  situation,  il  est  fâcheux  que  M.  le  ministre  du 
commerce,  qui  vient  de  solliciter  et  d'obtenir  du  gouverne- 
ment russe,  à  la  suite  des  manifestations  des  Chambres  de 
commerce,  la  révocation  de  l'ukase  qui  frappait  la  marine 
française  d'une  aggravation  de  droits  de  50  pour  cent,  n'ait 
obtenu  cet  acte  de  justice  et  de  réciprocité  que  pour  les  na- 
vires français  venant  des  ports  de  l'Océan  et  de  la  Manche, 
et  à  la  desliuation  de  la  Baltique  et  de  la  mer  Blanche,  comme 
à  celle  de  la  mer  Noire  et  de  la  mer  d'Azolf.  L'exclusion  des 
bâtiments  venant  des  ports  de  la  Méditerranée  est  fort  re- 
grettable, car  en  ce  moment  plus  que  jamais  la  facilité  des 
communications  entre  Marseille  et  Odessa  eût  élé  précieuse. 
Taïti.  —  Des  renforts  assez  considérables  vont  être  diri- 
gés sur  l'Océanie.  On  porte  à  environ  1,600  hommes  le  nom- 
bre des  troupes  qui  seront  embarquées.  Le  1"'  bataillon  du 
\"  régiment  d'infanterie  de  marine,  en  garnison  à  Cher- 
bourg, esldésigné  pour  ce  service.  Il  doit  s'embarquer  le  15. 
Les  corvettes  l  Allier,  la  Somme  et  la  Loire,  sont  dispo- 
sées à  Brest,  pour  le  transport  des  troupes.  La  Galatée  va 
être  armée  pour  aller  stationner  dans  ces  parages. 

Espagne.  —  Tout  à  coup  la  Gazelle  of/icielle  de  Madrid  a 
parlé,  et  le  29  août  elle  a  annoncé  le  prochain  mariage  de  la 
reine  Isabelle  avec  son  cousin  l'inlantdon  François  d'Assises. 
Les  fiançailles  avaient  eu  lieu  dans  la  nuit  du  28  au  29.  Les 
certes  sont  convoquées  pour  le  14  de  ce  mois. 

On  a  su  en  même  temps  que  l'infante  dona  Maria-Luisa- 
Ferdinar.da,  sœur  de  la  reine,  épouserait,  le  jour  du  ma- 
riage d'Isabelle,  M.  le  prince  de  Montpensier. 

On  avait  d'abord  annoncé  que  ces  deux  unions  seraient  cé- 
lébrées à  la  fin  d'octobre.  Le  10  du  même  mois  fut  ensuite 
fi.vé  pour  la  double  cérémonie.  Aujourd'hui  elle  parait  devoir 
être  plus  prochaine  ;  on  parle  du  24  septembre. 

La  reine  Isabelle  est  née  à  Madrid,  le  10  octobre  1830;  Sa 
Majesté  est,  par  conséquent,  âgée  de  près  de  seize  ans. 

L'infant  don  François  d'Assises  est  né  le  15  mai  1822;  il  a 
eu  vingt-quatre  ans  au  mois  de  mai  dernier. 

M.  le  duc  de  Montpensier  est  né  à  Neuilly,  le  31  juillet 
1824;  S.  A.  R.  est  par  conséquent  âgé  d'un  peu  plus  de 
vingt-deux  ans. 

Dona  Maria-Luisa-Ferdinanda,  infante  d'Espagne,  est  née  le 
50janvierl8ô2;S.A.R.  est  âgée  de  quatorze  ans  et  sept  mois. 
Le  parti  progressiste,  une  notable  portion  du  parti  mo- 
déré lui-même,  nous  n'ajouterons  pas,  ce  qui  va  de  soi,  la 
presse  anglaise  tout  entière,  ont  vivement  attaqué  la  secDnde 
de  ces  unions  surtout.  On  y  a  vu  l'alliance  dans  l'avenir  de 
Narvaez  avec  les  Tuileries.  On  annonce  en  efl'et  le  retour  de 
ce  général,  de  son  ambassade,  et  sa  prochaine  nomination  à 
la  présidence  du  sénat.  On  ajoute  que,  d'un  aulre  côté,  Ma- 
rie-Christine, après  avoir  fait  accorder  le  titre  d'altesse  à  son 
mari  morganatique  et  la  grandesse  de  première  classe  aux  huit 
enfants  issus  de  celle  union,  viendrait  habiter  la  France.  Le 
mariage  de  la  reine  doit  nécessairement  entraîner  l'éloigne- 
ment  de  sa  mère,  habituée  depuis  trop  longtemps  à  gouver- 
ner, pour  qu'on  ne  suppose  pas,  elle  présente,  qu'elle  veut 
gouverner  toujours.  Warie-Chrisline  a,  pour  se  retirer,  un 
prétexte  dont  elle  fera  bien  de  proliler.  Elle  accompagnera  et 
présentera  elle-même  l'infante  Luisa  à  la  cour  des  Tuileries. 
Irlande.  —  Il  a  été  décidé,  dans  une  grande  assemblée 
tenue  le  5  de  ce  mois,  à  Dublin,  que  le  lord-maire  serait  in- 
vité à  convoquer  une  réunion  générale  dans  laquelle  on  dé- 
libérerait sur  les  mesures  à  prendre  pour  soulager  les  pau- 
vres au  milieu  de  la  détresse  qui  règne  dans  le  pays. 

Les  circonstances  paraissent,  en  effet,  bien  difficiles  en 
Irlande. 

«  Les  alarmes  au  sujet  de  la  famine,  dit  une  feuille  de  Li- 
merick,  se  répandent  dans  tout  le  pays.  Les  autorités  de 
Palldskerney  ayant  été  informées  que  les  paysans  des  dis- 
tricts voisins  avaient  résolu  de  se  réunir  hier  niatiii  de  bonne 
heure  pour  roiu|ire  le  pont,  alin  d'empêcher  les  feiniieis  de 
porter  leur  blé  à  Limerick,  elles  mil  lait  appel  à  la  police  des 
environs.  Celle-ci,  sous  les  ordres  de  M.  O'ilalley,  est  restée 
sur  pied  toute  la  nuit,  et  a  empêché  la  tentalive  \iroje|ée. 
PliisdeiOU  voilures  chargées  de  blé  ont  traversé  le  (loiii  p.  u- 
dant  la  nuit.  Les  dilTérentes  commissions  de  .secours  solliii- 
tent  du  gouveriienient  la  coniiiiuation  de  siiliveiiliniis  en 
mais  et  en  avoine  pour  être  distribuées  par  l'intermédiaire 
des  commissaires.  « 

Danemark.  —  On  lit  dans  le  Correspondant  d»  Ham- 
boury,  du  31  août  ; 


«Dans  une  des  dernières  séances  de  l'assemblée  de  Roes- 
kild,  en  a  délibérésur  une  proposition  de  M.  David,  concer- 
nant l'abolition  de  l'esclavage  dans  les  iles  dandses  des  In- 
des occidentales.  Il  résulte  du  rapjort  du  comité,  que  le 
nombre  des  nègres  esclaves  dans  ces  iles,  s'élève  à  24,(00, 
c'tst-à  dire  au  delà  de  iroitié  de  la  population.  Le  comité  se 
prononce  pour  l'émancipation  absolue  et  simultanée,  en 
échange  d'une  indemnité  complète  en  laveur  des  propriétai- 
res. La  somme  est  évaluéeà4  millions  de  francs,  qui  seraient 
payés  par  le  trésor  public.  Le  commissaire  royal  a  fait  des 
objections.  Le  vote  n'a  pas  encore  eu  lieu,  mais  il  est  hors 
de  doute  que  la  proposition  passera,  bien  qu'avec  quelques 
modifications.  » 
TtBQiiiE.  —  «  Constantinople,  19  août  : 
«Le  vice  -roi  d'EgypIe  vient  de  quitter  notre  ville,  après 
avoir  fait  agréer  par  Sa  Hautesse  un  cadeau  de  liuit  millions 
de  piastres,  et  parla  sultane  mère  un  autre  cadeau  de  quatre 
millions.  Hamid-bey,  premier  chambellan,  l'accompagne 
jusqu'au  Caire,  Il  n'a  encore  rien  transpiré  des  effets  de  la 
présence  de  Méhémet-Ali  à  Constantinople.  On  s'attendait  à 
une  impulsion  donnée  au  parti  des  réformes.  On  craint 
d'être  obligé  de  renoncer  à  une  pareille  espérance;  mais  il 
est  plus  sage  de  ne  former  aucun  jugement. 

«  Le  vice-roi  d'Egypte  touchera  à  la  Cavale  pour  visiter  le 
lieu  de  sa  naissance,  et  l'on  a  fait  de  grands  préparatifs  pour 
l'y  recevoir.  Pendant  les  quelques  jeîurs  qu'il  doit  y  rester, 
il  habitera  la  maison  même  où  il  a  passé  les  premières  années 
de  sa  jeunesse.  Par  un  .'entiment  que  comprendront  surtout 
ceux  qui  se  trouvent  éloignés  depuis  longues  années  des  lieux 
qui  les  ont  vus  naître,  et  que  nous  pourrions  appeler  la  re- 
ligion des  souvenirs.  Son  Altesse  a,  dit-on,  donné  l'ordre  de 
ne  rien  changera  cette  habitation,  de  n'y  faire  que  les  répa- 
rations absolument  indispensables,  désirant  revoir  tout  ce 
qu'elle  a  quitté  depuis  longues  années,  et  retrouver  ainsi  plus 
intactes  les  impressions  de  son  enfance  et  les  souvenirs  de 
sa  famille. 

u  Depuis  que  Son  Altesse  est  à  Constantinople,  elle  n'a 
cessé  de  répandre  des  bienfaits  presque  à  chaque  instant  de 
la  journée,  et  cela  ne  surprendra  pas  quand  on  saura  qu'elle 
recevait  deux  ou  trois  cents  placets  par  jour,  et  que  jamais 
solliciteur  n'a  été  renvoyé  avant  d'avoir  obtenu  l'objet  de  sa 
demande  et  sans  bénir,  en  s'éloiguant,  l'humanité  et  l'allabi- 
lité  du  pacha.  On  évalue  à  la  somme  énorme  de  50  millions  de 
piastres  les  dépenses  que  Son  Altesse  a  faites  jusqu'à  ce  jour 
en  dons  et  en  charités.  Sa  Majesté  le  sultan  et  les  sultanes 
ont  envoyé  de  magnifiques  présents  au  vice-roi.  » 

Etats-Unis  et  Mexique.  —  Le  Great  Western  a  apporté 
des  nouvelles  des  Etats-Unis  postérieures  de  cinq  jours  à  cel- 
les que  nous  avons  publiées.  En  voici  le  résumé  : 

«  Les  élections  d'août,  pour  la  Caroline  du  Nord,  l'Indiana, 
le  Missouri  et  l'illinois,  ont  donné  ce  résultat,  que  la  force 
des  wighs  a  augmenté  dans  les  Etats  wigbs,  et  que  la  tinte 
du  parti  démocratique  s'est  accrue  dans  les  Etats  démocrati- 
ques. La  Caroline  du  Nord,  qui  ordinairement  était  clas-êe 
parmi  les  Etats  whigs,  mais  qui  depuis  peu  inclinait  furt  veis 
la  démocratie,  est  revenue  au  parti  whig.  Grâce  it  ce  itlinii, 
les  whigs  gagnent  deux  membres  dans  le  sénat  des  Etats-Unis. 
«  On  a  reçu  des  nouvelles  de  Matamoras  et  de  Camargo  : 
les  premières  vont  jusqu'au  2  août  et  les  autres  jusqu'au  27 
juillet.  Les  troupes  qui  sont  en  marche  sur  Monterey  s'élè- 
vent à  17,000  hommes.  La  population  mexicaine  est  complè- 
tement inactive,  si  nous  en  jugeons  par  les  renseignements 
reçus  au  camp  américain.  Le  Mexique  parait  indilléient  aux 
résultats  de  la  guerre.  Paredès  s'est  retiré  à  Mexico. 

«  Il  réunit  ses  troupes  autour  de  lui  et  fortifie  sa  position 
aussi  bien  que  le  lui  permettent  ses  ressources  limitées.  On 
a  cessé  de  suivre  avec  intérêt  les  mouvements  deSanla-Anna, 
attendu  que  sa  popularité  dans  la  division  de  l'armée  qui  est 
à  la  Vera-Cruz  ne  suffit  pas  pour  qu'un  mouvement  révolu- 
tionnaire contre  la  dictature  de  Paredès  soit  assuré  de  réussir. 
«On  a  reçu  à  Saint-Louis  des  nouvelles  de  Leavenwonli 
jusqu'au  9  août.  Un  courrier  était  arrivé  du  camp  du  général 
Kearney.  Au  moment  du  départ  du  courrier,  le  général  se 
trouvait  à  ITiO  milles  de  Bent's  Fort.  Sa  marclù;  était  rapide, 
et  ses  troupes  étaient  dans  le  meilleur  état,  rravait  seule- 
ment perdu  9  volontaires  en  traversant  les  prairies.  Le  bruit 
courait  parmi  les  comnieiçants  et  les  Mexicains  que  le  général 
Urrea  marchait  à  la  tête  d'un  corps  mexicain  considérable 
pour  protéger  Santa-Fé.  Le  général  Kearney  s'avançait  aussi 
promptement  que  possible.  Si  ses  transports  ne  le  relardent 
jws,  il  ira  droit  à  Santa-Fé.  » 

Le  Sfunrfurii  extrait  de  la  Bermuda- Poyal-Gazel te  au  ]H 
août  les  nouvelles  suivantes  de  Vera-Cruz  à  la  date  du  31 
juillet  :  0  Aujourd'hui  il  y  a  eu,  en  faveur  de  Santa-Anna,  un 
pronunciamenio  qui  a  jeté  la  ville  dans  une  vive  agitation. 
On  dit  qu'une  dépulation  va  se  rendre,  par  le  paquebot,  à  la 
Havane,  pour  inviter  Santa-Anna  à  retourner  au  Mexique. 
L'escadre  américaine  n'a  encore  altaqué  ni  la  ville  de  la  Vera- 
Cruz  ni  le  château  de  Saint-Jean  d'uiloa.  On  pense  qu'elle  a 
le  projet  de  diriger  ses  forces  contre  Tampico  et  Alvarado. 
Le  29  juillet,  tous  les  vaisseaux  ont  mis  à  la  voile  de  l'île  Verte, 
et  se  sont  dirigés  vers  le  Sud.  Quelques  personnes  supposaient 
qu'ils  allaient  brûler  Alvarado  pour  forcer  le  Mexique  ii  cé- 
der aux  exigences  américaines.  Le  vaisseau  du  Commodore, 
/(■  Cnmberland,  a  donné  contre  un  récif  en  vue  de  San-Anloii 
Lizardo,  et  comme  le  temps  fut  pluvieux  et  mauvais  cette 
nuit-li"i,  il  resta  environ  trente  heures  l'i  ta'onner  contre  le 
récit.  Il  lui  a  fallu,  pour  se  tirer  de  là,  le  secours  d'un  puis- 
sant steamer;  encore  avait-il  jelé  â  la  mer  quelques  canons.  » 
Brésil. —  Ou  a  des  iiiiUve'lcsdeUiii-.Iaiieiro  par  les  Etats- 
Unis;  elles  sont  du  2  luillet.  Les  chambres  brésiliennes  étaient 
en  session. 

Des  interpellations  ont  été  adressées  au  ministre  des  affai- 
res étrangères  sur  les  affaires  de  la  Plata;  on  prévoyait  que 
le  général  Paz  allait  se  réfugier  sur  le  territoire  du  Brésil  et 
qu'il  pourrait  y  être  poursuivi  par  les  soldais  d'Oribe.  Le  mi- 
nistre a  répondu  qu'il  y  avait  assez  de  troupes  sur  celle  Irou- 
tière  pour  n'y  craindre  aucune  violation  de  territoire. 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


^9 


Haïti.  —  A  la  date  du  51  juillet,  le  président  Riche  était 
en  tournée  dans  le  Sud,  et  se  trouvait  à  Jérôme,  où  il  avait 
été  accueilli  et  fêté.  Tout  élait  tranquille  sur  chacun  des  points 
de  la  république.  L'insurrection  élait  terminée  ;  il  n'était  plus 
question  de  campement  ni  de  bandes  armées  dans  la  plaine. 
L\"DE.  —  Les  nouvelles  de  l'Inde  apportées  par  la  malle  du 
ISjui'let  sont,  comme  <rurdinaire  en  cetle  saison,  asseï 
nulles  au  point  de  vue  politique  ;  mais  elles  conliennf  ni  un 
tableau  enrayant  de  la  mortalité  produite  par  le  choléra  à  la 
suite  d'une  saison  plus  cheuideolplus  sèche  que  de  coutume. 
Bien  (|u'aucune  station  ne  semble  avoir  été  éparj^née,  c'est 
surtout  le  port  de  Karachi  dans  le  Scinde,  localité  générale- 
ment saine,  qui  parait  avoir  le  plus  soulTerl.  Selon  les  rap- 
ports ol'liciels,  en  moins  de  quinze  jours,  du  15  au  :25juin,  la 
raoilié  d'une  population  de  l(i,(IUU  ànips  aurait  été  emportée 
par  le  Iléau,  et  sur  unejiarnison  de  G,OUU  combattants  l,4i)0, 
dont  Sllj  Européens  et  oOo  cipayes  ,  ont  actuellement  péri. 
Voici  ce  que  raconte  un  témoin  oculaire  de  l'airivée  et  du 
passage  de  cette  terrible  épidémie  : 

«  Durant  la  première  quinzaine  de  juin,  la  chaleur  avait 
été  intense;  mais  la  parnison  et  les  hôpitaux  civils  ne  comp- 
taient pas  plus  de  malades  qu'à  l'ordinaire.  Le  14  du  mois  se 
trouvait  être  un  dimanche;  ce  jour-là  l'atmosphère  était  plus 
lourde  que  de  coutume.  Néanmoins  les  troupes  se  préparè- 
rent à  entendre  le  service  divin.  Pendant  qu'on  complétait  le 
carré,  un  nuage  fort  épais  et  qui  semblait  gros  d'un  orage, 
s'éleva  lentement  de  l'iioriïon.  Pendant  un  instant  il  couvrit 
tout  le  ciel,  puis  vint  un  vent  liès-violent  qui  pencha  les  ar- 
bres, ébranla  les  casernes,  et  lit  chanceler  les  constructions 
même  les  plus  solides.  Ce  vint  passa  comme  le  simoun,  ba- 
layant le  nuage  et  laissant  le  ciel  aussi  nu  et  l'atmosphère 
aussi  immobile  qu'auparavant.  Mais  il  avait  apporté  sur  ses 
ailes  un  hôte  terrible,  qui  devait  malheureusement  s'arrêter 
en  chemin. 

«  Quand  les  troupes  revinrent  de  la  prière  quelques  hom- 
mes tombèrent  dans  les  rangs,  et  di>jà  avant  minuit  neuf  Eu- 
ropéens, soldais  du  8(i"  de  la  Reine,  avaient  cessé  de  souf- 
frir; enfin,  avant  le  matin,  les  hôpitaux  ne  suflisaient  plus  pour 
recevoir  le  nombre  toujours  croissant  des  malailes.  Le  len- 
dem.iiu,  cinquante  soldats,  tant  du  lit)"  (carabiniers  d'Angle- 
terre) que  du  V.G'  et  du  1"  régiment  européen  de  Bombay 
furent  conduits  au  champ  du  repos.  La  nuit  suivante  fut  hor- 
rible îi  passer  et  le  réveil  fut  plus  horrible  encore.  La  conta- 
gion s'était  étendue  sur  toute  la  ville.  On  voyaildansles  rues 
et  sur  le  seuil  des  maisons  un  millier  de  cadavres  de  tout  âge, 
de  tout  sexe  et  de  toutes  couleurs.  Les  jours  suivants  jus- 
qu'au ii,  on  ne  compta  plus;  il  n'était  plus  question  d  en- 
sevelir les  morts,  de  larges  fosses  étaient  creusées  ii  la  hâte, 
et  soldats,  cipaye.s.  Européens  et  indigènes,  maîtres  et  servi- 
teurs étaient  entassés  pèlc-mêle,  sans  bière,  sans  linceul, 
dans  leurs  lits  et  sur  leur  litière,  jusqu'il  quelques  pouces  de 
sol;  puis  un  peu  de  terre  recouvrait  le  tout,  pas  assez  peut- 
être  pour  sauver  la  ville  d'une  seconde  énidé  "ie  presque 
aussi  fatale  que  la  première,  résultat  |iroliable  des  exhalai- 
sons qui  s'échappent  de  cette  masse  piiti  ide. 

«  Du  23  au  28,  la  maladie  sembla  perdre  de  son  intensité. 
Le  2'J,  jour  où  s'arrêtent  les  rai)|iorls  ofliciels,  on  ne  cornu- 
lait  que  deux  viclimes.  dont  un  nflicier  du  12"  réuiment  d'in- 
fanterie indigène.  Ihdcrabad  et  Sukkiir  sur  l'Indus,  Buni- 
bay,  Bellarv,  Calcutta,  ajoutent  leur  contingent  à  cette  lon- 
gue liste  nécrologique,  et  il  est  peu  de  familles  en  Angleterre 
auxquelles  ce  courrier  n'apportera  point  de  tristes  nou- 
velles, n 

.AFFdHAMSTAN.  —  Le  i  niîii  cst  arrivé  à  Caboul  un  am- 
bassadeur du  shah  de  Perse,  chargé  d'une  mission  extraor- 
dinaire pour  Dost-Maliumed.  Voici  les  détails  que  contien- 
nent à  de  sujet  les  journaux  de  l'Inde  : 

«  Recule  6  mai,  en  audience  publique  par  l'Emir,  ses  frè- 
res et  ses  lils,  cet  envoyé  leur  expliqua  neltement  que  le  but 
de  son  voyage  était  d-  réunir  tous hs  AlUhans  en  une  confé- 
dération hostile  à  l'Angleterre,  confédéralion  dont  la  Perse 
se  proposait  d'être  l'àme,  et  qu'elle  était  prête  à  soutenir  de 
ses  troupes  et  de  ses  trésors.  Maliomtd-Akhbar-Klian,  vizir 
et  commandant  de  toutes  les  tribus  qui  reconnaissent  l'au- 
torité nominale  de  son  père,  répomlit  sans  hésiter  que  rien 
ne  lui  ferait  un  plus  grand  plaisir  que  de  marcher  de  nou- 
veau contre  les  .Anglais,  et  que,  si  eiïectivement  Mahomed- 
ShahKajar  élait  disposé  à  lui  avancer  les  fonds  nécessaires, 
il  élait  prêt,  de  son  côté,  à  envahir  le  Pesliawer  d'autant  plus 
volontiers  que,  sans  compter  les  habitants  musulmans  de  ce 
pays,  20,000  sikhs  lui  avaient  écrit  pour  le  pres.ser  de  se 
mettre  en  campagne,  jurant  de  se  joindre  à  lui  au  moment 
où  il  déboucherait  desdéljlés  du  Khyber.  Sur  cette  déclara- 
tion plusieurs  autres  chefs  présents  se  prononcèrent  dans  le 
même  sens;  Mahomed-Zeinan-Klian  s'engageait  à  fournir 
pour  sa  part  un  eontingniit  ih'  50,1100  montagnards  qui  se 
joindraient  avec  entliuiisiaMiie  k  loolc  expédition  contre  les 
Anglais.  D'un  autre  côté,  Dost-.\lahome  1  lui-même  parait 
avoir  accueilli  les  propositions  de  l'ambassadeuravec  une  in- 
crédulité et  une  froideur  marquées.  On  ajoute  que  cette  ré- 
pugnance aurait  amené  une  querelle  entre  lui  et  son  lils 
(Mahomed-Akiibar-Klian),  querelle  qui  aurait  eu  pour  der- 
nier résultat  l'abdication  du  père  et  sa  déterminalion  de  s'é- 
loigner de  Caboul  pour  un  pèlerinage  à  la  Mecque.  » 

Quoique  cette  ambas.sadc  ne  soit  qu'une  des  mille  intri- 
gues, sans  cesse  renouvelées  et  sans  cesse  impuissantes,  de 
la  Perse  agissant  en  son  nom,  mais  sous  une  influence  étran- 
gère qu'il  est  facile  de  retonnailre,  il  est  évident,  psr  les 
préparatifs  qui  sefonlii  Delhi,  ipie  le  gnuvernemenl  de  l'Inde 
se  met  en  mesure  de  parera  tontes  les  éventnalilés.  Bien 
qu'il  soit  toujours  question  de  retirer  le  corps  d'armée  d'oc- 
cupation canlonné  à  Lahore,  et  que  le  80'  régiment  de  la 
Reine,  qui  en  fait  partie,  ait  été  même  oflicielicmont  averti 
qu'il  retournerait  prnchainementà  Mirât,  les  commandants  des 
cirps  situés  sur  la  frontière  n'en  ont  pas  moins  reçu  l'ordre 
de  ne  négliger  aucun  moyen  pour  mettre  leurs  régiments  au 
grand  complet  de  cent  dix  hommes  par  compagnie.  Chaque 
jour  enfin  des  munitions  de  guerre  sont  expédiées  de  Delhi 


vers  le  nord-ouest.  Ce  sont  des  signes  certains  que  les  auto- 
rités anglaises  s'attendent  à  de  nouvelles  luttes  pour  la  cam- 
pagne prochaine.  Mais  quand,  et  comment  sera  l'ennemi? 
c'est  ce  qu'il  est  encore  impossible  de  préjuger. 

N'ÉCiOLOGlE.  —  L'Acaûémie  française  vient  de  perdre 
M.  de  Jouy.  Le  Courrier  de  Paris  vous  dira  sa  vie.  Bornons- 
nous  à  enregistrer  sa  mort.  —  Piétro  Maroncelli,  le  compa- 
gnon de  captivité  de  Sylvie  Pellico,  s'clait  relire  aux  Elals- 
Unis.  Sa  vie  n'était  plus  qu'un  cruel  martyre  :  il  est  mort  fou! 
—  M.  Picot-Désormaux,  ancien  député,  vient  de  mourir  à 
l'âge  de  qualre-vingt-deu.xans. 


Caurripi?  de  Varia» 

Les  lettres  ont  fait  une  perte  sensible,  M.  de  Jouy  est  mort 
le  5  de  ce  mois  à  Saint-Gennain-en-Laye.  Né  à  Versailles 
en  1767,  M.  de  Jouy  se  distingua  d'abord  dans  les  camps;  à 
dix-huit  ans,  il  était  ollicier  dans  Royal-Infanterie  :  c'est  en 
cetle  qualité  qu'il  prit  part  à  nos  dernières  campagnes  dans 
les  Indes,  où  il  se  Ht  remarquer  de  Tippoo-Sacb.  Rentré  en 
France  à  l'époque  de  la  révolution,  M.  de  Jouy  se  tiouva  sur 
les  champs  de  bataille  de  Valmy  et  de  Jemraapes  ;  aide  de 
camp  de  Dumouriez,  il  suivit  la  fortune  de  son  cliel  et  quitta 
l'épaiilette  bien  jeune  encore;  sa  vocation  secrète  l'appelait 
ailleurs.  M.  de  Jouy  préluda  à  ses  succès  litléraires  par  des 
succès  de  salon.  Beau  danseur  et  beau  diseur,  il  fut  1  un  des 
merveilleux  de  cette  brillante  et  facile  société  du  directoire 
qui  recueillait  les  naufragés  et  les  débris  de  tous  les  régimes  : 
M.  de  Bonfflers,  M.  de  Lauraguais,  M.  Suard,  La  Harpe  et 
l'abbé  Delille  ;  et,  parmi  ceux  auxquels  l'avenir  et  la  fortune 
souriaient  déjà,  Talleyrand,  Fonlanes,  Raynouard,  Latfitle, 
Regnault  de  Saint-Jean  d'Angely.  On  échappait  à  la  ter- 
reur, quoi  de  plus  simple  qu'on  se  reprit  avec  passion  ii  tous 
les  plaisirs?  On  se  rattachait  à  la  grande  tradition  du  di.x- 
huitième  siècle,  les  petits  soupers,  les  causeries,  les  joies  fa- 
ciles, la  chanson.  Combien  de  personnages  destinés  à  la  gra- 
vité, combien  de  législateurs  et  de  poêles  tragiques  se  mon- 
trèrent d'abord  sous  un  masque  anacréoiitique  ou  boulîon. 
M.  de  Jouy,  qui  devait  finir  comme  Quinault  et  Ducis,  débuta 
donc  à  la  fafon  de  Laujon  et  Désaugiers.  11  chansonna  la 
circonstance  au  théâtre  des  jeunes  altistes.  Il  ht  des  parodies 
avant  de  faire  des  tragédies,  et  la  pelile  pièce  précéda  la 
grande.  Lorsque  dix  ans  plus  tard,  l'Institut  couronna  ta  Ves- 
tale, son  chef  d'oeuvre  et  le  vrai  poème  lyrique  de  l'époque 
impériale,  l'illustre  auteur  n'avait  pas  répudié  le  jlun-jhn  et 
les  Iréteaux  du  burlesque.  Pendant  six  mois,  fout  Paris  cou- 
rut à  Comment,  faire?  et  au  Tableau  des  Sabines,  parodies 
de  deux  œuvres  en  vogue,  dues  ii  des  hommes  d'un  grand 
renom,  K'  tiebue  et  David. 

Cependant,  l'heure  de  la  vie  sérieuse,  comme  dit  Horace, 
avait  sonné  pour  M.  de  Jouy,  mais  de  cet  esprit  aimable,  de 
ce  ciuaclère  débonnaire  et  doux,  de  cetle  verve  discrète, 
qu'attendre  en  fait  de  sérieux?  sinon  la  malice  inolfen- 
sive  d'un  moraliste  enjoué.  Après  Montesquieu  ,  Voltaire, 
Mercier  et  KivaruI,  M.  de  Jouy  eut  l'idée  d'aborder  la  pein- 
ture des  mœurs  parisiennes.  L'Ermite  de  la  Chausfée-d' An- 
lin  (lemirquez  ranlithèse),  quoique  tout  liérùssé  des  cita- 
tions de  Perse  et  de  Juvénal,ne  sort  jamais  des  bornes  d'une 
plaisanterie  agréable.  Ces  légers  croquis  publiés  tous  les  lun- 
dis par  découpures  dans  ta  (iazetle  de  France,  obtinrent  ce 
succès  de  curiosité  qui  aujourd'hui  va  s'éparpillant  sur  les 
vingt  feuilletons  de  la  presse  quotidienne.  De  181 1  h  181-t, 
il  n'y  eut  pas  en  France,  après  le  nom  de  Napoléon,  de  ré- 
putation plus  grande  et  plus  célébrée  que  celle  de  M.  de  Jouy. 
C'étaient  deux  gloires  qui  k  elles  seules  se  partageaient  l'au- 
réole et  le  journal  ;  en  haut,  le  bulletin  des  victoires  et  con- 
quêtes, en  bas,  le  ridicule  du  jour,  le  petit  événement  de  la 
veille,  le  chapitre  fugitif  de  mœurs  qulirexistenlplus.  La  res- 
tauration elle-même,  cetle  grande  diversion  aux  spliuideurs 
impériales,  n'arracha  pas  complètement  les  Parisiens  aux 
.séiliictions  de  leur  conteur.  V Ermite  survécut  .'i  l'empereur, 
et  même,  on  peut  le  dire,  il  lui  survécut  trop.  L'Ermite 
voyagea  en  province,  il  alla  en  Suisse,  en  Italie  et  jus(|u'en 
Guyane;  mais  dans  ces  longues  jiérégrinations,  il  finit  par 
jierdre  beaucoup  de  ses  admirateurs,  jusqu'à  ce  qu'un  beau 
jour  l'Ermite  alla  mourir  en  prison.  C'est  alors  que  M.  de 
Jouy  se  tourna  vers  la  muse  tragique ,  et  ressaisit  par  un 
(■oii'p  d'éclat  cetle  grande  voaue  etccs  suffrages  qui  abandon- 
naient sa  fortune.  La  censure  de  la  restauration  qui  avait 
proscrit  un  Bélisaire  de  l'auteur,  h  cause  de  sa  vague  res- 
.«emblance  avec  le  prisonnier  de  Sainle-Hélène,  autorisa  la 
représenlation  de  SijUa,  qui,  grâce  à  Talma,  lui  ressemblait 
bien  davantage.  Cetle  tragédie  de  Sylla  fut  sans  contredit  le 
jikis  granil  succès  dramatique  de  la  restauration ,  c'était  le 
liou  juet  de  ce  feu  d'artifice  que  les  représentants  de  la  lit- 
térature dite  de  t'Emjiire  liraient  si  paisiblement  depuis  le 
commencement  du  siècle.  Après  ce  lour  de  force,  l'alhlèle 
déposa  le  cesie  et  alla  se  rcpuser  de  ses  travaux  au  sein  de 
l'Académie,  où  il  avait  clé  admis  dès  ISIO  en  remplacement 
de  Parny.  Poète,  romancier,  peintre  de  mœurs,  aulcur  dra- 
matique et  piibliciste,  vous  voyez  que  M.  de  Jouy  a  parcouru 
pendant  trente  ans  toutes  les  routes  qui  conduisent  à  la  re- 
nommée, et  qui  auraient  dû  assurer  sa  fortune,  si  sim  dé- 
sintéressement n'avait  été  plus  graifd  encore  que  son  talent. 

En  résumé,  c'était,  dans  la  vie  privée,  un  homme  excel- 
lent, p'iin  de  bonlioiiiie  et  d'abandon,  d'un  caractère  facile 
et  doux,  et  d'une  pnibité  inilexible.  Il  fut  l'un  des  derniers 
représenlauls  de  cetle  génération  littéraire  que  la  société  du 
dix-huilième  siècle  légua  à  la  nôtre  comme  contraste,  géné- 
ration qui  se  distinguait  par  le  .savoir-vivre,  l'urbanité  des 
manières,  la  modeslie  des  prélentions  et  la  pudeur  de  l'es- 
prit. M.  de  Jouy  devait  à  l'amitié  personnelle  du  roi  Louis- 
Philippe  dont  11  avait  été  le  compagnon  d'armes,  la  place  de 
bibliothécaire  au  Louvre. 

On  se  doule  que  cetle  mort  donne  déjà  l'éveil  aux  ambi- 
tions académiques.  L'une  de  ces  ambitions  impatientes  alla 


visiter  récemment  l'illustre  défunt,  et  lui  demanda  sa  voix 
dans  la  prévisiou  d'un  aulre  décès  qui  s'ajourne  ;  «  Vous  au- 
rez mieux  que  ma  voix,  lui  dit  M.  de  Jouy,  vous  aurez  ma 
place.»  L'hiver  dernier,  son  .gendre  l'ayant  conduit  Uicz  un 
notaire  afin  de  dresser  un  certificat  de  vie  jiour  loucher  le 
trimestre  d'une  pension,  il  lui  dit  :  «  Je  me  sentais  si  loulade, 
qu'à  mon  arrivée  chez  le  notaire,  je  réfléchissais  que  ma  de- 
mande était  bien  hasardée,  et  qu'on  faisait  sagement  de  ne 
pas  s'en  rapporter  à  moi  et  d'exiger  l'allestalion  de  deux  té- 
moins, »  et  il  ajouta  en  souriant  :  «  Décidcinent,  mon  ami, 
je  ni'apervois  que  je  ne  vis  plus  que  par  devant  notaiie.  » 

A|iivs  la  mention  nécrologique,  voici  le  luillelin  nuptial, 
iiiius  f.iisons  concurrence  aujourd'hui  aux  registres  de  l'étal 
ciNii.  Mais  à  quoi  bon  parler  d'un  mariage  qui  donne  en  ce 
nionient  de  l'exercice  à  toutes  les  plumes  de  la  capitale,  et 
dont  les  clauses  sont  discutées  d'un  bout  de  l'Europe  à  l'au- 
tre? M.  de  Monlpensier  doit  épouser,  dans  quelques  semai- 
nes, la  jeune  infante  d'Espagne.  Il  n'en  faut  pas  davantage 
pour  mettre  les  esprits  aux  champs.  Si  la  France  et  la  pénin- 
sule s'en  réjouissent,  la  Prusse  s'étonne,  l'Angleterre  s'indi- 
gne, et  M.  de  Metternich  fronce  le  sourcil.  Mais  voyez  un  peu 
comme  le  siècle  marche,  et  combien  do  changements  intro- 
duils  dans  le  cérémonial  desunionsprincièrcs!  Autrefois  les 
odes,  les  dithyrambes,  lesépithalames,  toutes  les  fleurs  d'une 
rhétorique  et  d'une  poésie  officielles  poussaient  à  l'envi  sur 
l'autel  nuptial  ;  maintenant  pas  la  moindre  idylle,  pas  l'om- 
bre d'un  quatrain,  mais  en  revanche  force  protocoles,  échan- 
ges de  notes,  toute  la  presse  en  travail,  et  combien  d'inves- 
tigations et  de  conjectures  !  Cette  union  est  du  goût  du  jeune 
prince  et  convient  à  la  princesse,  à  la  bonne  heure  !  Mais  la 
quadruple  alliance,  la  question  du  Maroc,  l'équilibre  euro- 
péen !  ô  nobles  fiancés,  vous  pouvez  attendre,  on  pèse  vos 
destinées,  et  votre  bonheur  se  discute  encore.  Cependant  il 
s'était  dit  desclioses  charmantes  touchant  cet  hymen  où  la 
polilique  ne  jouait  pas  le  seul  rôle.  En  fait  de  mariage  et  de 
hançailles,lesje«nes princes  d'Orléans  ne  se  conforment  guère 
aux  usages  royaux,  et  ils  dérogent  volontiers  à  la  tradition. 
M.  de  Joinville  avait  franchi  les  inerspourdona  Franciscade 
Bragance.  Pourquoi  M.  de  Monlpensier  n'aurait-il  pas  poussé 
jusqu'à  Madrid  pour  enlever  la  main  de  sa  cousine  à  labarbe 
des  diplomates? 

Puisque  nous  côtoyons  l'Espagne,  c'est  le  cas  de  répéter 
une  nouvelle  qui  nous  arrive  tout  droit  des  Pyrénées.  Trois 
Françaises  viennent  de  faire  l'ascension  du  Mont-Perdu  dans 
les  Pyrénées,  trois  héroïnes,  trois  sœurs,  jeunes,  belles,  dé- 
licates, et  les  premières  qui  aient  tenté  ce  pèlerinage  semé 
de  dangers  et  d  écueils.Cetépouvantable  entassement  de  bel- 
les horreurs,  ce  dédale  inextricable  de  pics  bleuâtres,  de 
sombres  rochers,  d'aiguilles  gigantesques,  de  mugissants 
précipices,  ces  murailles  de  glace,  ces  abîmes  sans  fond,  rien 
n'a  pu  les  arrêter.  Les  plus  robustes  montagnards  hésitaitnt 
sur  leur  trace.  «  Mais,  leur  disait-on,  là  haut  vous  mourrez 
de  froid  ou  vous  éloulTerez  de  chaud,  vos  yeux  deviendront 
sanglants,  le  soleil  les  brûle;  comment  ces  petits  pieds  pour- 
ront-ils franchir  la  grande  muraille  de  glace?  la  neige  élin- 
celante,  le  glacier  vert-sombre,  les  mille  nuancesqui  se  croi- 
sent dans  l'atmosphère  causent  un  vertige  auquel  vous  suc- 
comberez. On  va  au  Mont-Perdu,  mais  on  n'en  revient  pas. 
Quelle  folie  !  n  Maintenant  que  la  folie  a  réussi,  il  faut  bien 
la  saluer  d'un  aulre  titre.  En  témoignage  de  leur  conquête, 
ces  belles  inlrépides  ont  déposé  leur  carte  de  visite  sur  la 
cime  du  Mont-Perdu.  Voilà  désormais  des  noms  placés  bien 
haut. 

Nous  voici  à  l'hippodrome...  de  Luçon.  Grâce  à  notre  vi- 
gnette, vous  assistez  aux  courses  de  Luçon,  et  vous  voyez  des 
visages  et  des  costumes  de  Luçon.  Ceci  est  une  nouvelle 
preuve  des  goûls  hippiques  et  des  besoins  équestres  qui  Ira- 
vaillenl  les  populations  du  royaume.  Lufon,  petite  ville  per- 
due au  fond  du  Bas-  Poitou,  a  ses  coursiers,  ses  prix,  son  turf 
et  ses  sportmen  comme  Paris,  Lyon,  Rouen  et  Bordeaux.  On 
nous  affirme  que  l'hippodrome  de  Lu^'on  est  un  des  plus  beaux 
de  la  France,  et  que  ses  coursiers  ne  le  cèdent  guère  en  force 
et  en  agilité  aux  plus  fameux  coureurs  du  Champ-de-Mars  et 
de  Chanlllly.  Cetle  fêle  de  Luçon  a  eu  lieu  le  24  août,  el  un 
témoin  oculaire  a  bien  voulu  nous  en  Iransmetlre  une  des- 
cription, dont  nous  citerons  senlcnieiil  ces  quatre  lignes  ; 
«  Un  temps  msgnilique,  d'eléganles  tiiliunes  garnies  de  gra- 
cieuses personnes  et  de  fraîches  loilelles,  de  nombreux  équi- 
pages, de  plus  nombreux  cavaliers ,  et  une  population  de  vingt 
mille  personnes  se  pressant  autour  de  l'enceinte,  c'était  un 
très-beau  spectacle  et  des  plus  rares  pour  Luçon.» 

Rapprochons-nous  l'e  I  enceinte  continue.  La  banlieue 
a  une  idiysionomie  cliannanle  en  ce  moment,  c'est  Paris 
qui  la  peuple.  Dans  un  rayon  de  plusieurs  lieues  autour  de 
la  capitale,  la  banlieue  est  devenue  pour  le  Parisien  un 
séjour  enchanteur:  c'est  un  lliéàlrc  en  [lernuinence,  une  foire 
perpétuelle,  un  bal  inamovible;  le  l'aiisien  y  trouve  de  l'oni- 
tirage  d'abord  el  des  eaux  jaillissantes,  et  puis  tous  les  jeux 
el  les  plaisirs  de  la  grande  ville,  les  joutes,  les  courses,  les 
feux  d'aitifice  :  à  Sceaux,  à  Meudon,  à  Enghien,  vous  trou- 
vez des  jardins  aussi  ornés  que  ceux  de  Wabille,  des  fêtes 
au.ssi  éclatantes  que  les  kermesses  du  Chàteau-Rouge  ;  En- 
ghien se  distingue  encore  par  son  parc,  par  son  lac,  et  sur- 
tout par  ses  eaux  bienfaisantes.  C'est  un  Vicliy  en  miniature, 
un  Baden  en  raccourci.  Le  soir,  en  voguant  sur  les  eaux 
tremblolanles  de  son  lac  parsemé  d'Ilots  pleins  de  verdure, 
l'imagination  peut  rêver  sans  trop  d'invraisemblance  le  paysage 
du  lac  Majeur  et  les  horizons  vaporeux  des  Borromces.  En- 
ghien n'a  pas  que  ses  eaux  et  son  parc;  dans  ce  parc  il  y  a 
un  manège,  dos  courses  de  bague  et  de  javelots,  il  y  a  un 
(irehesire  de  danse,  que  sais-je  encore,  un  tir  au  pistolet  el 
à  la  carabine.  Pour  l'année  proi  haine,  son  propriétaire  el  en- 
trepreneur, M.  Ilauman,  le  célèbre  violon,  médite  el  prépare 
des  accroissemenls  nouveaux.  Ilcmime  à  Vichy,  on  trouvera 
à  Enghien  un  salon  de  conversation  et  une  salle  de  concert. 
La  direction  des  diflérentes  parties  de  cet  lldorado  a  été 
condéeà  des  spécialités  distinguées,  ainsi  l'orchestre  est  di- 
riïé  par  M.  Denaiill.  l'un  des  lauréats  du  Conservatoire;  Pi  1- 


20 


LULLSTttATlON,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


lier  a  la  direction  du  manépe,  et  Devisme,  celle  du  tir.  Que 
vous  dire  ensuite  des  splendeurs  de  l'illumincition,  sinon  que 
les  magnificences  du  clii'Ueau-Rouge sont  éclipsées;  M.  Ilau- 
man  n'a  ménagé  ni  les  lampes  chinoises,  ni  les  lanternes  vé- 
nitiennes, il  jette  feu  et  flammes,  et  nous  en  lait  voir  de 
toutes  les  couleurs,  et  toute  cette  pompe  cliampélre,  tout  ce 
plaisir  à  grand  orcli  'stre  est  placé,  grâce  au  chemin  de  lér,  ù 
vingt  minutes  du  boulevard  des  Italiens. 

Le  théiltre  du  Palais-Hoyal  a  donné,  la  semaine  dernière, 
une  petite  pièce  que  le  public  n'a  pas  voulu  écouler  jusqu'à 
la  fin  et  dont  cerfciinemcnt  vous  ne  voudriez  pas  lire  le 
compte  rendu  ;  ce  tliéiilre  a  été  plus  lieureu.v  avec  la  parodie 
de  Clarisse  llaihurr  i\i)ul  imiis  is  |iin|ioMMis  de  viius  cnii- 


V;iiid( 
■I  Ih( 


li|,. 


tltii'^  Ifs  Saltiinhan- 
l'in  lliéàtral  que  nous 
ti.iiii  ;  hélas  !  que  n'a- 
uiteuter  sur-le-champ 


ter  quelques-unes  ih^  |ii\.n^ri 
ce  soir  même,  lu  l'Imr  l  c»/,/, 
Salomon;  aux  Variétés,  Uilr; 
qu«s ;  tel  est  le  sommaire  d'ii 
tiendrons  en  réserve  pour  sain 
vons-nous  le  don  d'ubiquité,  allii  di 
votre  impatience. 

Au.\  Français,  il  n'est  plus  question  de  l'indisposition  de 
mademoiselle  Hachel,  ni  de  l'engagement  de  mademoiselle 
Rose  Chéri.  Ilermione  ne  s'éloignera  pas  de  la  capitali',  el 
Clarisse  restera  au  Gymnase  ;  c'est  le  berceau  de  son  (ali'nt, 
mademoiselle  Rose  Ciiéri  ne  veut  pas  le  quitter,  elle  a  la  [iru- 
dence  des  bons  esprits  et  la  mémoire  du  cœur.  Qu'elle  s'y  at- 
tache donc,  son  talent  trouvera  sans  doule  l'occasion  d'y 
grandir  encore  :  aujourd'hui  que  mademoiselle  Chéri  est  de- 
venue une  célébrité,  il  est  naturel  que  la  curiosité  publique 
cherche  à  connaître  le  passé  de  cette  charmante  comédienne 
dans  la  prévision  de  son  avenir. 

Le  véritable  nom  de  mademoiselle  Chéri  est  Cizos.  C'est 
sous  ce  nom  du  moins  qu'elle  débuta  au  Gynmase  dans  le 
drame-vaudeville  û' Estelle,  vers  les  derniers  jours  de  l'année 
^840.  Elle  avait  à  peine  quinze  ans;  elle  s'était  présentée  chez 
le  directeur  des  Variétés,  M.  Roqueplan,  qui  l'accueillit  avec 
bienveillance,  mais  jugeant  que  le  talent  de  la  jeune  débutante 
serait  mieux  à  sa  place  au  Gymnase,  il  l'adressa  àM.Poirson, 
lequel,  sur  une  première  audition,  l'engagea  auxappointements 


de  huit  cents  francs  par  an.  Son  père,   directeur  du  théâtre 
de  Clerniont,  lui  avait  fait  jouer,  dès  la  plus  tendre  enfance. 


les  rôles  du  répertoire  de  Léontine  Fay  ;  et  elle  était  citée 
comme  la  meilleure  actrice  de  la  troupe  ;  ses  camarades  du 
Gymnase  ne  la  jugèrent  pas  d'abord  aussi  favorablement ,  le 
public  avait  été  froid,  ils  se  montrèrent  sévères,  à  l'exception 
de  Klein  et  de  mademoiselle  Habeneck,  qui  reconnurent  dans  la 
jeune  débutante  le  germe  des  qualités  rares  que  le  travail  de- 
vait si  heureusement  développer.  Après  dix-buit  mois  d'études 
opiniâtres,  il  ne  fallait  plus  qu'une  occasion  pour  mettre  ce 
talent  en  évidence.  C'étaitaumoisdefévrierluii;  une  indispo- 
silion  de  mademoiselleNathalie  allaitinterrompreles  représen- 
tations d'Une  Jeunesse  orageuse,  lorsque  mademoiselle  Chéri 
s'ofl'rit  pour  la  remplacer,  et  s'acquitia  .si  ijien  de  son  rôle, 
qu'elle  fut  rappelée  avec  de  grands  applaudissements. Dn  rôle 
nouveau  qu'elle  créa,  à  quelque  temps  delà,  dans  une  pièce 
intéressante,  coup  d'essai  d'un  jeune  auteur,  M.  Léon  Lava, 
confirma  cet  éclatant  succès,  et  depuis  cette  époque,  chacune 
des  créations  de  la  jeune  actrice  a  été  poui-  elle  l'occasion 
d'un  nouveau  triomphe.  Dans  Georges  et  Thérèse,  Madame 
(le  Cérigny,  le  Chanijement  île  main,  Hébecca,  et  dans  vingt 
autres  rôles,  elle  a  fait  briller  les  qualités  qui  la  distinguent, 
c'est-à-dire  rintelligeiice  déliée,  le  naturel  parfait,  la  grâce 
exquise,  la  vive  sensibilité,  et  tout  récenuneiil,  dans  Clarisse 
Ifarlowe,  le  cri  du  cœur  et  les  élans  du  pathétique  le  plus  vrai 
dans  une  exécution  savante  et  irréprochable. 

Les  œuvres  littéraires  n'ont  rien  ollert  de  nouveau  pen- 
dant le  cours  de  cet  été,  et  tout  l'esprit  français  semble  s'être 
réfugié  au  rez-de-chaussée,  des  feuilles  quotidiennes.  Les 
voix  les  plus  connues  sont  muettes,  d'autres  soins  captivent 
les  écrivains  les  plus  illustres.  Il  règne  parmi  eux  une  ^ande 
émulation  de  présidence.  Depuis  le  présidentMontesquieu,on 
n'avait  point  vu  tant  de  présidents  en  pleine  littérature.  M.  de 
Lamartine  préside  des  conseils  généraux  ;  M.  Villemain,  des 
sociétés  philanthropiques;  M.  Victor  Hugo,  un  comité  d'ar- 
chéologie ;  M.  Cousin  préside  des  banquets.  Il  semble  que  la 
plupart  aient  dit  leur  dernier  mot,  leur  cxegi  monumerttum. 
Les  nouveautés  les  plus  neuves  sont  des  réimpressions. 
M.  Alfred  de  Vigny  vient  de  donner  la  neuvième  édition  du 
beau  roman  de  Cinq-Mars,  enrichie  de  son  discours  de  ré- 
ception à  l'Académie  française.  Parmi  les  publications  éle- 


(Coiffures  de  Luçon       de  Sainte-Hei 


(Courses  de  Luçon.  —  Costumes  <ie  la  VenJe 
Habitants  des  Marais  de  la  Vendée. J 


vées  et  sérieuses,  le  momie  savant  a  remarqué  un  excellent  j  venir  le  plus  grand  événement  littéraire  de  cet  automne.  Deux  1  sont  entre  las  mains  de  M.  Paulin  et  parailront   prochaine 
travail  de  M.  Léon  Halevy,  sur  l'antiquité;  cependant  voici  |  nouveaux  volumes  de  l'Histoire  de  l'Empire,  par  M.  Tliiers,  |  ment. 


L'ILLUSTKA'noN,  JOIKNAL  LNIVEUSI:;!.. 


2\ 


La  médecine  vétérinaire  est  une  branche  de  l'art  de  gué- 
rir, qui,  autrefois  très-négligée,  et  pour  ainsi  dire  inconnue 
en  France,  tend  aujourd'luii  à  suivre  les  progrès  réalisés  de- 
puis longtemps  par  la  médecine  humaine;  en  ce  momentsnr- 
tout,  où  toutes  les  forces  des  peuples,  comme  tous  leseflorts 


Ecole  royale  Tetériiiaire  d'Alfort. 

des  individus  semblent  tournés  vers  une  incessante  augmen- 
tation de  la  production  nationale  et  de  la  richesse  publique, 
comment  ne  pourrait-on  pas  être  frappé  de  la  nécessite  de 
mettre  la  médecine  vétérinaire  en  haimonie  avec  sa  sœur 
ainée,  la  médecine  des  hommes?  qui  pourrait  en  effet  n;é- 


roniiailrc  son  imporlance?  (|ni  pouirait  nier  combien  l'exis- 
tence dun  personnel  médical  nombreux,  instruit,  éclairé 
peut  avoir  d'inlluence  sur  l'agriculture,  sur  l'industrie,  sur 
le  travail?  Qu'on  parcoure  nos  campagnes,  la  plupart  de  nos 
départements  éloignés  des  grands  centres  de  lumières  et  de 


^^ 

x.,.;..^^ 


NN^   V  \ÎN>,  VnNV-~ 


population,  et  on  sera  stupéfait  de  l'état  vraiment  déplorable 
où  se  trouve  tout  ce  qui  louche  à  l'Iiygiène  des  animaux  do- 
mestiques. Au  moment  même  où  nous  écrivons,  une  épi- 
zootie  olïrant  tous  les  caractères  de  la  fièvre  charbonneuse 
et  du  charbon  symptomalique  vient  d'éclater  dans  quelques 
cantons  des  Basses-Pyrénées, 
et  la  commission  sanitaire  en- 
voyée sur  les  lieux  par  le  pré- 
fet' déclare  dans  sou  rapport 
que  les  seules  causes  du  mal 
consistent  dans  l'emploi  de 
mauvais  fourrages,  poudreux 
et  terreux,  dans  le  travail  ex- 
cessif des  animaux,  dans  la 
malpropreté  des  étables  ,  W. 
froid  des  nuits  et  la  mauvaisi' 
qualité  des  eaux.  Combien  de 
lois,  soit  par  ignorance,  soil 
par  éloignement  des  secours, 
se  conhe-t-on  à  une  routine 
empirique  qui  aggrave  le  mal 
au  lieu  de  l'atténuer,  ou  ne 
songe-t-on  à  le  combattre  que 
lorsqu'il  est  devenu  complète- 
ment incurable?  C'est  en  sui- 
vant de  tels  errements  que  le 
cultivateur  voit  son  travail  s'a- 
moindrir, ses  engrais  diminuer, 
sa  richesse  se  perdre,  sa  terre 
devenir  stérile,  ou  ne  lui  don-  L  ?■  i 

ner,  en  échange  di>  SCS  soiMirs,  ': 

que  des  produits  innblèniali-  .-.^== 

ques  :  c'est  ainsi  que  l'aisar'ce  -êi^ 

disparait  dans  les  campagnes  ^ 

pour  faire  place  à  la  misère  ; 

car  les  animaux,  qu'on  les  ciin-  \, 

sidère  comme  instruments  de 

travail  ou  comme    bétail   de  '  ■  "^^ 

rente,  forment  la  première  l't     . 

la  jilus  indispensable  richesse 

de  la  culture. 

Il  ne  faut  donc  point  s'éton- 
ner de  la  place  que  doit  occu- 
per la  médecine  vétérinaire  dans  l'échelle  des  connaissances 
nécessaires  à  un  peuple  bien  gouverné,  de  l'intérêt  qui  s'at- 
tache à  ses  progrès,  de  la  faveur  dont  doivent  être  entourés 
les  établissements  où  se  donne  cet  enseignement  si  utile,  si 
nécessaire.  Longtemps  avant  noire  époque,  son  imporlance 


avait  vivement  frappé  les  liommes  supérieurs,  qui,  dès  le 
début  delà  révolution  française,  songèrent,  au  sein  de  l'as- 
semblée constituante,  à  régénérer  l'instruction  publique. 
M.  de  Talleyrand,  qui  préludait  alors  à  cette  carrière  politi- 
que qu'il  a  poursuivie  depuis  avec  tant  de  bonheur  et  d'éclat. 


pour  qu'on  en  reconnaisse  la  vérité.  Les  grands  principes 
de  l'art  de  guérir  ne  changent  point,  leur  application  seule 
varie.  Il  faut  donc  qu'il  n'y  ait  qu'un  genre  d'école,  et  qu'a- 
près avoir  établi  les  bases  de  la  science,  on  cherche  par  des 
travaux  divers  îien  perfectionner  toutes  les  parties.  » 

Ces  vérités  ne  sont  encore, 
malgré  l'autorité  de  l'homme 
qui  les  proclamait  alors,  qu'im- 
parfaitement passées  dans  la 
pratique.  Seulement  elles  ont 
été  quelquefois  reconnues. 
C'est  sans  doute  en  témoignage 
de  ces  principes  que  l'acadé- 
mie de  médecine  comprend 
aujourd'hui  dans  son  sein  une 
section  de  médecine  vétérinai- 
re. Déjà  à  l'époque  dont  nous 
parlons  la  France  possédait 
deux  écoles  vétérinaires,  celle 
de  Lyon  fondée  par  Bourgelat, 
et  celle  d'Alfort.  La  troisième, 
celle  de  Toulouse,  ne  fut  créée 
que  beaucoup  plus  lard,  sous 
le  minisièrc  de  M.  de  Villèle, 
et  pour  iridi^mniser  en  quel- 
que sorte  celle  capitale  du  Lan- 
guedoc de  n'avoir  pas  obtenu 
l'école  des  arts  et  métiers  dont 
fut  dotée  la  ville  de  Chillons. 
Toutelois,  si  l'école  vétérinaire 
d'Alfort  doit  aujourd'hui  la 
légitime  célébrité  dont  elle  jouit 
ù  la  proximité  de  la  capitale 
qui  la  place  ainsi  sous  les  yeux 
du  pouvoir,  h  la  portée  de 
toutes  les  ressources  scientifi- 
ques et  de  toutes  les  lumières 


crinlire  d'Alfort.  —  Elère' 


qui  s'échappent  sans  cesse  de 
ce  fovcr,  lie  celte 


s'exprimait  ainsi  dans  son  savant  rapport  sur  l'inslruction 
publique  : 

H  Que  la  médecine  et  la  chirurgie  des  animaux  doivent 
être  réunies  à  la  médecine  humaine,  disait  le  futur  diplo- 
mate, c'est  ui>  ■  proposition  qui  n'a  besoin  que  d'être  énoncée 


métropole  du 

momie  inlcllecluel,  elle  le  doit 

aussi  .1  1,1  jiisle  iriiommée  de 

ses  professeurs.   C'est  elle  en 

cfl'et  qui  sert  en  quelque  sorte 

de  type  et  de  modèle   pour  l'enseignement  vélénnairc  en 

France,  c'est  elle  qui  est  de  préférence  visitée  par  les  étian- 

gers  avides  de  s'instruire  nu  de  la  conq.arer  aux  étabhsse- 

mcnts  analogues  ipii  peuvent  exister  dans  leur  pays. 

Chaque  année,  le  miiiislre  du  commerce,  entouré  des  plus 


22 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


hauts  fonctionnaires  de  son  diîparlcment,  vient  ajouter  par  su 
présBnce  à  la  solennité  de  la  distribution  des  récompenses, 
et  témoigner  ainsi,  tant  par  ses  actes  que  par  ses  discours, 
de  tout  l'intérêt  qu'il  porte  à  cet  utile  établissement.  Cette 
année,  le  jeudi  27  août,  le  sous-secrétaire  d'Etat  du  ministère 
do  ra'riciilture  et  du  commerce  est  venu  lui-même  présider 
à  la  d'stribulion  des  prix  et  à  la  remise  des  dipiftiiies  aux 
élèves  qui  ont  accompli  avec  le  plus  de  succès  le  cours  de 
leurs  études.  ,,,.•,         •       • 

Alton,  doublement  menacé,  par  la  révolution  française,  a 
cause  de' son  titre  d'école  royale,  semblait  un  moment  ne 
point  devoir  survivre  à  la  proscription  générale.  Malgré  les 
protestations  éloquentes  de  Talleyrand-Férigord  et  de  Vicq- 
d'Azyr,  elle  ne  put  être  sauvée  ([u'au  moyen  de  l'organisa- 
tion militaire  ([ui  fut  proposée  par  le  docleur  Vitet,  maire  de 
Lyon  et  appliquée  aux  professeurs ,  aux  répétiteurs  et  aux 
élèves. 

Sous  la  Convention,  la  nécessité  fit  ù  cette  assemblée  une 
loi  de  maintenir  l'école;  elle  y  vit  sans  doute  une  pépinière 
destinée  à  fournir  aux  répimeiils  diM':ivalerip  des  m.irw/Mtio- 
experts;  mais  Iniijnnis  i-i-il  iin'.ll.'  cnnsidiini  Allnil  comme 
une  institution  iiu'il  fdhiil  mn^i-iw,',  sml  l'ii  me  dr  la  aliène, 
soit  en  vue  de  la  paix.  i;"csl  ausM  probalili-Miiént  dans  te  but 
que,  par  un  décret  du  20  mars  I7'J5,  elle  exempla  de  la  loi 
du  recrutement  les  professeurs  et  les  élèves  des  écoles  d'AI- 
fortet  de  Lyon.  ,    , ,. 

En  l'an  III,  ces  deux  écoles,  rétablies  de  la  violente  se- 
cousse que  le  régime  de  la  terreur  avait  imprimée  à  tout  ce 
qui  existait  sur  le  sol  français,  prirent  le  titre,  plus  en  har- 
monie avec  leur  organisulion  et  leur  but,  à'Ecoles  d'économie 
rurale  vétérinaire.  Senlcniful,  pour  rompre  les  traditions  du 
passé,  on  ordonna  que  I  élablisMMiiont  serait  transféré  à  Ver- 
sailles; mais  cette  translation  n'eut  pas  lieu. 

Napoléon,  avec  sa  supériorité  habituelle,  avait  toujours 
reconnu  la  place  que  devait  occuper  l'enscii^nement  vétéri- 
naire. Par  ses  ordres,  les  officiers  de  l'année  suivaient,  tant  ù 
Alfort  qu'il  Lyon,  un  cours  d'iiippiatrinue,  et  des  haras  d'ex- 
périences furent  ensuite  attachés  aux  cleux  écoles.  Enlin,  un 
décret  impérial  du  15  juillet  ISin  constitua  de  nouveau  l'é- 
cole d' Alfort,  et  lui  donna  sur  sa  sœur  ainée  la  suprématie. 
Car  deux  écoles  y  étaient  instituées,  l'une  pour  former  des 
maréchaux  vétérinaires,  l'autre,  d'où  l'on  sortait  médecin  vé- 
térinaire après  avoir  suivi  le  cours  complet  des  études.  De 
ce  décret  toutefois,  dont  les  événemenis  et  la  chute  de  Napo- 
léon empêchèrent  l'exécution  entière,  il  ne  resta  que  deux 
dispositions,  celle  qui  créait  le  jury  d'examen  composé  de 
professeurs,  et  celle  qui  prescrivait  les  conditions  imposées 
aux  élèves  pour  entrer  à  Alfort  ou  à  Lyon. 

On  ne  peut  se  dissimuler  cependant  que  la  création  de 
cette  première  école,  celle  destinée  k  former  des  maréchaux 
vétérinaires,  renfermait  le  germe  d'une  idée  féconde.  Elle 
popularisait  et  propageait  l'instruction,  plaçait  auprès  des  mé- 
decins vétérinaires  des  agents  plus  éclairés  et  pins  capables 
de  bien  exécuter  leurs  prescriptions,  et  enlin  offrait  de  pré- 
cieuses ressources  aux  départements  trop  pauvres  pour  assu- 
rer une  clientèle  convenable  aux  vétérinaires  en  titre.  Seule- 
ment il  faut  se  demander  si  une  semblable  école  aurait  dû 
être  établie  à  part,  dans  une  autre  localité,  ou  bien  élre  con- 
fondue avec  l'école  principale. 

Plus  tard,  un  règlement  général,  sanctionné  par  une  or- 
donnance royale  en  date  du  25  août  1826,  a  établi  parité 
d'organisation  et  d'enseignement  entre  les  trois  écoles  vétéri- 
naires du  royaume.  Alfort  a  seulement  une  chaire  de  plus. 
Après  cet  historique  destiné  i"i  rappeler  le  passé  de  celle 
école,  il  nous  reste  a  indiquer  ce  qu'est  aujourd  liui  Alfort, 
son  but,  son  organisation  intérieure,  son  enseiKuenient,  ses 
tendances,  son  utilité  comme  établissement  spécial  et  comme 
établissement  agronomique,  en  un  mot,  à  faire  connaître  ce 
qu'il  est  actuellement. 

Le  nombre  des  élèves  de  l'école  d' Alfort  est  ordinairement 
de  250  environ,  et  ne  pourrait  sans  inconvénient  dépasser 
celui  de  270;  sur  ce  nombre,  il  en  entre  annuellement  80  à 
peu  près,  après  avoir  subi  les  examens  indiqués  par  un  lè- 
glenienl  •'yi'-'  i:il  ilii  iiiiiii^ln-;  40  à  45  sortent  munis  du  diplôme 
qui  leiii  ;i'snri'  le  liliv  i\r  médecin  vétérinaire.  Tel  est  depuis 
longtemps  le  iiiiioMoiii'iil  à  peu  près  invariable  de  l'école,  lin 
1840,  il  a  été  délivré  52  diplômes. 

Dans  le  nombre  que  nous  venons  de  citer,  il  faut  compren- 
dre 40  élèves  inililaires  qui  entrent,  après  avoir  suivi  le 
temps  des  études,  diuis  les  divers  régiments  de  l'armée  avec 
le  titre  de  sous-aides  vétérinaires  et  le  grade  de  maréchaiix- 
des-!ogis.  Le  prix  de  la  pension  est  de  ôHOfr.  par  an,  sans  y 


llITr 


,11  ip: 


p;iir 


I  à  roiiruir. 

ri  IfS  ntillliliu- 
cirs  piélVls  et 
r  |.ar  dr|,;,,l,.- 
Irpuis  |WU,  Crt 
|iii  f;a;;iieiit 


comprendre  le  trou 

120  bourses  étaient 

tiens  avaient  lieu  par  I'   ini  mu  I.i  |im  ^iiii 

du  ministre,  et  dans  la  pni|i(>rliiiii  de  Mi 

ment,  et  de  54  h  la  disposition  du  iiiiiiisi 

état  de  choses  a  été  changé.  Ce  sont  les  i 

eux-mêmes  leurs  bourses  par  leur  aptilude,  et  le  deju  é  d'iu 

struction  dont  ils  font  preuve  à  leurs  examens  passés  devant 

le  jury  rie  l'école. 

■     '  •'■  ...      l|m;niclies  et  les  jours  de  fête;  le 

;iirrini  seul-ment  à  rentrer  à  neuf 

!,ruirs,.,lété. 

i  ;i  loiiiiT  dans  l'établissement  à  la 
iiiiiiiaire  ,  les  élèves  y  suivent  des 
di'  quatre  ans.  A  la  lin  de  chaque 
us  oui  liiMi  pour  décider  si  les  élèves 


ces  cours,  il  faut  ajouter  celui  de  jurisprudence  vétérinaire, 
qui  est  fait  cette  année  par  le  directeur  de  l'école,  M.  Ke- 
nault,  et  qui  n'est  pas  un  des  moins  nécessaires  ù  cause  des 
cas  nombreux  que  présentent,  dans  la  pratique  appliquée,  les 
vices  redhibiloires.  Un  professeur  de  dessin  était  en  oulre 
autrefois  attaché  à  l'établissement;  mais,  depuis  quelque 
temps,  celte  place  a  été  supprimée. 

De  vastes  écm  iis,  qui  s'itoiident  sur  deux  ligne?  parallèles, 

h  droite  et  à  ^'n" Ir   huiipbilliéiilre  de-  (Irumusli^ilmiis 

anatomiques,  iviihi  i.inil  I.  ,  cliev.nix  malales  .pu  huiI  ihiic- 
nés  à  l'école  poiii   v  ••liv  -ui;jiM.s,  el  pour  lesquels  Irurs  pi"- 

iiriétaires  payent  une  peusi le  2  Ir.  .'>0  c.  par  jour,  (.liaijue 

élève  a  un  cheval  à  trailer.  i-l  lnus  les  jours  rend  coiuple, 
tant  de  siui  étiit  ipie  des  résultais  obleniis.  Les  opéraliiins  se 
fdUt  dans  l'iiiiipliilliéàtre  et  servent  ainsi  ih:i(|n('  Ims  de  Icxle 

à  une  li'i •Iiuiquc.  Les  maladies  di     pird    -nui  ,  ,.|||.s  qui 

présenlent  les  ;ip|iliiations  les  plus  l'iéqii. •hhs.  1,  .-L'yalioii  du 
cbifli-e  est  alliilooV  s|Hri;,|.Mni'iità  une  double  cause,  le  mau- 
vais état  des  ^IMP|^^  ci  ,  jinniiis,  elle  travail  excessif  dontces 
animaux  soui  sm  i  lui;  |ji's  .nix  environs  de  la  capilale.  On  en 
est  surtout  convaincu  en  examinant  la  composition  des  écu- 
ries dans  lesquelles  les  chevaux  de  trait  sont  en  immense 
majorité.  Une  autre  écurie  est  destinée  aux  chevaux  abiin- 
i  donnés  ou  déclarés  complètement  incurables.  Et  enlin  une 
troisième,  reléguée  au  bout  du  parc,  renferme  ceux  qui 
sont  atteints  de  la  morve  ou  d'autres  maladies  contagieuses. 
Au-dessus  d'une  de  ces  écuries  sont  les  salles  qui  renfer- 
ment les  collections.  On  y  trouve  surtout  de  nombreux  cas 
de  maladies  des  os,  et  de  maladies  intestinales  produites  par 
des  calculs  dont  quelques-uns  ont  un  volume  réellement 
prodinieux.  L'expérience  et  le  progrès  des  études  chimiques 
ont  fait  leeoimailre  que  ces  dernières  maladies  .se  rencon- 
traient principalement  chez  les  chevaux  de  meuniers,  liabi- 
luellement  nourris  au  son,  à  cause  de  la  présence  du  phos- 
phalc  ammoniaco-inagnésien  que  recèle  cette  substance  ali- 
mentaire. .  .  .  ,  . 
Dans  un  bâtiment  à  part,  au-dessus  des  cuisines  et  du  ré- 
fectoire, sont  les  dortoirs  avec  lits  en  fer.  Les  élèves  y  sont 
divisés  par  chambrée  de  .six.  Chacun  à  son  tour  est  tenu  de 
balayer  et  de  tenir enétat  de  propreté  la  chambre  commune, 
(|ui  contient  en  outre  pour  chaque  élève  une  armoire  dans 
laquelle  il  met  son  linge  et  ses  elfets. 

Cn  jardin  botanique  est  annexé  i\  l'école.  Il  est  divisé  en 
lieux  parties;  dans  l'une,  on  cultive  les  plantes  les  plus  usi- 
tées en  médecine  ;  dans  l'autre,  exclusivement  celles  em- 
ployées dans  la  pharmacie  vétérinaire.  C'est  dans  une  des 
parties  de  ce  jardin,  au  milieu  d'un  massif  d'arbres,  qu  est 
la  macJiine  hydraulique  de  Perrier,  qui  va  chercher  les  eaux 
de  la  Marne  pour  les  distribuer  en  abondance  dans  loules  les 
parties  de  l'établissement.  Derrière,  s'étendent  quelques 
champs  où  l'on  sème  des  céréales  et  où  on  cultive  diverses 
plantes  fourragères. 

A  coté  du  jardin  botanique  est  un  vaste  dieiui  où  sont 
traitées  toutes  les  maladies  des  diiens.  Les  animaux  atteints 
ou  soupçonnés  de  la  rage  sont  à  part,  dans  des  loges  gril- 
lées et  lérmées  îi  clef.  Le  prix  de  la  pension  pour  un  chien 
est  de  GO  centimes  par  jour. 

Enfui  l'école  conlient  encore  une  porcherie.  Les  porcs  s  y 
nourrissent  économiquement  avec  les  débris  des  animaux 
abattus.  Les  individus  qui  composent  ce  petit  troupeau  ap- 
partiennent à  la  race  anglaise  croisée  avec  la  race  chinoise, 
et  alteigiicnt  avec  rapidité  un  volume  et  un  degré  d'embon- 
point remarquables.  Cette  porcherie  sert  encore  à  l'inslruc- 
tion  des  élèves  qui  ont  ainsi  de  fréquentes  occasions  de  pra- 
tiquer la  castralitin. 

Alfort  contient  aussi  un  troupeau  de  divers  animaux,  et 
que  nous  appellerons  troupeau  d  expérience.  C'est  en  effet  sur 
l'école  que  sont  dirigés  d'abord  les  animaux  de  races  étran- 
gères, importés  en  France  par  les  soins  de  l'administration 
supérieure.  Tons  les  ans,  à  l'époque  du  mois  de  juin,  il  en 
est  vendu  un  certain  nombre  aux  enchères  publiques.  Enfin 
c'est  Alfort  qui,  en  quelque  sorte,  donne  l'hospitalilé  à  la 
nouvelle  race  ovhiecroisée,cr.ééepourainsi  dire  par  M,  Uranx, 
de  Mauehamps,  et  l'a  fait  ainsi  connaître  des  niiru.ilciiis. 

Il  nous  resie  àdire  quelquesmols  de  la  Imre  il"ii(  les  i!is- 
positions  sont  parfaitement  combinées.  Les  l,.iirii(Mii\  i  I  les 
cheminées  sont  en  fonte,  et  elle  contient  six  louiiieaux  ilnu- 
blesà  deux  feux.  Les  élèves  y  forgent  alternativement  deux 
il  deux  ensemble,  par  ordre  sipliabétique.  Toutefois,  nous 
avons  été  élonné  de  ne  point  trouver  à  côté  de  cette  forge 
un  de  ces  ap|ian  ilssi  bii  ii  éuib'is,  que  les  maréchaux  du  nerd 
de  la  France  1 1  de  la  llrli:iqiie  appellent  un  traniil.  D'uni  été, 
sadispositiou  peiiiiel  de  leri  er  sans  danger  el  saiisiatigiie  lonle 
espèce  d'animal,  nièiiie  ceux  qu'uni'  maladie  nu  loufe  autre 
cause  lenilrail  le's  plus  sciisildcs  à  la  douleur,  el,  de  l'autre, 
ii  faut  soM:;er  que  les  élèves,  à  leur  sorlie  de  léciile,  se  ré- 
pandent siu  tous  les  pninis  de  la  France  ol  duivent,  autant 
pus; 


en  propre  une  quinzaine  de  chevaux  de  selle  uniquement  des- 
tinés à  son  manège.  On  aurait  dû  penser  qu'il  n'y  a  pas  un 
vétérinaire  qui  ne  soit  appelé  un  jour  à  être  propHétaire  de 
chevaux,  à  s'en  servir  souvent  pour  ses  besoins  et  ceux  de 
sa  clientèle,  etqu",  pour  bien  connaître  un  cheval,  pour  mieux 
le  soi;iiier,  mieux  I  aimer  pour  ainsi  dire,  une  des  premières 
condilinns  est  de  savoir  soi-même  bien  le  monter. 

L'éidle  possède  une  chapelle  dans  la  partie  de  rétablisse- 
ment où  sont  les  logements  des  professeurs,  mais  elle  n'a 
pas  daumonier  spécial.  Le  service  divin  y  est  fait  les  di- 
manches et  lesjoursde  fêtes  par  un  prèlre  élranger. 

Les  crédits  récemment  volés  [lar  les  chambres  ont  permis 
deinnstruireà  Alfort  des  bàtiniei.tsneufs  qui  cimiiendronldes 
salles  de  dissection,  de  déniunslralion  et  de  laboratoire  de 
chimie.  Os  bâtiments  ne  sont  point  encore  terminés,  mais 
tout  lait  es|)érer  qu'ils  pourront  l'être  pour  la  prochaine  ren- 
trée des  éludes.  Les  derniers  Iravaux,  ceux  de  menuiserie, 
de  peinture  et  de  vitrerie,  doivent  être  adjugés  le  .5  S'  ptem- 
bre.  Enlin,  cet  ensemble  de  constructions  va  être  prochaine- 
ment complété  par  l'érertion  d'un  magasin  t'énéral  et  isolé, 
destiné  à  remplacer  celui  qui  est  aujourd'hui  au-dessus  de 
l'inlirmerie  des  élèves. 

Telle  est  dans  toutes  ses  parties  l'école  d'Alfort;  tel  est 
l'erisemble  des  constructions  ou  plutôt  des  élablissemenls 
qu'il  renferme,  et  où  se  dispense,  sous  toutes  ses  diverses 
faces,  l'enseignement  vélérinaire.  C'est  notre  première  école 
spéciale  de  France,  et  les  élèves  qui  en  sortent  continuent, 
par  leurs  connaissances  et  leur  capacité,  sa  léfiilinie  réputa  - 
lion.  Pourquoi  faut  il  alors  regrelttr  que  le  budget  ne  soit 
pas  plus  généreux,  cl  que  le  traitement  des  professeurs,  trai- 
tement insuflisant,  ne  les  engage  pas  à  s'atlacher  plus 
longtemps  à  l'école  où  ils  professent?  En  elletau  bout  de 
quelque  lenips,-leur  plus  grande  préoccupation  est  de  la 
quiiter,  pour  ainsi  dire  anssilot  qu'ils  ont  conquis  le  droit 
de  s'intituler  :  ancien  professeur  à  l'école  royale  d'Allort,  tt 
de  chercher,  soit  dans  la  clientèle  privée,  suit  dans  d'autres 
travaux,  une  position  plus  lucrative.  L'enseignement  géné- 
ral ne  peut  que  perdre  à  celle  inslabilté  continuelle  des 
professeurs  et  des  systèmes;  il  ne  peut  pas,  pour  ainsi  dire, 
constiluer  de  traditions.  Espérons  donc  que  le  gouverne- 
ment, qui  sent  combien  il  est  importantde  réhabiliter  la  mé- 
decine et  l'enseignement  vétérinaires,  ne  voudra  pas  laisser 
son  œuvBe  inachevée,  reconnaîtra  que  ce  n'est  point  assez 
de  s'occuper  de  l'école  en  elle-même,  et  que  sa  sollicitude 
doit  s'étendre  aussi  un  peu  sur  ceux  qui  la  dirigent,  et  ajou- 
tent à  sa  réputation  par  des  travaux  souvent  obscurs,  mais 
toujours  utiles. 


rl'Mit 


apic 


Le 

règli m  Me 

heures  cil  liu 

Une  fois  .Il 
suile  de  cet  c 
cours  dont  la 
année  scolain 

de  chaque  (-ours  pioivriil  passer  l'aiiiirc  siiu  aille  dans  le 
supérieur.  Ceiixijui  n'ont  pas  repomlii  iriiiie  niaiii 
saiilesontadmis  i»  doiililer  liiii  .nincc,  mai-  si  a|ii 
temps  d'études  ils  ne  sont  point  encore  au  iiivcai 
gnement  qu'ils  ont  reçu,  ils  sont  exclus  coinuic 

Les  cours  comprennent  la  chimie  el  la  pliysiipi 
ii  l'art  vcléiiiiaiic;   la  liiilaniipic,  l'anal, Miiic  avec    les  aiiln 

SCieill  c-  qui  en  ile|.-ni!clll,  Iclles  que  l'nste,,|i,;;ic,  la  Collllai- 

sance  (les  iiialailies  iles  nei  is  l'I  lies  aiii.  lililinus.  la  palliolii 
gie  interne,  la  lliciapeiiliipie  el  la  cliiiiiinie  vétcriiiaiie.   , 


(Juautà  Allur 

nani,  que  li 

ments  du  nm 

A  côlé  de  la 


Ireélrangcis  à  aucune  dcslialdluiles  locales, 
■el  iiiilili  piiiirra  scnihler  d'aulaiil  plus  élon- 
,.  eiiMMr  plulôt  ses  élèvcs  dans  les  déparle- 
I  lin  ihiiil-ouest. 

ii-e  siiiil  les  salles  de  dissection.  Les  élèves 
V  sont  exercés  deux  fois  nar  semaine,  le  lundi  et  le  jeudi. 
Celte  opération  se  fail  sur  des  tables  ea  fer,  garnies  de  quatre 
petites  roues.  Aux  quatre  anyles  sont  destrons  dans  lesquels 
on  implante  des  barres  de  fer  où  l'on  altache  les  aniniau.x  : 
ils  sont  ordinairement  abaltus  par  l'effusion  du  sang,  alin  de 
rendre  la  ilisseclion  plus  facile. 

Anlicluis  ri'cnle  roiilenait  un  manège.  Plusieurs  prnprie- 
nls  que  leurs  chevaux  tussent  moulés  par 
cet  exercice  fût  souvent  de  nature  îl  con- 
iil  dont  ils  élaient  l'objet,  ce  manège  a  été 
lus,  1  lUtcii  Iniuvanl  |listeiiicnl  fiiiiilces  les 
ni  éle  expiiiiiics  à  cel  égard,  uousue  poii- 
r  celle  siippi  cssiou  el  faire  des  vieux  pour 


li-  laile,  s'elaill   pi; 

|,|e  les  ,.le\es   el    qu 

ci-  !  trarier  le  Irailcii 

es.  I  supprimé,  l'nnr 

ces  plaintes  qui  avai 

les  vous  que  refjicil 


Deux.  Clin«ees  en  PruHse» 


(Fin.  -  Vo 


.  viir.  p  7.) 


le  rélalilisscinenl  île  ce  manioc.  Sans  emprunter,  coinnie  on 
le  faisait,  les  chevaux  des  l'curics,  el  qui  n'èla.ent  que  Irop 
souveul   impropres  il  cet  exercice,  l'école  po>  rrait  posséder 


«  Ah!  voilà  bien  les  Français!  vous  écriewz-vous ;  sans 
doute  quelque  jeune  et  jolie  Prussienne,  enveloppée,  de  son 
raanlelet  noir,  avait  pris  place  sur  un  banc  du  chariot,  juste- 
ment entre  les  chasseurs...  n  —  Vous  n'y  êtes  pas,  el  je  vais 
vous  épargner  l'invenlion  de  nouveaux  commentirires.  Cha- 
cun doit,  n'est- il  pas  vrai,  se  conformer  aux  usages  du  pays 
qu'il  habite.  C'est  une  vérité  vieille  au  moins  comme  Alci- 
biade,  qui  savait  n'être  étranger  nulle  part.  Or,  les  cliasseurç 
allemands  se  font  un  sciupule  de  conscience,  un  devoir 
d  honneur,  de  ne  jamais  lirer  sur  les  femelles  dans  les  espè- 
ces où  l'on  peut  recnnnaitre  les  mâles.  Dans  le  doute  abstiens- 
loi.  Celui  qui  commet  le  meurtre  d'une  biche  on  d'une  chè- 
vre, soit  avec  préméditation,  soit  par  imprudence,  est  noté 
de  bourreau  ou  de  maladroit,  et  ses  camarades  n  ont  pas  as- 
sez de  malédictions  et  de  moqueries  pour  punir  son  crime  par 
le  reproche  et  le  persiflage.  Voilà  coiumeiit  le  gibier  se  ton- 
serve  en  Allemagne,  où  la  chasse  ainsi  l'aile  ne  peut  le  dimi- 
nuer; el  si  nos  chambres  eii.ssenl  glissé  dans  la  récente  loi 
un  iielil  bout  d'arlicle  pénal  pour  enjoindre  le  respect  du  sexe, 
siiiis  peine  d'aiiieiide  et  de  prison,  pcnl-èlre  aurions-noUS 
I  e,s[ioir  de  repeupler  nos  bois  des  grandes  races,  qui  dispa- 
railront  bientôt  de  la  France  cuiiime  oui  disparu  du  vieux 
monde  les  animaux  antéuiluviens  (I). 

J'avoue  cependant  que  ce  genre  de  galanterie  est  fort  diffi- 
cile Il  pratiquer  pour  les  Français  et  pour  les  Russes,  qui 
n'ont,  pas  plus  les  uns  que  les  autres,  rhahiliide  de  res|)ecler 
les  dames...  parmi  les  animaux.  Nous  n'eûmes  jamais  que  des 
feinelli s  en  vue,  ou  du  nmins  à  puilée.  Les  mâles  fuyaient 
làclieineut  de  loin,  ou  se  cachaient  plus  làcliement  encore  di  i- 
rière  leiiis  toiiipaulies.  El,  celles,  nolie  cimlinence  fut  aii--i 
niéiitoiie  que  cel 
biche élégaule,  qi 
il  nos  coups,  et  v 
du  oiah'e  d'amoi 
lenlalion.  L'on  d 


iplnll. 


lailc   I Il 

ol  que  CCS  lille 


chaque  iiislanl,  quelq;,. 
relte,  s'offrait  impiinéin 
plus  cliarnianls  eniissn 
is  cœurs  aux  appâts  lic 
des  Èves  animales  du  pa- 
radis connaissenl  l'iirl  bien  aussi  les  pi  ivilejies  que  donnent  la 
faiblesse  et  la  beaule.  Elles  sont  curieuses  el  coqneltes  comme 
les  filles  d'Adam.  An  premier  bruit  qui  frappe  leurs  oreilles, 
au  premier  regard  qu'elles  jettent  sur  la  iiiachine  rmilante, 
elles  bondissent  avec  effroi;  on  croirait  que  leurs  petits  pieds 
agiles  vont  les  emporter  tout  d'un  trait  au  fond  des  taillis. 
Pas  du  tout  :  sûres  d'être  aperçues,  bientôt  elles  s'arrêtent, 

(1)  Dans  la  discussien  sur  la  Ini  rie  la  rlia'çe.  on  aurait  pn 
l'aire  valoir  une  iai>nn  qu'oui  iici;lif,ee  im^  li(;islal(  ms  :  c'est 
que,  .s'il  devient  aliunilaiil,  le  (jilocr  cesse  .l'èlie  le  |Mi\i'èi;e  de 
la  richesse,  el  eiiUe  ci.iiiinc  pailie  iinini  lalile  .lans  l'aoïiicllla- 
lieii  piililiqiie.  yii'ou  aille  a  \  iciiiie.  un  y  li. .encra  nii.'  I.i.inlie- 
iic  i.our  le  uiliicr,  i.ii  la  \iaiiilc  île  cerl  .'Sl  vcn.lii.'  mcins  cher 
,,n,'  la  viaiiili'  de  Inioit  eu  .!.■  iii.nilon  ;  el  lors  .les  (;r.iiiilcs  iiie- 
I  ie;  annuelles  ipie  t.. ni  leiis  l.'s  s.'igneuis  aulrici.iciis  ilims  leurs 
lines  I  iMu  lin  r  un  icv.nii  .lu  i:iliii'r,  eoiiiine  <lu  poisson  qu'on 
pêche  dans  un  elaiij;.  le^  plus' pauvres  gens,  à  dix  lieues  à  la 
romle,  peuvent  se  len.ili-r  de  lièvres  el  rie  perdrix. 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


23 


ri,  prenant  la  plus  gracieusr»  pose ,  la  plus  engageante  alti- 
Ude,  elles  allendent,  pour  bondir  encore,  que  le  chasseur 
rapproché  d'elle  puisse  admirera  son  aise  tons  leurs  attraits, 
(l'est  ainsi  qu'elles  s'éloignent,  recommençant  dix  fois  leur 
|ii!tit  manège  avant  de  disparaître,  et  semblables  à  la  Galalliée 
(le  Virgile,  qui  fuyait  aussi  vers  les  saules,  mais  qui  d'abord 
voulait"  être  vue  :  El  se  cupit  ante  viJeri 

Pendant  celte  longue  promenade  en  chariot  de  guerre,  nous 
ji'avions  fait  que  deux  rencontres  qui  ne  lusseiit  pas  du  gi- 
bier :  d'abord  celle  d'un  grand  troupeau  de  nmuliMis.  aussi 
nombreux  que  l'armée  de  Pentapoliu,  au  bras  retroussé,  qui 
venait  brouter  les  premiers  brins  d'herbe,  plus  précoces  dans 
les  pelouses  des  bois  que  dans  les  prairies  des  champs.  Le 
berger  de  ce  troupeau,  bien  abrité  dans  un  gros  carrik  à 
irente-six  collets,  Iricolail  gravement  une  paire  de  bas  de 
I  line,  tout  en  fumint  sa  longue  pipe,  joignant  ainsi  au  plaisir 
du  mari  le  travail  de  la  ménagère,  et,  tandis  qu'il  tenait  tendu 
:i  l'un  de  ses  bras,  dans  un  pot  de  terre,  le  repas  de  la  jour- 
née, sous  l'autre,  en  contre-poids,  il  portait  une  grosse  Bible  : 
celait  le  pain  du  coips  et  de  l'àme.  N'est-ce  pas  un  de  ces 
iraits  qui  peignent  tout  un  pays?  Ne  voil-on  pas  aussitôt 
combien  l'insliintiDn  primaire  y  est  libéralement  répandue, 
et  combien  les  doctrines  religieuses  y  sont  encore  prises  au 
sérieux'?  Peut-ê!re  que  notre  berger,  piétisle  ou  ralioimaliste, 
songeait,  entre  les  mailles  de  son  tricot,  soit  pour  les  mau- 
dire, soil  pour  les  glorilier,  aux  prédications  des  Ronge,  des 
C?.erski,  des  Post,  de  tous  ces  petits  Lntbers  qui  pullulent  en 
Allemagne,  annonçant  une  antre  ère  de  libre  examen,  et,  qui 
sait?  peut-èlre  une  réformalion  nouvelle,  peut-être  une  ré- 
volution politique  et  sociale. 

L'autre  remontre  était  encore  une  curieuse  étude  de 
mœurs;  mais,  hélas!  plus  aflli^eante  et  non  moins  prophéti- 
que de  futurs  bouleversements.  Avec  leurs  yeux  de  faucon, 
les  gardes  avisèrent  tout  à  coup,  i"!  travers  le  taillis,  un  pau- 
vre diable  de  paysan,  qui,  moins  déliant  qu'un  cerf  à  la  pâ- 
ture, chargeait  de  (euillesctd'herbes  sèches  une  petite  voiture 
à  bras.  En  un  clin  d'œil  il  fut  cerné,  traqué,  empoigné.  On 
lui  enleva  son  ri  eau  de  fer  pour  servir  de  gage  et  d'hypo- 
thèque à  ramende  que  lui  faisait  encourir  son  délit.  Notez 
c|u"il  n'avait  pas  même  fait,  lort  au  maître  de  la  terre 
Du  foin  que  peut  manger  une  poule  en  un  jour; 

car  il  n'enlevait,  pour  faire  litière  à  sa  vache,  que  des  objets 
sans  valeur,  abandonnés,  et  que  partout  ailleurs  on  laisse 
prendre  à  tout  venant.  Et  pourtant  ce  fut  en  vain  que  nous 
intercédâmes  en  sa  faveur,  que  nous  invoquâmes  la  généro- 
sité bien  connue  du  noble  comte  de  R.,  pour  désarmer  I  in- 
exorable rigueur  de  ses  agents.  Rien  ne  fit  :  en  Prusse,  la  loi 
est  une  consigne  militaire.  Ou  nous  apprit  même  que  le  dé- 
linquant payerait  une  amende  double,  non  pas  qu'il  lût  en 
état  de  récidive,  mais  parce  que  le  crime  était  commis  un 
dimanche.  Voilà  connnent  on  protège  à  la  fois  le  repos  obli- 
gatoire du  jour  saint  et  les  privilèges  de  la  sacio-sainle  pro- 
priété. Â  nous,  riches  et  oisifs,  le  droit  d'égorger  à  notre  aise 
les  animaux  des  bois,  pour  nous  repaître  de  leur  chair  déli- 
cate ;  à  lui,  pauvre  et  travailleur,  le  devoir  de  respecter  jus- 
qu'à l'herbe  llélrie  qu'ils  dédaignent  de  brouter;  pour  nous, 
même  le  dimanche,  tout  plaisir  permis  ;  pour  lui,  tout  travail 
défendu.  0  justice  humaine  !  quand  donc  ccsseras-lu  d'être 
absurde  et  dérisoire  ! 

Nous  étions  partis  au  point  du  jiuir.  Une  assez  forte  gelée 
blanche  argenlait  alors  sur  les  prairies  la  pointe  des  herbes 
naissanles,  et  le  soleil  s'était  levé  dans  un  ciel  serein,  mais 
pâle  et  décoloré.  C'était  un  autre  fâcheux  pronostic,  car  gelée 
elsoleil  du  matin  n'ont  jamais  réjoui  le  pèlerin  La  pluie  nous 
menaçait  pour  le  milieu  du  jour.  En  elTet,  à  peine  élions- 
iious  entrés  dans  la  propre  et  gentille  cabane  d'un  garde- 
chasse  pour  déjeuner  avec  des  tranches  de  saucisson  pressées 
entre  deux  tailines  de  beurre,  et  an  osées  de  fort  bonne  bière 
h  la  bavaroise,  que  les  gouttes  d'eau,  aidées  d'un  vent  vio- 
lejil,  commencèrent  à  cinjjler  les  vitres.  C'était  une  juste 
punition  du  ciel,  vengeur  de  l'homme  an  râteau.  6our  nous 
rappeler  au  sentiment  de  l'égalité  fraternelle,  il  nous  taisait 
voir  et  sentir  que  la  pluie  tombe  sur  tout  le  monde.  Nous 
reçûmes  avec  résignation  la  leçon  et  la  rosée  d'en  haut  ;  mais 
noire  chasse  n'en  fut  pas  même  reUirdée.  Il  s'agissait,  après 
déjeuner,  de  remplacer  le  pfihchrn  par  de  pelites  battues. 
Comme  l'esprit  d'un  pays  se  montre  en  toutes  choses!  Chez 
les  Russes,  brillants  et  prodigues,  j'avais  vu  ras-embler  une 
année  de  deux  à  trois  cenis  hminncs  pour  fouler  des  encein- 
tes de  lièvres.  Économes  el  siinpli's,  b's  .Allemands  ne  con- 
naissent pas  ce  luxe  inutile.  Mais  si  j.miis  voisins  du  nord,  en 
cela  comme  en  tout,  dépassent  la  limite  du  trop,  peut-être 
restent-ils  à  leur  tour  en  deçà  de  la  limite  du  trop  peu.  Trois 
gardes,  et  voilà  tout,  s'étaient  réunis  pour  nous  battre  le  bois 
et  traquer  du  grand  gibier.  X  la  vérité,  l'un  lenail  au  bout 
d  une  (icelle  un  petit  chien  qui  pouvait  passer  pour  quatrième 
rabatteur;  on  l'appelait  IMinnenI,  je  me  le  rappelle,  du  terme 
qu'emploient  nos  piqiieurs  en  France  pour  appuyer  les  chiens 
courants.  Ce  Bellement  ne  payait  pas  de  mine,  et  je  ne  sais 
trop  à  quel  genre,  espèce  ou  variété  de  la  race  canine  on 
pouvait  le  rattacher.  Il  était  cauleur  de  cannelle,  petit,  mai- 
gre, l'oreille  courte,  l'œil  éteint.  Il  lenail  la  queue  entre  les 
jambes  et  Rrelottail  de  tous  ses  membres,  comme  s'il  eût  eu 
la  lièvre  tierce. 

Nous  partinies'en  cet  équipage,  trois  tireurs,  trois  batteurs, 
avec  le  petit  chien  par-dessus  le  marché,  et  la  chasse  com- 
mença presque  à  la  porte  de  la  maison.  Quelque  étroites  et 
resserrées  que  fussent  nos  enceintes,  toujours  trop  grandes 
pour  si  peu  de  monde,  elles  étaient  mal  foulées  d'un  côté,  el 
jihis  mal  gardées  de  l'autre.  Presque  yiarlout  nous  trouvions 
du  uibier,  et  maintes  fois  le  fausset  aifiu  de  Bellement,  qui 
donnait  deux  ou  trois  coups  de  gueule  sur  un  chevreuil  lancé 
à  vue,  et  le  double  à  peu  près  sur  un  cerf,  nous  avertit  d'ap- 
prêter l'œil  el  la  m;iin.  Mais  rien  ne  sortait  sur  nous;  c'était 
à  droite  ou  à  gauche,  devant  ou  derrière,  trop  tôt  ou  trop 
lard,  jamais  à  point.  Quelquefois  cependant  nous  entendions 
le  bruit  lointain,  si  reconnaissable  et  si  doux  à  l'oreille  du 


chasseur,  d'un  petit  galop  sur  la  feuille  morte,  quadrupedan- 
tem  sonilum.  Le  bruit  se  rapprochait,  une  ombre  fauve  glis- 
sait à  travers  les  arbres  ;  nous  étions  en  joue,  le  doigt  sur  la 
détente...  Pas  plus  de  cornes  que  sur  ma  main.  Lue  biche 
ou  une  chèvre  !  C'était  à  se  donner  au  diable.  El  les  heures 
s'en  allaient  ainsi,  et  le  soir  venait,  el  nous  n'avions  pas  en- 
core brûlé  une  amorce.  Mais  l'espérance ,  qui  suit  l'homme 
jusqu  au  tombeau,  n'abandonne  le  chasseur  qu'à  la  nuit  close. 
EiiUn,  d'enceinte  en  enceinte,  nous  arrivâmes  à  un  endroit 
que  je  reconnus  aussitôt  pour  y  avoir  l'ait  chasse  une  fois  pré- 
cédente. C'était  un  semis  de  jeunes  pins  de  huit  à  dix  ans, 
plantés  si  près  l'un  de  l'autre,  et  poussés  si  dru,  qu'ils  res- 
semblaient aux  pieux  d'une  palissade.  Je  n'ai  pas  souvenir 
d'avoir  jamais  vu  fourré  plus  épais,  plus  impénélrable.  On 
me  plaça  dans  une  clairière,  presque  au  centre  de  ce  fourré, 
longue,  étroite,  et  semblable  à  une  langue  de  pré  plantée  de 
quelques  futaies.  La  battue  se  fil.  Déjà  l'entendais  le  sifllole- 
ment  des  gardes  rapprochés  de  moi,  et  les  coups  (pi  ils  don- 
naient sur  les  troncs  d'arbre  avec  un  court  bàlon.  l)é|i'i.  Bel- 
lement était  venu  se  récbaulTer  un  instant  entre  mes  Ijolies; 
il  n'y  avait  plus  rien  à  attendre  de  cette  enceinte.  La  pluie 
tombait  toujours,  non  (las  à  verse,  mais  avec  une  régularité 
et  une  obstination  désespérantes.  Adossé  contre  un  gros  arbre 
iMiur  m'ahriter  un  peu,  et  cai.bant  sous  mon  estomac  couibé 
les  batteries  de  ma  carabine,  je  me  tenais  tantôt  sur  un  pied, 
tantôt  sur  un  autre,  comme  une  dinde  au  perchoir.  Dans  ce 
gîte  en  plein  venl,  liésespéiant  de  la  chasse,  ou  du  moins  de 
la  battue,  je  songeais, 

Car  que  faire  en  un  gîte  à  moins  que  l'on  ne  songe, 

par  quel  singulier  concours  de  circonstances  un  Français 
venant  du  nord  et  un  Russe  du  midi  s'étaient  rencontrés  pour 
chasser  à  Berlin.  Les  événements  de  la  vie  des  hommes,  me 
disais- je,  s'engendrent  comme  les  hommes  eux-mêmes;  ils 
naissent  les  uns  des  autres  par  une  filiation  sans  fin,  par  une 
série  de  causes  et  d'effets  qui  remontent,  comme  les  généra- 
tions humaines,  jusqu'au  premier  jour  de  la  création.  Voyez 
quelles  immenses  racines  un  seul  homme  projette  dans  le 
passé  de  l'humanité  tout  entière!  Chacun  de  nous,  n'est-il 
pas  vrai,  a  deux  grands  pères  et  deux  grand'mères,  lesquels 
avaient  aussi  chacun  quatre  aïeux.  Cela  fait  déjà  seize  ancê- 
tres à  la  quatrième  génération.  Continuez  le  calcul,  el  vous 
trouverez  avec  une  sorte  d'épouvante  la  même  progression 
que  celle  du  grain  de  blé  que  l'inventeur  des  échecs  deman- 
dait pour  sa  récompense,  multiplié  par  les  cases  du  damier. 
Toutes  les  terres  du  roi  de  Perse  n'eussent  pu  fournir  une 
telle  récolte.  Évaluez  aussi  les  ancêtres  d'un  homme,  en  fai- 
sant seulement  remonter  son  origine  jusqu'à  l'ère  chrétienne, 
el  sans  comnter  par  siècle  plus  de  trois  générations,  vous 
verrez  que  des  millions  d'hommes,  échelonnés  comme  les 
degrés  d'une  pyramide  qui  toujours  élargirait  sa  base,  ont 
coopéré  à  la  naissance  de  cet  homme  placé  au  faite  de  la  py- 
ramide ;  vous  verrez  en  même  temps  que  le  corps  universel 
des  êtres  nos  semblables  qu'on  appelle  l'humanité,  se  com- 
pose d'une  multitude  infinie  de  pyramides  semblables,  mêlées 
el  entrelacées  les  unes  dans  les  autres,  formant  les  familles, 
les  nations  et  les  races.  Quelle  preuve  plus  forimlle,  quel 
témoignage  plus  magnifique  de  la  fraternité  humaine?  Nous 
ne  sommes  pas  seuieincnl  tous  semblables,  nous  souunes  lous 
parents.  Ainsi  naissent  el  s'encbainenl  les  événements  susci- 
tés par  la  ProviJence.  Qui  voudrait  découvrir  la  cause  pre- 
mière de  la  rencontre  fortuite  d'un  Russe  el  d'un  Français 
chassant  en  Prusse,  devrait  remonter  le  cours  des  âges  el  la 
lilialion  des  choses  jusqu'à  la  naissance  du  mimde,  el  par 
delà,  puisque  la  création  elle-même  n'est  qu'un  effet,  puis- 
qu'une cause  antéiieure,  effet  peut-être  à  son  tour,  et  pro- 
cédant d'une  autre  cause  perdue  dans  les  profondeurs  de 
l'éternité... 

J'en  étais  là,  perdu  dans  les  profondeurs  de  ma  réflexion, 
lorsque  j'entendis  loul  à  coup  derrière  moi  un  léger  frôlement 
sur  la  mousse.  Je  me  retourne  :  c'était  un  énorme  sanglier, 
qui  traversait  sournoisement  la  clairière,  venant  du  bois  où 
l'on  ne  chassait  pas  pour  entrer  au  bois  où  l'on  chassait. 
Pourquoi  celo?  je  n'en  sais  rien,  el  ne  me  mis  pas  plus  en 
peine  alors  qu'aujourd'hui  de  résoudre  le  problême.  J  empoi- 
fiuai  ma  carabine,  el  fis  feu  lesleineiil  sur  la  bêle  quand  elle 
disparaissait  dans  l'épaisseur  du  buis. 

(juoique  tiré  au  jugé,  le  coup  fut  heureux.  Comme,  à  la  vue 
de  mon  rapide  mouvement,  le  ntbirrnoir  avait  fait  un  qnait 
de  conversion  pour  s'êluifiner  plus  vite  en  me  tournant  le  dos, 
ma  balle  le  fiappii  de  biais  dans  les  reins,  etpênêlni  sous  les 
côtes.  Cependant  il  coiiliiHia  sa  course  sans  p;iiailre  seule- 
ment efdeuré.  .Mais  bieiitnl,  aux  cris  obstinés  de  Belleiuenl, 
qui  s'était  jeté  viiilliiiiiiiieiit  à  sa  poursuite,  je  compris  (pi'aii 
lieu  de  faire  tonl  droit  sii  percée,  il  tournait  dans  le  buirré  de 
la  battue.  Evidemment  il  était  blessé.  Presque  aussitôt  j'en- 
tendis qu'il  faisait  fort.  Bellement  hurlait  avec  une  fureur  dé- 
sespérée. C'est  le  devoir  de  loiit  chasseur  d'aller  au  fort, 
comme  de  tout  général  d'armée  ir;ivancer  an  bi ml  du  canon. 
Je  m'élançai  dans  le  bois  avec  tonte  l;i  célêiilé  et  toute  rêiier- 
gie  que  peut  donner  à  un  invalide  la  lièvre  de  la  passion. 
Mais,  hélas!  comment  percer  toutes  ces  bariieades  ipie  miqi- 
posail  répais.se  plantation  de  pins?  A  la  façon  d'un  baigneur, 
qui  se  repose  et  reprend  des  forces  en  nageant  allernalive- 
roenl  sur  le  venlre  et  sur  le  dos,  j'enfonçais  el  me  poussais 
dans  le  fourré,  tanlôl  le  nez  en  avant,  tantôt  le  nez  en  arrière. 
Mais  vainement  jo  m'écorchais  les  mains  pour  m'oiivrir  pas- 
sage ;  vaineineiil  je  donnais  lèle  baissée  dans  le  taillis  comme 
un  taureau  de  course  sur  la  lance  du  picador:  vainement 
j'exposais  mon  visasie  aux  souffiits  des  branches  décharnées, 
re^'ardant,  après  chaque  effort,  si  je  ne  laissais  pas  un  de  mes 
yeux  au  boul  de  quelque  épine;  je  n'avançais  qu'avec  une 
lenteur  désolante.  J'avançais  pourtant;  el ,  malgré  le  bruit 
d'une  marche  quiélail  un  véiitable  assaut,  le  sanglier  et  le 
pelil  cliien  étaient  si  fort  occupés  l'un  de  l'aulre  qu'ils  me 
laissèrent  arriver  justjii'an  près  deux.  J'approchai  à  dix  pas  du 
champ  de  bataille.  Bellement  aboyait  dans  mes  jambes ,  et 
j'entendais  le  sourd  grognement  de  l'ennemi  acculé  dans  sa 


forteresse.  Enfin,  soit  qu'il  eût  aperçu  ou  senti  le  puissant 
renfort  qui  arrivait  au  ctnen,  le  sanglier  battit  en  retraite.  Je 
vis  une  masse  noire  rouler  dans  le  fourré,  écartant  el  pliant 
les  arbres  comme  s'ils  eussent  été  des  joncs.  Je  levai  rapide- 
ment ma  carabine,  et  mis  la  crosse  à  l'épaule;  mais  toute  la 
forte  que  me  prêtaient  la  rage  et  le  désespoir  ne  put  me  laire 
abaisser  le  canon,  qui  resta  empètié  dans  Its  branches,  el, 
sans  avoir  essuyé  luon  feu,  l'animal  blessé  dispaïut. 

Je  me  remis  à  sa  poursuite.  11  avait  nouveau  traversé  la 
clairière  pour  retourner  à  son  lancé,  où  Bellement  le  suivait, 
toujours  abovant,  loujouis  acbainé.  Là,  il  lut  rencontré  par 
mon  compagnon  de  cbiisse,  qui  lui  logea  ses  deux  balles  dans 
le  corps,  sans  pouvoir  toutefois  lariêler.  Lorsque  j'arrivai, 
tout  haletant,  de  ma  nouvelle  course  à  travers  Lois,  je  trou- 
vai dans  la  clairière  mon  ami  qui  chargeait  son  lusil  el  me 
nionlrail  le  fourré  voisin,  où  l'animal  faisait  fort  une  seconde 
lois.  J'y  pénétrai.  Quel  S|iettacle,  ô  triple  déesse!  Assis  cen- 
tre un  gros  arlire,  dans  la  posture  du  sanglier  antique  de 
Horence,  le  poil  hérissé,  l'œil  en  feu,  la  buie  baissée,  jetant 
par  sa  bouche  entr'ouverte  une  écume  sanglante,  preuve  de 
sa  douleur  cl  de  sa  rage,  notre  sanglier  iberchail  à  frapptr 
de  ses  terribles  défenses  ce  faible  et  méprisable  ennemi,  qui 
pourtant  ne  le  laissait  vivre  ni  mi  urir.  Levant  lui,  ai.tour  de 
lui,  sur  lui.  Bellement  se  multipliait  et  l'attaquiiil  par  lous 
les  côtés,  comme  eût  l'ait  une  mente  entière,  ('e  pauvre  ro- 
quet, naguère  si  piteux,  était  devenu  le  plus  brillant  héros, 
il  avait  grandi  de  cent  coudées.  Couvert  aussi  de  sang,  mais 
du  .sang  de  l'ennemi,  agile  pour  la  ch;rrge  et  pour  la  letiaile, 
déployant  une  hardiesse,  une  valeur,  une  témérité  qu'égalait 
seuil: ment  son  adresse  à  parer  les  coups,  il  harcelait  sans  re- 
lâche son  formidable  adversaire,  qu'il  mordait  aux  cuisses,  à 
la  nuque,  aux  oreilles,  au  museau.  J'étais  à  quinze  pas  du 
groupe,  et  je  ne  pouvais  tirer,  crainte  de  frapper,  avec  l'é- 
norme animal,  son  cliétif  et  généreux  assaillant.  C'tûl  été 
bien  pis,  ma  foi,  que  de  tuer  une  biche;  et  de  ma  vie  je  ne 
me  fusse  consolé  d'un  tel  coup.  Mais  enfin,  jetant  loin  de  lui, 
par  une  violente  secousse,  le  petit  chien  qui  s'éluit  pi  ndu  à 
son  oreille,  le  sanglier  se  découviil,  tlma  balle,  aussilêt  liiée 
en  pleine  poitrine,  le  traversa  de  part  en  part.  Il  bondit  en- 
core, tourna  de  mon  côté  son  œil  ai  dent  comme  un  cbai  bon 
rouge,  et  s'élança  sur  moi  avec  furie.  Mais,  au  boul  de  trois 
pas,  il  tomba  sur  les  genoux  el  le  groin,  puis  sur  le  flanc,  et 
bientôt  les  élancements  convulsifs  de  ses  quatre  membres 
m'annoncèrent  qu'il  était  expiré. 

Tout  le  monde  accourut  à  ['hallali.  «  C'était  un  rusé  co- 
quin, disaient  les  gardes,  qui  avaient  reconnu  la  bête;  il  nous 
a  bien  des  fois  échappé.  »  Ru.sé  ou  non,  il  paraissait  du  moins 
très-fort  et  très-redoutable.  C'était  un  solitaire  qui  avait  dé- 
pas.sé  son  tiers-an  ;  el  quand  on  examinait  ses  deux  paires  de 
défenses,  bien  aiguisées  chaque  jour,  pointues  et  coupantes 
sur  les  deux  Lords  tomme  un  poignard  à  deux  tranchants, 
on  s'elîrayait  des  dangers  qu'avait  courus  dans  celle  longue 
bataille  le  pauvre  petit  Bellement.  Pour  lui,  salisfaitmais  non 
vain  de  la  victoire,  il  s'était  couché  près  du  monstre,  et  lé- 
chait paisiblement  ses  pattes  souillées  de  sang  el  de  fange. 
On  amena  le  chariot  du  matin  pour  empor  1er  le  corps  de  la 
victime,  llanquée  bientôt  après  de  deux  chevreuils  que  nous 
tuâmes  ensuite  mon  ami  et  moi;  puis,  le  soir  venu,  munis 
d'un  certificat  en  bonne  forme,  dùiiicnt  parafé,  scellé  et  tim- 
bré, qui  établissait  la  légitime  oiii:ine  de  nos  trois  dépouilles 
oiiiines,  nous  francbimes  la  bairiêre  de  Berlin,  sans  risquer 
a  être  pris  pmir  des  braconniers  fraudeurs,  et  nous  allâmes 
de  ce  pas  oITiir  au  comte  de  B.,  comme  jadis  Méléagre  à  la 
belliiiueuse  Atalanle,  la  bure  du  sanglier  de  Calydon. 

Lous  VIABDOT. 


Il»  Perse* 

(I)(îuxiètne  et  Ucrnier  article.  —  Voir  t.  VITl,  p  7.) 

Mécbed,  capitale  du  Kborassan,  n'a  d'antre  importance 
que  celle  que  lui  ont  donnée,  à  diverses  époques,  les  guerres 
intestines.  Sa  population  passe  pour  Irês-faralique. 

Khoûrn  est  une  ville  sainte;  elle  possède  les  restes  de  Fat- 
mé,  petite-fille  d'Ali,  et  la  coupole  d'or  qui  siii  monte  le  mau- 
solée consacré  à  sa  mémoire  guide  'es  nombreux  crevants 
qui  y  viennent  en  pèlerinage  des  frontières  les  plus  éloignées 
de  la  Perse. 

Fetli-Ali-Cbàb  s'était  choisi  ce  lieu  vénéré  pour  sépulture; 
el  autant  par  piété  que  pour  se  rendre  favorabbs  les  imans 
gardiens  de  ce  sanclnaire,  il  l'enrichit  par  des  dons  magnili- 
(pres.  Ce  fut  lui  qui  fit  recouvrir  la  coupole  de  plaques  d'or, 
cl  lit  ciseler  la  pente  d'argent  massif  devant  laquelle  s'age- 
nouillent les  pèlerins.  La  tombe  royale,  beaucoup  plus  mo- 
deste, ne  se  reconnaît  qu'à  la  ligure  du  roi,  sculptée  en 
albâtre,  el  couchée  sur  un  lit  de  semblable  matière,  à  la  ma- 
nière de  nos  tombeaux  du  moyen  âge. 

Kachan  ,  ville  populeuse  el  manufacturière,  est  en  outre 
remarquable  par  ses  bizars  et  ses  bains. 

La  plus  grande,  comme  la  plus  belle  des  villes  de  la  Perse, 
est  Ispaban;  bien  déchue  de  sa  gloire,  au  temps  des  sophis  , 
elle  a  conservé  cependant  un  air  de  capitale.  (Voir  la  gra- 
vure )Ses  vastes  mosquées,  à  connoles  brillantes  d'émail,  aux 
minarets  élancés;  ses  immenses  bazars;  ses  palais,  dont  les 
ruines  sont  encore  .somptueuses;  sa  grande  place  du  Cbâii; 
ses  promenades;  ses  ponts;  son  lleuve  ;  loul  altiste  le  rang 
qu'occupa  Ispaban,  el  relui  que  ses  ouvrages  d'art  lui  con- 
servèrent encore  loiiptrmps,  eu  Orient. 

Malheureux  ineiil  b  ^  bazars  y  sont  déserts,  et  les  boutiques 
aussi  rares  que  les  aelieleiirs;  de  nombreuses  émigrations,  le 
cliangemenl  de  résidence  du  souverain,  la  guerre, .ont  con- 
tribué à  diminuer  la  populaliim  et  à  accroître  Us  ruines;  — 
plusieurs  mosipiiies  se  sont  écroulées,  el  le  manque  d'argent, 
rins'oucianre  du  Chah,  les  ont  fait  abandininer.  Il  n'est  pas 
jusqu'au  (Aalais  de  Cliâh-Abbas,  monument  de  la  (jloire  d'une 
puissante  famille  de  princes,  qui  ne  se  ressente  de  la  déca- 
dence de" ce  pays  malheureux. 


2'. 


LULUSTIUTION,  JOUftNAL  UNlVEllSEL. 


HCependant ,  souâ  les  ombra- 
ges des  grands  arbres  sécu- 
laires, presque  ignorée  au  mi- 
lieu des  ruines,  se  cache  une 
modeste  retraite  que  son  hum- 
ble apparence  traiiit  à  peine. 
Créée  par  un  fils  de  Feth-Ali- 
Chiih,parleprinceLefid-Doviet- 
Mirz,  cette  charmante  habita- 
tionrentérmetout  ce  que  l'ima- 
gination, aidée  d'un  art  habile, 
pouvait  enfanter  de  plus  déli- 
cat et  de  plus  galant;  cet  ermi- 
tage d'un  épicurien  consiste  en 
un  parterre  semé  des  plus  bel- 
les Heurs ,  qui  répandent  les 
parfums  les  plus  suaves  ;  il  pré- 
cède un  appartement  mysté- 
rieux, dans  lequel  le  jour  ne 
parvient  à  faire  entrer  quelques 
laibles  rayons  qu'au  travers  de 
dessins  déliés  et  élégants  de 
vitraux  colorés  et  découpés  en 
forme  de  bouquets  gracieux.  Le 
pied  le  plus  délicat  y  foule  si- 
lencieusement des  tapis  à  la 
mollesse  desquels  il  ne  saurait 
laire  le  moindre  reproche  ;  de 
jolies  peintures  y  mléresseni 
l'œil  le  plus  paresseux;  de  petits 
coins  bien  sombres  et  bien  tran- 
quilles y  invitent  au  repos,  et 
quand  on  s'assoupit  dans  cette 
charmante  cellule,  on  y  rêve 
de  fées  et  de  houris;  on  se  berce 
de  doux  songes  qu'enfantent  le 
silence  et  les  ravissants  objets 
dont  on  est  entouré. 

Un  pannneau  se  lève,  une 
nouvelle  salle  apparaît,  le  rêve 
continue.  C'est  le  séjour  de  la 
beauté,  le  bain  où  les  amours 
vont  tremper  le  bout  de  leurs 
ailes.  Un  uassin  rempli  d'une 
«au  limpide  et  pnjfonde  reçoit 
dans  son  bain  seize  cariatides 
groupées  par  quatre  et  qui  sup- 
portent quatre  coloimes  dejgla- 


ces  et  d'or;  au  milieu,  un  jet 
d'eau  étale  son  éventail,  dont 
les  gouttes  éparpillées  rafraî- 
chissent les  dalles  de  marbre  ; 
partout  des  peintures,  des  mo- 
saïques, des  miroirs  répétant  a 
l'envi  les  détails  de  ce  réduit 
enchanté.  Telle  est  la  demeure 
d  un  Persan,  disciple  d'Hadz, 
qui,  fuyant  la  dévastation  et  la 
misère  éparses  autour  de  lui, 
s'est  fait  un  petit  paradis  sur 
cette  terre. 

La  grande  mosquée  est  la 
plus  belle  et  la  plus  vaste  qui 
soit  en  Perse.  Ede  est  surtout 
remarquable  par  les  mosaïques 
d'émaux  et  les  sculptures  en 
albâtre  qui  la  décorent.  (Voir 
la  gravure.) 

Parmi  les  admirables  travaux 
dus  aux  successeurs  de  Châli- 
Ismail,  il  faut  citer  les  ponts 
hardis  et  élégants  jetés  sur  le 
Zendih-Voud,  rivière  peu  pro- 
fonde, maisidonlles bords  plats, 
submergés  au  printemps,  ont 
nécessite  que  ces  ouvrages  fus- 
sent exécutés  dans  des  propor- 
tions très- allongées.  Les  plus 
remarquables  sout  celui d'i4/o- 
veriii-Khan  ,  et  de  Poul-h'ad- 
jiou.  Quelques  légères  différen- 
ces ont  été  apportées  dans  leur 
construction;  mais  tous  deux 
sont  horizontaux  ,  garnis  de 
chaque  côté  de  hautes  murail- 
les (voir  la  gravure),  dans  l'é- 
paisseur desquelles  sont  percées 
des  arcades  communiquant 
avec  une  galerie  latérale  qui 
domine  la  rivière.  Les  piétons  y 
passent,  et  les  habitants  se  plai- 
sent à  venir  y  prendre  le  frais. 
Le  premier  de  ces  ponts  donne 
passage  à  l'eau  par  trente- 
quatre  arches;  le  second  est  plus 
court  et  repose  sur  vingt  et 


I 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


pars 


èbres. 


iinearcl.es:  il  a  de  plus  que  l'autre  une  galerie  inférieure  au  |  ses  habitanls  un  grand  nombre  de 
nivsaii  Ail  heiivp  0"  adqrateurs  du  feu. 

Kerman  et  Yevd  sont  des  villes  industrieuses  qui  fabriquent        Hamadan,  l'antique  Ecbatane,  est  une  ville  aiiiourd  liui  de 
des  dXset  des  étoivk  de  soie.  La  seconde  compte  parmi  |  très-mince  importance.  A  part  quelques  débris  de  peu  dm- 


(Corlppe  d  i  rhdl     Uani 


térèt,  maisqui  révèlent  son  âge 
reculé,  ce  quelle  offre  de  plus 
intéressant  est  le  tombeau  d'Es- 
theret  de  Mardochée.  Il  s'é- 
lève au  milieu  des  masures  à 
demi  ruinées  du  quartier  juif, 
sur  une  petite  place  où,  à  cer- 
taines époques  de  l'année,  ac- 
courent de  tous  les  points  de 
l'Asie,  les  pèlerins  qui  croient 
à  l'autlienticité  du  mausolée. 
Kermanchàh  est  une  ville 
frontière,  à  une  journée  de  la 
province  de  Bagdad:  elle  n'au- 
rait rien  d'intéressant  à  offrir, 
si  elle  ne  se  trouvait  dans  le 
voisinage  d'un  monument  très- 
curieux  de  l'époque  des  Sas- 
sanides,  qui  porte  le  nom  de 
Tdgh-i-Bortan,  et  consiste 
en  deu.x  grottes  dont  les  pa- 
rois sont  ornées  de  sculptures 
très-curieuses.  Kermancliàli 
est  le  passage  des  caravanes 
qui  se  rendent  sur  les  bords  de 
lEuplirate  et  transportent  les 
corps  embaumés  des  person- 
nages qui  veulent,  par  dévo- 
tion, être  mis  en  terre  sainte,  à 
Kerbelah,  qui  est  le  lieu  de  sé- 
pulture, et  où  se  trouve  la  mos- 
quée de  Hussein,  fils  à'Ali,  ce 
grand  saint  desSchj/îtopersans. 


(Cortège  du  chah  allant  à  la  grande  raosiîuéc.") 


.Le  voyageur  qu.  suit  la  grande  route  d'.spalian  au  golfe  ,  nides,  et  les  6-ndes  scul^^^^^^^^^^^^^  les  fabuleux  ex-  |  JO-^P-fX^^-'-.t^  P'^^S^U^^^^^^^^^^ 

&l,KiÊes";VKr«^^^^  I  ^'t itllSl'ili'^rcïXVet  L^rdette  ville  a  ton-  |  SL^Vs armes  qu'on  ylbrique  jouissent  dLe  grande 


26 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


riîpnlation  dans  ce  pays.  Sous  le  règne  de  1  usurpateur  ha- 
rim-tOian,  elle  deviut  la  capilale  du  royaume  ;  et,  à  d  autres 
époques  rap|)nicliées,  elle  fut  le  centre  de  conspirations  lor- 
mées  contre  l'autorité  du  mm 
Cliira/.  s'eiioryueiMit  :i  j"--!' 
un  gran'l  nomlire  d'ériu 


OU  coiiip' 
Siadi,  ilo 
leur  fîliiii 

li-l,M|.nil 
leur  vlll.' 
sullMilr  , 
eloiiilï!  le 
râleur 


linic 

iir  (liinné  naissance  à 

hlc^,  [larmi  lesi|uels 

l'Iriiirv  |i(i(''lrs  (ir  l'Orienl,  llatlz  l't 

,,"ivn-,lr,Hhrii  'S  Cl  iriiiMi<,  ii'niil  |.,iO;M>sé 

,lll,rir  ,1  IKilrr  pj)-.    I.Hlls  s    |illllllIV^  silllt  le- 

,il„■l■M■■l■^.I.Hl^  d;'■^  |,ciiUos  vuibius  di;rt  iiiurs  dc 
r,  Crllc  il  '  S.iiili,  un  peu  plus  éloignée,  reste 
h, Ml  il.'-,  î  (iiir.  s  ei  (les  liei'bes  sauvages  qui  ont 
is  niUi'Iriiiii's  luilis  par  la  piélé  de  ses  adini- 
iilii'  (II',  m  iiiiiv  .1  piiii'  tout  ornement  quelques- 
un,-:,  de  ses  slidjiln's  les  pins  ivuMiqil.ililes. 

La  séiMiltme  dUalii,  au  coiilr.iiie,  est  au  milieu  d  un  vaste 
cinietière  planté  de  cyprès,  de  pins  et  d'oiaufjers,  près  d'un 
kiiisqne  éléi^ant.  De  lieu  n'a  nullement  l'aspect  triste  d'un 
chauip  fnnelire;  il  e.t  le  rendez-vous  des  promeneurs  qui 
vieunenl  y  fumer  le  kaUioun,  en  feuilletant  et  récitant  lespa^es 
du  livre  immortel  du  poiile,  conlié  îi  la  garde  d'un  mollah. 

Le  caractère  île  ces  deux  hommes  remarquables  semble, 
comme  une  ombre,  errer  autour  de  leurs  tombes.  Saadi,  mo- 
raliste, avait  un  petit  cercle  de  disciples  dévoués  que  sa  mo- 
rale n'elTraviil-  pas,  et  qui  se  plaisaient  dans  ses  sérieux  en- 
tretiens. Hàliz,  véritable  Cliirazien,  adonné  au  plaisir,  s'eni- 
vrant  des  jouissances  de  ce  monde,  en  espi^rant  les  joies  pro- 
mises dans  l'autre  aux  vrais  croyants,  était  plus  fait  pour 
plaire  aux  Persans,  et  devait  attirer  autour  de  lui  une  foule 
de  jeunes  adeptes  qui  reculaient  devant  la  sévère  philosopliie 
de  son  rival. 

De  même  ani«iird'lini,  quelques  rares  promeneurs  passent 
la  porle  ihi  loin  iraii  dr  S  laili, lis  qu'un  pius  grand  nom- 
bre n'allant  |us  jusipir-lii,  s'anvimit  pour  perdre  quelques 
heures  en  c.iiiseries  Irivules  près  du  marbre  funéraire  du  phi- 
losophe épicurien.            .  ,       .  •./,■■ 

Parmi  les  autres  cnnosités  qui  sont  aux  environs  de  thiraz, 
on  peut  justement  compter  la  tour  des Mamacenis  :  le  gou- 
verneur d'Ispahan,  Mannulcher-Khan  avait  clé  chargé,  il  y  a 
quelques  années,  dedirig(U-  une  expédition  militaire  dans  les 
montagnes  entre  Chiraz  et  Chouchter,  refuge  hahiluel  des 
Mamacenis,  dont  les  meurtres  et  les  brigandages  avaient  à  la 
tin  éveillé  la  justice  et  la  sévérité  du  gouvernement.  Elant 
parvenu  à  les  forcer  dans  leurs  retraites,  et  à  en  faire  quel- 
ques-uns prisonniers,  M iiMulcher-Khan,  pour  imprimer  la 
terreur  à  leurs  çiiai|ii;:niiiis,  et  leur  ôler  l'envie  de  reprendre 
le  cours  de  leur  vu'  criminelle,  eut  la- barbare  idée  de  faire 
construire,  dans  la  plaine  Ue  Chiraz,  et  près  des  portes,  une 
tour  dans  les  murs  de  laquelle  étaient  réservées  autant  de 
niches  qu'il  avait  de  captifs,  et  il  les  y  lit  placer  en  les  ma- 
çonnant avec  de  la  chaux.  On  avait  pratiqué  à  la  hauteur 
de  chaque  tète  un  trou,  alin  qu'on  pût  voir  sur  les  visages  de 
ces  malheureux  les  horribles  sonIVrances  que  la  douleur  et 
la  faim  l.nir  l'aisaii-nt  ouilurer.  Aujourd'hui  quelques  débris 
de  crimes  et  quelques  lanilieaiix  de  vêlements  se  voient  en- 
core dans   ces  .iiivcrliiies ,  el  le  voyaseur,  étranger  à  ces 


sortes  de  spi'ia 
delà  jinli.i'  Il 
Beuiler  li  m 
nature  a  piu 
prouve  ciioibii 
lages  sur  ei'ip 
d'ailleurs  l'ot 


,  l'ré'uit  en  faisanl  le  tour  de  ce  monument 
ilun  gouverneur  persan. 
■.,1  nu  petit  port  sur  le  golfe  Persiquo.  La 
iiiir  lui,  el  le  choix  de  son  emplacement 
si  ilifllrilc  de  trouver  de  meilleurs  niouil- 
iiihiis|iilalière.  Les  Européens  y  viennent 
lient,  el  tout  le  commerce  de  l'Inle  ou  de 
l'Arabie  se  fait  presque  exclusivement  par  le  moyeu  degran- 
d  'S  barques  arabes  ipii  vont  îi  Bombay,  Mascate  et  Bassorah. 
Chiui-hter  est  une  ville  qui  depuis  longtemps  passe  pour 
Mre  l'ancienne  Su'ze  ;  cepemlaut  la  grande  quantité  de  ruines 
que  l'on  trouve  dans  les  environs  de  Dizfiil,  qui  en  est  dis- 
taule d'une  |ournée,  doivent  faire  penser  que  ce  sérail  là  plii- 
I6t  qu'aurait  été  la  capitale  de  l'antique  Suziaune.  Là  est  le 
tombeau  de  Daniel.  ,      „. 

Bender-Abbas  est  un  autre  port  qui  n  a  pas  plus  d  impor- 
tance que  Bender  Bichir.  Plus  voisin  de  Bombay  (|ue  celui- 
ci,  il  doit  à  celte  cause  d'èlre  plus  fréquenté  par  les  navires 
arabes  qui  font  le  cabotage  entre  la  côte  de  l'InJe  et  celle  de 
Perse. 

De  même  que  le  royaume  de  Perse  peut  se  diviser  terri- 
torialemeut  en  trois  zones  distinctes,  variant  de  climat,  d'as- 
pect et  (le  productions,  on  peut  aussi  partager  sa  population 
eu  (piatre  grandes  classes  de  ciloyens,  dont  les  allributions 
dilT  M-eiit  essentiellement  et  se  perpétuent  généralement  dans 
les  familles. 

l,a  première  de  ces  classes,  celle  à  laquelle  Ions  rendent 
hommage,  et  qui  a  le  pas  sur  les  autres,  est  celle  des  Mollahs 
ou  prèlres,  et  des  savants.  La  seconde  comprend  les  Mirzas 
ou  écrivains;  les  hommes  d'Elalsont  généralement  pris  dans 
cette  classe,  à  l'excepiion  du  premier  minisire  ou  vizir  qui, 
étant  l'homme  de  confiance  du  souverain,  peutèlre  choisi  par 
lui  parmi  les  Mollahs,  comme  celui  qui  a  le  pouvoir  aujmir- 
d'bui,  ou  parmi  les  IChaus  et  les  hommes  d'épée.  La  troi- 
sième classe  est  celle  des  Serbaz  ou  militaires;  et  la  qua- 
trième si'conipiisi'  de  hms  ceux  qui  travaillent  dejeurs  mains, 
que  l'on  iioinme  Kacis,  comme  les  cultivateurs,  les  artisans, 
1>.S  maribamis,  elr. 

I  Irèï-pnissant  en  Perse.  Il  peni  fa- 
li^Hir,  ipii  di'viiMil,  iliri^i-  par  loi. 


lêt"  de  0  à  7,000  hommes  asseoir  son  camp  sur  les  bords  du 
ZpmMi-linwl.  Cctie  rc'solulion  énergique  imposa  au  grand 
inouchlaidetàsc's  partisans,  dont  plusieurs,  faits  prisonniers, 
expièrent  leurs  crimes  dans  des  lourmenis  airuces,  sans 
(lu'une  .seule  voix  se  soit  élevée  pour  les  plaindre. 

Le  camp  royal  (v.dr  la  gravure),  doni  les  lentes  blanches  .se 
Rroupaient  sur  les  ri.csdii  ;?i/n(/.'/i-/i""',  aniourdu  pavil On 
uu'li.ihilaille  chali,  réunissait,  sur  une  iietite  échelle,  lesdit- 
fi'.iriili's  aiiiiis  (liiut  se  compose  l'armée  persane.  Deux  seu- 
liTiient  sont  liiriiii'cs  de  troupes  régulières,  l'infanterie  et 
l'artillerie.  Quant  à  la  cavalerie,  elle  se  compose  de  tous  les 
gens  du  roi,  des  khans  et  de  leurs  serviteurs,  et  de  tous  les 
hommes  auxquels  on  fait  appel  en  cas  de  guerre  ;  dans  1  es-; 
poirdu  butin,  ils  accourent  ordinairement  en  foule.  Mais  si 
chaque  cavalier  peutèlre  à  craindre,  dans  un  condiatcorpsà 
corps,  on  p'iit  aussi  dire  qu'en  masse  ils  constituent  une 

troupe  (léleslalile,   ne  connaissant  aucune  discipl ,  sans 

chefs  pour  les  guider,  ces  cavaliers  coinbatlanl  i  liarun  pinir 
leur  compte  ;  ils  allaquent  quand  ils  croient  pniuoir  If  laiie 
avecavanlage,  et  fuient  à  la  première  crainle  d  nu  échec. 
Au  reste,  ils  ont  conservé  l'ancienne  tactiquedesParthes,  qui 
se  soni  rendus  si  re  loulables  aux  Romains. 

Quant  à  l'infanterie  et  à  l'artillerie,  ces  deux  armes  offrent 
un  semblant  de  formation  régulière  et  euriqiéenne.  L'une  et 
l'autre  organisée  par  des  officiers  anglais  pour  laire  tête  à 
l'armée  russe,  il  y  a  vingt  ans,  lout  en  étant  fort  loin  de  res- 
seinli'er  à  des  li  oiipi's  européennes, ne  sontcependant  pas  san.s 
valeur  cl  le  siège  d'ilérat,  en  1857,  a  été  pour  linfanterie 
surtout  locrasionde  prouver  que,  si  la  discipline  européenne 
pouvait  difficilement  modifier  la  nature  des  soldats  persans, 
le  courage,  en  masse  ou  individuellemeni,  ne  pouvait  leur 
êlrc  refusé. 

L'infanterie  est  divisée  en  garde  royale  ettroupes  de  ligne. 
Pour  la  iireinière  l'habillement,  à  peu  près  unilorme,  consisie 
en  une  veste  rouge  à  collets  et  parenieuls  bleu,  avec  epaii- 
lellesdedrap  bleu  à  effilés  de  colon  blanc,  —  cachet  de 
leur  origine  anglaise,  —  le  pantalon  est  de  toile  blanche.  Ires- 
ample  et  plissé.  Le  bonnet  persan  de  peau  de  mouton  nmr, 
n  a  aucun  si>:ne  Miililair..  ili^lim  lif.  Les  buflleleries  sont 
blanches  et  siippnilnil  iiiir  ii\W\»''  et  un  Innneaii  le  hamn- 
nelte;  quelque  soldais  P"il.'nl  par  ilcvaiil  le  Isainlji  iialm- 
nal,  mais  il  nesl  p  as  d'ordonnance.  Le  lusil  esl  .l'iui  (le  1  ar- 
mie  am;laise,  de  très-mauvaise  fahricalion,  et  coniiint  il  n  est 
point  d'armuriers  qui  sachent  réparer  les  armes  cnrniM'enui's, 
il  en  résulte  que  l'on  voit  fréquemment  dans  les  laisceaiix  de- 
vant les  lentes  ou  les  corps  de  garde,  des  fusils  sans  baion- 
iiettes,  sans  platine,  ou  sans  chien. 

Lbabillenienl  de  la  troupe  de  ligne  dilTère  peu.  La  veste 
rouge  isl  leiiiplai  iM'parune  vesteen  colon  bleu  clair  oujanne. 

L'arlilleiie  est,  pour  son  matériel,  dans  un  état  à  peu  près 
aussi  déplorable  que  l'infanterie.  Les  canons  sont  londus  sur 
(les  nioilides  anglais,  mais  fabriqués  à  Téhéran,  dans  un  ar- 
senal dirigé  par  un  Persan  qui  a  pris,  en  Europe,  une  tein- 
ture de  l'art  de  la  fonte;  ils  sont  très-mauvais,  et  rendent, 
pour  les  canonniers,  leur  service  très-dangereux.  Le  costume 
des  artilleurs  (voir  la  gravure)  est  de  Ions  ceux  de  1  armée  le 
plus  original.  Us  sont  bizarrement  accoutrés  d'une  veste  de 
drap  bleu  avec  des  torsades  et  des  hongroises,  à  l'instar  des 
uniformes  russes;  et  un  alîrenx  bonnet  de  peau  de  mouton 
noir  ou  gris,  très-volumineux,  grossièrement  imilé  des  /,(-/- 
*oA-.«,  leur  donne  unaspectsauvagequilesrend  plus  ridicules 
que  redoutables. 

Il  exisie  une  antre  espèce  d'artillerie,  utile  dans  un  pays 
monlaiii)!' 


dont  il  a  été  le  compagnon  d'enfance,  à  la  cour  d'Abbas-Mirza, 
père  du  roi  actueL 

Méhémel-Chàh  est  un  prince  doux,  ami  des  Européens, 
mais  timide  et  gouverné  par  un  vieux  mollah,  son  précepleur 
autrefois,  et  qui  a  toule  sa  confiance  même  aujuurd  liui  dans 
sa  charge  de  grand  vizir.  Méhémet-Chàli  (voir  la  gravure)  a 
treiile-neuf  ans  ;  il  est  très-brun,  avo(j  rie  grands  jeux  et  d'é- 


jioniii's  iiiiiiislarli.s  : 

indKjiir  pi I.i  Lin, 

nain. II.  l'i  m  rli.ilm 
assailli  déjà  dans  ^,i 
de  goutte.  L'espoir  d 
cice  lui  a  fait  cnlrepi 
le  goût  de  la  vit;  in 
simple.  Les  jours  de  j 
tout  brodé  Je  perf 


l'i': 


piii  ex|iie>sive  ;elle 
Il  I  lief  d'une  grande 
I  I  .ilhiliiHi  ,iii\  .Miiiniances  qui  l'iiiil 
lisse,  et  qu'il  doilade  violents  accès 
niballre  ce  mal  par  l'activité  et  l'cxer- 
le  de  longues  courtes,  et  lui  a  donné 
lie.  Sun  iiivinme  est  d'ordinaire  Imt 
,  iliiMliiiilialiil  (le(a(lieniireroni.e, 
|ii>  11'  1  n  >.  .'■011  lidiinel  est  surnioiii'- 
d'une  aigretle'en  diainanls.l^iiaïul  il  sorl,  pour  allercliassi  i 
au  faucon,  ou  priera  la  musquée,  il  esl  à  cheval,  sous  un  pa- 
rasol. Des  courriers  et  des  massiers  ouvrent  la  roule  et  le- 
foulent  les  curieux.  Derrière  marclient  un  grand  nombre  de 
seigmmrs  et  de  cavaliers  armés  de  fusils  ou  de  lances. 

Méhémet-Châh,  sans  être  fanatique,  suit  très-rigoureuse- 
ment les  préceptes  de  sa  religion.  Il  ne  boit  jamais  de  vin  et 
ne  fume  même  pas.  Le  nombre  de  ses  [enimes  est  extrême- 
ment limité,  ce  qui  rend  beaucoup  Iropvasie  le  harem  royal, 
que  son  grand-père,  Feth-Ali-Cbàh,  avait  lait  disposer  puui 
six  cents  femmes. 

La  politique  russe  et  anglaise,  bien  plus  intéressée  que 
celle  de  la  France  à  entretenir  ûes  relations  diplomaliques 
suivies  avec  la  cour  de  Perse,  a  nécessité  depuis  longues  an- 
nées la  résidence  fixe  d'ambassadeurs  de  Russie  et  d'Angle- 
terre. Le  gouvernement  persan,  serré  dans  le  double  nœud 
des  intrigues  de  ces  deux  personnages,  se  débat  avec  peine. 
Le  golfe  Persique,  ouvert  aux  llotles  anglaises,  et  le  Caucase, 
par  où  sont  eiilrés  déjà  les  régiments  russes,  sont  de  tie| 
iaibles  barrières  contre  la  puissance  de  ces  redoutables  ad- 
versaires, pour  que  le  chah  agisse  selon  ses  inslincls person- 
nels, ou  même  d'après  les  besoins  de  son  peuple  et  de  la  con- 
servation de  sa  nationalité. 

Les  Français  sont  plus  aimés,  et  auraient  plus  de  succès 
auprès  du  Cliàli;  mais  ils  sont  trop  loin,  et  ne  pouvant  con- 
tre-balancer  l'influence  anglo-russe,  c'est  à  peine  si  ce  mal- 
heureux monarque  ose  écouter  h  s  conseils  qui  lui  viennent 
de  la  France.  Les  Aiîghans  du  côté  de  l'Inde,  et  les  Circas- 
sieus  du  côté  de  la  Russie,  sont  aujourd'hui  les  alliés  les  plus 
puissants  et  les  plus  sûrs  que  puisse  avoir  le  Cbàli  de  Perse. 
Peut-êlre  les  défilés  de  Djellalabad  et  ceux  du  Caucase,  re- 
fermés derrière  des  armées  anglaise  et  russe,  seront-ils  en- 
core longtemps  la  sauvegarde  de  ce  royaume,  où  lout  meurt, 
tout  tombe,  et  où  la  poussière  du  désert  recouvre  incessaui- 
mcnt  les  ruines  des  mosquées,  comme  elle  recouvrira  peut- 
èlre un  jour  le  trône  de  Mébéinet-Cbab. 


'Ull 

ineni  de: 
au  Clial 
artillerii 
P' 


Le  p,irti  des  Mi.llali^ 
cilement  so\ile\i-r  le  Ir 
rednutahleipiel  |ii  1  li-  i 
le  grand  mouclilai  I  d  l-| 
avait  réuni  autour  de  lu 
lents  et  de  mauvais  snii 
le  pouvoir  des  ennemis 
dugraiiil  miinrhliil  sur 
roi,  reuilaieiil  mhi  paru 
croissail  liiiis  li's  jHiirs 
movei 

Cel 
quel: 


■iliie.  Na:.;iie 


aille 


1  l'rr 


■la!  lie  I  lin-es  lie  pouvait  durcr,  et  les  brigandages  aux- 

e  livi.  leul  les  bandes  armées  de  ce  chef  rebelle,  dans 

fspabaii  même,  liiurnirent  au  chah  l'occasion  de  venir  à  la 


iN.elipii  pounail,en  Perse,  où  il  y  a  peu  de  routes 
:;iaiiils  services.  Mais  elle  est  presque  exclusive- 
II -eaux  feux  de  galas  et  aux  honneurs  que  l'on  rend 
quand  il   quille  son  palais  eu  sa  tente.   C'est  une 

piiM'e  (le  peiites  pièces  extrêmement  légères, 

nées  à  (lus  de  chameau.  '  ,.r        i 

La  bieran  liie  militaire  n'est  sujelle  à  aucune  loi  fixe.  La 
volonté  (In  Chah  di-pose  des  grades,  des  commondemcnts; 
mais  une  fois  iloiiiies,  ils  depeiideni  les  nus  des  autres,  et  I  .>- 
chellequi  les  dislingue,  ou  règle  le  ,h-ré  d  obéissance  aux 
supérieurs,  se  rapproche  beaucoup  de  celle  des  armées  d  bu- 

'"(Ib'aque  ré-dment  a  ses  officiers.  Plusieurs  régiments  for- 
ment lin  eiirps  iini  obéit  à  un  serOar  ou  général,  et  I  armée 
tiiiii  enlTie  esl  sons  h-s  ordres  d'un  chef  unique  que  Ion  ap- 
pelle nii^r-ur.iiw.  Celui-ci  ne  peut  plus  recevoir  d'ordre  que 
du  roi  ou  de  l'un  des  princes  de  la  famille  royale. 

Ces  princes  .sont  ce  que  la  faveur  ou  la  conliam^e  du  Chah 
les  l'ait.  Ils  peuvent  avoir  un  commandement  d  année  ou 
un  gouvernement  de  province,  selon  son  bon  plaisir.  Mais, 
comme  la  mélianee  aussi  bien  ipie  la  Irahismi  seiuhleiil  être 
en  Asie  d'un  iisa-e  liequenl  et  liadiliomiel,  il  en  it'sulleqne 
li>  roi  .ipnelleà  lemplirees  lnut(«  fonctions  de  couhauce  ceux 
des  pnii:  e-  eu  rh,il,-:a.lrlix  dont  il  ne  redoute  ni  le  mérite, 
ni  le  (■  iiaiieie  eiiirepi  cnanl,  ni  même  les  richesses  ou  la  po- 
pularité. Aussi  voit-on  en  Perse  un  lrès-L:rand  nombre  de 
princes  de  sang  royal  ipii  vivent,  dans  I  msivi  le,  des  aninOues 
que  leur  font  le  souverain  et  même  ipiehpiesgi  amis  sei.mienrs 
reconnaissants  ou  dévoués.  Ceci  élmiuera  nnonssi  I  un  pense 
que  le  dernier  rid,  Felh-.\h  Chah,  a  laissé  soixaii'e-dx  priii- 
ees,  tons  ses  fils;  et,  en  ajoutaot  à  ce  nombre  les  cnlanis  de 
ceux-ci,  ou  arriverait  i\  on  cldlVre  énorme.  Aussi,  anjour- 
d'inii  la  (|iialilé  de  chali-zadêli  n  esl-elle  (iiie  ce  que  la  fait 
rautorité  (liiiil  est  levèlu  celui  ipii  la  possède. 

Parmi  ers  clifdi-zadéhs.  le  |dus  reniai  qiiahle  par  les  qualités 
de  S(ui  creiir  et  par  ses  mérites  iu!elleelii(ds,  est  un  onc  e  du 
chah  (voir  la  gravure)  Malek-Kasseni-l\liiza,(:e  prince  géné- 
reux et  libéral  se  disliiigue  par  l'élévation  de  ses  idées,  sou 
instruction  et  l'intérêt  avec  leiinel  il  cherche  à  se  mettre  au 
niveau  des  connaissances  européennes.  Il  parle  six  langues, 
sans  compter  la  sienne,  le  fram.'ais  parfailement  bien,  laii- 
elais  le  russe,  le  liiir,  l'arabe,  l'indostani.  C  est  nu  des  plus 
Z(Més  pnilei  Iriiis  lies  EiiropViis  dont  la  science  mi  l'industrie 
peut  rendre  le  ..■piur  en  Perse  profitable  àl'instrucliou 
progrès  de  ses  ciunpalriotes.  Il  esl,  au  r 


el  au 
ste,  l'ami  du  Chah, 


Ii«  Port  de  Toulon. 

(Troisième  ar'.icle.  Voir  tome  VII,  pagfsT  et  139.1 

Un  canal  étroit  sépare  la  partie  de  l'arsenal  où  nous  nous 
sommes  arrêtés  dans  notre  article  précédent,  de  celle  que 
nous  allons  visiter  aujourd'hui.  Ce  canal,  qu'on  traverse  sur 
un  pont  de  planches,  établit  une  communication,  à  travers 
les  remparts,  entre  la  darse  du  port  et  la  rade,  par  le  canal 
de  la  Boulangerie,  qui  baigne  la  jetée  du  mur  d  enceinte  et 
lui  sert  de  fosse  jusqu'à  la  mer. 

Cette  communication,  par  laquelle  les  embarcations  de  l'E- 
tat, qui  sortaient  du  port  pour  se  rendre  en  rade,  allaient 
preiulre  le  vent  quand  le  mistral  tourmentait  la  nier,  est  au- 
jourd'hui inlerceptée  par  une  barrière  en  bois. 

Le  parc  d'artillerie  et  les  bâtiments  qui  en  dépendent  sont 
placés  dans  un  des  bastions  du  rempart,  dont  ils  suivent,  en 
cet  endroit,  les  flancs  et  les  faces.  Ce  bastion  fut  lout  d'abord, 
dans  les  plans  de  Vauban,  destiné  au  parc  d'arlilkiie.  Pour 
consacrer  cette  destinalion,  le  célèbre  ai  chitecle  donna,  en 
dehors  du  rempart,  la  forme  de  canons  aux  gargouilles  en 
pierre  de  taille  qui  rejettent  dans  la  mer  les  eaux  pluviales 
de  l'édifice.  Le  rempart  n'olîie,  en  effet,  sur  toute  sa  lon- 
gueur, qu'un  très-petit  nombre  d'ouvertures  pour  l'écoule- 
ment drs  eaux,  tandis  ipiaii  baslion  du  parc  d  artilleiie,  il  se 
montre  hérissé,  sur  les  deux  lignes  de  laiigle,  de  vingt  el  un 
canaux,  alTeclaut  lousia  même  lorme  d'une  gueule  de  canon. 

Les  élablissenients  de  l'arsenal  qui,  depuis  la  porte  d'en- 
Irée,  formaient  une  dmilile  ligne  paiallêle,  cliangenl  ici  d'or- 
dre de  bataille  1 1  se  développent  sur  une  seule  ligne,  entre  le 
rempart  et  la  daise,  jusqu'à  la  Chaiue-Neuve. 

Niius  trouvons  premièrement,  à  notre  droite,  un  spacieux 
pavillon  consacre  aux  buieanx  de  la  direction  d'ailillerie. 
Devant  nous,  et  sur  le  prolongement  de  la  façade  de  ce  pa- 
villon, est  le  parc  aux  boulets  formé  par  l'angle  rcniraiit  du 
bastion,  et  dont  une  rangée  de  canons-bornes,  liés  par  une 
(haine,  ferme  latiorge,  autrefois deftudue  (lar  une  palissade. 
Cette  gorge  est  bordée  par  une  rangée  de  pièces  de  canon. 

Le  soubassement  du  pavillon  qu'occupent  les  bureau.\  de 
la  diiediou  d'arlillerie  est  aussi  bordé  par  une  ligne  de  nior- 
lieis  énormes,  londus  avec  leurs  crapauds,  qu'on  embarque 
sur  des  navires  appelés  bumbanlis,  construils  exprès  pour 
recevinr  celle  pesante  ai  lill-iie.  Tmis  (es  11101  tiers,  peints  en 
noir,  porteiii  lle^  ium  ii|i1iimi^  qui  i,i|. pi  lient  les  récentes  vic- 
toires de  luisesiailii  s,  il  lies  iiiiiiis  1  II  i.ippiiil  avec  Iciir  rôle 
do  deslrnclioii  :  le  lu/cni",  le  iulcan,  Ir  1  cvMi'e,  la  Sala- 
mandre, l'Hécla,  etc.  L'un  a  démoli  les  batleries  de  Saint- 
Jean  d'Ulloa ,  l'autre  a  bombardé  la  Kasbali  à  Alger,  la  bou- 
che sombre  et  niuelle  de  ces  bronzes  laconle  plus  éloi|iieni- 
uieill  ipie  la  \ihiuie  des  bisloiiens,  la  gloire  de  ikiIic  iiiaiiiie, 
(pie  l'doiilde désastre  d'AliniiKiret  de  Tiafalgar  n'a  pu  aiiean- 
lir,  et  en  l'a\eiiir  de  knpielle  iinus  avons  foi  eiicoie,  malgré 
l'espèce  d'oubli  et  d'abaissement  où  elle  semble  lonibee  de 
nos  jours  :  car,  vodà  qu'on  demande  encore  au  pays  l'im- 
mense sacrifice  de  quatre-vingt-treize  millions  pour  Vemellre 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


27 


Kl  marine  sur  le  pied  de  paix  où  la  France  confiante  la  croyait 
solidement  établie  depuis  dix  ans. 

En  face  de  rariilleiie,  sur  l'esplanade  qui  sépare  le  parc 
aiix  boulets  de  la  darse,  est  élabli  le  parc  aux  canons.  Une 
profusion  de  pièces  de  tout  calibre  est  entassée  là,  par  luur- 
i!rs  rangées  et  simulant  des  batteries  superposées,  sur  des 
chantiers  dont  la  base  est  en  maçonnerie  et  les  appuis  supé- 
I  leurs  formés  de  pièces  de  bois. 

L'arlillerie  des  vaisseaux  fut  d'abord  entièrement  composée 
iJe  pièces  en  bronze,  fondues  Ji  la  fonderie  de  la  njarine,  qui 
:  e  trouve  en  debors  de  l'arsenal,  au  nord  de  la  ville,  entre  le 
nmpart  et  les  bureaux  de  llnsciiplion  niaiiiinie.  Le  grand 
n!)mme  de  canons  qu'exigea  bientùt  ledévelop(iementde  nos 
t  rces  navales,  et  la  dépense  excessive  qu'occasionnait  l'a- 
i!iat  du  bronze  et  son  coulage,  iniroduisirent  dans  I  arnie- 
iiientdes  vaisseaux  les  canons  de  fer,  tirés  des  fonderies  de 
l.i  Bourgogne.  Une  ordonnance  royale,  datée  du  1"'  décembre 
t;i'i9  imposa  uu  tiers  de  canons  en  fer  à  tous  les  navires  de 
I  iital,  excepté  cependant  aux  vaisseaux  montés  par  les  ami- 
iKUX,  diint  rarlillene  tout  entière  dut  rester  eu  pièces  de 
fititieverte.  La  niènie  pensée  d'écunonde  fit  rendre,  queli|nes 
iiu:iécs après,  une  nouvelleonlnnnaïKe  qui  prescrivituux  vais- 
MMlix  d'embarquer  la  nioilié  de  leur  artillerie  en  pièces  de  fer. 
Quelques  accidents  survenus  alors  dans  l'exercice  des  ca- 
nnns  de  fer  excitèrent  la  défiance  des  olficiersiie  niariiie,  iiin 
«ipp'isèreut  de  grandes  diflicultés  îi  leur  intrciduclmn  sur 
leurs  vaisseaux.  A  Toulon  même  ,  on  les  refu.sa  couipléte- 
inent.  Il  fallut  qu'une  ordonnance  sévère,  rendue  au  mois 
de  mai  IC74,  prescrivit  aux  olficiers-coniniandauls  de  les  ac- 
lepler  délinitivemenl.  Des  expéiiinres  iionibrtu^cs  faites  de- 
vant des  conimissaiies  et  des  olliiieisde  niariie  avaient,  un 
leste,  prouvé  irrévocab'ement  la  solidité  de  ces  pièces,  dont 
lions  nous  servons  encore  aUjOurd'bui.  L'arlillei  le  en  bronze 
I  esta  spécialement  réservée  aux  vaisseaux  il  trois  ponts,  et 
celle  disposition  existait  encore  au  début  de  la  révolution, 
puisque  le  vaisseau  le  flci/ni- Z.<  uis,  qui  fut  débaplisé  alors 
pour  prendre  le  nom  de  Itcpublicain ,  avait  toutes  ses  pièces 
en  bronze  quand  il  se  trouva  sur  la  roclie  Mingan,  dans  le 
goulet  de  la  rade  de  Brest. 

Le  parc  aux  biinlels  forme  un  assez  vaste  pentagone,  nii, 
perpendiculairement  au  quai  de  la  darse,  sont  alignées  de 
longues  pyramides  de  projectiles,  recouvertes  à  leur  surface, 
par  la  pluie  et  l'air  salin,  a'une  coucbe  de  rouille  dorée.  Un 
;;rand  nombre  d'aflùts  de  batteries  forme  le  soubassement  des 
bâtiments  intérieurs.  Quelques  beaux  arbres  ombragent, 
l'été,  celte  double  cour,  et  nue  double  ligne  de  lauriers-roses 
qui  ont  merveilleoseuient  prospéré  suus  la  surveillance  et  par 
les  soins  de  M.  Cliarpenlier,  directeur  de  l'artillerie  de  ma- 
rine au  port  de  Toulon  ei  colonel  de  celte  arme,  jette  de  la 
variété  et  du  cbarmeau  milieu  de  l'étalage  austère  et  sombre 
lies  boulets  et  des  alTiits.  C'est  sévère  tt  gracieux  à  la  fois, 
comme  une  ode  de  Beranger. 

Le  rez-de- chaussée  du  pavillon,  dont  le  premier  étage  est 
occupé  par  les  bureaux  de  la  direction  d'artillerie,  est  divisé 
en  trois  nefs  par  une  double  rangée  de  pdiers  aui  soutiennent 
dix-huit  voûtes  d'arêtes  vives  en  plein  cintre.  An  pird  declia- 
qiie  pilier,  on  a  planté,  dans  les  dalles  du  sol,  un  canon  em- 
blématique. 

La  net  du  milieu,  moins  large  que  les  deux  autres,  forme 
lé  corridnr,  à  l'exirémilé  duquel  mi  munie  un  superbe  esca- 
lier en  pierre  de  t.iillc  de  Cassis,  qui  rappelle  celui  du  Ma- 
lîasin  général  dont  nous  avons  parlé  dans  la  deuxième  partie 
lie  ce  travail.  Cet  escalier  se  double  au  premier  pâli  r  pour 
aboiilir  à  la  salle  et  aux  bureaux  ou  pour  descendre  dans  le 
corridnr  qui  s'ouvre  sur  le  parc  aux  bouleis. 

Dans  les  magasins  formés  pir  les  deux  autres  nefs  du  pa- 
villon, à  droite  et  à  gauche  du  corridor,  se  trouvent  les  ate- 
liers de  la  iinrnilure  de  l'artillerie,  les  entrepôts  de  cordages, 
de  poulies  et  de  manivelles  :  et,  dans  l'angle  du  bastion,  der- 
rière l'escalier,  le  vasle  magasin  aux  picrriers. 

Tout  le  rez-de-chaussée  de  la  première  aile  qui  suit  est 
occupe  par  le  magasin  aux  aiïûls.  Outre  l'étalaue  d'allïitsque 
nous  avons  signalé  dans  la  cour,  cet  immense  magasin  en  est 
encombré  du  .sol  ii  la  voûte.  On  est  même  réduit  à  enlrepo- 
ser  une  partie  de  ces  embarrassanles  machines  à  bord  des 
navires -casernes,  faute  d'espace  dans  les  magasins  ipii  leur 
sont  consacrés. 

Le  rez-de-chaussée  de  la  deuxième  aile  renferme  les  ate- 
liers .'i  bois,  c'esl-ù-dire  les  ateliers  des  chaipeutiers,  des 
menuisiers  et  des  tourneurs  de  l'artillerie.  C'est  aussi  dans 
lin  compartiment  du  rez-decliai.s>ée  de  cette  aile  que  sont 
éliihlis  les  bureaux  d'adininislration  de  la  compagnie  des  ou- 
vriers artilleurs. 

Dans  le  rcz-de-cbaiisséedu  pavillon  qui  correspond  :\  celui 
des  bureaux  de  la  direction  se  Irnnve  l'alel  er  des  f.iiges.  Dans 
l'angle  qui  corresp<Mnl  au  magasin  des  picrriers,  fonctionne 
une  belle  macliine  ii  haute  pression,  de  la  force  de  douze 
chevaux.  Elle  marche  à  une  pression  moyenne  de  cinq  at- 
mosphères. Elle  alimente,  par  des  ventilaienrs  souterrains, 
les  vingt-quatre  fourneaux  dont  se  compejse  l'atelier  des  for- 
ges. Par  des  axes  et  des  conrroiesile  transmission,  elle  donne 
le.  mouvement,  dans  les  divers  alclicrs  que  nous  allons  voir 
au  premier  étage,  à  deux  ventilateurs  à  vanne,  qui  fout  1 ,400 
tours  il  la  minute; 

A  une  ferle  machine  à  engrennge,  ^  un  seul  arbre,  qui  peut 
percer  vcilicalement  des  trcuis  de  0  Onl  jusqu'à  K.O.M); 

A  une  machine  à  quatre  furets  verlicaux,  pour  furcr  les  pe- 
tites pièces  ; 
A  nue  machine  à  tarauder  des  boulons  de  0,0.iO; 
A  une  m.icliine  pour  tourner  et  lileter  des  arbres  de  2,00 
de  liini;ueor  ; 

A  d'Mix  meivennes  machines  pour  tarauder  les  boulons  de 
tl,OI  et  0,0-2  ; 
A  une  ma;liine  pour  tailler  les  étrous  à  4,  6  et  8  pans; 
A  une  scie  circulaire  piuir  débiter  le  bois; 
Enfin  à  un  martinet  à  cilindre  oscillant,  mû  direclement 
par  une  peirtion  de  la  vapeur  que  fournissent  les  cbaudiiMes. 
Cette  belle  machine  est  ^  rotation  directe,  sans  détente  ni 


condensation  ;  elle  est  mue  par  deux  chaudières  à  bouilleurs 
lionzoulaux  et  cylindriques;  placées,  ainsi  que  leurs  four- 
neaux, dans  la  plate-forme  du  rempart,  et  alimentées  sans 
cesse  par  une  pumpe  qui  lirel'eau  d'un  puils  communiquant 
avec  la  nier  par  uu  petit  canal  siiuleriaiii. 

L'exliémitedurc/.-de-cbausscc  du  pavillon  est  occupée  par 
l'alelier  des  ferblantiers  de  celte  dircclinn. 

Dans  la  partie  qui  existe  eiilrelesbàlinicuts  et  le  rempart, 
on  trouve  successivement,  tu  revenani  vers  le  pavillon  des 
bureaux,  une  petite  londerie  de  cuivre,  nu  magasin  de  char- 
bon, dévastes  magasins  de  bois  debilé,  deseiunpôls  de  nii- 
Irailles,  des  magasins  de  piilrailles  pour  les  laionades,  des 
magasins  de  culots,  de  crapaudincs;  jiuis  l'atelier  des  mitrail- 
les, l'alelier  et  le  magasin  des  peintres  ;  un  n'eu  finit  plus  sur 
celle  ligue  debâliinenls,  longue  de  28il  nièircs. 

Au  premier  palier  de  l'escdier  qui  conduit  aux  bureaux, 
on  voit  sur  un  piédestal  sculplé  une  grande  statue  en  bois, 
plac'e  là  pour  servir  de  cnuroniienient  à  la  première  volée  de 
l'escalier.  C'est  la  ponlaiuc  colossale  de  la  vieille  frégaie  la 
Ciicé.  A  l'aide  de  quelques  modilii'alions  dans  les  altnbuls, 
la  fabuleuse  majiicicune  représente  aujourd'hui,  tant  bien 
que  mal,  la  duiiiilé  de  la  mer,  mais  on  se  demande  encore 
quel  rappiirt  elle  a  avec  l'arlillerie. 

En  luonlaiil  la  volée  de  gauche,  dont  la  rampe  en  fer  est 
ciiiii(inn>'i'  par  un  énorme  boulet  algérien  de  pii^rre  calcaire, 
pesant  près  dnCu  kilogrammes,  on  idiimlit  aux  bureaux  de  la 
iliri'cliun.  Le  premier  élage  du  pavillon  est  aussi  divisé  en 
triiis  nefs,  par  la  même  architecture  qui  règne  au  rez-de- 
clianssi'e.  La  nef  du  milieu  sert  de  corrideu'.  A  droite  sont  les 
seciélariatselu  directeur,  des  capilaines  el  des  employés;  à 
gauche,  la  salle  des  coniérences,  dans  laquelle  se  trouvent  la 
bibliothèque,  les  plans,  une  finile  de  modèles  de  pièces  d'ar- 
lillerie,  entre  autres  nu  curieux  et  superbe  moJèle  en  cuivre 
de  la  pièce  fatalement  célèbre,  nommée  la  Consulaire,  par  la 
bouche  de  laquelle  les  deys  d'Aluer  lai-aienl  jeter  sanglants 
et  mutilés  à  la  face  de  I  Europe  les  coiimiIs  des  puissances  ci- 
vilisées dont  leur  ombrageuse  susceptibilité  crojait  avoiràse 
plaindre. 

En  montant  la  volée  de  droite,  on  aboutit  à  la  porte  d'en- 
trée de  la  nouvelle  salle  d'armes. 

La  salle  d'armes  se  trouvait  dans  l'arsenal  de  Marseille  à 
l'époque  où  cette  ville  était  le  portdeconstruclion  et  de  sta- 
tion lies  galères,  qui  constituaient  alors  la  puissance  navale 
de  11  Eraiice  dans  la  Méditerranée.  Lorsque  Louis  XIV  eut 
fait  de  l'ouliin  un  grand  port,  les  armes  fabriquées  pour  l'ar- 
mement des  galèivs  v  fiiient  envoyées  et  dépeisées  dans  l'an- 
cien filial  silii-î  h  l'exlréiiiile  occidentale  de  l'arsenal,  entre  la 
curderie  et  les  ateliers  de  la  direction  des  travaux  hydrauli- 
ques. L'insuffisance  de  ce  local,  reconnue  depuis  longtemps, 
puisqu'il  pouvait  conlenir  à  peine  20,000  fusils,  nécessila  la 
création  d'une  utmvelle  salle  d  armes  en  harmonie  avec  lini- 
poilance  acluel!e  du  port  et  assez  vasle  pour  loger  tout  le 
matériel  destiné  aux  armements  éventuels. 

L'entrée  de  la  nouvelle  salle  d'armes  est  gardée  par  deux 
Hercules  peints  couleur  de  bronze,  qui  souliennent  un  cintre 
autour  duquel  rayonne  un  ninifie  de  lames  de  poignard.  Ce 
cintre  est  surmonté  du  bnsie  de  Napoléon. 

En  entrant  dans  celle  salle  on  é|irouvc  un  vif  et  profond 
éhlouis.semen!.  Les  trois  nefs  qui  la  divisent,  deux  irès-étroiles 
sur  les  cotés,  une  immense  au  milieu,  sont  liltéralement  ta- 
pissées par  des  armes  de  toute  espèce  :  fusils,  épées,  poignards, 
haches  et  sabres  d'abordage,  fusils  de  rempart,  canardières, 
pistolets  et  mousquetons  de  calibre,  ballebarJes,  piques, 
tromblons,  picrriers,  bats,  pertuisanes,  ospiugoles,  tout  ce 
que  les  hommes  ont  inventé  pour  se  défendre  et  pour  se  dé- 
truire. La  grande  nef  du  milieu  avait  été  primitivement  divi- 
sée en  trois  autres  nefs  par  les  longs  râteliers  qui  suppor- 
taient les  fusils  dans  l'ancien  local.  Ces  râteliers  ont  disparu, 
et  les  armes  ont  été  arrimées  contre  les  vingt-deux  piliers 
qui  souliennent  la  voûte.  Le  jour  extérieur  qui  se  trouvait 
inlereeplé  par  li>s  râteliers  vient  maintenant  se  jouer  à  tra- 
vers les  Imi  .mil  Iles  élincelantes  et  sur  les  poignées  des  sa- 
bres, d'iiM  j.iil  i-M'ut  des  milliers  d  étincelles.  Leirsque  le  so- 
leil se  levé,  et  que  ses  rayons  presque  luirizonlaux  s'éparpil- 
lent sur  cette  forêt  d'armes,  liiisanles  c nue  des  miroirs,  la 

salle  oITre  alors  un  spectacle  oui  r.ippelle  la  nuigiiiliquc  revue 
des  troupes  chrétiennes  et  la  divine  illniiiination  de  la  vallée 
de  Thérébinthe  parlesrellels  des  armes  des  croisés,  pendant 
ce  lever  de  soleil  que  le  Tasse  a  placé  dans  les  premiers 
chaiils  de  sa  Jérusalem  déliorée,  poème  tout  de  lumière,  d'a- 
mour, de  chevalerie  et  de  fui. 

Il  a  fallu  toutes  les  ressources  du  génie  inventif  de  M.  le 
colonel  Charpentier  pour  parvenir  à  remplir  sans  monotonie 
et  sans  qu'aucun  ornement  piràl  contre  le  goût,  une  salle 
aussi  démesurément  grande,  hons  chaque  voûte  on  admire 
uu  cliel  d'oeuvre  d'invenlion  et  de  patience.  Ici,  c'est  un  sa- 
pin dont  les  branches  fali*;nées  s'iiulineiit  vers  le  parquet, 
sous  le  poids  des  poisuards  epii  siiiiuleiit  son  l'euil'a^e  La, 
ce  sont  lies  palmiers  dont  la  line  est  li:;urce  avec  des  lames 
de  poignards  et  les  painos  avec  des  pistolets  suspendus  par 
leurs  gueules.  A  côté,  c'est  un  aulre  groujie  de  palmiers  où 
l'emploi  des  mêmes  armes  est  interveili,  c'est  à-dire  que  le 
tronc  est  moulé  avec  des  iiistolels  et  les  branches  avec  des 
lames  de  poignards  ;  plus  loin,  ce  sont  des  lyres  dont  le  buis 
est  figuré  parla  cambrure  des  pistolelsd'aboidageetlos  cordes 
pur  des  baguettes  de  fusil.  Ce  sont  des  laisteaiix  ranlasli(|ues 
on  racieretle  cuivre, arlistementiiiêlés,  forment  l'ensemble  le 
pinsparfait;  ce  sont  des  vases  compeisés  avec  des  chiens  el 
des  platines  de  fusil,  d'où  s'élancent,  à  travers  une  feuillée 
épaisse  de  petiles  lames  de  dagues,  des  lonrnesols  couron- 
nés de  tiélenlex,  d'une  ressemblance  frappante  avec  leurs  frères 
pacifiques  des  jardins.  El  puis  des  Ironhées  où  sont  encadrés 
les  noms  de  nos  grandes  vieloires  de  la  république  el  de 
l'empire;  et  puis  des  soleils  de  baionnelles  (|ui  vous  blessent 
les  retiards;  des  aiiiénles  de  greuailis  écarlates  qui,  pour 
compléler  la  fe'crie,  mêlent  quelque  chose  d'infernal  au  ta- 
bleau ;  et  puis  des  lustres  magnifiques  où  l'éclat  de  l'aejer 
imite  si  bien  la  transparence  du  verre  qu'on  se  croit  obligé 


de  les  palper  pour  se  persuader  qu'en  effet  il  n'est  entré  dans 
leur  confection  que  des  pièces  d'armes;  el  puis  tant  d'autres 
choses  belles  on  tout  simplement  jolies  dont  lesdélails  échap- 
pent à  la  description  la  plus  complaisante  et  la  plus  minu- 
ti.usc. 

Au  milieu  de  la  salle  est  une  belle  statue  de  Bellone,  bran- 
dissant une  épéeavec  tant  d'impéluosité  et  de  colère  qu'on 
se  seul  presque  bien  aise  d'être  séparé  d'elle  par  une  bar- 
rière qui  est  encore  un  chef-d'œuvre  dans  son  genre.  C'est 
peiit-êire  le  plus  admirable  de  ces  travaux,  qui  le  sont  Ions. 
A  l'aide  de  bassinets,  de  ressorts,  de  delenles,  de  platinés, 
do  vis  et  d'une  foule  el'autres  petites  pièces  en  fer  ou  eu  cui- 
vre tirées  du  fnsil,  ou  a  monté  celle  barrière  où  l'on  voit 
enirelacés  tonte  sorte  de  feuillages,  de  Heurs  et  de  fruits. 

Tous  les  soirs,  vers  cinq  heures,  des  groupes  de  riches 
nnifeirmes  et  d'élégantes  dames  viennent  se  iiromener  sous 
tes  palmiers  élincelanls  où,  avec  un  peu  de  bonne  volonté, 
on  peut  se  croire  en  plein  Orient.  Le  vent  du  soir  qui  s'in- 
troduit dans  la  sa'le  par  les  larges  fenêtres,  murmure  dans 
celle  forêt  artificielle,  et  les  parfums  de  la  mer,  arrivant  par 
biiiiflées  embaumées  sur  les  ailes  de  la  brise,  complètent  celle 
illusion  uu  peu  forcée,  mais  cliarmaule. 

La  foule  des  visileurs  s'arrête  toujours  devant  deux  man- 
ne(|iiins,  qui  font  le  guet  autour  de  la  barrière  dont  nous 
veiiiius  de  palier  cl  qui  sont  recouverts  de  la  pesante  armure 
des  guerriers  du  moyen  âge.  Ce  n'est  ni  1»  gorgerin  dont  le 
poids  écraserait  les  épaules  les  plus  robustes  Ce  nos  jours, 
ni  répidtriue  niéialiiqiie  que  se  forgeaient  les  chevaliers 
clirélie'us  (pi'ou  admiie  en  ces  mannequins  aux  visages  gro- 
tesi|iics;  Cl' snni  deux  boucliers  en  acier,  marlelés  à  Iroid 
dont  l'un  lepiéseiile  la  prise  de  Jérnsaleiu  et  qu'à  cause  de 
cela  ou  alliiliiie  géiiéieiisemenl  à  Godefiiiy  de  Bouillon,  et 
l'aiilie,  la  diliviance  d'Andromède,  malbeureiise  pour  avoir 
été  belle,  .le  ne  sais  pas  pourquoi,  par  exemple,  on  atlribue 
celui-ci  à  Baymonil,  comte  de  Toulouse.  L'ombre  austère  du 
héros  cbrélii  11  serait  peut-èlre  bien  indignée  de  ce  qu'on  ose 
lui  donner  pour  devise  un  sujet  lire  du  cœur  du  paga- 
nisme. 

Sur  le  premier  de  ces  bnucliors,  on  voit  les  remparts  de 
la  ville  sainte  et  les  guerriers  (|iii  marebent  pour  la  délivrer 
des  grifl'es  de  Saladin  etd'lsiuen.  Uieii  iipparait  sur  un  nuage 
pcuir  protéger  les  armes  chiélieiiues  elpinir  ennainmer  l'en- 
IhousiaMi  e  lies  eeniballanls  de  la  foi.  Sur  le  second,  plus 
simple  l'e  I  niui'ii'-iliein  mais  non  moins  remarquable  par  l'é- 
m  it;ie  t\f-  pli>siiiiioinies,  la  purelé  du  dessin  et  le  fini  mira- 
culeux des  détails,  on  voit  Andromède  |iiesqne  nue,  sur  le 
rocher  uii  la  vengeani-e  de  Jnnon  tt  des  Néréides  l'avait  en- 
diaiiiée.  Pégase,  qui  n'a  pas  les  mêmes  raisons  que  Persée 
pour  se  prendre  corps-à-corps  avi  c  le  rcdoulable  irionsire 
marin,  se  lient  trani|uillenient  à  l'écart  dans  un  coin  du  ta- 
bleau, prêt  à  jouer  des  jambes  et  des  ailes  selon  la  tournure 
du  combat,  taillis  que  le  guerrier  demi-dieu,  encouragé 
tout  à  coup  par  la  douce  récompense  que  la  belle  victime  n'o- 
sera lui  refiiser  après  sa  délivrance,  présente  la  lêle  de  Mé- 
duse au  inonsire  Inricux.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux  dans 
celle  scène,  c'est  que  le  fer  de  la  lance  le  Persée  soit  en- 
loncé  tout  entier  dans  le  flanc  du  monstre  qui,  avani  de  re- 
cevoir le  coup,  avait  eu  la  bonhomie,  comme  on  le  sait,  de 
se  laisser  pétrifier.  Il  fallait  que  celte  lame  fût  fièrement 
trempée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  deux  boucliers,  qui  sont  évidem- 
ment sortis  de  la  même  main,  méritent  l'admiration  qu'on 
leur  prodigne  à  Toulon,  et  ce  poil  doit  s'estimer  heureux 
que  la  création  du  musée  naval  de  Paris  ne  les  lui  ait  pas 
enlevés. 

C'est  à  M.  le  colonel  directeur  de  l'arlillerie,  que  le  port 
de  Toulon  doit  de  posséder  cette  splendide  salle  d'armes 
L'artillerie  de  marine  est  en  oulre  redevable  à  M.  le  colonel 
Charpentier  d'un  Essai  sur  le  nialèriet  de  noire  artillerie  nu- 
ori/p,  livre  fort  estimé  dont  les  jonrnaux  de  Paris  ont  naguère 
rendu  compte  et  dont  la  rédaciion  simple,  élégante  et  claire, 
inilie  d'emblée  les  lecteurs  pnilaiies  aux  secrets  les  plus  iii- 
liiiies  de  l'arme.  M.  Cliarpenlier  est  aussi,  ni  ee  n'est  pas  le 
moins  beau  de  ses  titres,  l'oinhileiir  iluue  éeole  d'apprentis- 
armuriers,  choisis  exclusiveiiieiit  dans  les  laïuilles  ;les  pau- 
vres malins  ou  arlillims  de  mai  iiie.  Ces  enlanls  de  \-2  à  l.'i 
ans,  revêtus  d'un  cliariiiaiit  uiiiioraie  d'artilleur,  sont  déj:'!  au 
nombre  de  .'il).  Pour  les  dédommager  de  ce  que  leur  profes- 
sion a  de  trop  austère  pour  leur  âge,  ils  emt,  à  leurs  heures 
de  loisir,  nu  professeur  de  miisieiue.  Ils  manient  le  fusilavec 
l'aplomb  el  l'Iialu  et'  d'une  vieille  mouslaclie,  et  Ihrabim- 
Pacliaa  dai^ih'  I'-  |kis-i  r  en  revue,  lors  de  son  débarqne- 
nieiil  à  Toulon,  au  milieu  de  la  place  d'armes  et  avec  tout  le 
sérieux  orieulal. 

On  sort  de  la  salle  d'armes  par  une  porte  ouverte  en  face 
de  la  grande  porte  d'enlrce,  à  l'exirémilé  oppo.sée.  On  trouve 
iiiiinéiliatemtnt  devant  soi  nu  escalier  en  pierre  de  laille, 
senibialile  à  celui  par  lequel  ou  est  monte.  H  conduit  au 
iiiaynitiqiie  atelier  de  l'armurerie  dont  l'activité  féconde  se- 
lait  capable  d'épouvantir  uu  apolre  de  la  paix  à  lout  prix. 
i;et  atelier  compte  jusqu'à  qualre-vingls  élaiix.  C'est  dans 
sou  sein  que  fonctionnent  les  principales  machines  mises  en 
mouvemeiil  parles  axeset  les  lourroies  de  transmission  de  la 
inaebiiie  a  vapeur  que  nous^avons  décrite  plus  haut.  L'ale- 
lier de  l'.tjiisl.ige  est  à  côlé. 

L'alelier  des  bourreliers  est  silné  parallèlement  à  celui  des 
armuriers,  sur  la  nef  de  celte  aile  qui  rei;arile  le  levant. 

Le  premier  élage  du  dernier  pavillon  dont  le  plantlicM-  e.st 
en  bois,  contrairement  à  lout  le  reste  ilc  l'édifice  où  il  est 
formé,  e-ounne  au  magasin  général,  de  voûtes  en  briques 
creuses,  liées  par  du  mortier,  est  occupé  par  deux  ateliers 
impoilanls:  celui  delà  limerie,  à  droite,  où  l'on  compte 
aussi  une  cinqu;  niaiiic  d'élanx,  et  l'atelier  des  modèles  à 
gauche.  Dans  cet  atelier  d'organisation  toute  récente,  vont 
se  coiifeclionner  des  nieidèles  de  toutes  les  pièces  en  usage 
dans  l'arlilleiie  de  marine.  La  collection  de  ces  modèles  for- 
mera un  nius^e  de  modèles  d'armes  sur  lesquelles  seronldes 
sinées  des  échelles  de  proportion,  et  ce  musée  fera  pendant 


28 


I /ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


au  musée  des  modèles  de  vaisseaux,  si  justement  admiré  par 
tous  les  visiteurs. 

L'arliUerie  est  un  des  plus  riclics  et  des  plus  vastes  éla- 
blissementsdu  port  de  Toulon.  Elle  développe  500  mètres 
d'enceinte,  et  la  barrière  qui  ferme  le  parc  aux  boulets  n'a 
pas  moins  de  90  mètres  de  longueur.  Les  biktinients  qui  l.i 
composent,  liés  ensemble  par  trois  anfjles  immenses,  sont 
percés  de  82  ouvertures  de  façade  de  cliaque  côté.fScs  vastes 


combles  sont  remplis  de  gargousses,  de  tai.sses  à  poudre  et 
de  pièces  de  fer  provenant  du  superllu  des  ateliers.  Ses  ate- 
liers et  magasins  d'artilices  qui,  du  polygone  de  la  marine 
où  ils  ont  été  incendiés  en  1840,  ontété  transférés  sur  la  plage 
di;  Castigneau,  forment  h  eux  seuls  un  cbarmant  petit  arse- 
nal à  part,  délenilu  parla  rade  au  midi  et  par  un  mur  d'en- 
ceinte sur  ses  trois  autres  faces.  L'artillerie  occupe  près  de 
mille  bras.    Un  ordre  parlait,  une  grande  barmonievd'arri- 


mage,  une  sage  et  intelligente  répartition  des  locaux  entre 
les  divers  ateliers  ;  enlin,  et  par-dessus  tout,  une  propreté 
admirable,  qu'on  ne  rencontre  |ias  toujours  dans  les  ateliers 
des  autres  directions,  une  blanclieur  rayonnante  sur  tous  les 
murs,  sur  toutes  les  voûtes,  sur  toutes  les  façades,  surtoules 
les  coutures,  partout,  font  de  l'artillerie  la  principale  gloire 
de  l'arsenal  de  Toulon,  et  nous  en  aurions  gardé  la  descrip- 
tion polir  linir  par  un  coup  d'éclat  notre  revue,  si  notre 


(Port  de  Toulon.  —  Vu- 


inexorable  itinéraire  ne  nous  avait  forcé  de  nous  y  arrêter 
aujnurd'bui. 

Maintenant,  en  continuant  notre  visite,  nous  longeons  un 
quai  étroit  et  long  bordé  d'un  côté  par  une  bâtisse  continue, 
adossée  au  rempart.  Cette  biitise  a  reçu  le  nom  de  maga- 
sins partictdiers,  et  les  premiers  compartiments  de  cette  in- 
terminable série  de  magasins  dépendent  encore  de  la  direc- 
tion d'artillerie  de  marine.  Ces  magasins  servent  d'entrepôt 


aux  agrès  et  apparaux,  aux  innonilirables  cordages,  aux 
étoupes,  aux  grappins,  aux  poulies,  enlin  à  toutes  les  petites 
pièces  d'armement  des  navires  qui  entrent  en  commission  de 
port. 

Pour  éviter  toute  reclierclie  et  toute  confusion  quand  un  na- 
vire réarme,  chaque  article  est  étiqueté  et  rangé  dans  un  ma- 
gasin à  part,  de  sorte  que  les  équipages  ont  de  suite  sous  la  main 
toutes  les  pièces  qui  composaient  l'armement  précédent. 


Les  grandes  pièces  du  navire  qui  désarme,  ou  qui  entre  en 
commission  de  port,  sont  .seules  proscrites  d«s  magasins  par- 
ticuliers. Ainsi  les  voiles,  les  mats,  les  vergues,  les  ca- 
nons, etc.,  etc.,  sont  déposés  dans  leurs  magasins  respectifs, 
où  on  les  timbre  cependant  du  nom  du  navire  auquel  ils 
appartiennent.  Les  ancres  sont  déposées  vis-à-vis  le  rempart, 
en  dehors  de  l'arsenal,  sur  le  rivage  de  Castigneau.  Ces  énor- 
mes pièces  de  fer  couchent  tranquillement  à  la  belle  étoile. 


(Port  de  Toulon.—  La  ctiaine  dcrArscnnl,  d 


sans  enclos  ni  gardien.  On  est  persuadé  d'avance  qu'elles  no 
tenteront  personne. 

(Juantaux  embarcations,  canots,  yoles,  etc.,  elles  restent 
attachées  sur  le  pont  ou  suspendues  a  l'arrière  et  sur  les  cô- 
tés du  navire  désarmé.  On  ne  leur  a  pas  (\iicon'  diwigné  un 
hangar  pour  être  entreposées  au  dèsarniiMnciit  do  leur 
navire.  On  peut  les  voir  dans  le  dessin  de  M.  Lehiaire,  pen- 
dues au  flanc  maternel,  et  emmaillottées  dans  une  toile  gou- 


dronnée qui  les  abrite  contre  les  ardeurs  du  soleil  du  Midi. 
Le  qua\  est  bordé  à  gauche  par  une  ligii)  de  navires  d;- 
sarméj,  de  toutiîs  dimensions,  depuis  le  brick  fluet  jusqu'au 
gigantesque  vaissi-nn  à  trois  pouls.  La  dernière  partie  de  ce 
quai  esl  i.'i  MM'i' ;iii\  iMviixs  en  arineiiiant  qui  achèvent  \k 
de  se  m  Ui'  l'ii  /Mil  i|.'  pi-.'iidre  la  unr.  La  plupart  di's  iii- 
viros  .1111.11  ii'<  Mil  I  /Ih' Ul:iii^  sont  perdus  pour  la  navi;.;alinn 
et  tout  a  lait  li  «s  (!■■  service.   Plus  iriiii,  ciiiid  imiii'  îi  luirt 


pour  crime  de  décrépitude,  ne  largnera  le  càhle-cliaine  qui 
le  relient  bord  à  quii  que  pour  aller  tomber  devant  le  chan- 
tier du  h\lage,  sous  la  hache  d.'s  bourreaux...  c'est-à-dire 
des  forçats.  Ce  rang  de  navires  est  appelé  le  rang  des  maga- 
sins inrticulieis,  pour  le  distinguer  des  deux  rangs  que  nous 
renciiiilivroiis  hienlôl. 

L.i  double  limii'  de  navires  et  de  bfttisses  des  magasins 
parlii'uliers  ne  linlt   qn'u   la  c'iaiue- neuve,   lirtie  ouverture 


L'ILLlSïttAïlON,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


29 


faite  dans  l'épaisseur  du  rempart,  par  laquelle  les  vaisseaux 
de  l'Etat  passeut  alleniativement  du  port  à  la  rade  ou  de  la 
rade  au  port,  selon  le  besoin  que  leur  impose  l'activité  nu  le 
repos.  Cette  ouverture  tire  son  nom  de  la  chaîne  eu  fer  qui 
la  barre  le  soir  et  qu'on  tend  à  fleur  d'eau  pour  interdire 
l'entrée  ou  la  sortie  du  port  à  toute  embarcation  pendant  la 
nuit. 


Cette  chaîne,  lixée  à  demeure  par  un  de  ses  bouts,  est  at- 
tachée par  son  autre  extrémité,  sur  le  quai  opposé,  à  un 
treuil  en  bois  qui  sert  à  la  tirer  du  fond  de  l'eau,  où  on  la 
laisse  plongée  pendant  tout  le  jour.  Une  barque  à  fond  plat, 
connue  sons  le  nom  de  oa-et-denl,  fait  l'oflice  de  bac,  sons 
la  conduite  d'un  condamné,  et  transporte  d'un  mole  k  l'autre 
toute  personne  qui  se  présente  pour  passer. 


Deux  caronades  sur  affûts,  chargées  à  mitraille,  sont  diri- 
gées du  môle  occidental  contre  le  mole  opposé,  pour  défen- 
dre, à  quelque  heure  que  ce  soit,  le  passage  de  la  chaîne  aux 
forçats,  en  cas  de  révolte  de  ceux-ci. 

Sur  les  deux  extrémités  des  milles  qui  forment  la  chaine- 

neuve,  on  a  établi  la  coquerie  ou  cuisine  des  équipages  des 

I  navires  qui  se  trouvent  en  réparation  ou  en  commission  de 


port  dans  l'arsenal.  Comme  il  est  absolument  défendu  d'allu- 
mer du  feu  à  bord  de*  navires  dans  l'arsenal,  on  a  dû  choisir 
un  endroit  où,  sous  la  surveillance  ince,ssante  des  pompiers, 
les  matelots  pussent  faire  bouillir  en  paix  leurs  fèves  et  leurs 
haricots.  A  'Toulon,  le  lieu  est  assez  mal  choisi  sous  tous  les 
rapports.  D'abord  le  feu  est  fait  en  quelque  sorte  en  plein  air, 
[>uisqu'iJ  n'est  abrité  que  par  des  niches  peu  profondes,  pra- 


tiquées dans  l'épaisseur  même  du  mur  du  rempart,  etqu'un 
vent  violent  pourrait  éparpiller  des  étincelles  dans  le  voisi- 
nage où  se  termina  le  rang  de  vaisseiu\  l^'^  m  lui^ins  parti- 
culiers. La  pro-fimité  de  la  niir  ne  ju-ini  ■  I m  |i  is  pleine- 
mentla  sécuritéavec  lapielle  on  enU'i'ii  ni  1  i,  i,i;it  le  jour, 
des  feux  homériques.  Ensuite  lacoquerit-  elini,  placée  à  l'ex- 
trémité du  port,  les  matelots  dont  les  navires  sont  eu  répara- 


tion devant  les  bureaux  de  la  direction,  ou  devant  la  direction 
d'artillerie  ou  même  aux  bassins,  ont  un  trajet  immense  à 
faire  avec  un  chaudron  parfois  fort  lourd  .'l  transporteret  que 
la  faim  peut  seule  leur  rendre  léger  ;  ou  bien  encore,  si  c  est 
par  mer  qu'ils  vont  prendre  l'énorme  marmite,  que  de  chan- 
ces ne  court  pas  ce  malheureux  diner  de  l'équipage  dans  le 
frêle  youyou  qui  remplit  ordinairement  cette  mission,  à  Ira- 


T^. 


^  (l-orl.dc  Toulon.  —  La.saUc  i'a 


vers  une  darse  où  tant  de  canots  se  croisent,  où  tant  d'avi- 
rons s'enchevêtrent,  et  où  le  moindre  abordage  peut  faire  o.s- 
ciller  l'embarcation,  renverser  la  marmite,  échauder  les  ra- 
meurs et  affamer  tout  un  navire  !  C'est  très-sérieux,  au 
moins,  ce  que  je  dis  là;  si  sérieux  qu'à  Brest,  ii  Bochefcirt  et 
à  Cherbourg,  pour  éviter  de  (lareilles  calamités,  les  cuqueri.s 
sont  établies  dans  de  grands  hangars,  parfaitement  toitures. 


au  centre  d'activité  du'poit;  et  iiciidant  qu'on  ne  garde  à 
bord  que  le  iioinbre  d'iionmies  .sliiclmu'nt  ni'ii.^^;iin'  à  la 
sûreté  du  navire,  le  reste  de  réi|ni|:;ii:e,  Iraniiiiillinn'iil  assis 
autour  de  tables  bien  installées,  prend  ses  repas  dans  de  laiges 
hangars  voisins  des  enquéries  et  recouverts  par  une  toiture 
commune. 
Nous  ne  franchirons  paslachaine-neuve  aujourd'hui.  Nous 


avons  été  eniraînés  assez  loin  par  la  descriplion  de  l'artillerie 
pour  nous  permettre  une  hallo.  Nous  réserMuis  punr  le  pro- 
chain article,  qui  nous  lamcnera  à  nolie  |  iiinler  point  de 
déjiarl,  la  description  des  Imgnis,  celle  des  trois  bassins  et 
celle  du  magnihque  atelier  des  mécaniciens  qui  s'élève  en  face. 
{La  suite  à  un  prochain  numéro.) 

Cdables  PONCY. 


50 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


BulletiB   feibliosrapliiqvi*. 

L'Éijyple  en  IS-i3;  par  M.  ViCTon  Schoelcheii.  I  vol.  in-8. 
—  l'aris,  IS-iG.  Puijnerre.  (i  fr. 

u  Deux  inlérôts  piiissanls,  dit  M.  Victor  Scliœlcher  au  début 
tic  son  livre,  nous  firent  entreprendre  un  voyajje  en  Orient  (no- 
veinljre  )S4'i|  :  le  désir  d'étudier  l'esclavage  uuisulnian  pour  le 
comparera  l'eMl.ivnue  ilin-licn;  l'e-i|,i-iance  de  corji.Miipler  eji 
Egypte  uu  s|ic(1;cilr  nnrqia' d.iiis  l'lii>luire,  celui  duij  |,eii|ile 
régénéré  par  son  ciKiiiie.  «  M.  Vii((H'  .sclKeli'liiT  punsait  (|u'il 

s'acconiplissail  ^n  l.-^  hinis  du  Nil  uni jvie  de  civilisai!. ui, 

et  qu'un  grau'l   lii  m.ir  ;j|,,..l  m  .le  -:i   |iiu^^aiite  et  généreuse 

voix  une  rac.'  Ii.ii.i.'ini'-.  ..in.r e  :i  la  lih.'ile,  à  l'industrie,  à 

tous  les  perlV.i i.i  hk  -.„  i.h.x.  Si>    .iiidcs  sur  la  servitude 

d'OrienI  ne  miiii  pas  a.  Im-\..- ;  il  .-1  allr  Ir,  .  (iiii|.l.'t.'r  eu  Al- 

«érie,  1.11  la  l'r -r  r.li-i.'  .•ii,-,,iv  .vii iliii-..'  ]n,li|:ili<in.  Elles 

foriru m  11 ivrau.'  si..vi.il    Ir  Imc  ',"•■  id.  S.h.ili'lirr  publie 

aujounl'lLiii  esl  cmsam-  .■iiii.T.iii.-iit  a  i'KkM'I''  l.'aut._-ur  se 
contente  de  dire  ce  qu'il  a  vu.  Il  pose  .les  luiMuisses,  et  laisse 
an  lecteur  la  tilclie,  malheureusement  trop  facile,  d'en  tirer  les 
cunséiiuences.  Il  suffît,  en  ell'.'t,  de  parcourir  (pielques  pages  de 
cet  onvra;îe  pour  'c  rnnvainirc  d'une  bien  triste  vérité,  c'est  que 
jamais  riii;,vpi..  n'a  elc  |ilu>  iiuM'iahle,  plus  opprimée,  plus  avi- 
lie, plus  di'|ii'ii|.lri',  ipie  sciiis  le  (iiiuviTiieuienl  prétendu  civili- 
salenr.lu  lrii|>  lameux  lyrau  Mcliemel-Ali. 

Divers  voyageurs,  dignes  de  foi,  avaient  déjà  eu  le  courage 
d'avertir  la  France  qu'elle  était  la  dupe  d'une  odieuse  niystili- 
cation.  Ainsi,  M.  Fontanier  écrivait,  en  1844,  dans  le  premier 
chapitre  de  son  rai/a^c  dans  l'Inde  (1),  que  «  sous  un  vernis  de 
civilisation,  l'Kgyple  cachait  lous  les  vices  d'une  administration 
tur.|ue;  que,  saut' une  plus  grande  sécurité  pour  les  Européens 
et  les  chrétiens,  elle  était  peut-être  la  province  la  plus  mal 
gouver ,  cl  iucduiesl  dilcuicnl  la  plus  nialli.-iueuse  de  l'em- 
pire »  Mais  M  i'.julanicr  s'elJil  for.  ciuciii  c.iiii.iiic  d'cxpli.iuer 
en  (liiclipcs  linn.-s  l..,s  caiiM's  di's  cii s  pr.i  li:^i.'MM!s  dans  les- 
quelles ulaiçnlloinlicsjus'|u'a|..iM.i  |..s|.ai'licuiicr^cUe  gouver- 
nemeul.  Celle  vérité,  iiueM.  Fonlauicravait  siinplenieut  avan- 
cée, M.  V.  Schwicher  l'a  développée  et  prouvée  daus  l'intéres- 
sant ouvrage  qu'il  vient  de  publier. 

Deux  ou  trois  citations  empruntées,  dans  des  ordres  de  faits 
dilTiTents,  à  ce  nouvel  ouvrage  de  M.  Victor  Scliueleher,  eu  fe- 
ront comprendre,  mieux  que  tous  nos  éloges,  l'intérêt  et  ta  nou- 
veauté. 

«  L'EgypIe  est  devenue,  dit  M.  Schœlcher,  la  propriété  parti- 
culière de  Méhémet-Ali:  lont  lui  appartient,  terres  el  personnes, 
sauf  les  biens  qu'il  a  di-traits,  pour  1(«  donner  en  apanage  avec 
leurs  habitants,  à  sa  famille  et  a  ses  favoris. 

it  Four  assurer  la  perception  de  l'imiiôl,  Méhémet  a  conçu  un 
genre  de  solidarité  qui  n'a  pas  de  précèdent  ou  d'analogue  dans 
l'histoire  lîscale,  si  riche  d'ailleurs  en  iidiiuilés.  Les  habitants 
d'un  même  village  sont  res|i(iMsalil.'s  l.'S  uns  pour  les  antres;  nul 
ne  peut  se  soustraire  a  elle  illinjulile  lui  ;  c  u'esl  pas  tout  ;  il 
y  a  solidarité  entre  les  vilhine^  .l'un  niéiiie  canton,  el  entre  les 
cantons  d'un  même  déparlenieut.  Lorsqu'un  vMIage  est  reste 
quelque  temps  sans  pouvoir  acciuitler  la  taxe,  et  que  la  solida- 
rilé  des  voisins  ne  parait  pas  devoir  combler  le  déticit,  il  est 
cunlisqué  au  prolit  du  grand  pacha  ou  vice-roi,  avec  tons  ses 
habitants  el  toiiles  1..,  i,  rus  .pd  en  dépendent.  C'est  la  con- 
trainte par  corp-  c\i'ii'.'.  cil  m  .-  .■;  bien  plus  que  la  conlraiiiie 
par  (-orps,  c'est  ia  ii.i  .■  .■ii  .iv  lUiil.-  delà  |iopulaiion  insolvable; 
car  il  faut  ajoid.-c  .[u'iiii  vill.l,^.■  une  l'ois  couUsquë  ue  peut  plus 
s'affranchir,  pajàt-il  même  sou  arriéré.  » 

Mehéinet-Ali  ne  conlisqne  pas  lous  les  villages.  De  temps 
en  temps,  il  avise  tel  ou  tel  homme,  bey  ou  aulie,  musulman, 
copte  ou  arménien,  qu'il  sait  s'être  enrichi  d'une  manière  quel- 
conque, et  il  lui  fait  présent,  par  grJce  singulière,  de  deux  ou 
trois  villages,  le  laissant  mailre  de  disposer  à  sa  fantaisie  des 
hommes  et  des  cho-es.  Tout  le  monde  redoute  ces  cadeaux,  que 
personne  n'.'se  refuser.  En  ellel,  lorsi|ue  le  généreux  prince  vous 
donne  nu  village,  cela  veut  dire  <|u'il  vous  rend  responsable, 
vis-à-vis  du  trésor,  de  la  redevance  de  ce  village,  sans  parler 
de  l'arriéré,  que  l'on  rembourse  eu  compensation  de  la  faveur 
du  maître. 

Parlerons-nous  maintenant  de  l'administration  ou  plutôt  de 
la  venle  de  la  justice,  de  l'élal  des  écoles,  du  sort  des  fellahs, 
ces  serl's  si  durement  allacliés  à  la  glèb.*,  ipic  le  virtli..-inieiir  .le 
l'Egypte  fut  pendre  lorsqu'ils  se  pernielli'ul  il.'  .piiii.r  liMir  vil- 
lage natal;  de  la  chasse  aux  hommes  ihiii>  h'  K.ir.l.il:in?  les 
bornes  de  cel  arlich'  ne  nous  le  penniili-iii  pas.  Lu  reiiMiyanl 
au  livre  de  M.  SiIhcIiIu  i-  .eux  .!.■  imk  Ic.i.'iirs  qui  désireraient 
connaître  l'éhil  r.  d  .1.'  ..il.-  iiialli.'.n  ru,.'  i-,L,Ngle,  dont  l'avenir 
n'est  pas  moins  trisi..  .pie  1.'  puscui,  .l.i  i  u  par  un  homme  de 
conscience  el  de  cieur,  nous  lui  ferons  nu  dernier  emprunt.  On 
verra  par  les  paragraphes  suivants  comment  Meheiuet-Ali  a 
organisé  rindiistrie. 

Il  Les  filatures  de  Méhémet-Ali,  dit  l'auleur,  lui  donnent,  à  ce 
qu'il  |)iMli,  de  beaux  bénéfices.  Il  vient  de  faijre  un  traite  par 
lequel  il  a  vendu  pour  un  an,  à  uu  prix  déterîniné,  tout  ce  qu'il 
produirait,  .s'engageant  à  livrer  au  moins  trente-cinq  mille  piè- 
ces par  mois,  i.es  toiles,  assez  grossières,  mais  solides,  sont 
tantes  consommées  sur  place;  teintes  en  bleu,  avec  l'indigo  du 
|)ays,  elles  forment  le  seul  vêtement  des  fcuimes  de  la  ba-se 
cla^se,  en  vertu  d'un  rnouupole  v.'xiiloire.  Nulle  femnu;  fellah 
ne  peut  ;iciicici- Cl- \cii  iii.Li  ;hiIi,  i>;irt((ne  dans  les  magasins 
du  gr.Hcl  pi.rlia  .111  lie  .  i<  ,,i  -,.uis.  Chaque  pièce  porte  une 
mar.|ui-.  Il  !.■  IVm  n'aurait  point  cette  mar- 

que siT  11  rv|,  ,  ,c  :i    n.i  ,-,  ,cn'  .  !..ililiicnt. 

«  A  \uir  !■■  ninnvciiuMt  industriel,  à  voirces  édifices  aux  larges 
façades  niblrcs  ,1,.  Icnêlres.  on  se  sent  porté  toul  d'abord  à 
louer  l:i  li  -Ils,  (•  .1  ■  rii.uume  d'I'.tat  ipii.  eu  1.  s  élevant,  eut  l'idée 

pari  .-  ■'.    .:.    |..      .    .,         •■  ,e.  '     ,  :  ,:  ^.     ,  ,,,'  .'..i.i.ni.iel  de 

VM  '''     '       "■'"■'     ■  ■  '•      '       ■■    •  ■'    '        '     .I(.s,|ue  I;,  pen- 


sa cnpidit,'. 

Il  Les  ouvriers  des  fabriques  particulières  du  vice-roi,  comme 
ceux  de  l'arsenal,  de  la  fonderie  et  des  établiss.'nu-nls  publics, 

sont  pris  de  viv.'  l'nn-e  rl:ills  les  villii ;    :in';ie|,e.    :,  i,.,;rs  f-iii-l- 

Strie;  \r.  liàimi  .■nuif, le  I,  m  , i ^     .  „\  it,.  ',    ,  _ 

dace  li..  l'ail'c  la  ll nlle  ivm    ,  i,,    ■     l  '  ■        ,,    ,,|.;      nelili.ne- 

meUt,iU   !.•  ...■UVCMl    ivsIit  ili.         i:         ,      ,      .:i,v   .l,\    slllls   |,el- 

missinii;  c,.|iii  iiMl  s'idni^iie  .1.,,,  ■  I,  ;m  iiir  nu  :;oiaiii,  et 

il  sait  que  s'il  ne  revient  pas,  .Hi     :    '  ■.  i.ulenienl  le  terme 

lixe,  le  girant  estniiseii  prison  jieiu'a  .eu  1.  Unir.  Dans  les  ate- 
liers, les  hommes  sont  trailés  connue  des  esclaves.  Les  conlre- 
maltres  parcourent  les  salles  armés  d'une  badine  de  dattier, 


(1)  ïi-i 


.  Paulin.  7  fr.  W  c.  te  volui. 


dont  ils  frappent  ceux  qui  causent  ou  ne  se  montrent  pas  assez 
actifs  à  leur  gre.  Les  taules  grives,  rie  même  que  l'absence  à 
l'appel  du  malin,  sont  enneisirc.^s  et  punies  après  le  travail 
avec  le  l'àloii  nu  le  courbach.  l.e  travail  forcé  une  fois  admis, 
tiiules  les  cruautés  dnchâlimeut  corporel  en  devienneut  la  con- 
séquence logique. 

Il  Les  hiiuiuies  condamnés  à  cet  inf:^me  régime  ne  sont  point 
payes  a  prix  dehaltns  Mvee  ei> .  ;;,  :  :,ii  -jv  ,',„  .1,  iitre,  qui  en- 
core les  met  te  plus  s  n  1  ,  i  .  ,  ,  ,,  ,;,,  ,  ,,,i  .;iiis|_  par  uu 
ralfineiuentcnicl,  l.i  \ .  I  ,e  .1  ,  i.  1  .i,  ;  ml,  pour  ex- 
traire de  ces  itul.'s  je  /i  ,.  1  ,  e,  ,•  1  ,s,e  I  ,'  -,  ■  hors  fiu'ces. 
(In  l.'llr  .li.linc  lin  s;il,,iie.    |i.n.    ■  .,11  ,1  l,H,l    luen  .|n  ils  :,M  ni  de 


lie  f.i 


m   |e 


la 


de  lu   l';i 
raig'i.i 


'.  Comme  il  a  éle  dit  plus  haut,  ou  leur  l'ail 
s  pour  les  faux  frais  de  la  manufacture,  pour 
lin  un  mulet  de  manège  qui  meurt,  pour  lé- 
é,  etc.  ynelquefois  enfin  ce  qui  leur  reste  dû 
m  bout  de  six  mois  en  produits  mal  réussis 
Is  revendent  a  nioilié  prix  pour  réaliser  de 


Il  Voila  coiiinie  tout  traités  les  ouvriers  de  Méhéniel- Ali.  Aussi 
pditenl-ils  sur  leur  figiire  pile  el  cave  l'empreiutu  d'une  pro- 
fonde tristesse.  » 

L'J'-ay/jte  en  ISir,  se  divise  en  deux  parties.  La  preini.'.re  est 
la  part.e  pnlltir|ii.'  :  les  iinpiils,  l':idiuiuistiati..n  de  la  jnsii.c,  les 
■■      '    wals,  les  iiépilaux  et  l'école  de  iii.'deciiie,  l'ar- 


seual,  les  ; 
ment  de  1' 
le  Scnne.r 
•t  ceypiie. 


l'I  le  Ko 


on/ 

sihle  lie  le 


les,  les  l'atlliiucs,   les  éudes,   le  peire- 
I.,  l.'S  lellalis,  la  chas.se  aux  lioiunies  daus 

u.  les  eu tues,  de  la  nalioualité  arabe 

■,  .1  eolin  M.'lieiiiel-Ali,  tels  soûl  les  tilres  de  ses 
s.  lell.'ineut  l'emplis  de  faits,  qu'il  nous  eslimpos- 
n:.l>s,T. 

Lu  se.'iiiile  li.Hiiea  pour  titre  :  Voyage.  Elle  comprend  treize 
chapitres,  iiiiiioles  :  1"  les  bateaux-postes  du  Levant;  Malle; 
2°  d'Alexandrie  au  Caire;  S"  le  Caire;  4°  nniMii.e  ;  ieli:;iou; 
5"  le  Coran;  0°  navigation  du  Nil;  le  Nil;  .1,1  nii  .1  ,  7" 
Moyenne-Egyple  ;  8"  races  des  habitants  de  ri;^\|ih  .  niieiio- 
rilé  de  la  législation  élliiopienne;  !)"  Hante-Lgipie  ;  lU' mines 
de  Ihèbes;  H"  Part  dans  l'ancienne  Egypte;  12°  uàoiuihcations; 
1ô"  pyramides.  A  propos  des  pyramides,  nous  donnerons  à 
M.  .Scliœlcher  le  conseil  de  lire  le  remarquable  ouvrage  de 
M.  Kialin  de  IVisi^ny,  dont  rilhi^lm/ùn  a  publie  l'analyse  dans 
sou  numéro  lin  .s  ui.v.'iiiliie  lèi;..lla  .-ii  laisiui  de  ne  pas  croire 

que  ces  nioiil;i^iii  sil.  pieu ss  ni  il.'  elrvies  seulement  pour 

y  enfermer  un  s>ineleUe  île  rimi  pii'.ls.  cnmnie  dit  Volncy,  et  que 
l'esprit  investigateur  des  critiques  modernes  nous  révélerait,  sur 
le  but  de  pareilles  constructions,  quelque  chose  de  plus  satisfai- 
sant. 

11  La  renommée  de  IMeliénu't-Ali,  dit,  en  terminant  le  portrait 
de  ce  l'.iliv  :;iand  Ininuiie,  M.  Vie.l.ir  .S  lue  eh.,-,  in'lll  surtout  à 
l'es|)ril  iprii  a  en  de  cuin|Mvn.lre  I,.  p,,iu.,ii  .h-i..  ,,,  laine.  Il  est 


le  pi 


lit  use  lie  la  pi 


i'|i|ii 


;  poris  de  mer 
e,qui  expliqu 


ilp; 


l  l'ait  mettre 
ineuls  il  des 
des  subven- 
inpirequ'ob- 
iieiiii. m  !.  s  il, II, MHS,  u  éprouve  un  i;ranii  lnuilii-ur  a  se  faire 
trailiii.'e  les  ci.i.ms  .le  s  n  g.Miie,  iloiii  il  | rnul  luinver  la  fac- 
ture.Ii.ns  s.,s  leiiiiiies.  iM.'d^iie  i.inl,  il  isl  liidicil..  .pie  la  verilé 
tarde  liingi.nips  eniore  a  se  taire  |our;  les  esprits  sérieux 
commencent  déjà  â  se  détromper,  et  bi^'Utùl  le  vice- roi  d'Egypte 
n'aura  plus  d'autre  renommée  que  celle  qu'il  mérite,  celled'un 
eharlalau.  n 


Glanures  d' Ésope ,  recupil  de  fables;  par  M.  J.  J.  Pouciiat, 
ancien  lecteur,  professeur  îi  l'Acadéinie  de  Lausanne. 
i  vol.  in-8  de  5,45  pages.  Troisième  édition.  —  Paris, 
Bslin-Mandur,  rue  Christine,  5. 

S'il  est  besoin  dejustifier  la  publication  d'un  volume  de  fables 
nouvelles,  nous  eu  laisserons  le  soin  à  l'auteur  lui-même.  Voici 
son  prologue  : 

Quand  la  vieiUo  Parabole, 
IJ.i  s,è,le  adrontanl  le  bruit, 
Obo  ouvrir  son  humble:  école, 


Aux  peuples  dicter  des  lois; 
L'Apologue  avec  un  saee 
Parut  même  cliez  tes  rois  : 
Pour  lui  vrai  temps  de  miracles! 
Il  fil  la  paiy  ,  la  guerre,  et  valut  des  oracles. 
A  rt'tîir  ItsÉiats  il  renonce  aujourd'tiui; 
Mais  (lu  peuple  et  des  chets  doucemenl  il  sait  nrc 
El  la  l,,çon  uui  vieul  de  lui 
Prolile  mieu.x  qu'une  satire. 
A  lui  de  nous  charmer  I  Quand  l'austère  Boileau 
Imm  ,1.,  à  son  ti'Cleiir  Cassasnc  el  Coelt'cU-au. 
La  Fontaine,  plus  deux,  fait  voir  phis  de  sagesse, 

Et,  pour  corriger  noire  espèce, 
Un  r.-nard  lui  sillii,  u..e  mouche,  un  roseau. 
H.uriux  qui.  n 


Boi 


Mon 


.  Uel  1 


El  n'a  pour  ennemis  que  les  loups  et  tes  ours  ! 
11  rend  la  poésie  à  son  antique  usage; 

Sans  flâner  lis  folles  erreurs, 
De  l'ciifanl,  du  vieillard  il  obtient  le  suffrage. 
Même  en  nous  censurant,  il  échappe  aux  censeurs. 

M.  l'orcliat,  en  traçant  dans  ces  vers  gracieux  la  mission  du 
fabuliste,  montre  d'abord  qu'il  s'est  fait  la  plus  juste  idée  du 
genre  aimable,  et  toujours  goûté,  dont  il  s'occupe  avec  bon- 
heur. Le  recueil  ne  dément  point  le  prologue;  c'est  l'œuvre 
d'un  ami  de  la  sagesse  non  moins  que  d'un  poëte.  On  louera 
la  pure  simplicité  de  lu  forme,  cl  le  nylc  clair,  élégant  el  ferme 
sans  durcie;  mais  ou  sera  p.  m-,  ii  '..eei,  pins  l'iappé  de  la 
richesse  du  foudseldela  p.ui   .  ,  ,  ,,   eiii,,  de  ic  livre,  n  rit 

d'ailleurs  sans  fastueuse  pi.  lee.   ,  ,,'  |,eiiii  de  vue  mur  il, 

uiius  n'en  ciiunais-iins  pas  iLii,  ,  .  m  e,  depuis  l.:i  iMinlaiue, 
'P  1  "  "  "Il  1  spiil  plus  s;ii,i  et  |dii5  elcve.  IMatou  cl  le  Ciirist 
.  '  j,  '  11  la.  .V  ce  soidile  pur  el  salutaire,  ue  rec..iiuaîl-ou 
,  1  ,,  ;  1 ,  11.'  peeii.|ue  iniiure  des  Alpes  et  du  Léman'/  celle 
iii.ic.  v.ill,  e  un  l';iuii  iir  a  \e,-ii  en  i!  s'esi  insnire.  un  il  lut  siin- 
vcnt  l'hôte    bienveillant   des  ;  ,.     ,   ,      •    ,  ii,,.iiliriini  qu'il  cl  le 

nôlre,il  voit,  umis  l'esperuii- .  1,   .  ,, eux.  ipie  ses  aP  étions 

étaient  bien  idacces.  C.ctie  I  ,.e  .  ,.  .pu  i,\.'  s.uivcnl  l'aitcntiiin 
du  fa.iuliste  In-h.ticn,  et  dnnt  il  s'incnp.'  comme  d'une  autre 
patrie,  1  oinin.'in  e  a  leconnailn^  cl  a  l'ainicr. 

Sons  le  lilic  iiiiidcste,  mais  peu  exact,  de  Glunum,  M.  l'or- 
cliat nous  oll're  riTllcment  une  ,„„i.ti.ou  nouvelle  dans  le  chaiu|) 
de  l'apologue  ;  car,  entre  ses  nombreuses  qualités  de  poile,  la 


richesse  d'invention  sera  peut-être  mise  au  premier  rang, 
plupait  des  sujets  nous  paraissent  entièrement  neufs,  ou  lia 
d'une  laçiin  tiiiil  a  lait  originale.  Nous  aurions  pu  craiudre 
l'aniitie  ue  nous  aveuglât  ;  mais  nous  avons  de  nombreux  gar:. 
La  Jltvue  de  Puris,  \ns  D'ï/itlSf  et  beaucoup  d'autres  joui  : 
ont  parlé  de  ce  recueil  de  la  manière  la  plus  lavorable;  ai; 
mention  que  nous  lui  donnons  aujourd'hui  arrive-l-elle  ;r, 
ment  où  la  Iroisième  édition  est  presque  épuisée.  L'accu, 
nous  avons  vu  faire  cel  hiver,  daus  [.lusieurs  salons  letti 
M    Forchai,  qui  dit  ses  fables  aussi  bien  qu'il  les  compose, 
autorise  à  prédire  que  bientôt  les  G/uni/rc»  d'Ési,pt  seroiii 
coiiiioes,  aussi  goûtées  aux  bords  de  la  Seine  que  sur  les  1 1 
du  Léman. 
Citons  encore  une  fable,  prise  parmi  les  moins  étendues. 

LA  FEUILLE  DE  CHÊNIi. 


Une  feuille  de  chén« 
Volait  au  eré  du  vent,  . 
Et.  dèdai(;oatit  la  [ilaiue, 
Disait  en  s'étevaiit  : 

«  Oh  !  que  loin  de  la  terre 
J'ai  pris  un  noble  essor  1 

Qui  peut  I 


Eltefut  aussi  vainc' 
Tant  que  Zéphyr  t'aida; 
II  retint  s.  D  haleine. 
Et  la  feuille  tomba. 

Vous  tomberez  c^mme  el 
Ce  ébritéi  d'un  jour 
Quand  la  vogue  infidèle 
Aura  change  d'amour. 


Du  Système  prohibitif,  par  M.  Henri  Fonfiiéde.  Brochure 
in-8  de  105  pages.  —  Paris,  1846.  Guilkuinin.  —  Bor- 
deaux, CUaumas- Guyct . 

M.  Campan,  secrélaire  de  la  chambre  de  commerce  de  Bor- 
deaux, a  eu  rcceuiinenl  riienieuse  idée  de  publier  les  œuvres 
coiiipleles  de  Ueiiri  Funliele,  ce  publicisle  girondin  qui  s'était 
f.iil  dans  la  pr.si,.  nue  ;i  belle  place  pur  son  laleul.  Les  œuvres 
d'un  écrivain  soûl,  en  eficL  le  plus  beau  niouuinenl  que  ses 
amis  puissent  élever  a  sa  mémoire. 

Pendant  le  cours  de  son  travail,  M.  Campan  a  cru  devoir  pu- 
blier à  part  la  brochure  de  Foiifrède  sur  le  sysléme  prohibitif. 
Cette  pnblicalion  ne  pouvait  avoir  lieu  dans  un  uiomeul  plus 
opportun  que  celui  où  les  fiee-lyaders  français  se  réunissaient 
pour  donner  un  bantuetà  Richard  Cobden. 

Mais,  en  niellant  à  part  ee  mérite,  dû  tout  entier  à  l'opportu- 
nité, il  en  reste  encore  un  autre  qui  recommandera  snflisauiineut 
ce  travail  de  Foulrède  à  luiis  les  amis  de  la  liberté  commerciale. 
En  effet,  quelle  quesoil  l'opinion  qu'on  embrasse,  que  l'on  veuille, 
avec  les  libre-ecbangisles,  l'abolition  du  système  protecteur 
ou,  avec  leur.s  adversaires,  la  conlinuation  de  la  proteelioo,  où 
bien,  mieux  encore,  si,  simple  spectateur,  on  se  place  en  dehors 
des  deux  paitis  qui  ont  aujourd'hui  levé  leur  drapeau  Fun  con- 
tre l'autre,  ou  reconnaîtra,  si  on  ne  s'arrête  qu'au  mérite  inlrjo- 
sêque  de  l'nuM-age  de  Henri  Fonfrède,  que  rien  de  pins  saisis- 
sant, de  plus  cli.ir,  de  pins  net,  n'a  éle  écrit  sur  le  système  pro- 
hibitif ;  jamais  il  n'a  ete  attaque  daus  un  style  à  la  fois  plus  simple 
et  pins  brillant. 

Entre  autres  reproches  que  lui  fail  iW.  Fonfrède,  plaçons  < 
première  ligne  celui  d'être  tellement  ab.-olu  qu'il  n'a  pour  con- 
clii-iun  que  de  pousser  tans  cesse  les  nations  vers  le^  dernières 
limites  de  la  pri.lection.  En  cll'el,  pour  suivre  l'auteur  daus'^ou 
raisonneuiciu,  les  industries  prn ilc;,iecs  n'onl-elles  pas  com- 
mence par  dire  :  protegez-nons  jiisqu  a  ce  que  nous  ayons  acquis 
assez  do  force,  assez  de  développement  poui'  supporter  la  con- 
cui  rence  élraugère  ;  mais  ee  jour  n'arrive  jamais,  car  quand  il 
est  de  nouveau  queslion  de  loucher  aux  larils,  ces  mêmes  indu- 
stries, eelles-la  même  qui,  pcriii.li.iiienieiil,  quand  il  s'agit  de 
récompenses  Mute  incilaillcsa  disli  ihii.c,  s,,  vauleiit  haruiinent 
de  ue  ciaindie  ainiine  cimciini  ncc.  el  de  faire  niii  ux,  meilleur 
el  a  meilleur  mari  lie  que  les  industries  rivales  similaires,  dis,  „| 
cette  fois  :  Voyez  les  progrès  que  nous  avons  lails,  voulez-i.  us 
1.  s  coinpioineilre,  les  anéantir,  en  ouvrant  témérairein m  ,  s 
barrières  à  l'invasion  des  produits  étrangers.  Le  sysièine  ;  n 
nom  duquel  on  débite  lous  ces  raisonnements  est  tetlenu  ni 
absolu,  qu'elles  ne  s'aperçnivent  pas  qu'elles  en  sont  elles- 
mêmes  les  viciimes.  parce  que  les  industries  protégées  laisanl 
payer  une  prime  en  leur  Tiveiir  a  celles  qui  ne  jouissent  jias  de 
cette  pniteclion,  nu,  m  n  ,  m  .,nis|  ii.u.s  |ts  produits  qu'elles 
consoinuieulel  qn'.'-l   ■  ...    ,  ;  .lie-eni  pus. 

L'auteur,  pass. ni  .,,■  i,  ;,  lee  iln.'rses  industries  privi- 
légiées ,  aborde  djuiics  .u^uncius.  11  prend  nu  exem- 
ple dans  l'industrie  cotouniere,  dont  lous  les  produits,  du  mo- 
ment qu'ils  sont  à  l'état  de  fabrication,  sont  prohibes,  de  temps 
immémorial,  à  l'exception  des  nankins,  qui  sont  soumis  au  droit 

de  :>  fr.   par  kilegr. ne,  iinand  ils  sunt   imporles  directement 

de  Cliiiie  par  n.niivs  tV^inçns.   l.a  lirnehiire  de  Henri  Fonlrède 
parainail  anjonril'lini,  qu'il  poiiniiii  rcpiodiiire  des  argumenis 
idenli.incs.  le  ministre  duioiiimcrcc  veut  réduire  à  I  fr.  ce  drnit 
de  5  fr.,  el  tout  aussilèt  il  reçoit  les  représentations  de  la  chiiin- 
bre  de  commerce  de  Lille.  Aurait-il  voulu  le  porter,  au  lien  .le 
1  fr.,  à  1  fr   91)  c,  le  résultat  aurait  eie  le  même.  Le  ininiu, 
aurait  dû  s'y  al  tendre,  car  il  a  assez  profite  des  bénéfices  ili, 
lèiiie  proliiliitir,  |.iiur  en  cimnaîti'e  par  cuL'ur  Ions  les  errein 
loule  la  ilipliHii-ilie.  Or,  pour  eu  revenir  à  l'iiidiislrie  du  >. 
n'est-il  pas  |,\i. lent  i|iie  de  deux  choses  l'une,  ou  elle  est  ii.  ..- 
paille,  si,  ;i|iics  un.'  si   longue  proteclion,  elle  ne  peut  souieiiir 
la  coninir.nie  ciiangere,  ou  bien,  si  elle  a  fait  les  progn^s 
iliiiit  elle  s.'  \.inl.,,  ,  II.'  n'a  plus  besoin  de  la  conlinuation  de 
cett.'  piiilei  inm  s,  en.  r.nisc  aiiv  ciinsommalenrs. 

As.-nien.ni,  l'iii  ^ii!:e  ni .  s|  pi  escnl.' siiiis  nue  forme  Spécieuse, 
mais  ii'.si  il  |,:,s  in..,iii|ilei  .'  1'.  iiripiiu  pailcr  toujoni-s  des  pro- 
ilnils  lit. II. lues,  et  n'en  ncn  dire  quand  ils  sont  ;i  l'elat  de  ma- 
lièie  première.'  iNe  seriil-il  pas  plus  logique  de  demander  d'a- 
bord l'abolition  du  droit  qui  grève  à  l'importaiiou  les  cotons  en 
laine.' 

M.  Fonlrède  traite  inssi  la  question  des  fers,  et  examine  en- 
suite les  olij  .  H.  IIS  ,;iM  ,111  elé  failes  au  sujet  du  niainlien,  par 
l'Anglelerie.  e,  ,  .  1  m  n\  acie  «le  navigation  de  lti.%2,  auquel 
cependant  l.i  (,i le  1,1.  i:ii;ne  n'a  pas  encore  osé  loucher. 

•ronlcfiiis.  il  ne  1. .luirait  pas  cioire.  d'apiès  cet  exposé,  que 
M  Fonfrède  veul  leiiM  fser  iiiiiii.'iliaiciiicnl  ti.otes  les  barriè- 
res :  ce  qu'il  deniami,,,  c'est  rati..liiiiin  du  svstcnie  actuel  el  son 
reniplaei  nient  |iar  nii  s.\si,  nie  plus  liln-ral,  mais  ,i.„M  „„  uinps 
duiin, .  .111  iiie>eii  il,,  icdiiclnuis  successives,  et  dont  le  chill're 
seraii  :ii:ii  née  ,r:i\;iiuc.  aliii  ijue  les  industries  privilégiées, 
prcMiines  :i  l',i\  ..ii.c,  ii'eiMiuiMiSMMil  pas  de  trop  brusques  Se- 
cousses, cl  i.uss.ni  iitteiiiihc  |iiii  a  peu,  tout  en  faisanl  chaque 
jour  de  n.ineinv  cneris.  le  inomeul  où  elles  seront  replacées 
daus  une  siiUatioii  re-nli.-rc  el  iii.rmale. 

Tels  sont  les  points  prinejpaiix  trailés  dans  U  brochure  de 
iM.  Henri  Fonfrède.  tjui  Ile  que  soit  ropiniondroeux  qui  la  liront, 
ils  ne  pourront  s'enqiêeiier  de  la  comprendre  au  nombre  des 
pièces  de  ce  grand  procès  qui  s'insiruit  anjouid'hni  enlre  les 
jiartisans  de  la  liberté  des  échanges  et  ceux  de  la  protection. 


L'ILLUSTftATiOlN,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


51 


Ij'ottvrage  couijtlet  fofsuei-a  lO  tomes  (90  voluinegj . 


JUfise  en  vente  <fi«  i^^  voUnne  (i^  toniej. 

ON  SOUSCRIT  CUEZ  LES  ÉDITEl'RS, 

Mi  REAARD,  1I:\RÎ1.\I).\  ET  C0.1IPAGME. 

me  de  Biissi,  (i,  à  Paris. 
Et  chez   les  princi|iaiix  libraires   île    la 

France  et  de  l'élranger. 

Par  MM.  Arago,— Baiulement,— Becciuerel,— Bihrnn,— lihimlianl,— Doilanl,  — de  Briiiisfon  —Ad.  Rronj;iiiarl,— C.  Broir!-KH>,— Binlle.— riu\ii,l;il,— Ondici-,— Hi  i  ai'iie  — rii>lr>-:r  —Vi  'l:>e'  — 
Desmarel,— J.  Desmiviis.— Aïeule  et  Ch.  d'i)rbit;ny,—DiiM're,—Ducliarlre,—Diijardiii,— Dumas.— Diipoiiiliel,—l)iivermij,—Milne  Edwards.- Elie  de  Beaniuoiil,— Floiiroiis,— Is.  GeoUro\-Saint- 
Hilaire,— Gerbe,— GeVvais— AI  de  lUimblndi,— de  Jii>sieu,—Laurillard,—Leiiiaire,—Lévillé,— Lucas,— Mai iiu-Saiul-Aiige,—Monlagiie,— Pelletier,— l'eloiize,—Cuiislant  Prévost,— de  Qualrcla- 
jjes,- A.  Kicliard,- Rivière,- UuuliM,— Valeiuiemirs,  elc,  etc. 

SOUS  lA  EIRECTION  SE  M.  CHARLES  S'ORBICNT. 


l  D'IlliïlIltE 


La  84'  livraison  de  ce  majînifiqne  ouvrajje  vii-nl  d'tMre  mise  en  vente,  r.ttie  livraison  iiini|déle  le  1 1<^  vuliinie  (-'  tome).  L'onvraiie  l'orniera  en  lonl  120  livr 
Il  parait  une  livraisimlous  les  quinze  jours.  Prix  de  1 1  livraison,  conipusée  de  (|nalre  leuillesde  texte  grand  in-b°  ù  2  colonnes,  lit  de  :!  belles  idanches,  avi 
coloriées,  2  fr.  73. — On  accordera  les  plus  grandes  facilites  de  pajeuient  pour  les  volumes  dt'jà  publiés. 


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■  en  20  volumes, 
c;  avec  ligures 


Pour  paratli^  lirochaioerneBl, 

A   LA   LIBRAIBIE 

OliBOCIlET,  lECDEVALlER  el  C", 

Bue  Blcbellea,  60. 


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CENT  TRAITES 


Pour  paraître  prochainemeDl, 

A  LA   LIBRAïaiB 

DlIBflCllEI,  LECUtVAlIER  el  C". 

Bae  Rlcbelleo,  CO. 
A  25  C.  Z.A  I.ITRAISOM 


SUR    LES    CONNAISSANCES    LES    PLUS    INDISPENSABLES. 

Ouvrage  enttèrentent  tteuf,  avec  tlem  GÊ-uvurem  intercalée»  atiÈt»  le  texte. 

Par  Messieurs  :  Alcan,  Albert  Auherl,  L.  Baude,  Béhier.  Bélanger,  Berthelol,  .\ni.  Bnrat,  Cap,  Cliarton,  Chassériau,  Clias,  Chenu,  Deboutt>'ville,  Delat'ond,  Desinichel':,  Déyeux,  Doji^re,  Dubreuil, 
Dujardin,  Dulon$;,  Dupasquier,  Dnpajs,  Foucault.  H.  Fournier.  Genin,  Gignet,  Giranlin,  Giraull  Saint-Farjjean,  Gielley,  Guérin-Menneville,  Hubert,  Fréd.  Lacroix,  L.  Lalanne,  Lud.  Lalainie, 
E.  Laugier,  S.  Laugier.  Lecouleux,  Elysée  Lefebvre,  Lepileur,  Mathieu,  Martins,  madame  Millet.  Montagm;,  Mull,  Mollol,  Moreaude  Jonués,  Parcliaiipe,  Peligot,  l'ersoz,  A.  Prévost,  Louis  Reybaud, 
Robinet,  Schreuder,  Thomas  et  Laureas,  Trïbucbet,  L.  du  Wailly,  L.  Vaudoyer,  Ch.  Verge,  Young,  etc. 

100  livraisons  à  23  cent. 

Clia(]ii6  livraison  teMomadÉe,  composée  d'une  [euille  grand  in-octavo  à  kn  mmi,  pelit-texle,  contient  la  matière  de  CIO  teailles  in-octavo  ordinaire  et  renierme  un  Traité  complet  ponr  26  centimes. 

DIVISIONS  DE  L'OUVRAGE  :  .—  Sciences  mathèviatiques^  Sciences  physv/ues^  M  traités.  —  Sciences  natiirelies  et  mt'dicalps,  M  traités.  — 
Histoirt,  Giograpliie,  15  traités.  —  Jieligiuu,  Murale,  5  traités.  —  Ugislation,  Adminislralion,  a  traités.  —  Education,  lAllérature,  4  traités.  —  Beaux-Arts,  li  traités.  —  AgrtcuUuie,  Iti  traités.— 

Industrie,  12  traites.  — Economie  publique  et  domestique,  y  traités. 


C'est  à  l'Ecosse  que  nous  devons  la  première  idée  de  l'entre- 
prise que  nous  annonçons.  Le  livre  intitule  Cltamhers's  infnr- 
matinn  for  iliê  peopU ,  publié  à  Edimbourg,  en  1842,  obtint,  dés 
son  apparition,  un  succès  presque  inouï.  Dans  le  cours  de  la 
première  année,  il  s'était  vendu  à  70,000  exemplaires. 

Nous  n'avons  emprunté  au  Chambert's  information  que  l'idée 
de  celle  publication.  Tout  en  l'iiuitant  dans  sa  forme  typogra- 
phique, nous  avons  cum;u  noire  entreprise  sur  uu  plan  tout 
dilTerent,  car  il  fallait  avant  tout  l'approprier  aux  besoins  d'iu- 
struction  de  nos  compatriotes. 

La  rédaction  des  Cint  Traités  a  été  conliée  aux  savants  elaux 
écrivains  les  plus  dislingues  dans  chaque  matière  spéciale. 


AVIS  A  LIRE. 

I>es  éditeurs  se  félicitent  d'avoir  pu  faire  apprécier  par  les 
hommes  les  plus  homirables  le  but  utile  de  leur  entreprise,  et 
de  pouvoir  compter  mms  la  liste  (le  leurs  collaborateurs  les  sa- 
vants les  plus  connus  par  leur  dévouement  aux  classes  indus- 
trieuses. 

Les  Cent  Traités  formeront  deux  volumes  grand  iii-8,  conte- 
nant la  matière  de  plus  de  trente  volumes  ordinaires,  avec  des 
gravures  sur  bois,  aussi  nombreuses  que  la  matière  l'exigera 
comme  éclaircissement. 

Chaque  volume  sera  composé  de  50  feuilles  à  deux  colonnes, 
en  petit-texte  trés-lisible,  et  imprimé  avec  luxe  sur  un  papier 
de  la  meilleure  qualité. 


Chaque  traité  Sera  renfermé  dans  une  feuille  (rarement  deux), 
qui  paraîtra  sons  forme  de  livraison  hebdomadaire,  el  pourra 
s'ac()uerir  sé|ia rément. 

Cette  publication  s'adresse  surtout  aux  classes  laborieuses, 
pirmi  lesquelles  il  s'opère,  depuis  quelques  années,  uu  travail 
d'iiilelligeiice  (|iie  les  lioiiimes  à  portée  de  voir  et  en  état  de 
comprendre  suivent  avec  intérêt. 

Néanmoins,  Imiles  les  classes  de  lecteurs  trouveront  leur  pro- 
fit dans  cit  ensemble  d'instruction  sur  toutes  les  choses  qu'il 
ii'-'st  permis  a  piTsoime  d'ignorer,  cl  moins  â  ceux  qui  ont  du 
loisir  qu'à  ceux  qui  travaillent. 


£è»  rente  cite»  %r.  >r.  nVBOCBJST,  gjECMMeVAJLMJEMt  tb  C*,  éaiteur;  rue  Micheliew,  «•. 

ENSEIGNEMENT  ÉLÉMENTAIRE  UNIVERSEL,  ou  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  JEUNESSE. 

Ouvrage  également  utile  aux  Jeunes  Gens,  aux  Mères  de  Famille,  à  toutes  les  personnes  qui  s'occupent  d'Education,  et  aux  Gens  du  Monde; 
Par  MM.  A.\drielx  DE  BRIOUDE,  docteur  en  médecine;  L.  BAUDET,  ancien  professeur  au  colléj^e  Stanislas,  et  une  Société  de  Savants  et  de  Lillératenrsi. 


Matièbes  TRAITEES  DANS  CE  Vol isiE  :  Gram- 
maire. —  Langue  française.  —  Littérature.  — 
Rhétorique.  —  Poésie.  —  Eloquence.  —  Philo- 
logie. —  Arithmétique.  —  Algèbre,  Géométrie, 
Mécanique.  —  Physique.  —  Chinvie.  —  Récréa- 


tions scientifiques.  —  Astronomie,  Météorolo- 
gie. —  Histoire  naturelle  eu  gênerai.  —  liéolo- 
gie.  —  Minéralogie.  —  Botanique.  —  Zoologie. 

—  Anatoinie.  —  Physiologie.  —  Hygiène  privée. 

—  Hygiène  publique  —  Médecine.  —  Chirur- 


gie. —  Géographie.  —  Histoire.  —  Chronologie. 
—  Biographie.  —  Archéologie.  —  Numismati- 
que. —  Blason.  —  Religion.  —  Philosophie.  — 
Morale.  —  Mythologie.  —  Sciences  occultes.  — 
Législation.  —  Du  Gouvernement  et  de  ses  for- 


mes.—  Economie  politique.  — Agriculture. — 
Horticulture.  —  Art  militaire.  —  Marine  —  Im- 
primerie.— .Musique. — Dessin,  Peinture,  Sculp- 
ture, Gravure  et  Lithographie.  —  Aichiteeliirc. 
— Education. — Rellexiuos  sur  le  choix  d'un  étal. 


On  seul  volume,  format  du  Million  de  Faits,  imprimé  en  caractères  Irès-lisibles,  contenant  la  matière  de  six  volumes  ordinaires  et  enriciii  de  400  petites  Gravures, 
servant  d'expiicalion  au  te.xte.  —  Prix  broché  :  10  fr.  ;  élégummeut  cartonné  à  l'anglaise,  11  fr.  50  c. 


IFIT  n'rmrrÇ  CoUcction  des  pins  beaux  problèmes 
JLU  U  LuIlLLu,  d'échecs  au  nombre  de  plus  di^  deux 
mille  (represeiJles  en  diagrammes),  recueillis  dans  tous  les  au- 
teurs anciens  et  modernes,  par  A.  Alexandre,  I  vol  grand  in-S 
jésiis-velin,  in  Ir.;  sur  papier  fort  collé,  30  fr.  Chez  S.  Dufuur  el 
compagnie,  I  bis,  rue  de  N'crneuil. 


HENRY  I". 


H.  I.EVII.I.AVER ,  CHEMISIETt,  22,  rue  des  Filles- 
Saint-Tliomas,  au  coin  de  la  rue  Richelieu.  Nos  abonnes  nous 
saurnnl  gre  de  leur  faire  connaître  le  changemcnl  de  domicile 
des  magasins  de  Chemises  Levillayer,  dans  lesquels  se  trouvent 
reunis  le  bon,  le  beau,  le  bien  fait  et  le  bon  marché.  Les  étran- 
gers 'ont  engagés  à  visiter  ce  vaste  établissement,  où  on  leur 
distribuera  un  prix-courant. 


GLACES,  SORBETS, 

Champagne  Irappé  par  les  plus  grainles  chaleurs  à  l'aide  île  l'iii- 
geuieux  petit  Appareil  des  ItlIacièfeH  giariliit'ttneH, 
/«,  ItanlevartI  M*aiHHunêtière,  et»  face  fie 
la  rue  tin  Sentier.  Les  Rapports  de  la  Société  d'en- 
conragemenl,  des  Hôpitaux  niililaiies,  le  compte  rendu  de  l'Illus- 
Irutiin,  les  nombreuses  lettres  de  lelicilatioii  envoyées  aux  liiven- 
teiiis,  lémoignent  de  la  honié  de  ces  Appareils  qui  proscrivent  les 
acides  dangereux,  el  fonctionnent  à  l'aide  d'un  Set  brereté,  au'-si 
inonensif  que  le  Sel  de  cuisine.  —  Prix  de  ces  Appareils  :  18,  38; 
et  55  fr. 

S  rbelleres  indispensables  pour  les  soirées  d'hiver  !i  la  campa 
jjne.  Prix  :  25,  38  et  55  fr.  —  La  brochure  explicative  et  nu  tarif  des  accessoires  tels  que  Sels, 
fr.'ppe-cjrafe,   mesures,  elc,  seront  envoyés  gratis  à  toutes  les  per.sunnes  (|ui  en  feroiil   la  de- 

I de  (franc;)  au  Depûl,  boulevard  Poissùuuiére,  12,  eu  face  de  la  rue  du  Seulior.—  Expériences 

publiques  tous  les  jours  à  2  beures. 


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Soirées  musicales  et  dansan- 
tes,   les   dimanches,    lundis. 
Jeudi-.  Entrée  :  2fiancs. 
Les  samedis,  grande  fête.  En- 
trée :  5  francs. 

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(ClIAMI'S-ELYShES). 

Soirées  musicales  et  dan- 
santes. —  Les  dimanches  et 
jeudis:  Prix  d'entrée,  i  fr. 
r>0  c— Les  mardis  el  samedis: 
Prix  d'entrée,  3  fr.  —  Bestau- 
rant  ci  calé. 


IV  rUnrni  àT  Wrf'IIITr'D  comme  tout  produHavan- 
IjEi  liOULULAl  nUllllLR)  tageusemefU  connu,  a  ex- 
cite la  cupidilé  des  conirel'actenrs.  ^a  forme  particubère  el  ses 
enveloppes  ont  été  copiées,  el  les  médailles  dont  il  est  revêtu 
onl  ete  remplacées  par  des  dessins  auxquels  on  s'est  efforcé  de 
donner  la  même  apparence.  Les  amateurs  de  cet  excellent  pro- 
duit voudront  bien  exiger  que  le  nom  Menieb  soil  sur  les  éti- 
quettes et  sur  les  tablettes. 

Dépôt,  passage  Choiseul,  21,  et  chez  un  grand  nombre  de  phar- 
maciens et  d'épiciers  de  Paris  et  de  toute  la  France. 

PAPIER  D'ÂLBESPEYRES 

Entretenant  seul  les  VÉSICATOIRES  ,  sans  odeur  ni 
douleur.  Failli.  St-Denis,  S»,  el  dans  les  pharmacie,  de  province 
el  de  l'étranger. 


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CENT  MILLE  FRANCS 

A  la  personne  doni  les  CORS  et  OGNONS  réfiisteraient  au 
traitement  du  sieur  (;i.UVAIS  eliir.-ped  du  roi  des  Belges,  lixe 
.i  Paris,  rue  Cmix-des-P.  iits-Cliam|is.  2J.  (Prix  :  1  fr.  25  c.  le 
rouleau,  a\ec  l'instruclioii.)  On  txpi.die. 

MtUDIESJOiïlIlNE 

Trallt  siirlaK'iiritiiri  ric  m  M.ilo'lles.  snrliMit  delà  l'Iill.isip, 
Asllinie,  C.'l.irrlicel  .les  antirs  m.  la  H.  s  (■l.r..i.uiiii-s.  Dartres. elc. 

Par  le  Ducleur  TIliAT,  Uf.  Maleiuart, 
<  V.  io-£  :  (i  r.  5U  par  la  poste,  ch.  l'Auteur,  r.  Uicuelieu,  Si.A/f, 


32 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Modes.  —  Equipai^eB. 


Le  domaine  de  la  mode  s'.HondaiU  sur  loin,  ce  serait  laisser  |  point  fair.-  n^urer  les  équipages,  celte  pierre  de  touche  de  la   I      11  ne  sullit  pas,  en  effet,  pour  justifier  ses  droits  à  i 
complet  le  feuilleton  spécial  qui  lui  est  consacré,  que  de  n'y  |  véritable  rashioii.  I  tation  d  élégance,  d'avoir  ce  que  l'OD  appelle  comi 


incomplet 


^^^ 


voiture.  (Et  qui  n'en  a  paslaujourd'liiii  que  l'industrie  des  loueurs 
de  carrosses  les  a  rendues  aussi  communes  ,  mais  peut-être 
moins  commodes,  que  les  liacres!  )  Il  faut,  au  contraire,  une 
réunion  de  conditions  de  fortune,  de  soins  et  de  goût  qui  man- 
quent encore  à  beaucoup  de  maîtres  de  maison  en  France. 

D'abord  un  équipage  ne  se  compose  pas  d'une  voiture  isolée; 
une  maison  moulée  doit  avoir  sous  ses  remises  uu  coupé  de  ville 
et  un  cabriolet  pour  l'hiver;  une  berline  pour  le  voyage;  une 
calèche,  un  tilbury  et  une  voiture  de  chasse.  Si  vous  ajouteis  à 
cel  indispensable  matériel,  les  chevaux  de  trait  et  de  selle,  et 
les  nombreux  domestiques  nécessaires  à  l'entretien  de  la  carros- 
serie, de  la  sellerie  et  de  l'écurie,  vous  verrez  que  la  dépense 
d'une  maison  à  équipage  doit  tenir  une  des  places  les  plus  im- 
portantes dans  le  budget  d'une  grande  fortune. 

La  saison  d'été  ne  nous  permetlanl,  en  ce  moment,  de  nous 
occuper  que  des  voilures  de  campagne,  nous  allons  procéder  à 
la  description  d'une  calèche,  que  les  ateliers  de  carrosserie 
d'Ehrler  viennent  d'expédier  au  propriétaire  d'une  des  plus  belles 
terres  de  la  Touraine. 

Cette  calèche,  à  fond  brun,  avec  rechampissage  de  filets  clairs, 
est  montée  sur  un  système  de  ressorts  qui  allie  la  douceur  à  la 
solidité  nécessaire  au  chemin  de  traverse,  et  les  essieux  ont  ce 
qu'on  peut  appeler  la  voie.  On  choisissriit  presque  loujours  au- 
trefois la  teinte  des  garnitures  intérii'uri's  ihiiis  les  l'uiaux  des 
armoiries;  mais  on  parait  avoir  renonce  ilcpiiis  quelques  années 
à  ces  rapports  héraldiques,  et  la  calèche  d'Eliiler  est  garnie  en 
drap  gris  d'argent,  avec  galons  et  passementeries  rappelant  seu- 
lement les  couleurs  de  la  livrée;  celle  charmante  voilure  est 
destinée  à  être  menée  à  la  Daumont,  par  un  postillon  en  cha- 
peau rond  et  en  veste  d'étoffe  de  couleur  claire,  unie  ou  à  raies. 

Quant  à  la  livrée  d'été  ordinaire,  elle  se  compose,  pour  la  pe- 
tite tenue,  d'une  redingote  assez  courte,  portée  avec  une  culotte 
de  velours  blanc  côtelé,  des  bottes  à  revers,  gants  blancs  et  cha- 
peau rond  bordé  d'un  large  galon.  La  livrée  habillée  se  compose 
encore  du  chapeau  rond  bordé  d'un  galon,  d'un  habit  de  drap 
coupé  à  la  française,  à  col  droit  montant  et  sans  revers,  garni 
de  boutons  en  métal  très-bombés,  avec  armoiries  ou  simple 
chiffre,  d'un  gilet  à  basipie  en  panne  borde  d'un  galon,  d'une 
culotU!  aussi  en  panne ,  terminée  ,  dans  la  journée ,  par  les 

frandes  guêtres  en  drap  de  couleur  noisette,  qui,  pour  le  service 
u  soir,  font  place  au  bas  blanc. 

Nous  promettons  incessamment  à  nos  abonnés  le  dessin  d'une 
voiture  de  chasse,  dont  le  modèle  s'achève  en  ce  moment  dans 
les  ateliers  du  carrossier  qui  nous  a  permis  de  reproduire  la  ca- 
lèche dont  la  gravure  accompagne  aujourd'hui  noire  article. 


ERRATUM.  —  Une  suppression  typographique  a  étrangement 
défiijnré  nos  nouvelles  des  Eiuts-Unis  dans  le  dernier  numéro. 
Apres  avoir  dit  que  le  bill  pour  la  iiégoi-ialion  avec  le  lVlexi(ine 
avait  Ole  .Kiople  av.'c  uu  ai.icudiuiu'ui  |,;n  l:i  iliiiiuliicules  ivprc- 
seilliiuls,  nous  ajoutions  ,|u'll  |.:i,^s:i  ;i  l.i  .lis,  iissioii  du  scuai  pré- 
cisémeiil  h- jour  lixe  poui  la  ilùiiiiv  du  ,'onsiès.  Venait  ensuile 
le  récit  de  hi  manière  dont  fut  amené  l'avorlemenl  de  cette  me- 
sure législative.  A  la  mise  en  page  du  numéro  toute  cette  der- 
nière partie  de  la  relation  a  été  supprimée,  et  l'on  a  ainsi  pre- 


semé  comme  voté  un  projet  qui  a  succombé  sous  une  myslilica- 
tiou.  Nous  rétablissons  le  retranchement  : 

«  Cet  acte  important  a  élé  mis  à  mort  d'une  façon  qui  mérite 
d'être  mentionnée.  Il  fut  évoqué  à  la  tribune  sénatoriale  à 
onze  heures  et  demie  (il  ne  restait  plus  qu'une  demi-heure .')  par 
M.  Lewis,  qui  proposa  de  le  sanctionner,  nfoins  l'amendement 
par  lequel  la  Chambre  avait  stipulé  que  l'esclavage  ne  pourrait 
jamais  être  établi  sur  le  territoire  aci|uis  du  Mexique  à  l'aide  de 
ces  deux  millions  de  dollars.  Celte  proposition  de  M.  Lewis 
était  une  indication  de  l'opposition  que  cette  restriction  abolilio- 
nisle  ne  devait  pas  man(iuer  de  soulever  parmi  les  hommes  du 
Sud,  et  cette  opposition,  en  un  pareil  moment,  était  par  elle- 
même  un  arrêt  de  mort  pour  le  bill.  Mais  ses  adversaires  eurent 
l'ingénieuse  idée  de  ne  point  se  charger  d'une  exécution  directe 
et  de  laisser  la  peine  de  celte  strangulation  aux  cordons  du  rè- 
glement. En  conséquence,  M.  Davis,  du  Massachusetts,  monta  à 
la  tribune  et  entama  un  discours  en  forme  sur  la  question. 

«  En  vain  des  communications  incessantes  de  la  Chambre  au 
Sénat  vinrent  interrompre  l'oraleur,  en  vain  M.  Lewis  le  conjura 
de  lui  céder  un  instant  la  parole  pour  proposer  une  prolongation 
de  la  session  pendant  quelques  heures  seulement,  M.  Davis  tint 
bon,  et  continua  sa  tilehe,  qui  était  en  apparence,  au  moins,  de 
prouver  que  cet  octroi  de  2  millions  ilc>  dollars  à  l'administration 
était  une  espèce  d'inslruction  iuiliici  Ir  :i  elle  donnée  de  pour- 
suivre la  guerre  jusqu'à  ce  (lu'elle  inil  :iii|ucnr  la  Californie.  En- 
liu  midi  sonna,  et  le  présideul  lut  oblige  de  proclamer  que  la 
session  était  close  et  le  bill  en  discussion  enterré  avec  elle. 

<i  On  ne  doutait  pas  que  M.  Polk  ne  prllsur  lui  de  poursuivre, 
malgré  tout,  les  négociations  eulamées;  mais  l'argent  comp- 
tant eût  à  coup  sur  douné  uu  grand  poids  à  ses  arguments.  » 


trtmf—..     ^ 


On  s'abonne  chez  les  Directeurs  de  postes  et  des  messageries, 
chez  tous  les  Libraires,  et  en  particulier  chez  tous  les  Correspon- 
dants du  Comptoir  central  de  la  Librairie. 

A  Londres,  chez  Joseph  Thomas,  1,  Finch-Lane-Cornhill. 

A  Saint-Petersboobg,  chez  J.  IssAKorr,  libraire-éditeur 
commissionnaire  officiel  de  toutes  les  bibliothèques  des  régi- 
ments de  la  Garde-Impériale;  Gosliuoï-Dvor,  22.  — F.  Belli- 
ZABD  et  C»,  éditeurs  de  la  Bewe  étrangère,  au  pont  de  Police, 
maison  de  l'église  hollandaise. 

A  Algeb,  chez  Bastide  et  chez  Dubos,  libraires. 

Chez  V.  Uebebt,  à  la  Nouvei.le-Oeleans  (États-Unis). 

A  New-York,  au  bureau  du  Courrier  des  États- Unis,  et  che? 
tous  les  agents  de  ce  journal. 

A  Madiud,  chez  Casimib  Monikr,  Casa  Fonlana  de  Oro. 

Les  frères  Dumoubd,  à  Milan. 


Bébua. 


5Wu 


explication  do  debkibb  bebds. 
Encore  un  garJo  ualitnal  m  ci.f.au\  c'est  unique!  5'iericra-l-< 


Jacoiies  DUBOCHET, 


Tiré  à  la  presse  mécanique  de  Lacbaïpb  et  C,  rue  Damiette,  5. 


L'ILLUSTRATION, 


Ab.  pour  Parii.  5  moii,  »  fr.  — 6  mois,  46  fr.—  Un  an,  30  [r. 
Prix  de  chaque  N"  75  e.  —  La  collection  meniuelle,  br.,  S  fr.  75. 


N»  180.  Vol.  VUI.  —  SAMEDI  U1  SEPTEMBRE  1846. 
Boreaax,  rne  BIcbelleo  60. 


Ab.  pour  lei  dép.  —  3  mail,  9  fr.  —  6  moii,  47  fr.  —  Un  an,  3S  Ir. 
Ab.  pour  l'Étranger.     —      <0,  —       ao  —        M. 


SOMMAIRE. 

Histoire  de  la  semaine.  Vue  de  Fe-,  ville  de  l'empire  du  Maroc.  — 
Coprrler  de  Pari».  Le  Jugemenl  de  Salomon.  —  PPOI-OD  VOUB 
voir  «taos  voua  aimer.  Rooiarce;  paroles  de  &1.  Eugène  Mahon, 
musique  de  .M  Vimeux.  ~  ColODie  aRrlcole  de  Pelfl-Boars.  — 
Soa*f  nlrn  de  voyacen.  Peslh  et  Bude,  par  M.  X.  Marmier.  —  Le 
IHosee  d'Arl'Ilerl»,  par  M.  F.  de  Saulcy.  Galeries  serranl  d'eitirie: 
Vue  intérieure  de  la  grande  salle;  Armure  de  Henri  ///;  Epee  de 
Henri  IV ;  Armvre de  François  1*';  Epée  deFrançois  P^;  Armure  du 
due  de  Guise;  Targe  du  roi  Malhins  Corvin;  Epèes:  Casque  du  con~ 
nêtoble  Artne  de  Montmorency  ;  Arbalète  de  Catherine  de  Médicis; 
Bouclier  ;  Masses  d'armes;  Casque  de  Henri  II;  Armure  du  milieu 
du  quinzième  siècle;  Fpèe  du  connétable  de  France  ;  Armure  de  tour- 
noi au  quinzième  siècle  ;  Epée  d'un  roi  de  France  du  nom  de  Henri; 
Armure  du  grand  bâtard,  Antoine  de  Bourgogne.  —  L'Enfant  TOI*. 
Nonvetle.  —  Le»  Bol»90n«.  Huit  Gravures.  —  Ballelln  blbllOffra- 

pblqae ADDoncru.  —  Chapelle  dea  Dames  du  Palnt-Saere- 

ment,  construite  jeu  IMS  et  iai6.  r/ne  Gravure.   —  BCbas. 


Histoire  de  la  Semaine» 

Nous  devons  être  heureux,  car  nous  sommes  dans  la  sai- 
son où  l'histoire  de  nos  événements  devient  fort  stérile  et 
fort  ennuyeuse.  Nos  tribunes  parlementaires  sont  muettes, 
nos  tribunaux  sont  déserts,  les  hôtels  ministériels  et  le  Mo- 
niteur sont  vides  de  Leurs  Excellences  et  de  leurs  arrêtés, 
et  n'était  la  polémique  des  feuilles  de  Paris,  de  Londres  et 
de  Madrid,  à  laquelle  les  chancelleries  et  la  Bourse  prêtent 
une  attention  assez  sérieuse,  nous  ne  vivrions  guère  que  des 
arrivafîes  de  l'étranger. 

Le  mariage  annoncé  de  M.  le  duc  de  Monlpensier  et  de 
l'infante  Louise-Ferdinande  a  continué  à  soulever  en  Espa- 
gne les  inquiétudes  des  progressistes,  qui  ont  vu  avec  peine 
le  retour  du  général  Narvaez  de  sanglante  mémoire,  servant, 
disent-ils,  en  quelque  sorte,  de  courrier  au  jeune  fiancé.  En 
Angleterre,  on  a  voulu  voir  dans  cette  alliance  une  spécula- 
tion de  la  maison  de  France  sur  l'avenir  du  Irone  d'Espagne, 


et  le  Foreign-Ofl'tce  n'a  pas  pris  le  moindre  soin  pour  dissi- 
muler son  dépit  ou  en  rendre  l'expression  moins  provoquante. 
A  Paris,  on  n'y  a  voulu  voir  qu'une  alliance  de  famille,  con- 
venant sans  doute  aux  parties  conlractanles,  pour  laquelle  le 
consentement  du  pays  n'a  point  été  demandé  et  n'avait  point 
à  l'être,  et  dont  il  serait  fort  injuste  que  le  pays  supportât 
les  frais,  lui  qui  n'a  ni  la  prétention  ni  l'espoir  d'en  tirer 
avantage. 

La  célébration  de  cette  union  ne  paraît  pas  devoir  être 
aussi  prochaine  qu'on  l'avait  annoncé  en  dernier  lieu  :  il  n'est 
plus  question  du  2i  septembre:  et  il  est  devenu  douteux  que 
MM.  les  ducs  de  Nemours  et  d'Aumale  accompagnent  leur 
frère  en  Espagne.  Ouoi  qu'il  en  soit  de  ces  changements  de 
programme,  rien  n'indique  qu'il  en  soit  survenu  dans  la  ré- 
solution des  cojirs  de  l'Escnrial  et  des  Tuileries. 

CnÉATiox  d'une  école  française  a  ATiitxE.'i.  —  Nous 
disions  tout  à  l'henre  que  les  ordonnances  royales  et  les  ar- 
rêtés ministériels  se  faisaient  rares.  M.  de  Salvandy,  toute- 
fois, ne  laisse  pas,  bien  entendu,  chômer  la  fcuiile  ofllciellc. 


Il  vient  d'instituer  une  École  française  de  perfectionnement 
pour  l'étude  de  la  langue,  de  l'histoire  et  îles  antiquités 
grecques  à  Athènes,  ipii  se  composera  d'élèves  de  l'Ecole 
normale  supérieure,  reçus  agrégés  des  claFScs  d'humanilés, 
d'histoire  ou  de  pliild-oj.liie.  Celte  écoie  sera  placée  sous  la 
direction  d'un  prolis>ei:r  de  lacullé  ou  d'un  n.embre  de  l'In- 
tlilul  nommé  par  le  roi.  Le  séjour  des  membres  de  l'Ecole 
française  à  Athènes  sera  de  deux  ans.  L'article  .i  porte  en 
outre  : 

«  L'Ecole  française  d'Alht  nés  pourra  ouvrir,  avec  l'autori- 
sation de  Sa  Majesté  le  roi  de  la  Grèce,  des  cours  publics  et 
gratuits  de  largue  et  de  lilléialuie  fcnç;  isc  et  latine.  Ses 
membres  pourront,  à  la  demarde  du  f.ouv(ri!(  mint  grec, 
professer  dans  1  Iniversilé  et  les  éccles  {.rccques  tous  les 
cours  ((iiiialib'.is  avec  leurs  ^udes.  Ils  seioul  inFtiliiés  en 
comnii.'siin  des  lettres  peur  conférer  le  laccalauréal  es  let- 
tres aux  élèves  des  écoles  françaises  et  lalines  de  i'Ciienl  qui 
ont  reçu  ou  qui  recevraient  le  plein  exercice  de  l'Université 
d«  France.  » 


Outre  l'intérêt  littéraire,  il  peut  y  avoir  dans  celle  fonda- 
tion, si  elle  est  bien  établie  et  bien  conduite,  un  germe  puis- 
sant destiné  îi  relier  de  plus  en  plus  la  Grèce  à  la  France,  il 
y  a  là  le  commencement  d'une  iniluence  inlellectuelle  appe- 
lée ù  jouer  un  grand  rôle  dans  l'union  des  deux  pays.  Déjà  la 
Grèce  est  en  communauté  de  principes  politiques  avec  nous: 
bientôt  en  nous  transmctiant  les  ricliesses  littéraires  enfouies 
dans  son  sein,  elle  nous  empruntera  nos  trési,rs  intellectuels, 
et  de  cet  échange  sortira  l'inslructiin  de  tous,  et  avec  elle 
do  mutuelles  et  fécondes  svmpalliies  entre  les  deux  peuples. 
Les  premiers  en  Euro[c,  nous  a\ons  défendu  la  Grèce  oppri- 
mée; nos  soldats  ont  et n, battu  st  us  ses  drat eaux;  les  pre- 
miers nous  iivtns  rtcinriu  i'indc'i  (ridante  de  la  Gn'ie;  les 
premiers  nt  us  avrns  sali:é  l'a\érini<nl  du  gouvernement 
conslilulionnel  à  Atliènes;  aujourd  liui,  ne  sonimes-rii-us  pas 
les  premiers  à  rendre  lu  ri  mage  ..ux  tliefs-d'auvie  de  leurs 
aïeux,  ei  à  chercher  à  faire  circirltr  dans  la  Grète  régénérée 
les  bienfaits  de  rrotre  civilisation  et  les  leçons  de  notre  cxpé- 
rienceî 


Tbaitesiem  «e  la  Légion  n'iioNNEitt.  —  M.  le  ministre 
de  la  guerre  prépare,  dit-on,  de  son  côté,  une  mesure  (riii  trou- 
vera certainement  arrssi  des  approbateurs.  On  sait  que  lessous- 
ofliciers  et  soldats  nommés  chevaliers  de  la  Légion  d'honneur 
sont  les  seuls  qui  louchent  le  traitement  primitif  de  2.''.0  fr., 
et  qu'ils  en  jouissent  lors  môme  que  |iar  la  ;uile  ils  devien- 
nent officiers,  taudis  que  les  officiers  nommés  chevaliers  ne 
reçoivenlaueun  trailerneiit.  Il  paraîtrait  qirc  M.  le  ministre  de 
la  guerre  a  l'irrlenlion  de  pr'oposer  aux  Chambres  de  rendre 
cotrnrnnf  sa  loulrslesn'niinations  militaires,  failesou  îi  faire, 
les  dis|i(i>itii)ris  particulitresaiix  sou^-nfficierset  aux  stildats. 
La  dolalion  |iriMiilive  de  la  Létriorr  d'bonnerrr,  qui  très-cer- 
tainement aurait  suffi  et  au  delà  au  payement  du  traitement 
des  légionnaires  militaires,  fut  dépouillée  par  les  Ir-cités  de 
181")  de  ses  principaux  revinirs,  et  la  contribution  de  guerre 
imposée  par  l'étranger  la  frappa  ainsi  hors  de  toute  propor- 
tion. 

COMPACNrE    FRANÇAISE    DE   I.'rSTII.ME    DE    PaNAJU.  —  Le 

Moniteur  a  publié  la' note  suivante  : 


LULUSÏRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


ù.riiniHMil  lie  lil 


h'  (II'  Ir.iili'  ri  lie  (■ i-sM'i 

lie  cominimii'ation  eiUre  le 


pniir 
ilmix 


iIcM.Klinn.quelii 
<W  l'iinaina  av;iit  (;harn 

ISuiivclli-l-ireiiailoiin  p 

l-onverlme  d'une  voie  de  commim.i'auon  «";■-;■"  ;■;;" 
oc«Sans.  M.  Klein  est  de  retour  de  sa  mission;  .1  ^len/l^i 
river  de  Bogota,  porteur  d'un  proje  de  concession  «t'hi  ca- 
iller des  charRes  pour  l'exécution  d'un  clicinin  de  fera  tia- 
IrsHsIlme^e  Panama,  disent,'.  ,.,onlra,l,rloweme„  entre 
lui  et  un  commissaire  nommé  «</  h>v  par  le  président  de  la 
république.  Ce  projet,  dûment  siyne  par  le  ^^"«""f '"  -^  " 
couvernenient,  a  été  communiqué  oUicielletnent  a  la  ((impa- 
enie  L'élat  ar.tuel  de  cette  négociation  ne  aisse  plus  a  lef^i.  r 
^iitiv  1 1  ivpiilili<iur  ,-\.  la  compagnie  que  des  points  sur  W>- 
qiirlslnn  'iihiM  irri|iroquc  et  leur  Lon  esprit  ne  peuvent 
niciiiiiiM'r  ilr  \r^  iiM'lIn'.  d'accord 


«  Ouelnues  jours  après  le  second  départ  de  M.  Salmon, 

.     -^        ^  ■'        «..  ..;,h.i;  An   r-.imn  à  P:inpnnn  noiir 


envoya  ses  aides  de  {«nip  a  Papenoo  pour 
ji's  (pi'ils  pouvaient  circuler  librement;  et 
Miicis  qui  parurent  en  ville  furent  aussitcjt 

Miiirs  par  la  police.  Le  frère  de  M.  Salmon 
ii;ii^  |p  coup  élait  porlé. 
11  , 1  ■^  lureslaliiiiis.  (excités  encore  par  une 
l'iiinaré  (pii  leur  ordonnait  d'atlaquer  les 


ALGtMiip.  Eï  iVUiioc.  —  Des  ordres  sont  arrivés  aux  chefs- 
lieux  des  divisions  militaires  pour  faire  rejoindre  au  pliislM 
les  militaires  en  confié  apparlcnanl  à  I  armée  d  Alrique.  M.  le 
maréHnl  liiigeaud  se  rend  de  son  coté  dans  son  gouvcriie- 
mnil  Nous  paraissons  en  effet  être  à  la  veille  de  grands  évé- 
neiniMils  A  b  l-el-Kadcr  n'a  pas  perdu  le  temps  pendant  lequel 
il  nous  a  laissés  sans  nouvelles  do  lui.  Il  a  sourdement  mmé 
l'autorité  et  la  puissance  de  notre  voisin  et  allie  I  empereur 
du  Maroc,  et  plus  habile  que  s'il  avait  visé  à  se  fane  pr«cia- 
mer  empereur,  en  sa  qualité  de  défenseur  de  la  foi,  il  déclare 
Abd-er-Rahman  inhabile  à  régner  et  excite  Ics^peuples  à  ao- 
ccpliT  comme  vrai  et  légitime  souverain  Muley-Edns,  descen- 
dant de  la  famille  impériale.  Il  est  bien  sûr  de  savoir  exploi- 
ter la  reconnaissance  et  la  sujétion  de  sa  créature,  l'.dris  se 
trouve  déjà  près  de  Fez  avec  un  nombre  immense  de  parti- 
sans, et  le  premier  choc  avec  les  troupes  de  l'empereur  peut 
amener  une  guerre  active  à  laquelle  il  nous  serait  difhcile  de 
demeurer  étrangers.  La  presse  censurée  de  l'Algérie  einet  le 
conseil  et  formule  le  projet  d'une  expédition  dans  le  Maroc, 
et  le  Cimstituiionnel  a  publié,  alors  que  M.  le  duc  d  Isly  était 
encore  îi  Paris,  sur  le  bon  état  et  la  disponibilité  de  nos  trou- 
pes d'Afrique,  des  détails  qui,  par  leur  source  même  assez 
lacile  à  deviner  sous  l'anonyme,  semblent  avoir  pour  but  de 
préparer  l'opinion  à  la  nouvelle  d'un  mouvement  prochain  et 
décisif.  Du  reste,  grâce  à  l'activilé  et  à  la  haute  intelligence 
d'un  dé  nos  officiers  généraux,  nous  ne  nous  trouverons  pas 
surpris.  «  Le  général  Cavaignac,  commandant  la  subdivision 
de  TIemcen,  dit  te  Toulonnais,  d'après  sa  correspondance, 
a  tout  prévu,  et  les  mililaires  qui  arrivent  de  Ghazaouat  sont 
unanimes  pour  l'éloge  de  ce  brave  oflicier  général,  qui  a  su 
inspirer  une  confiance  sans  bornes  aux  troupes  placées  sous 
ses  ordres.  » 
—  On  écrit  de  Toulon,  le  8  septembre  : 
0  Les  Arabes  arrivés  il  y  a  quelques  jours  de  Sainte-Mar- 
guerite par  le  vapeur  le  Castor,  sont  renvoyés  à  leurs  tribus. 
Ils  ont  été  embarqués  aujourd'hui  sur  la  frégate  à  vapeur  VO- 
riimque,  partie  pour  Alger  avec  la  correspondance.  » 

Serait-ce  un  commencement  d'exéculion  pour  un  échange 
de  prisonniers?  Nous  le  désirons  bien  vivement;  une  lettre 
publiée,  cette  semaine,  par  auelques-uns'de  nos  journaux, 
lettre  écrite  par  un  de  nos  braves  officiers,  M.  Courby  de 
Cognord,  prisonnier  d'Abd-el-Kader,  laisserait  peser  sur 
l'administration  de  la  guerre  une  grave  responsabilité,  si 
l'espérance  que  nous  exprimens  ici  n'était  pas  réalisée. 

Taiti.  —  Le  Siècle  a  publié,  sous  la  date  du  31  mai  der- 
nier, une  lettre  deTaïli  qui  présente  un  triste  tableau  de  l'a- 
narcbie  à  laquelle  notre  établissement  serait  livré.  En  voici 
les  passages  les  plus  intéressants  : 

ic  Je  m'empresse  de  vous  adressera  la  hâte  les  détails  que 
vous  me  demandez  sur  ce  pays.  Vous  devinez  sans  peine  que 
rien  n'est  changé  depuis  votre  départ,  si  ce  n'est  que  le  dé- 
sordre, la  confusion  et  les  désastres  sont  encore  plus  grands 
que  lorsque  vous  étiez  ici. 

«  Nous  avons  de  nouveau  trouvé  les  moyens  de  nous  met- 
tre aux  prises  avec  les  nalurels,  et  ceux-ci  cernent  la  ville 
plus  étroitement  encore  qu'après  l'affaire  de  Hapapé,  puis- 
qu'ils sont  parvenus  à  brûler  deux  maisons,  dont  l'une  est  au 
centre  de  la  ville,  près  l'ancienne  demeure  de  M.  Pritcliard. 
Ces  maisons  appartiennent  au  pilote  Henri  etau  juge  de  paix 
M.  Fergus.  Les  insurgés  n'en  veulent  plus  qu'à  celle  de 
M.  Mœrenbout,  carils  sont  plus  acharnés  contre  les  étrangers 
que  notre  gouverneur  emploie  que  contre  les  Français  eux- 
mêmes.  Depuis  dix  jours,  Papéiti  jouit  du  spectacle  de  la  fu- 
sillade ;  nuit  et  jour  les  insurgés  attaquent  les  avant- 
postes. 

«  Au  mois  de  janvier  dernier,  le  gouverneur  voulut  don- 
ner un  repas  aux  naturels  pour  fêter  l'anniversaire  du  pro- 
tectorat. M.  Mœrenhout,  chargé  d'acheter  les  provisions  né- 
cessaires, envoya  à  Hapapé  un  détachement  de  sa  police  in- 
digène, qui  brûla  les  cases  des  gens  de  Papenoo  et  pilla  leurs 
vivres  ;  les  naturels  insurgés  usèrent  naturellement  de  re- 
présailles. Dès  lors,  il  fut  résolu  que  l'on  marcherait  contre 
eux  ;  on  saisit,  pour  aller  attaquer  Huabine,  l'occasion  de 
■venger  ta  mort  d'un  pilote  qui  était,  disait-on,  de  nos  amis 
et  qui  avait  été  assassiné  dans  celte  île.  On  expédia  donc 
YUrimie  avec  la  compagnie  détachée  à  Taravao;  mais  le  C(uii- 
mandant  du  bateau  à  vapeur  anglais,  informé  de  la  mission 
de  cette  frégate  pour  les  lies  sous  le  vent,  protesta  contre  sou 
départ.  La  reine  de  Huabine,  Ariépaya,  également  avertie, 
tendit  des  embûches  à  l'expédition  :  trois  de  ses  agents,  se 
disant  des  nôtres,  s'offrirent  ù  guider  les  troupes  et  les  con- 
duisirent au  milieu  lie  ri'Mncini;  elles  v  soiilTiin'Ol  beaiiroup 

et  ne  piniMit  ellerhier  ijinnii'  irli.iile'lmi^ I  inMiilile.  I.u 

guerre  iiiii>i  allninée,  li'  ;4(m\eriieiir  ,ill;iil  iiiiui  lier  sur  r,i|i"- 
1100,  lursque  M.  Salmon  \iiit  |iro|iiiser  de.  .seiilieinellre  |inur 
rétablir  la  paix  et  faire  rentrer  l'oinaré  à  Taili.  Le  gouver- 
neur mit  le  l'haélou  à  la  disposilion  de  ce  né^;iieiatenr;  mais 
M.  SMiinoii  ne  rapporla,  de  sa  mission  près  de  l'omaré,  que 
ili's  piiioles  r,,  |),ii\  !■!  Il  promesse  verbale  qu'elle  rentrerait 
;i  Tiiiii  iipiisMM  nmlies.  Il  fut  renvoyé  vers  elle  pour,  obtenir 
un  eii^jageiiieiil  plus  roriuel. 


le  gouvern 
avertir  les  iiisi 
cepenilaiil  lis  y 
iirrétés  ri  i-iii|ii 
les  lil  rein  lin 

i<  ENa-p''!''- 
prétendue  lellr  ,. 

Français,  les  insurgés  marchèrent  sur  Papeiti,  qu  ils  cernè- 
rent de  tous  côtés. 

Il  Quelques  faits  vous  édilieront  complètement  sur  la  direc- 
tion qui  est  donnée  aux  alfuires.  M.  le  gouverneur  livre  à 
tous  les  renégats  ta'itiens  que  lui  présenli'  M.  Mœrenhout  des 
armes  avec  lesquelles  ils  passent  imuiédialeinent  à  I  ennemi. 
Lorsque  la  police  fit  contre  les  habitants  de  Papennii  I  expé- 
dition dont  ie  vous  ai  parlé,  M.  Martirt,  qui  iniiiiii.iniliiil  a 
Hapapé,  voulut  arrêter  la  destruction.  Les  gens  .|p  |,i  |iMlire 
répondirent  qu'ils  exécutaient  les  ordres  de  M.  Mœrenlioiit. 
M  Martin  ayant  cru  devoir  en  écrire  à  M.  le  gouverneur,  fut 
remplacé  quelques  jours  après.  La  belle-mère  de  M.  Salmon, 
parente  de  Pomaré,  a  fait  sa  soumission  ;  mais  on  la  tient  en 
cbartre  privée,  et  elle  ne  peut  circuler  qu'avec  un  gendarme 

à  ses  côtés.  .  .     .  .     .  c  ■      n 

«  Pomaré  va  nous  arriver  incessamment,  si  toutelois  elle 

n'est  pas  elTrayée  parles  nouveaux  rassemblements  et  si  elle 

n'est  pas  informée  que  sa  parente  est  traquée  comme  elle  le 

ême;  car  on  ne  s'en  cache  pas  ici,  et  on  l'attend 


sera  elle-même;  car  on  ne  sen  cacne  pai 

de  pied  ferme.  . 

«  .le  crois  devoir  vous  faire  part  aussi  d  un  procès  qui  a 
causé  un  très-grand  scandale  dans  la  colonie.  M.  Lucas,  en 
butte  aux  poursuites  de  M.  Mœrenboul,  protesta  contre  les 
actes  de  ce  fonctionnaire.  Il  fut  traduit  devant  le  tribunal 
civil  qui  se  déclara  incompétent,  et  de  \k  devant  le  premier 
conseil  de  guerre,  qui  le  condamna  à  100  fr.  d'amende,  en 
admettant  des  circonstances  aUénunnIes.  Véritable  mystifica- 
tion pour  l'administration.  Aussi  M.- Mœrenhout  en  appela- 
t-il  de  la  sentence  du  premier  conseil  de  guerre.  Le  conseil 
de  révision  accueillit  cet  appel  et  cassa  le  jugement.  Enbn  le 
deuxième  conseil,  devant  lequel  l'affaire  fut  renvoyée,  se  dé- 
clara incompétent  et  renvoya  la  cause  en  cassation,  comme 
le  demandait  M.  Lucas.  Cependant  M.  le  gouverneur  avait 
adressé  le  S  novembre  aux  membres  des  tribunaux  une  cir- 
culaire par  laquelle  il  les  invitait  à  ne  pas  admettre  de  cir- 
constances atténuantes  et  à  rejeter  l'appel  en  cassation  que 
M.  Lucas  avait  formé.  Que  dirait-on  en,France  si  le  chef  du 
pouvoir  exécutif  s'avisait  de  donner  de  pareils  avis  aux  juges.' 
Les  commissaires  du  roi  près  le  conseil  de  révision  et  le  pre- 
mier conseil  de  guerre  ont  protesté  contre  les  abus  commis 
au  préjudice  de  M.  Lucas.  1) 

—  On  lit  dans  te  Journal  de  Cherbourg  du  10  : 
Il  Le  vapeur  le  Gomer  est  arrivé  dimanche  à  Cherbourg, 
venant  de  Brest.  Ce  navire  vient  prendre  des  soldats  du  1=' 
régiment  d'infanterie  de  marine,  pour  les  transporter  à 
Brest,  d'où  ils  seront  dirigés  sur  Tahiti;  et  chemin  faisant, 
ils  feront  partie  de  l'expédition  de  Madagascar. 

«  Nous  apprenons  que  cette  expédition  sera  forte;  on  em- 
barque 3,01)0  hommes  de  troupes,  dont  500  hommes  d  artil- 
lerie. Plusieurs  officiers  attachés  à  notre  port  ont  reçu  l  or- 
dre de  se  tenir  prêts  à  tout  événement.  «        ,         ,  , 

Un  corps  de  musique  inililaire  doit  être  embarqué  avec  les 
troupes  de  renfort  qui  sont  destinées  pour  les  établissements 
français  de  l'Océanie;  il  a  été  spécialement  demandé  par  le 
gouverneur  et  par  les  officiers  qui  commandent  les  dilleren- 
tes  îles  sous  notre  domination.  Il  paraît  que  la  musique  a 
produit  déjà  sur  les  habitants  de  ces  pays  les  plus  heureux 
elTels,  et  qu'elle  a  aidé  d'une  manière  sensible  à  changer  et 
à  adoucir  leurs  mœurs  et  leurs  babiiudes. 

Etats-pontificaux.  —  La  correspondance  de  Rome  du 
1"  septembre  portait  : 

(1  Le  prince  de  Joinville  est  arrivé  samedi  à  quatre  heures 
après  midi  à  Civita-Veccbia,  par  te  Ithamsés:  bien  qu  il  eut 
annoncé  vouloir  garder  l'incognito,  un  bataillon  de  troupes  a 
formé  la  haie  sur  son  passage  lorsqu'il  a  débarque.  Le  déle- 
gat  accompagné  de  toutes  les  autorités  locales,  avait  préala- 
blement rendu  visite  au  prince  à  bord  du  Rhamses,  et  l  a  ha- 
rangué en  ces  termes  :  ,      ,     .  , 

Il  Je  suis  heureux,  en  ma  qualité  de  représenlant  du  gou- 
vernement de  Sa  Sainteté,  de  l'occasion  qui  m  est  donnée 
d'offrir  mes  hommages  et  mes  services  au  vainqueur  de 
Mogador,  digne  fils  de  ce  grand  roi  que  la  Providence  a  en- 
voyé au  monde  pour  le  bonheur  de  riiumamté.  » 

«  S.  A.  avait  de  nouveau  exprimé  le  désir  de  passer  ina- 
perçu, déclarant  n'être  venue  à  Rome  que  pour  se  jeter  aux 
pieds  du  saint-père  !  Ce  sont  les  paroles  du  prince  à  monsei- 
gneur Ricci,  le  délégat  de  Civita-Veccbia.  Au  débarquement 
de  S.  A.,  la  foule  qui  l'atlendait  sur  le  port  a  fait  retentir  de 
nombreuses  acclamations,  et  a  jeté  sur  le  passage  de  S.  A. 
deux  suppliques.  Pour  échapper  à  ces  manilestaUons,  le  prince 
renonça  à  demeurer  à  Civita-Vecchia  ;  il  partit  et  arriva  à 
Rome  à  dix  heures  du  soir,  accompagné  de  M.  le  duc  de  Bro- 
glie,  premier  secrétaire  de  l'ambassade,  qui  était  allé  le  re- 
cevoir à  Civita-Veccbia.  Le  lendemain,  à  midi,  S.  A.  a  élé 
reçue  par  le  saint-père,  qui  l'a  accueillie  avec  une  bonté  re- 
marquable et  une  satisfaction  visible.  Sa  S.uutele  lui  a  ex- 
primé tous  les  vœux  qu'elle  forme  pour  le  rui  et  la  reine  : 
elle  y  a  ajouté  des  paroles  qui  seront  lorl  agréables  à  LL.  MM. 
Le  soir,  le  prince  a  dîné  à  l'anibassaile,  en  compagnie  de  plu- 
sieurs grands  personnages  romains,  parmi  lesquels  on  cile  le 
cardinal  (iizzi,  secrélaire  d'Klal,  le  prince  et  la  princesse 
Massim»  et  leur  belle-sœur.  Le  prince  et  la  princesse  Inrlo- 
iiia  deviiienl  s'v  Iroiiver  aussi,  mais  la  princesse,  parlant  la 
même  nuit  pour  Naples,  doit,  en  conipensalion,  aeeepler  un 
dîner  à  bord  du  vaisseau  de  l'amiral  prince.  S.  A.  est  parue 
dimanche  soir  pour  Naples,  voie  de  terre.  Elle  a  laissé  ici  une 
quinzaine  d'olliiiers,  et  son  aumônier.  Ces  messieurs  ont 
cinq  jours  de  congé  pour  visiter  Rome  ;  le  prince  est  reparti 
avec  ses  deux  aides  de  camp.  » 
Le  prince  devait,  dit-on,  rester  jusqu'au  6  septembre  ; 


mais  comme  sa  présence  dans  celte  capitale  excitait  beaucoup 
de  sympathie  et  que  les  jeunes  gens  préparaient  des  démons- 
trations en  sa  faveur,  il  a  jugé  plus  prudent  de  partir  abn  de 
ne  pas  porter  ombrage  à  l'Anliiihe. 

Le  Sémaphore  de  Marseille  donne  des  détails  sur  les  ca- 
deaux qui  ont  été  échangés  en  celle  circonstance  : 

Il  Sa  Sainteté  a  fait  remettre  au  prince  la  collection  com- 
plète des  gravures  de  la  calcograpbie  pontificale,  représen- 
tant tous  les  monuments  antiques  et  modernes  de  Rome. 
Celte  colloclion  est  évaluée  à  (i,OliO  fr.  Plus,  deux  vases  d  al- 
bâtre qui  avaient  attiré  l'attention  de  S.  A.,  et  qui  sont  fuî- 
mes de  l'albâtre  si  magnilique  envoyé  à  Grégoire  XVI  pai 
Mébémet-Ali.  ,     , 

Il  Le  saint-père  a  encore  remis  au  prince,  et  cela  de  se- 
propres  mains,  des  corone  (chapelets),  pour  la  reine  et  h- 
princesses.  Celui  de  la  reine  est  de  grande  valeur.  Le  princr 
a  fait  ses  cadeaux  avec  non  moins  de  magnificence  que  ton 
frère  le  duc  d'Aumale,  qui,  d'ailleurs,  lit  un  séjour  dans  la 
cité  catholique  ,  tandis  que  le  jeune  amiral  na  pu  y  faire 
qu'une  apparition. 

«La  famille  du  pape  (on  appelle  ainsi  le  personnel  de  sa 
maison),  a  reçu  du  prince  raille  écus  romains,  soit  cinq  mille 
cinq  cents  francs.  Tous  les  personnages  iiunains  qui  l'ont  vi- 
sité ont  reçu  de  lui  des  souvenirs  parfaitement  apprepriés  à 
leur  carrière. 

«  Les  objets  donnés  par  le  prince  sont  tous  en  or  garnis 
de  diamants.  Les  serviteurs  de  l'ambassade  ont  eu  1,200  fr. 
pour  leur  part.  On  estime  que  les  cadeaux  du  jeune  amiral 
ne  s'élèvent  pas  à  moins  de  40,000  fr.  » 
Princii'AUTé  deLlcques.—  On  écrit  de  Lucques  : 
«  Le  prince  don  Ferdinand  de  Bourbon,  duc  héréditaire  de 
Lucques,  qui  a  épousé  récemment  la  sœur  de  M.  le  duc  de 
Bordeaux,  a  donné  un  noble  exemple  de  courage  et  d'huma- 
nité. 

«En  se  promenant  sur  les  bords  de  la  mer,  aux  environs 
de  Vialeggio,  il  aperçut  un  baigneur  qui,  s'élant  trop  avance, 
était  violemment  entraîné  par  le  courant  et  allait  périr.  Aus- 
sitôt le  prhice  s'élance  dans  l'eau,  plonge  à  plusieurs  reprise-, 
saisit  l'imprudent,  qui  avait  déjà  disparu  dans  les  flots,  le  ra- 
mène au  rivage,  et  après  lui  avoir  donné  les  soins  que  son 
état  exigeait,  s'esquive  pour  éviter  les  témoignages  de  re- 
connaissance. )> 

Egypte.  —  On  écrit  d'Alexandrie,  le  50  août,  au  Cour- 
rier de  Marseille  : 

Il  Les  lettres  du  Caire  ne  font  que  parler  de  S.  A.  Ibra- 
him-Pacba.  Le  prince  s'est  fait  honneur,  par  deux  inesuie> 
qui  ont  augmenté  l'estime  qu'on  a  pour  lui. 

«Voici  dans  quelles  circonstances  il  a  fait  preuve  de  cet 
esprit  de  tolérance  qui  fait  le  caractère  dislinctif  de  Méhé- 
met-Ali  et  d'ibrabim  : 

«  Le  grand  rabbin  des  Israélites  était  mort  ;  il  était  indis- 
pensable de  rendre  à  un  chef  de  religion  les  honneurs  que  la 
société  lui  doit,  mais  la  crainte  que  (juclques  fanatiques  au- 
raient peut-être  cherché  à  troubler  une  cérémonie  si  pieuse 
avait  décidé  le  corps  des  Israélites  à  demander  protection  an 
gouverneur  du  Caire,  S.  A.  Abbas-Pacha,  qui  promit,  sans 
tenir  parole,  alors  ilsdurents'adresserà  S.  A.  Ibrahim- Pacha, 
celui-ci  était  en  grand  divan  ou  grand  conseil.  Il  admit  la  dé- 
putation,  et  après  l'avoir  entendue,  il  se  tourna  vers  les  as- 
sistants et  leur  dit  : 

«Depuis  que  j'ai  fait  mon  voyage  en  Europe,  je  suis  mé- 
content de  moi-même.  Ne  nous  le  dissimulons  pas,  nous 
avons  encore  beaucoup  à  faire  pour  commencer  la  voie  du 
progrès.  J'ai  vu  la  protection  qu  on  accorde  à  tous  les  cultes 
sans  exceidion  ,  le  respect  qu'on  a  poux  eux,  et  je  ne  souflri- 
rai  pas  qu'en  Egypte  il  en  suit  différemment.  En  conséquence, 
au  lieu  de  donner  quelques  soldais  pour  escorter  le  convoi, 
nous  lui  donnerons  trais  mille  hmmnes,  et  de  plus  ma  jiropre 
voiture  servira  de  cliariot  pour  y  ineltre  !a  bière.  » 

«Après  une  pareille  action,  qui  fait  lionneur  au  prince, 
nous  devons  en  signaler  une  autre  :  le  lendemain,  il  a  fait 
appeler  tous  ses  mameluks  et  esclaves,  et  leur  a  donné  la  li- 
berté avec  la  faculté  de  rester  avec  lui,  s'ils  étaient  contents, 
ou  bien  de  chercher  ailleurs  une  meilleure  existence.  Jus- 
qu'à présent,  personne  n'a  voulu  le  quitter  :  tous  lui  ont  as- 
suré qu'ils  ne  le  quitteraient  jamais.  » 

Mébémet-Ali  est  arrivé  à  Alexandrie,  de  retour  de  son 
vovage  de  Conslantinople,  le  21  au  soir  ;  il  a  été  reçu  avec 
des  dénionstratibns  extraordinaires  de  joie  de  la  population. 
Il  y  a  eu  illumination  générale  les  2i,  25  et  26.  Le  vice-roi 
a  reçu  la  visite  des  consuls  étrangers  le  25  et  le  27. 11  est  re- 
parti pour  le  Caire. 

Les  Français  établis  dans  celle  dernière  ville  viennent  de 
consacrer  à  la  mémoire  de  Kléber  un  souvenir  durable.  La 
maison  où  il  est  mort,  sur  la  place  l'Esbekièb,  est  habitée, 
depuis  peu  de  temps,  par  un  de  nos  compalrioles;  sur  la  ter- 
rasse où  fut  frappe  le  général,  ils  ont  fait  placer  son  buste, 
supporté  par  une  colonne  de  granit,  el  au  milieu  de  la  fa- 
çade eMérieure  de  la  maison  ils  uni  lait  (iiiser  une  plaque  en 
marbre,  sur  laquelle  est  gravée  l'inscription  suivante  :  «Jean- 
Baptiste  Kléber,  général  en  chef  de  l'armée  d'Egypte,  né  à 
Strasbourg  en  17o-l,  est  mort  dans  celle  maison  le  Ujîlin 
1800.  »  Et  an-dessous  de  l'inscription,  dans  un  médaillon 
entouré  de  feuilles  de  lauriers,  se  trouvent  les  noms  des 
principales  victoires  rempoilét  s  par  Kléber. 
Le  Morning-l'ost  dit  ingénument  dans  sa  correspondance 

«les  Anglais  demandent  un  chemin  de  fer  à  travers  l'is- 
thme, parce  que  ce  chemin  proliterail  principalement  à  leurs 
vovagenrs;  les  Français  contrarient  ce  projet  et  veulent,  à 
travers  rislbnir,  un  canal  qui  oiiviirail  la  navigation  aux  In- 
des à  ioules  les  nations  qu'eIVrayc  le  long  délour  par  le  cap 
de  Bonne-Espérance.  » 

Akabie.  —  La  forteresse  d'Aden  est  en  ce  moment  inves- 
tie par  les  Arabes,  au  nombre  de  7,000  hommes.  Le  chef  de 
cette  armée  paraît  être  un  fanatique  nommé  Shéiiff  Fackee 
Isniaêl,  du  voisinage  d'Alger,  qui,  se  rendant  en  pèlerinage  à 
la  Mecque,  a  eu  un  accès  d'enthousiasme  et  a  juré  de  chas- 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


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ser  les  Anglais  d'Aden  ou  de  mourir.  En  revenant  de  la  Mec- 
que il  n'a  pas  cessé  de  prêcher  l'extermination  des  inlidèles. 
7,01)0  hommes  des  plus  braves  ont  rallié  son  drapeau.  Il  a 
reçu  des  approvisionnements  par  des  eniliu'i.-:ilions  de  Moka. 
Le  IC  août,  à  une  heure  et  demie  du  nialiu,  iOU  hommes  se 
sont  approchés  de  la  place  en  reconnaissance,  et  ils  ont  tiré 
sur  les  sentinelles.  Les  canons  de  la  place  ont  lait  l'en  et  ont 
tué  ou  blessé  2:2  hommes.  Au  jour,  on  a  trouvé  devant  les 
reniparls  les  cadavres  et  les  armes.  On  sait  que  lintenlion  du 
chef  est  de  ne  faire  une  attaque  en  règle  que  lorsqu'il  aura 
réuni  beaucoup  de  monde  el  qu'il  pourra  attaquer  sur  plu- 
sieurs points  à  la  fois.  Le  service  de  la  place  est  très  fatigant. 
Les  he<liaux  manquent  de  fourrage  et  les  troupes  n'ont  pas 
de  légumes  frais. 

I.M)i;.  —  Les  journaux  anglais  s'occupent  beaucoup  des 
dernières  nouvelles  de  l'Inde,  etsuiloni  de  l'ingratitude  de 
Goulab-Sing,  au  prolit  de  qui  l'Aiiglelerii'  a  conslilué  une 
priiii  ipauté  indépendante.  (Je  rajah  se  nionlie  moins  docile 
(jue  l'on  ne  s'y  attendait.  Il  refuse  péreni['loiremeiit  de  payer 
au  ;.'c]uverneur  général  l'indenniité  promi>e  eu  échange  des 
avanlages  qui  lui  ont  été  assurés  par  le  dernier  traité,  et  il 
parait  disposé  à  repousser,  au  besoin,  la  force  par  la  force. 
Cette  atlitndo  de  Goidab  menace  d'introduire  de  sérieuses 
complications  dans  les  alïaires  du  Pendjab. 

Un  autre  chef  montagnard,  Dewan-Mooira,  est  sur  le  point 
de  se  proclamer  indéjiendant  du  royaume  de  Lahure;et 
Ackbar-Klian,  prince  de»  Aiïghans,  en  faveur  de  qui  Dosl- 
Mohamed,  son  père,  aurait  abdiqué  à  la  suite  de  la  réceplion 
de  l'ambassadeur  persan  dont  nous  avons  parlé  il  y  a  huit 
jours,  songe  àproliter  de  tous  ces  désordres  pour  reprendre 
Pesliawer,  que  les  Sikhs  ont  enlevé  autrefois  à  sa  famille. 
An  milieu  de  celle  crise,  le  diirhar  (gouvernenemeni)  de 
Laboie  non-seulement  ne  se  consolide  pas,  mais  devient  plus 
impopulaire  que  jamais;  le  viïir,  ce  favori  de  la  reine-mere, 
(]u'nne  intrigue  de  palais  a  porté  au  pouvoir,  est  générale- 
ment détesté,  et  des  événements  graves  semblent  de  nou- 
»eau  près  d'éclater. 

Uio-BE-L.v-PLAT.\  :  —  Le  Timcs  publie  les  nouvelles  sui- 
fantes  : 

a  Des  dépêches  de  Rivera  annoncent  qu'il  a  battu  de  nou- 
veau Montoro  à  .\renal-Grande.  Il  a  pris  Mercedes,  la  ville  la 
plus  importante  entre  la  capitale  de  Kive-Negro.  Montoro  a 
été  tué  dans  la  bataille.  Une  grande  perle  pour  Rosas  est 
celle  du  colonel  Tliornc  (.américain),  tué  à  l'aflaire  de  San- 
Lorenzo.  Les  forces  de  Rosas,  dans  celle  affaire,  s'élevaient  à 
1,000  hommes,  sons  les  ordres  du  général  Moncilla  ;  elles 
ivaient  quin/.e  à  vingt  canons.  Les  deux  escadrilles  française 
et  anglaise  combinées  comptaient  (iO  canons. 

«  On  mande  de  Corrienles  qu'il  est  arrivé  des  dépêches  des 
apilaines  Holham  et  Trehouarl;  elles  sont  ainsi  conçues  : 

«  Entrerios  et  Corrientes  a;;iront  de  concert  contre  Rosas 
•lions  le-s  parlis.  Corrientes  et  Entrerios  seront  deux  provin- 
:es  ou  républiques  distinctes;  elles  seront,  sous  Ions  les  rap- 
ports, indépendantes  de  Buen<is-.4yres.  Urquiza  aura  le  conj- 
iiandement  des  armées  combinées.  Le  Paraguay  aura  le 
du)ix  d'entrer  dans  la  ligue,  à  la  condiliim  de  ne  pas  per- 
npllre  au  général  Paz  d'intervenir  dans  l'allaire.  » 

Et.\TS-Ums.  — Les  feuilles  quotidiennes  ont  annoncé  cette 
semaine  que  Paris  était  complètement  privé  de  glace.  Nous 
levons  rassurer  les  consommateurs  eu  extrayant  du  dernier 
irrivagc  des  Etats-Unis  la  nouvelle  qu'un  navire  américain, 
'Aimzonf,  embarque  en  ce  moment  à  Boston  un  plein  char- 
;ement  de  glace  pour  le  Havre.  C'e-t  la  première  fois,  ii  notre 
■onnaissance,  que  celte  nature  de  marchandise  figurera  dans 
los  importalions  desElal.s-Unis. 

Triilbles  i>e  ColO(;-ve.  —  Voici  la  réponse  du  roi  à  l'a- 
Iresse  du  conseil  municipal  de,  Cologne  : 

<i  La  révolte  contre  l'autorité  est  partout  un  crime  grave, 
lurtnutdans  une  ville  qui  est,  à  juste  titre,  un  boulevard  de 
'Allemagne.  Ainsi  donc  c'est  à  tort  que  l'on  qualilie  dans 
"adresse  d'insigniliante  celte  occasion  de  lintervenlion  des 
roupes.  Je  reconnais,  au  contraire,  que  le  tumulte  devait 
■tre  réprimé  par  la  force  des  armes,  (pioiqu'd  soit  à  déplorer 
lu'un  homme  ait  péri  el  que  quehjues-uns  aient  été  griève- 
nent  blessés.  Mes  troupes  ont  en  général  montré  du  calme 
■t  de  la  modération;  j'ai  jugé  à  propos  de  leur  en  témoigner 
na  satisficlieui  par  le  général  commandant.  Si  des  citoyens 
laisiblesont  été  maltraités  par  des  soldats  dans  des  quartiers 
'loignés  du  lieu  du  tumulte.  Ifs  coupables  seront  punis  sui- 
vant la  sévérité  des  lois  militaires. 

«  Je  reconnais  le  Service  que  la  bourgeoisie  a  rendu  pour 
établir  le  calme,  mais  j'ai  dû  blàuuT  lorganisalion  d  nue 
jarde  bourgeoise  sans  la  permission  expresse  de  l'aulorilé, 
larce  qu'on  pourrait  en  inférer  que  les  autorités  civiles  et 
nililaires,  après  avoir  agi  par  la  force,  ont  confié  le  main- 
ien  de  l'ordre  aux  bourgeois,  tandis  que  je  veux  positive- 
ncnl  que  l'on  évite  jusqu'à  l'apparence  une  pareille  fai- 
)|esse. 

a  Néanmoins,  d'après  le  vœu  exprimé,  j'ai  ordonné  qu'à 
'avenir,  lorsque  des  mesures  de  sûreté  extraordinaires  se- 
aienl  prises,  on  en  avertirait,  si  le  temps  le  permellail,  les 
lUiorites  communales  pour  en  instruire  la  Ixjurgeoisie  et  ré- 
clamer son  concours.  J'ai  lieu  d'espérer  que  le  bon  sens  des 
TOuraeoi»  et  des  autorités  épargneia  désormais  le  retour  de 
pareils  événemcnls.  » 

SiknK.  — On  annonce  que  les  vastes  élablissemenls  ser- 
vant à  I  evploilation  des  mines  d'argeni  de  Sala,  à  80  kilomè- 
Ires  de  Sloekolm,  ont  été  dévorés  par  un  incendie  dans  la 
nnil  du'ili  an  27  août.  La  perle  est  évalm^e  à  .">  millions. 

Néchoi.ooee.  —  M.  Rouger,  député  de  l'Aude  de  l.Sô-i  à 
1850,  soiis-préfel  de  Caslelnaudary  de  ISÔ!)  à  LSiii,  vient  de 
mourir.  —  Un  artiste  distingué,  M.  l'aiil  Lelon^',  architecle, 
chargé  d'édifier  le  nonvel  hôtel  du  timbre  sur  les  terrains 
des  Petils-l'ères,  vieni  de  succomber  par  suite  d'une  chute 
Je  cheval.  Le  corlége  nombreux  d  altistes  et  de  gens  du 
mon  :i,',  qui  se  sont  empressés  de  rendre  à  sa  dépouille  mor- 
telle les  derniers  devoirs,  montrait  combien  grande  était  la 
i?rle  que  les  arts  et  l'iimiliô  viennent  de  Kiirc 


<?»urrier  de  Paria. 

Les  plus  grands  événements  de  la  semaine  ont  été  de  pe- 
tits événemeuls  dramatiques.  Si  Paris  se  distrait  et  s'aumse, 
c'est  à  huis  clos,  la  chronique  l'ignore  et  n'a  rien  à  vous  ap- 
prendre. Veuillez  donc  renoncer  pour  aujourd'hui  aux  plai- 
sirs de  la  médisance.  Il  est  vrai  que  l'Académie  française 
coun.nnail  jeudi  dernier  la  vertu  en  séance  solennelle  ;  mais, 
liélas  I  la  verlii  a  besoin,  comme  tout  le  reste,  de  l'à-propos 
pour  par.iilre  dans  tout  son  lustre;  et.  lorsque  dix  jours  de 
bruit  et  de  renommée  ont  déjà  passé  sur  une  éloquence  et 
un  atlendris.sement  officiels,  il  serait  difficile  d'en  rajeunir 
l'intérêt  et  lespeclacle.  Nous  nous  sommes  promis,  d'ailleurs, 
d'acquitter  un  assez  gros  arriéré  théâtral,  et  comme  vous 
voyez,  le  dessinateur  de  l'illtislralioii  lui  demande  une  de 
ses  colonnes  pour  h  Temple  de  Salomoti  ;  mais  le  Courrier 
compte  bien  .se  dédommager  samedi  prochain,  et  le  plus 
amplement  qu'il  lui  sera  possible,  du  silence  forcé  que  le 
déficit  des  circonstances  lui  impose  aujourd'hui. 

Pour  commencer,  voici  le  Temple  de  Salomon  !  quel  titre 
imposant  et  majestueux,  un  temple  sacré  et  béni  entre  tous  les 
autres,  l'arche  sainte  des  palriarches,  le  sanctuaire  de  tontes 
les  religions  et  de  tous  les  cultes;  et  puis  Salomon,  le  monar- 
que-prophète, le  Moïse  du  livre  de.sliois.  le  poiMe  divin  dont  on 
venait  à  l'envi  consulter  la  sagesse  eliiilniirerrinlelfigence  et 
la  piélé.  Cependant  ceci  e^l  nue  lii>loire  lé^^éiement  scanda- 
leuse; mais  tons  les  soleils  ont  leui' laLlie,  la  robe  d'innocence 
etde  sainteté  de  ce  grand  Salomona  plusd'un  accroc  ctle  mé- 
lodrame va  nous  l'agrandir.  Vous  allez  voir  quelles  maximes 
sont  pratiquées  par  ce  roi  de  l'Ecclésiaste,  par  cet  inventeur  de 
la  sagesse  des  nations,  el  puis  vous  arriverez  sans  rougir,  s'il 
est  possible,jusqu'au  bout  de  ce  petit  récit  plein  de  damnation. 
Le  temple  de  Salomon  recèle  dans  ses  profondeurs  plus  d'un 
mystère  digne  du  Parc-aux-Cerfs.  Le  Louis  XV  oriental  a 
son  Lebel,  qui  s'appelle  Manassêset  s'acquitte  en  conscience 
de  son  emploi.  Je  vous  laisse  à  penser  la  quantité  de  ber- 
geretles  qu'il  fait  tomber  dans  la  gueule  du  loup.  Salomon, 
du  reste,  est  un  personnage  dont  l'appélit  est  connu;  il  se 
maria  sept  cent  cinquante  fois,  selon  la  version  de  l'Ecriture, 
sans  compier  les  unions  morganatiques.  Pour  le  moment, 
voici  la  victime  la  plus  intéressante  de  ce  Manassès,  une  rose 
delà  terre  de  Judée  et  de  la  tribu  de  Benjamin,  Suzanne  :  elle 
est  belle  et  chaste,  elle  aime  Mizaël ,  son  fiancé.  0'abord 
c'est  en  vain  que  l'oiseleur  du  prince  tend  ses  filets,  la  co- 
lombe échap[ierait  sans  l'inlervention  de  la  magie.  Manassès 
endort  Suzanne  au  moyen  d'un  philtre.  Quel  songe  et  quel 
réveil!  les  Meurs,  les  paifums,  le  vin  qui  coule,  les  danses, 
l'orgie  du  grand  roi  et  le  festin  de  la  reine  de  Saba.  Ac- 
courue du  fond  de  l'Arabie,  sur  la  foi  de  Salomon  et  de  sa 
renommée,  la  reine  sent  sa  dignité  compromise  par  le  spec- 
tacle qu'on  lui  olfrc  :  C'est  l'anneau  de  Salomon  passé  au  doigt 
delà  Benjamine,  puis  le  grand  prêtre  qui  veut  chasser  le  grand 
roi  de  son  palais,  qui  appelle  sur  sa  têle  la  vengeance  du  ciel 
et  finit  par  l'aire  descendre  la  fimih  e  sur  le  temple  : 
Tout  t'ciil,  el  sans  s'armer  d'ioi  iDiiri^e  iniilile, 
Loin  (lu  temple  delrnit.  eliac  un  chen  lie  un  asile. 
La  reine  regagne  ses  Etals,  Salomon  se  réfugie  dans  son 
oratoire  et  Suzanne  an  désert.  Cette  destruction  du  temple 
est  cerlainement  l'incident  le  plus  dramatique  à  signaler  dans 
Celte  vieille  histoire^udaïqiie.  Tant  de  galeries,  de  vestibules, 
decolonnades,  les  lampes  de  vermeil,  les  ustensiles  sacrés,  l'au- 
lel  étintelant  de  pierreries,  la  grande  cuveiiorlée  par  les  huit 
bo'ufs  de  bronze,  les  Chérubins  de  bois  de  cèdre,  à  l'aile  im- 
mense, aux  yeux  d'escarboucle, cette  prolusion  et  ce  mélange 
radieux  de  marbre  rouge  et  blanc,  de  diamants  et  d'or,  voilà 
les  merveilles  que  nous  avons  vues  s'écrouler  et  disparaître 
au  milieu  des  cris  de  la  surprise  et  de  l'admiration.  Chute  co- 
lossale, présage  d'un  succès  pyramidal.  Et  puis  quand  le  dé- 
sert s'est  fait  sur  cette  œuvre  de  destruction,  nous  avons 
revu  Suzanne.  Quel  changement,  grand  Dieu!  et  quelle  pé- 
nitence imposée  à  la  pauvre  fille  pour  le  péché  du  roi  Salo- 
mon. On  sait  que  les  plus  grandes  expiations  se  sont  accom- 
plies sur  le  sab'e;  Suzanne  est  an  moment  d'y  périr  de  soif 
coinine  Agar,  lorsqu'elle  rencontre  son  prétendu  et  lui  conte 
tout,  —  récit  très- tr.ansparent,  — le  philtre,  le  sommeil,  le 
songe,  l'anneau  ;  elle  n'oublie  rien,  si  ce  n'eslde  se  tuer  à  la 
manière  de  Lucrèce;  Mizaèl  ne  la  tient  pas  moins  pour  morte 
et  trépassée  et  lui  jette  le  manteau  sur  le  visage,  cl,  le  poi- 
gnard aux  dents,  il  s'enfonce  dans  le  d^sr  ii  |h.iii'  la  venger. 
Mizarl  se  flatte,  la  vengeance  qu'il  nodilr  mi, m  \nl:;aire,  un 
liomicideclandestin,tristeressoiirie  |i(iur  l,i  inisr  ■  n  -cvue.]  Le 
mélodrame  prend  les  choses  de  plus  haut  el  fait  plus  de  fra- 
cas avec  .sa  vengeance  ;  d'ailleurs,  il  peut  retrouver  dans  sa 
tradition  un  grand  enseignement  et  un  autre  grand  spectacle. 
A  propos  du  temple  de  Salomon,  le  moyen  de  ne  pas  songer 
nu  peu  et  même  beaucoup  au  jmjrmei}!  de  Snlumim.  C'est 
ainsi  que  nous  nous  trouvons  transportés  au  beau  milieu  d'une 
autre  histoire  qui  mérite  d'exercer  la  verve  du  machiniste,  et 
qu'après  tant  de  récits  et  de  peintures,  vous  voudrez  encore 
connaître  de  visu. 

Après  la  cliule  de  son  temple,  Salomon  a  éprouvé  la  perle 
de  son  lils  unique,  il  ne  lui  reste  que  ,ses  huit  cents  femmes, 
mais  une  malédiclion  pèse  sur  elles.  Sa  race  va  s'éteindre, 
quel  sera  l'héritier  de  sa  couronne?  C'est  alors  qu'un  ange 
vient  lever  avec  éclat  ces  appréhensions  dynastiques.  11  reste 
au  puissant  monarque  un  rejeton  diuil  le  seul  Manasfès  con- 
naît la  mère,  mais  le  fouibe  abuse  de  la  posilion  pour  indi- 
quer à  son  roi  une  autre  mère  que  Suzanne,  et  un  enfant  d'o- 
rigine suspecte,  le  fils  et  héritier  dune  (  erlaine  Rebecca  qui 
vise  à  jouer  le  rôle  de  la  Pompadour  auprès  du  Louis  XV  de 
la  Judée,  et  convoite  son  liéiie.  Séduit  par  les  promesses 
exagérées  de  l'ambilieuse,  Manassès  pnliledu  soirnieil  de 
l'innocence  pour  éloufler  celui  des  deux  poupons  dont  l'exis- 
tence comprnmellrait  la  réussite  de  ses  projets.  Heureuse- 
ment pour  Suzanne,  il  se  trompe  de  berceau,  et  c'est  au 
marmot  de  Rebecca  qu'il  a  tordu  le  cou.  Ne  devinez- vous  pas 


la  fin  de  l'aventure  et  sa  conclusion?  Les  i  eux  mères  se 
disputent  l'enfant  survivant  jusqu'au  prononcé  du  fameux 
jugement.  Suzanne  sera'  reine  de  Judée,  et  la  race  de  Da- 
viu  peut  se  perpétuer.'  Après  ce  trait  de  sagesse  et  celle 
éclatante  rentrée  en  grâce  avec  l'Eternelj  Salomon  rebâtit 
son  teiuple  et  l'inaugure  au  milieu  du  plus  beau  cortège  et 
d'une  pompe  digne  de  l'Opéra. 

11  est  juste  de  reconnaître  que  les  auteurs  ont  mis  en  œu- 
vre assez  adroitement  les  spleudides  bizarreries  de  la  lé- 
gende, et  que  les  décorateurs  ont  bâti  de  belles  décorations 
sur  leur  Ubrelto,  mais  le  sujet  ne  méritail-il  pas  mieu.x  en- 
core ?  Salomon  et  son  temple,  c'est-à-dire  Sardanapale  dans 
son  palais,  Héliogabale  au  udlieu  de  ses  pompeuses  extrava- 
gances, une  imagination  de  poêle  servie  par  la  puissance  et 
les  richesses  d'un  roi,  voilà  pour  l'action  et  pour  le  spectacle; 
quant  à  la  conception  et  au  caractère  de  l'œuvre,  on  pour- 
rait regretter, — si  le  regret  nedevait  sembler  étrange  ici  puis- 
qu'il s'agit  d'un  mélodrame, — l'oubli  des  poêles  au  sujet  du 
roi  juif.  Salomon  est  assurément  le  personnage  le  plus  poé- 
tique de  l'Orient,  le  plus  lyrique  et  à  la  fois  le  mieux  taillé 
pour  le  drame,  c'est  le  vivant  résumé  de  toutes  les  énergies 
liuinaines  :  l'ambition  spleiidide  de  César  ou  de  Napoléon, 
la  passion  des  héros  les  plus  passionnés  du  roman,  la  sagesse 
de  Socrate,  le  doute  de  Pascal,  tous  les  amours  et  toutes  les 
défaillances  du  cœur,  est-ce  que  la  figure  de  ce  grand  ras- 
sasié, dont  il  est  permis  de  ressaisir  les  traits  à  travers  les  ob- 
scurités orientales,  ne  se  prêterait  pas  à  un  rajeunissement 
contemporain?  Si  nous  savions  louer  convenablement  des  dé- 
corations, nous dirionsque celles  deMM.  Philastre  et  Cambon 
sont  magnifiques,  et  que  la  mise  en  scène  est  splendide,  l'ad- 
ministration du  théâtre  de  la  Gaieté  a  remuécielet  terre  dans 
celte  circonstance,  et  mulinlié,  pour  le  plaisir  des  yeux,  les 
apparitions,  les  métamorphoses,  les  costumes,  les  paillet- 
tes ,  les  danses  ,  les  coups  de  théâtre  et  les  coups  de 
sabre. 

Du  temple  de  Salomon  courons  place  Ventadour.  Mais 
qu'est-ce  que  la  place  Ventadour?  Pour  vous  et  moi,  c'est 
une  place  ornée  d'un  théâtre,  un  carré  quasi-régulier  planté 
de  maisons  d'assez  paisible  apparence;  M.  Paul  de  Kock 
est  d'un  autre  sentiment,  la  place  Ventadour  n'a  pas  son 
estime,  c'est  un  endroit  maudit,  un  square  dangereux,  un 
véritable  lieu  de  perdition.  Tous  les  âges,  tous  les  rangs, 
et  les  deux  sexes  y  perdent  une  foule  de  choses,  on  y  perd 
des  sacs,  des  ombrelles,  des  billels  de  banque,  beaucoup  de 
vertus  s'y  sont  perdues,  on  y  perd  des  perruques.  Dans  celte 
oasis  de  pierres  taillées,  où  "se  croisent  rarement  deux  pas- 
sants, M.  de  Kock,  fidèle  à  une  idée  ihe  qui  allait  se  résou- 
dre en  vaudeville,  a  vu  de  nombreux  atlroiipements;  à  l'en 
croire,  il  y  pousse  des  journalistes,  c'est  un  point  de  débar- 
quement pour  les  provinciaux  ;  on  y  trouve  enfin  surabon- 
dance d'étudiants  el  de  griseltes.  C'est  ainsi  qne  trois  de  ces 
demoiselles,  parties  des  environs  de  la  rue  Saint-Jacques  s'y 
réunissent  en  compagnie  d'un  trio  de  galanlins,  dont  le  plus 
aimable  a  nom  Boursicot.  Ce  Boursicot,  étudiant  de  quin- 
zième année,  pnële  mécoiinn  et  apprenti  journaliste,  a  ueau 
ballri'  le  liMi|H(i  avec  son  esprit,  il  n'en  jaillit  pas  un  écu. 
Tous  lis  |.l  iisiis  siiiit  pour  lui  des  plaisirs  défendus.  S'agit-il 
d'une  liiie  |i;ii  lie  i.//ra-»Hi(ro,s-,  les  amis  de  Boursicot  prodi- 
guent à  leur  Cornaline  ou  Séraphine  les  jouissances  du  luxe 
et  de  la  civilisation  ;  quant  au  nourrisson  des  muses,  force 
madrigaux,  voilà  tout  ce  qu'il  peut  olîrir  à  l'appétit  de  son 
Atalante,  liors-d'œuvre  bien  légers  pour  l'estomac  d'une 
grisette.  Il  répète  en  vain  qu'il  perce,  on  ne  voit  de  percé 
que  ses  coudes.  Exaspéré  par  ce  sarcasme,  Boursicot  évoque 
(jhatterlon,  exhale  plusieurs  vers  mélancoliques,  et  se  promet 
bien  de  s'asphyxier  à  la  première  occasion.  Mais  c'est  à  peine 
si  Atalanle  a  le"  temps  de  gémir  sur  la  destinée  lamentable  et 
le  trépas  iirésuméde  son  Boursicot.  lorsqu'il  reparait  dans  un 
costume  qui  nous  rassure.  Le  poêle  râpé  est  présentement 
un  genlilhnmme  doré  sur  toutes  les  coutures.  Il  a  découvert 
le  Pactole  sans  sortir  de  la  place  Ventadour,  c'est  une  autre 
cour  des  Miracles.  Des  billels  de  banque  en  émaillaient  l'as- 
phalte, Boursicot  n'a  en  qu'à  se  baisser  pour  en  prendre. 
Pendant  qu'il  y  faisait  sa  trouvaille,  le  parrain  de  son  Ata- 
lanle y  perdait  sa  perruque.  La  coïncidence  de  ces  deux 
événements  est  grosse  d'un  quiproquo;  mais  l'accouche- 
ment sera  long  et  laborieux  ,  et  le  mot  de  l'énigme  ne 
nous  sera  dit  qu'au  Ranela^li.  Quand  le  parrain  chauve 
parle  du  trésor  qu'il  a  penlii,  le  poêle  incompris  qui  a  prélevé 
des  droits  d'anlenr  soi  les  douze  mille  Irancs  se  persuada 
qu'il  eslquesthiii  île  lii.riii  jusqu'au  moment  où  touts'ex- 
pliqueà  lasalisln  li.iii  -einrale.  Boursicot  ne  verra  plus  dans 
son  nom  une  plaisinih  i  ie  navrante.  Cet  or  est  sa  propriété 
légitime,  c'est  le  don  d'un  oncle  d'Amérique  trop  heureux 
de  contribuer  au  bonheur  de  son  coquin  de  neveu.  Ne  de- 
mandez pas  à  M.  de  Kock  le  trait  fin,  la  plaisanterie  attique, 
la  raillerie  spirituelle,  l'intention  malicieuse  ;  c'est  l'homme 
du  gros  sel  et  de  la  gaillardise,  c'est  surtout  l'homme  heu- 
reux et  applaudi.  Qui  est-ce  qui  n'a  pas  ri  de  ses  pièces,  rien 
que  sur  la  loi  de  son  nom? 

Quant  à  la  Xouielle  Clarisse  Ilarlotce  du  Palais-Royal,  c'est 
une  page  du  roman  retournée,  et  la  pièce  du  Gymnase  mise, 
comme  la  culotte  du  bon  roi  Dagubeit,  à  l'enveis.  Malgré  la 
résistance  de  son  père  Haiirru  el  de  son  hère  Itaçimt,  celte 
Clarisse  de  Lavillclte  veut  épouser  alisohimeril  Galopin,  fac- 
teur rural,  qu'elle  a  baplisé  Lanhin'.  Mais  à  (elle  proposition 
légitime,  le  pinlibond  \illat;eiijs  n  pord  ce  nail  peu  tlianipê- 
tre:  Du  /îdji.' A  lors  Clarisse  retilé\e  dans  uiiebrouelle;  quand 
le  Lovelace  de  banlieue  a  sullisaninienl  (ileuré  son  malheur 
avec  les  yeux  de  Grassol,  c'est  à  son  tour  de  proposer  le 
conjunf/o à  Clarisse  qui  lui  répond  :  Vesnatrls!  «0  (Jaiisse, 
.s'écrie-t-il,  vous  voulez  donc  rester  garçon?  Fichire!  me 
voilà  compromis!  »  Pour  sortir  de  celte  silualion  inouïe,  et 
se  soustraire  à  la  tyrannie  d'une  amsnie  qui  le  relient  caplif 
chez  des  blanchisseuses  sous  la  gai  de  de  Bageot,  il  enceit 
Clarisse  avec  nnnarcotique,  et  purge  violemment  son  geôlier, 
seul  moyen,  dit-il,  de  le  faire  aller...  mais  daignez  m'éparr 
gner  le  reste. 


36 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Grassot  est  un  superbe  Lovelace,  et  mademoiselle  Natlia-  1  sance  et  une  firùce  charmantes.  Olait  la  voix  énn.p  le  n-^ard  i  relevés  par  ce  grain  à'hwmur  qui  est  tout  ragrément  de  la 
lie  s'est,  avisée  d'imiter  mademoiselle  Rose  Chéri  avec  une  ai-  |  pudi(|ue,  le  mainlien,  le  costume,  et  le  désespoir  du  modèle,  |  parodie,  et  qui  a  déterminé  le  succès  de  la  présente. 


(Théâtre  de  la  Gaieté.  —  Le  Temple  de  Salomon.  —  Scène  du  .Jugement.) 


M.    E0GÈHE   ÏSI&HOM. 


CHANT. 


PIANO. 


PEUT-ON  VOUS  VOIR  SANS   VOUS   AIMER! 

A  IfM.  AfjnRA.91,  arliste  tie  l' Opéra- Co»Ê»itjiue. 

Andante  canlabile. 


musique 

DE 

M.  VÎKEïïX. 


r   7    c 


.^|J.Jl-J.^r   p 


Au     sein         d'u-ne  pai-si  -  ble    vi e,   S'écou- 


^^^ 


^^m 


Phk^ 


^rr^TT 


Hit',  'i 


sirs,  loin  des  amours;  Mais      dès         quejeconnus,Ma- da- 

A   ^      A   _    A 


nie,  Vos   grà ces  qui  savent  char- 


L'ILLLSTIUTION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


37 


Vous,  que  loii-jours    je      crois  par    -  fai  -    le,  Vous,  mon  Ijon  -  heur.        vous.       mon  lonr  -  mtnl.  Si  vous      e    -    -  ticz        UD    jour    co- 


quet -  te  El    Ira-  his siez        vo  -  tre    ser  -  menl. . .  Ce         ten  -    -  die    cœur  qui  vous     a do  -  re  De      mé    -    pris  de  -  vrail 


,    peut  -  -  on      vous       voir    sans 


(V;3;21î 


i^} 


v<^ 


LULliSrilATlON,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Colonie  Miçrieole  <Ie  l'rlil-Bours. 

LETTRE     A     M.    I.E      UIRECTEtR      I)E     l'iI.LUSTKATION. 

Monsieur  le  directeur, 

A  (WTorentes  reprises  vous  avez  entretenu  vos  lecteurs  de  la 
rilonie  agricole  de  Petit-Bourg,  et,  chaque  Ibis,  vous  avez  ap- 
olau Ji  à  la  pensée  ([ui  avait  présidé  à  l'érection  de  cette  co- 
lonie, et  vous  avez  eu  des  éloges  bien  mérités,  à  mon  sens, 
pour  la  manière  dont  on  l'avait  mise  à  exécution.  Vous  avez 
dit  comment  était  or^^anisé  le  travail  ;  vous  nous  avez,  dans 
lies  dessins  dont  j'ai  pu  constater  la  rigoureuse  exactitude, 
montré  le  colon  travaillant,  mangeant  ou  se  reposant.  Enlm, 
après  avoir  lu  l'article  imprimé  dans  le  volume  II,  page23.j, 
de  l'Illuslnition,  on  est  parfaitement  édilié  sur  le  but  et  sur 
les  moyens  employés  dans  cetteadmirableinstitulion.  Mais  ce 
que  vous  n'avez  pas  pu  dire,  parce  que  la  colonie  en  était  en- 
core à  ce  moment  il  ses  premiers  pas,  c'est  la  métliode  mise 
en  pratique  pour  élever  le  cœur  de  ces  pauvres  enfants,  pour 
les  moraliser  et  en  faire  des  hommes. 

Permettez-moi  de  suppléer  en  cela  à  votre  rédacteur  :  car, 
à  mon  avis,  il  est  bon  de  faire  connaître  ce  qui  peut  être  ap- 
pliqué partout,  et  avec  succès,  je  le  pense;  pour  les  enfants 
riches,  comme  pour  les  enfants  pauvres,  la  première,  la  meil- 
leure éducation  est  celle  du  cœur,  et  à  ce  litre  je  ne  puis  que 
recommander  vivement  aux  instituteurs  le  système  auquel 
a  recours  l'Iiouorable  directeur  de  Petit-Bourg,  M.  Allier. 

Tons  les  dimanches,  les  colons  sont  réunis  en  séance,  sous 
la  présidence  de  M.  Allier  et  en  présence  de  tous  les  em- 
ployés de  hi  Cdhiiiie.  (Jn  apporte  et  on  lit  les  notes  de  la  se- 
maine, ir<  m  m\;iiM's  et  les  bonnes.  Il  faut  voir  alors  tous  ces 
enfaiils  ;iii''iiiil  .  i  r.iignant  ou  espérant  de  se  voir  interpeller. 
On  coiiiiiieiiie  |i;ir  les  mauvaises  notes.  Le  colon  accusé  se 
lève,  et  là,  devant  Ions,  il  reçoit  d'abord  une  admonition  ; 
en  suite  de  laquelle  il  doit  faire  lui-même  sa  confession,  don- 
ner des  explications  sur  le  fait  qui  lui  est  reproché  ;  puis, 
quand  la  confession  est  terminée,  le  direcleur  lui  demande 
quelle  punilion  il  a  mérilée,'  et  parfois  le  remords  agit  avec 
tant  de  force  dans  ces  petites  âmes,  qu'ils  s'inlligent  une  pu- 
jdus  folle  qu'elle  ne  semblerait  nécessaire.  Quand  le 
(^h4ë^?|»Hi"""'i'  *""  arrêt,  le  directeur  consulle  les  mo- 
(,(!■  ^^JfH^des  ridons  choisis  par  leurs  camarades  eux- 
|i(jur  leiAirveiller).  Souvent  cesderniers  cassent  l'ar- 
I  ei  (liiniiiiiunlrVin  augmentent  la  peine.  Le  directeur,  qui 
me  1,1  l'juir  siibijéine  prononce  en  dernier  ressort. 

,di|ii(iiiche  dernier,  à  une  de  ces  séances,  et  en 
vofci  un  episodiw'  Deux  enfants  s'étaient  battus.  Coupables 
'iuiji  les  deiixTin  même  degré,  ils  s'étaient  iniligé  deu.x  jours 
JSoiaini  seoV  les  moniteurs  se  consultent  et  répondent  au 
direcleiir  que  les  coupables  doivent  savoir  ce  qu'ils  ont  à 
faire.  Alors  à  ce  mot,  les  deux  enfants  se  jettent  dans  les  bras 
l'un  de  l'autre  en  pleurant,  et  un  bon  baiser  de  paix  vient 
sceller  la  réconciliation  et  effacer  la  punition.  A  ce  moment, 
vieis  eussiez-vous  vu  toutes  ces  figures  heureuses  des  colons 
s'épunouir,  et  des  applaudissements  éclater  sur  tous  le.-: 
bancs. 

Les  enfants,  cités  pour  leur  bonne  conduite,  ont  droit  à 
certaines  récompenses  que  je  ne  détaillerai  pas.  La  plus  éle- 
vée et  la  plus  aiiiliiliuiiiiée,  mais  aussi  la  plus  rare,  c'est /« 
i-achi't  (h' i/iiii-r.  Aiiiihiyiiide  ce  cachet,  celui  qui  en  est  l'heu- 
reux |iOssesseiir  peiile\eiiipier  unde  ses  camarades  de  la  puni- 
tion qu'il  a  encourue.  N'csI-ce  pas  une  touchante  institution,  et 
n'ai-je  pas  raison  de  dire  que  partout  les  inslituteurs  pour- 
raient et  devraient  l'adopter?  Car  ici  c'est  aux  plus  nobles  in- 
stincts de  l'homme  qu'on  fait  appel.  C'est  ce  principe  divin  : 
Aimez-vous  tes  uns  les  autres,  qu'on  grave  dans  le  cœur  de 
ces  enfants.  Aussi  ai-je  été  vivement  ému,  quand  j'ai  vu  que 
tous  demandaient  le  cachet  de  grâce.  Certes  c'est  là  l'indice 
que  les  principes  de  la  morale  la  plus  pure  sont  inculqués  à 
ces  intéressants  enfants;  et  l'on  peutavoir  l'espoir  fondé  que 
les  ouvriers  qui  sortiront  de  Petit-Bourg  seront  non-seule- 
ment de  bons  travailleurs,  mais  des  cœurs  d'élite. 

Telles  sont,  monsieur  le  directeur,  les  impressions  que  j'ai 
éprouvées  dans  ma  visite  à  Petit-Bourg.  Je  dois  ajouter,  en 
terminant,  que  la  parole  facile  et  pleine  d'onction  de  M.  Al- 
lier est  reçue  avec  avidité  par  les  jeunes  colons,  que  la  mo- 
rale qu'il  leur  enseigne  est  parfaitement  appropriée  à  leur  âge 
et  ù  leur  intelligence.  C'est  une  douce  récompense  pour  ce- 
lui qui  se  dévoue  à  une  tâche  aussi  pénible,  que  de  voir  ses 
soins  porter  leurs  fruits,  et,  si  nous  en  croyons  les  impres- 
sions manifestées  par  cette  jeunesse,  h  la  physionomie  mo- 
bile, M.  Allier  [leut  se  dire  avec  confiance  que  les  enfants 
qu'il  a  reçus  seront  rendus  par  lui  à  la  société  bons  travail- 
leurs et  surlont  hommes  moraux  et  dévoués. 

J'ai  l'honneur  etc. 


Souveiiirii  ile  Toywgesi. 

i'esth  et  bude. 

Je  viens  de  passer  encore  de  longs  instants  sur  la  terrasse 
de  la  forteresse  de  Bude.  Il  y  a  là  un  de  ces  magnillqiies  ta- 
bleaux de  l'industrie  humaine  et  de  la  nature,  que  je  ne  me 
.asse  pas  de  contempler.  A  côté  de  moi,  le  château  du  pala- 
tin avec  ses  larges  étages,  ses  frais  jardins,  ses  allées  d'ar- 
bres qui  descendent  le  long  de  la  iiionl.inni',  sa  (  luprlle,  ..u, 
aux  sons  de  l'orgue,  un  prêtre  donne  ;i  luisn  i,,i\  lulrl,--.  mi 
bras  de  .saint  lîtienne;  autour  de  ivum,  I.i  M.illr  ,  ii,.  ili.  iimi,. 
serpentant  dans  l'éd-oil  villape  qui  Imnli'  !,'  Ii,imilir.  s  rlrv.mi 
en  ainpliillii'Mlie  siii-  la  penh'  drs  i-,, limes,  s, mis  1rs  i  i.;  r:iiix 
d'arbres  IViiiliers,  eiilre  les  eiieh.s  ili'  \i'jiirs  |iis  ,iia  l'ni,,,  ,■_ 
valoire  de  lUaekshern:  ici,  une  vilii'  Imili'  iiislii|iu.  (|ih  les- 
seinhle  îi  nue  an^jlninéialinn  de  iiiaisi.ns  di'  i  anipauiie;  I,;, 
une  bourgade  île,  iiian  haiids,  de  lialeliiTs.  de  péeheurs,  el 
derrière  le  cliàleaii,  une  aulre  ville  remplie  de  .siildals,  de 
[Unctionnaires,  état-major  de  la  place,  chancellerie  du  royau- 


me où  l'Autriche  a  implanté  sa  bureaucratie;  en  face  de  moi, 
la  belle  ville  de  Pestli  avec  ses  grands  édifices  rangés  le  long 
du  lleuve,  son  vaste  réseau  carré  de  cent  soixante-dix  rues, 
au  delà  desquelles  on  n'entrevoit  qu'une  plaine  immense;  à 
mes  pieds,  le  Danube  large,  puissant,  le  Danube  qui  touche 
à  nos  frontières  et  qui  fuit  vers  l'Orient. 

Bude  est  l'une  des  plus  anciennes  cilés  de  la  Ihingrie  et 
l'une  de  celles  dmil  l'Iiisluiie  a  Ir  plus  iicrii|ié  l'Allemagne. 
Là  fut  cent  cimpiaiile  ans  le  sil'mi  de  la  diiiiiiii.ilion  turque. 
De  là,  les  musulniaiis  tenaient  sous  leur  j,i>uA  le  cours  du 
Danube,  menaçaient  l'Antiiche  et  toute  la  chrétienlé.  Sur- 
pris après  la  bjtaille  de  Vienne  par  les  troupes  victorieuses 
du  duc  de  Lorraine,  ils  se  retranchèrent  dans  la  forteresse 
et  se  défendirent  avec  un  courage  désespéré.  Le  siège  com- 
mença au  mois  de  juin,  dura  jusqu'au  mois  de  septembre,  el 
lorsq'n'enfin,  dans  un  derni.-r  assaut,  les  Allemands  franchi- 
rent les  remparts,  ouverts  déjà  de  tout  côté  par  les  bombes, 
il  n'y  avait  plus  dans  leur  enceinte  que  trois  cents  hommes 
de  garni.son.  Le  reste  avait  succombé,  et  le  commandant  gi- 
sait sur  des  monceaux  de  morts. 

Ce  qui  plaisait  beaucoup  aux  Turcs  dans  celte  ville  hon- 
groise, c'étaient  les  sources  d'eau  tiède  légèrement  sulfureu- 
se qui  descendent  de  la  montagne,  et  qu'ils  faisaient  couler 
dans  de  larges  bains.  Une  partie  de  ces  bains  existe  encore 
dans  sa  construction  première.  Mais  que  diraient  les  Turcs 
s'ils  voyaient  l'usage  qu'on  en  l'ail  :  à  Kaisersbad,  un  bassin 
creusé  sous  une  voûte  et  rempli  par  l'eau  d'une  source  qui,  à 
son  origine,  a  cinquante  degrés  de  chaleur,  est  abandonné 
pour  un  sou  par  personne  aux  gens  du  peuple,  ei  ils  s'y  ren- 
dent en  masse  dans  le  costume  le  plus  léger;  les  femmes  y 
viennent  avec  les  hommes,  les  mères  y  apportent  leurs  en- 
fants. A  l'autre  extrémité  de  la  ville,  au  Kœnigsbad,  il  en  est 
de  même.  On  ne  eimenil  pas  que  ces  malheureux  puissent 
rester  là,  comme  cela  leur  arrive  souvent,  des  heures  entières 
dans  une  atmosphère  brûlante  ;  et  ce  que  l'on  ne  conçoit  pas 
davantage,  c'est  que  la  police  tolère  de  si  honteux  spectacles  ; 
quelques  planches  suffiraient  pour  séparer  les  deux  sexes  el 
prévenir  des  scènes  qui  révoltent. 

Quoique  Bude  soit  la  résidence  du  palatin  el  des  hauts 
fonctionnaires  du  royaume,  elle  n'a  pas,  à  beaucoup  près, 
l'importance  de  Pesth.  De  jour  en  jour  son  commerce  s'en  va 
de  l'autre  côté  du  Danube.  Les  deux  cités  vivent  du  reste  en 
bonne  intelligence.  Bude  est  la  sœur  aînée,  grave,  austère, 
méthodique.  Pesth  appartient  à  une  ère  nouvelle.  C'e>t  la 
ieune  capitale  des  magiars,  fière  de  sa  beauté,  de  sa  noblesse 
hongroise,  peu  soucieuse  du  passé,  mais  très-contente  du  pré- 
sent et  pleine  d'espoir  pour  1  avenir. 

Là  est,  comme  l'a  dit  un  écrivain  liongrois,  là  est  le  cœur 
de  la  contrée,  la  plaine  de  Rakossa,  ancien  champ  de  mai 
des  magiars,  là  est  aujourd'hui  le  siège  de  l'industrie,  de  l'ac- 
tivité politique  il  sociale  lie  la  Hongrie  :  d'énormes  bâlimenls 
chargés  de  niaicliaiiilisrs  simt  amarrés  le  long  du  lleuve,  des 
bateaux  à  va|icm  rcHiniileiil  et  descendent  son  cours,  et  le 
pont  qui  rejoint  les  deux  villes  esl  rempli  d'une  foule  de  cha- 
riots, de  gens  à  pied,  à  cheval,  en  voilure  qui  passent  et  se 
succèdent  sans  cesse,  traversant,  sur  ses  quatre-vingt-deux 
pontons,  cette  voie  de  communication  mobile  qui  jouit  de 
ses  dernières  années  d'existence.  Pour  peu  que  vous  ayez  un 
habit  propre,  un  chapeau  convenable,  le  gardien  du  pont 
vous  laissera  circuler  librement  ;  mais  voyez  ce  paysan  qui 
s'avance  avec  ses  habits  éraillés  et  cet  ouvrier  qui  porle  son 
lourd  fardeau?  il  est  obligé  de  s'arrêter  devant  l'employé  de 
la  ferme  et  de  lui  remettre  son  tribut.  Hélas!  c'est  une  de 
ces  tristes  images  de  l'inégalité  des  conditions  qui  existent 
en  Hongrie.  Les  nobles  et  les  bourgeois  sont  exempts  d'im- 
pôts, le  peuple  supporte  toutes  les  charges  de  l'Etat.  Com- 
ment reconnaitie  à  l'entrée  de  ce  pont  les  nobles  et  les  bour- 
geois? personne  n'a  son  titre  inscrit  sur  sa  ligure.  Le  péa- 
giste règle  son  compte  sur  le  coslume.  Ainsi,  la  femme  du 
monde,  grâce  à  sa  robe  llottante  et  à  son  chapeau  viennois, 
se  promène  à  son  aise  sur  le  pont,  et  la  pauvre  ouvrière  mai 
vêtue,  qui  a  gagné  péniblement  à  Bude  ,  à  Pesth  ,  quelques 
kreusers  dans  sa  journée,  est  obligée  d'en  payer  un  quand 
elle  va  d'une  ville  à  l'autre;  dernièrement,  un  homme  que 
j'employais  comme  domestique  de  place,  s'en  va  à  Biideavec 
une  redingote  neuve,  un  chapeau  neuf,  el  on  ne  lui  demande 
rien.  Le  lendemain,  il  se  présente  avec  son  habit  de  chaque 
jour,  et  il  est  obligé  de  payer  l'impôt.  On  dit  que  l'iialiit  ne 
t'ait  pas  le  moine;  mais  ici  l'habit  fait  le  péage. 

La  recette  du  pont  est  affermée  a icllemnii  pour  une 

somme  de  100,000  fr.  Le  fermier  esl  Icmi  m  miire  de  l'eii- 
Irelcnir  à  ses  frais,  et  c'est  à  ses  hais  ipi  il  l'enlève  en  hiver 
el  le  replace  au  printemps.  C'est  l'unique  moyen  de  commu- 
nication qui  existe  entre  les  80,000  habitants  de  Pestti ,  les 
30,000  de  Bude  (I).  En  hiver,  pendant  six  semaines  on  deux 
mois,  le  Danube  est  assez  fortement  gelé  pour  qu'on  puisse 
le  traverser  avec  des  voilures;  lorsqu'il  ne  porte  que  des 
glaces  flottantes,  ce  n'est  pas  chose  facile  d'aller  d'une  de  ces 
iMlles  à  l'autre.  H  n'y  a  plus  alors  sur  le  liannlie  qu'un  ser- 
vice de  barques  dont  la  traversée  esl  siannil  diilicileet  quel- 
quefois dangereuse.  Mais  déjà  les  an  lies  .In  I I  en  lil  de 

fer  voté  par  la  diète,  s'élèvent  au  milieu  des  llols.  Dans  quel- 
ques années,  les  deux  villes  seront  réunies  par  un  lion  dura- 
ble, et  11  du  moins,  magnats  et  paysans,  riches  et  pauvres, 
tout  le  inonde  payera.  A  celle  condition,  un  banquier  de 
Vienne  s'est  cliargé  de  tous  les  frais  de  construction,  et  le 
péage  qui  y  est  affecté  doit  lui  appartenir  exclusivement 
|ielelanl  ipiali  e-\  iii^t-sepl  ans. 

l'ji  alli  imI,iiiI  i|uc  telle  grande  entreprise  soit  achevée,  le 
vieux  iHiiii  ileluiraiis  ciie  et  tremble  sons  le  poids  des  lourdes 
voitures  de  liaiisporl  el  des  innombrables  piétons  qui  le 


(Il  l,e  seivicc  lies  11  ilcaiix  il  vapeur,  nrsaiiisépar  la  rnnipa-. 

giiic  aninri.ic |iniir  la  ii'.ncr^.  c  ilii  Daniihe,  peut  èlre.uieoie. 

il  est  m:ii,  niiisuiric  cniiiiii 1  ven  lie  eoMiiiiuniealiuii.  Mai, 

ces  lialc.uix  ne  vmii  |h>iiiI  .m  cciiiiv  île  nulle,  ils  aliunleiil  au 
Kaisersliail  cl  a  l'eMreiiiile  île  la  ville,  A  plus  (l'une  lieue  de  la 
huleresse. 


traversent  du  matin  au  soir.  Quel  mouvement!  quel  bruit! 
par  un  heureux  hasard,  je  suis  arrivé  à  Pesth  au  milieu  d'une 
de  ses  quatre  grandes  foires. 

Dans  les  conlrcss  où  les  communications  ne  sont  ni  Irès- 
fréqueiiles,  ni  très-rapides,  les  foires  présentent  un  spectacle 
dont  nous  ne  pouvons  que  diflicilement  en  France  nous  faire 
une  idée,  el  celles  de  Pesth  ne  sont  pas  moins  curieuses  que 
celles  de  Novogorod.  Pendant  deux  ou  trois  semaines  on  peut 
voir  dans  cette  ville  un  assemblage  complet  de  toutes  les  pro- 
ductions agricoles,  industrielles  du  pays  et  un  étonnant 
éclianlillon  de  ses  diverses  peuplades  et  des  peuplades  étran- 
gères qui  l'entourent. 

La  foire  est  au  milieu  de  la  cité ,  dans  les  faubourgs, 
partout,  et  partout  sous  différentes  formes.  Ici  des  trou- 
peaux de  bœufs  gris  à  longues  cornes,  de  chevaux  ap- 
privoisés et  sauvages,  de  porcs  et  de  brebis;  là  des  amas  de 
tonnes  de  vin,  de  froment,  de  maïs  et  des  sacs  de  laine  brute 
que  deux  loris  crocbeleurs  peuvent  à  peine  mouvoir  ;  plus 
loin  des  pyramides  de  melons  et  de  fruits  de  toutes  sortes; 
ailleurs,  les  produits  de  l'industrie  allemande,  les  éloITes  de 
Vienne,  la  bimbeloterie  de  Nuremberg,  que  le  paysan  regarde 
avec  une  naïve  admiration.  Puis  les  meubles  grossiers  Ou 
pays,  les  lits  couverts  d'une  natte  de  joncs  qui  remplacent 
nos  matelas  à  ressorts,  les  bahuts  barioles  de  bleu  et  de  rouge, 
des  pipes  en  terre,  ce  cher  ustensile  du  peuple  hongrois.  Le 
fabricant  en  amène  des  charretées  et  les  vend  par  milliers. 
Pour  quelques  francs,  on  peut  en  avoir  un  boisseau.  Ici,  les 
marchands  habitent  des  boutiques  en  planches,  alignées  sy- 
métriquement ;  là  ils  étalent  leurs  denrées  sous  des  lentes 
dont  ils  déroulent  le  soir  la  toile  de  chaque  coté,  et  voilà  leur 
chambre  à  coucher.  Les  paysans  qui  amènent  les  Iruils  de 
leur  récolte  à  lu  foire  ne  prennent  pas  laiil  de  précautions. 
Ils  s'arrêtent  le  soir  dans  un  faubourg,  délêlent  leurs  che- 
vaux, leur  donnent  un  peu  d'avoine  el  ne  s'en  occupent  plus; 
les  chevaux,  habitués  à  ce  genre  de  vie,  ne  quiticnt  pas  leur 
station,  les  maîtres  dorment  avec  femme  et  enfants  sur  la 
terre  nue  ou  sur  leur  voiture.  On  peut  voir  ainsi  dans  les 
mes  sablonneuses  de  Josephstadt  des  centaines  de  ces  char- 
rettes rangées  à  la  suite  l'une  de  l'autre,  les  chevaux  immo- 
biles à  côte  du  timon,  les  hommes  achevant  de  prendre  un 
maigre  ^ouper,  puis  fumant  leur  pipe  et  s'eiidormant  tran- 
quillement sous  la  voûte  du  ciel.  On  dirait  une  halle  de  cara- 
vanes dans  les  sleppes,  et  cette  halte  est  à  quelques  centaines 
de  pas  des  quartiers  les  plus  animés.  Mais  Peslli  est  la  ville 
des  contiasies.  Elle  me  rappelle  à  chaque  iiislanl  ce  qui  m'a 
si  vivement  frappé  à  Saint- Pétersboiirg  et  à  Moscou.  Quel 
étrange  contraste  entre  ce  paysan  qui  vient  vendre  pour  une 
soinine  modique  les  produits  du  sol  qu'il  a  péniblement  la- 
bouré, el  les  heureux  citadins,  au  milieu  desquels  il  che- 
mine !  A  sa  charrette,  il  attelle  avec  de  mauvaises  cordes  qua- 
tre chevaux  si  petits,  si  maigres,  si  décharnés,  que  nos  che- 
vaux de  fiacres  pourraient,  à  côté  de  ceu.x-ci,  passer  puni 
des  coursiers  de  Chantilly  pur-sang.  Pour  tout  vêtement,  il 
ne  porte  le  plus  souvent  qu  un  large  pantalon  en  loile  et  une 
chemise  dont  il  serait  diflicile  de  reconnaître  la  couleur  primi- 
tive (t).  Point  de  bas  ni  de  .souliers,  un  vieux  feutre  déleini 
el  râpé  lui  couvre  la  tête,  el  de  longs  clie\  eux  noirs,  qu'il  gni  - 
se  le  matin  avec  du  lard,  tombent  sur  ses  joues  ainai^i 
Quelquefois  il  se  drape  dans  un  manteau  en  laine  on  >\ 
une  peau  de  brebis  eraillée,  déchiquetée.  Callot  et  Mm 
n'ont  pas  peint  nue  ligure  plus  hâve,  ni  un  coslume  phi- 
liibré.  Près  de  lui  passe  l'oflicior  hongrois  avec  son  uiiile 
élincelant  de  broderies  d'or  et  d'argent,  le  jeune  /éyi.v/e, 
jurai  avec  son  pantalon  noir  orné  de  lïanges  en  soie,  la  : 
rette  sur  la  tête,  le  sabre  au  côté.  Près  de  la  malheui. 
voiture  courent  les  landaus  des  magnais  avec  leur  Lui, 
attelage  et  leurs  laquais  en  grande  livrée,  el  près  de  la  s,  |. 
échoppe  où  il  s'en  va,  quand  il  a  fini  son  marché,  savoin  1 1 
pour  quelques kreuzers  un  verre  d'eau-de-vie,  ou  dévori  i  un 
melon  vert,  s'élèvent  les  riches  hôtelleries  où  l'on  étale  aux 
yeux  avides  des  gastronomes  des  cartes  qui  rivaliseraient 
avec  celles  du  Palais-Koyal. 

A  voir  cet  homme  traverser  les  belles  rues  de  Pesth    i\ 
ces  haillons,  il  ne  faudrait  cependant  pas  le  croire  si  ii 
rable  qu'il  le  parait.  Beaucoup  de  ces  paysans  ne  soni  m 
lenient,  si  paimcinenl  \é|iis  que  par  nue  sorte  de  négligi  im 
sauvage.  liiMne,m|i  ilr  i  eii\  ,|iie  1  eh ,ui;;er  regarde  avec  ne 

profiiiiile  c |:i-smn  iies-èdenl  ii  iiueli|nes  lieues  de  la  Mil. 

une  bonne  iiiaisiiii  el  de  bons  champs.  Grâce  aux  réfoiiuei 
dont  la  iiobliSM'  elle-même  a  compris  la  nécessité,  la  con- 
dition despaysansde  Hongrie,  sans  être  encore  tout  ce  qu'elle 
doit  être  un  jour,  nous  l'espérons,  s'est  considérahlenieul 
améliorée  depuis  quelques  années;  mais  retournons  à  quel- 
que aulre  point  de  vue. 

Midi  sonne  à  la  cathédrale.  C'est  l'heure  où  les  oisifs  re- 
viennent de  leurs  promenades  matinales,  où  les  marcbamls 
snspendeul   leiii s  affaires;  en  un  instant  toutes  les  salles  a 
manger  des  hôtels  sont  remplies,  ces  salles  sont  vastes,  (i .  - 
jires,  bien  décorées;  on  y  dîne  très-bien  et  à  bon  mai 
vin,  fruits,  légumes,  poissons  du  Danube,  volaille,  pi' 
lout  se  trouve  ici  en  abondance.  La  Hongrie  est  l'un  des  | 
les  plus  nroductifsde  l'Europe,  et  les  produclions  ne  sont  | ,  - 
encore  élevées  au  taux  des  contrées  plus  peuplées  et  plus  in- 
dustrieuses. 

A  ces  tables  des  hôtels,  on  peutvoir  réunies  toutes  les  di^ 
ses  physionomies  que  l'on  a  rencontrées  éparses  sur  la  i 
Slaves,  Alleinands,  Vainques,  des  Arméniens,  avec  leur 
caftan, des  Ki.iiuiis  ,i\ec  leur  léger  habit  parisien,  des  i 
les  avec  h  nis  l.uies  i^l'eis  couverts  de  boulons  en  argeu  . 
jeunes  I1iiu::iims,  leni  lii  is  d'avoir  l'ail  un  voyage  en  Fia 
eldes  femnieseleyanles  qui  consullentrégulièrcment  le  ./ 
tial  des  .Modes,  puis  les  valets,  qui  ont  comme  les  ma' 
leurs  variétés  de  costumes.  Un  homme  vêtu  d'une  rediu. 

(1)  Pour  assurer  la  durée  de  celte  prréieuse  chemise  et  l;i  ^a- 
laiitir  de  tonte  popul^itioii  malfaisanle,  ils  la  trempent  dans  l.i 
«raisse,  lenoiivolleni  iielenipsàaulrccclleopèralioii,et  la  \w\- 
tenl  ainsi  pendanl  (pialreà  cinq  ans. 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERShL. 


3'J 


écarlate  avec  des  brandebourgs  en  argent,  poitant  sur  la 
tète  une  toque  verte  ornée  d'une  plume,  vous  a  salué  hum- 
blement lorsque  vous  êtes  entré.  C'est  le  concierge.  Un  autre 
s'avance  avec  uu  charmant  uniforme  de  hussard  :  vaste  dol- 
man,  boites  à  l'écuyère,  pantalon  bleu  à  galons  blancs. Vous 
vous  imaginez  peut-être  que  c'est  quelque  ordonnance  en- 
voyée à  un  oflicier  supérieur  ;  c'est  le  domestique  d'un  étu- 
diant en  médecine.  Enfin,  pour  compléter  celte  espèce  de  ka- 
léidoscope où  passent  en  un  instant  tant  de  couleurs  diverses, 
voici  les  soldats  de  Bnde  et  de  Pestli,  les  régiments  hongrois 
et  italiens,  slaves  et  allemands  ;  car  l'Autriche,  sans  sortir  des 
limites  de  son  empire,  peut  composer  des  légions  de  vingt 
peuplades  diverses,  et  elle  s'elTorce  de  réunir  autant  que  pos- 
sible les  liommes  de  ses  principaux  Etats  ou  d'envoyer  en  gar- 
nison des  bataillons  d'une  contrée  dans  nue  autre,  afin  que 
ses  sujets  du  Nord  et  du  Sud  apprennent  à  se  connaître  et 
à  vivre  ensemble.  C'est  là  dans  la  inosaï(pie  de  son  territoire 
un  de  ses  moyens  de  fusion.  Si  on  pouvait  lui  en  indiquer 
un  plus  sûr  et  pins  rapide,  on  lui  rendrait  service.  A  quel- 
que nation  du  reste  que  ces  régiments  appartiennent ,  ils 
n'entendent  que  le  commanlement  allemand,  et  bon  gré  mal- 
gré, il  faut  iju'ils  apprennent  à  le  comprendre,  la  schlaijue 
du  caporal  est  11  ijui,  au  besoin,  ajoute  uu  énergique  com- 
mentaire à  la  parole  du  lieutenant. 

On  comprend  que  dans  une  population  si  variée,  il  y  a  né- 
cessairement une  grande  variété  de  langage.  Trois  idiomes 
cependant  l'emportent  sur  les  autres  :  le  français,  qui  est 
comme  à  Slokliolni  et  à  Pétersbuurg,  la  Urtigue  des  salons;  le 
hongrois,  loufitemps  négligé  et  qui  fait  maintenant  chai|ue 
jour  de  nouveaux  prosélytes,  et  l'allemand,  qui  est  compris  de 
toutes  les  classes  ilc  la  société. 

Peslli  a  été  autrefois  une  ville  essentiellement  Allemande. 
Au  Xlll"  siècle  une  chronique  la  désigne  sous  ce  titre  :  di- 
tissima  teMonica  villa.  Plus  tard,  par  l'elîet  des  événements 
politiques,  des  guerres,  des  spéculations  commerciales,  d'au- 
tres colonies  sont  veimes  s'y  fixer.  A  présent  on  y  compte 
une  dizaine  de  tribus  de  ditïérente  origine. 

Quoique  cette  villesoil  ancienne,  elle  ne  présente  plus  au- 
cun vestige  d'antiquité.  Les  invasions  étrangères,  les  incen- 
dies l'ont  plus  d'une  fois  ruinée  de  fond  en  comble.  En  12  iu, 
elle  est  brûlée  et  dévastée  par  les  Mongols.  Bêla  IV  la  re- 
construit et  y  appelle  des  colons  de  la  Bavière,  de  la  Fran- 
conie,  de  la  Saxe,  de  la  Pologne,  de  l'Italie.  Louis  I"  y  li.ve 
le  siège  de  la  diète.  Lu  ville  a  oublié  ses  désastres,  elle  s'a- 
cranilit,  elle  prospère.  Mais,  après  la  fatale  bataille  de  Mo- 
nadz,  les  farouches  soldats  de  Soliman  y  entrent  le  fer  et  le 
feu  à  la  main,  la  pillent  et  la  saccagent.  En  lo-il,  elle  est  de 
nouveau  envahie  par  les  Turcs  et  reste  soixante  ans  sous  leur 
domination.  Délivrée,  en  160:2,  de  ses  maîtres  cruels,  elle 
retombe,  deux  ans  après,  une  fois  encore  sous  leur  joug  et 
sous  le  poids  de  leur  venœance.  Lorsqu'enlin  le  duc  de  Lor- 
raine lalTranchit  en  ItiSH,  elle  ne  présentait  que  des  décom- 
bres et  SCS  habitants  étaient  dans  un  profond  état  de  misère. 
Léopold  i"  lui  renlit  les  priviléiies  dont  elle  avait  été  in- 
vestie avant  le  règne  des  Turcs.  En  1780,  elle  ne  comptait 
enci>re  que  13,000  habitants.  Maintenant  elle  en  a  plus  de 
80,000.  En  1780,  ce  n'élait  encore  qu'une  cité  de  troisième 
ordre,  mal  bàlie,  irrégulière.  Maintenant,  c'est  une  capitale 
traversée  par  de  larges  rues,  parsemée  de  boutiques,  de 
magasins  presque  aussi  riches  que  ceux  de  Vienne,  ornée, 
dans  tous  ses  quartiers,  et  surtout  aux  enviions  du  Danube, 
de  très-beaux  cdilices. 

La  ligne  de  constructions  récentes  qui  borde  le  quai  du 
fleuve  est  d'un  aspect  vraiment  superbe.  Là  est  le  thé,itre  al- 
lemand, construit  dans  des  proportions  giL:ante.-;ipies,  le  Ca- 
sino non  inoins  imposant,  l'hiMel  de  la  reine  d'Angleterre, 
qui  ressemble  à  un  palais,  plusieurs  autres  hôtels  publics  et 
particuliers  d'une  élégante  structure.  A  ipielqiie  ili>lance  est 
le  bâtiment  de  ruidversitc  qui  mérite  aussi  d  ilre  remarqué, 
et  le  Luihvicewn  dont  l'enceinte  déserte'  rappelle  un  des 
différends  de  l'Anlriche  et  de  la  lliingrie.  Le  Ludnviceuin 
était  destiné  à  renfermer  une  écale  militaire.  La  diète  avait 
voté  un  million  pour  la  consli  uction  de  cm  vaste  édilice,  où  l'on 
ne  compte  pas  moins  de  trois  cents  chambres.  L'impéra- 
trice Louise  avait  all'ectc  à  la  même  entreprise  une  somme 
de  1IX),00U  francs.  Le  palatin  et  les  principaux  magnais  du 
royaume  avaient  tous  voulu  doter  la  jeune  institution.  Mais, 
quand  le  b:Himenl  fut  achevé,  et  quand  il  s'agit  de  fixer  l'or- 
ganisation définitive  de  l'école,  le  mode  d'enseignement  qui 
y  serait  adopté,  l'Autriche  anuonça  que  les  cours  y  seraient 
en  allemand.  Les  magnais  proleslèrent  contre  une  telle  dis- 
position ;  ceux  qui  s'étaient  engagés  à  subvenir  de  leurs 
propres  deniers  aux  frais  de  c-il  établissement,  déclarèrent 
yu'ils  ne  s'imposeraient  pas  un  tel  sacrifice  pécuniaire,  pour 
laire,  des  jeunes  nobles  lionjjrois,  des  officiers  allemands,  et 
comme  l'Autriche  persistait  dans  sa  résolution,  le  Ludovi- 
ceuin  est  resté  là,  silencieux,  inhabité,  et  la  noblesse  ina- 
gnale  aime  mieux  se  priver  d  un  institut  militaire  que  d'en 
avoir  un  où  domini'rait  renseignement  allemand. 

Grâce  aux  pio-ns  de  Peslli,  les  belles  dames  de  la  Hon- 
grie se  fi.;urent  ai^élnent  qu'en  habilaul  celte  ville,  elles  ne 
sont  point  reléguées  dans  une  obscnii'  cité  de  province,  les 
négociants  se  rapproclient  de  plus  en  plus  de  celle  ville  avec 
leurs  capitaux,  et  les  poêles  l'appellent  la  porte  de  l'Orient. 

Le  commerce  a  fait  ici  des  miracles  dans  l'espace  d'un 
demi-siècle.  La  population  de  Pe^lll  a  été  sextuplée,  et  sans 
cesse  ses  limile>  pieiiiièi,.ss','l,ii;;i,sent(l).  Iln'y  a  pas  long- 
temps, les  hiiliilaiit-i  il  un  d.'  ses  lauli.iiirEs  ne  nouvaient  re- 
poser la  nuit  tant  ils  élaiiMil  imoMiiiKMl/'s  par'  les  cris  des 
grenouilles.  Aii|oiird'liui,  ces  liiiiv.niK  N.,i-lns  ont  fait  place 
à  une  colonie  d'ouvuers  et  de  mai  chauds.  Une  preuve  frap- 
pante delà  prospérilé  de  P.-stli  est  la  promptitude  avec  la- 
quelle  elle  a  réparé  l'alTreux  désastre  (|u'ellc  éprouva  en  1838 
On  se  sou<.ient  encore  de  celle  cllroyable  inondation  qui  me- 

(ijR'obcri  TovVMSôn.  iliii  là  visita,  en  irflt,  n'en  parle  nne 
comme  (l'une  ville  assez  iiisigniliaiileoii  l'on  ne  comnlait  cueie 

.1....  tn  Aiui  .-. •  t." 


j  naça  d'engloutir  la  capitale  de  la  Hongrie,  de  ce  cri  de  dé- 
tresse qui  retentit  dans  l'Europe  eiilière.  Le  l.ï  mars  à  mi- 
nuit, le  llannbe,  qui,  dans  sa  plus  grande  force  ne  s'était 
élevé  qu'à  25  pieds  de  hauteur,  s'éleva  à  29  pieds  4  ponces, 
envahit  la  ville  de  ces  torrents  impétueux  auxquels  rien  ne 
résiste,  et,  en  moins  de  quarante-huit  heures  ébranla,  ren- 
versa deux  mille  maisons.  Dans  l'espace  de  sepi  ansces  maisons 
ont  été  rebilties  plus  belles,  plus  solides  qu'elles  ne  l'étaient 
auparavant  et  toutes  les  traces  de  cette  terrible  catastrophe 
ont  été  effacées. 

De  nombreuses  souscriptions  ont,  il  est  vrai,  été  d'un 
grand  secours  aux  victimes  de  l'innondation,  mais  le  com- 
merce de  Pesth  leur  a  surtout  olïert  un  nouveau  moyen  de 
fortune  et  une  perspective  d'avenir:  le  commerce  amène  ici, 
chaque  année,  dix  mille  bateaux  de  0  à  8  mille  quintaux,  et 
l'on  compte  qu'à  chaque  loire  de  Pesth  il  arrive  au  moins 
20,000  chariots  à  plusieurs  chevaux  chargés  de  diverses  den- 
rées et  surtout  de  produits  agricoles.  Que  l'on  donne  à  cette 
ville  le  chemin  de  1er  qui  doit  la  iap|iroclier  de  Vienne,  qu'on 
achève  le  pont  qui  la  réunit  à  BuJe,  qu'on  ajoute  à  l'effet  de 
ces  constructions  le  résullat  des  proférés  toujours  croissants 
de  la  navigation  du  llenve,  et,  dans  quelques  années,  Pesth 
sera,  nous  osons  le  dire,  l'un  des  poinis  de  commerce  les 
plus  considérables  de  l'Europe. 

Les  arts  et  les  lettres  n'ont  point  suivi,  dans  celle  ville,  le 
mouvement  progressif  de  l'industrie  ;  on  ne  trouve  point  ici 
ces  studieuses  habitudes,  ces  mo'iiis  austères  de  l'Allemagne 
du  nord.  Une  ardeur  méridionale  étincelle  dans  l'œil  noir  du 
Hongrois,  et  l'on  dirait  que  le  souille  voluptueux  de  l'Orient 
agit  déjà  sur  cette  contrée.  Les  cafés,  les  maisons  de  jeu  entraî- 
nent souvent,  du  malin  au  soir,  unequahtilé  déjeunes  gens. 
Ce  n'est  point  dans  cette  atmosphère  ilnpure  que  les  muses 
déploient  leurs  ailes,  que  la  scietlce  implante  ses  palmes 
immortelles. 

Il  y  a  cependant  ici  tout  ce  qui  constitue,  tout  ce  qui  an- 
nonce la  vie  scientifique  et  littéraire,  académie,  université, 
bibliothèque,  musée,  presse  périodique  et  théâtre. 

La  fondation  de  l'académie  date  de  la  célèbre  diète  de  i^HS 
où  l'esprit  de  nationalité  lioiif-'ioise  éclata  avec  une  vigueurqiii 
étonna  l'Autriche.  Depuis  lon^itemps  les  Hongrois  se  plai- 
gnaient de  l'état  de  sujétion  dans  lequel  le  gouvernement  vou- 
lait t-nir  leur  lanaue.  A  l'usaye  du  latin  avait  succédé  celui 
de  l'allemand  que  l'Autriche  s'efforçait  d'introduire  cl  de  pro- 
pager. Partout  les  Hongrois  réclamaient,  dans  les  affaires 
d  administration,  dans  les  débats  judiciaires,  dans  les  assem- 
blées parlementaires,  le  libre  et  unique  emploi  de  leur  lan- 
gue. L'académie  fut  fondée  dans  le  Imt  d'encourager  et  gui- 
der l'élude  littéraire  de  cette  langue.  Le  comte  Téleki  lui 
donna  sa  bibliollièi|ue,  composée  de  pins  de  30,000  volumes. 
Le  comte  SzecKéiiy  la  dota  d'une  année  de  son  revenu, 
(LW,!)!)!)  fr.).  D'autres  magnats,  suivant  ce  noble  exemple, 
la  gratifièrent  de  sommes  considérables.  Aujourd'hui,  l'aca- 
démie est  entièrement  constituée.  Elle  se  réunit  chaque  se- 
maine, et,  chaque  année,  publie  le  recueil  de  ses  disserta- 
tions.'Elle  emploie  une  partie  de  ses  fonds  à  publier  les  ou- 
vrages utiles  ;  un  prix  de  200  ducats  (13,000  fr.)  est  réservé 
au  livre  que  l'académie  juge  le  mieux  écrit.  Un  autre  prix 
de  100  ducats  est  mis  au  concours.  De  brillantes  espérances 
se  rattachaient  à  cette  institution,  et  les  Hongrois,  avec  leur 
impatience  naturelle,  l'accusent  de  ne  les  avoir  pas  réali- 
sées. Un  tel  reproche  me  semble  au  moins  prématuré;  l'aca- 
démie hongroise  n'a,  il  est  vrai,  rien  produit  encore  de  très- 
saillant,  mais  elle  ne  fait  en  quelque  sorte  que  naiire,  et  l'i- 
dée nationale  qui  a  présidé  à  sa  fondation,  et  plusieurs  des 
hommes  qui  la  composent,  et  l'esprit  de  progrès  qui  l'a- 
nime, doivent,  quelque  jour,  lui  donner  une  vive  et  féconde 
action. 

J'espérais  trouver  dans  un  état  plus  lloris.sant  l'université 
de  Pesth  qui  date  déjà  du  milieu  du  dix-septième  siècle;  qui 
de  Tirnan  fut  ramenée  en  I777à  Bude  et  en  1781  ici,  qui, 
enfin,  est  la  seule  université  de  la  Hongrie.  Mais  cette  uni- 
versité, richement  dotée  et  fréquentée  par  1,600  élèves,  est, 
sans  aucun  doute,  l'une  des  plus  pauvres  universités  d'Eu- 
rope. Pas  un  maître  n'y  imprime  un  heureux  élan,  pas  un 
homme  célèbre  n'y  apporte  l'autorité  de  son  nom  et  de  ses 
œuvres;  les  élèves  y  suivent  inollemenl  les  cours  dont  ils  ont 
besoin  pour  entrer  dans  la  carrière  à  laiiuelle  ils  se  desti- 
nent, et  les  examens  n'y  sont  pas  difficiles.  On  m'a  cité  nu 
étudiant  qui,  après  suSi  fort  lionoiablement  ici  son  dernier 
examen,  voulut,  pour  perfectionner  son  éducation,  entrer  en- 
core dans  une  aulre  université  allemande.  Là  on  le  soumit 
à  une  épreuve  philologique,  après  laquelle  on  l'engagea  à 
vouloir  bien  d'abord  redescendre  pour  quelque  temps  aux  clas- 
ses du  gymnase. 

Les  écrivains  ne  manquent  pointa  la  presse  périodique, 
tant  s'en  faut.  11  yen  aici,coiiiiiie  i  n  Allemagne  et  en  France, 
des  quantités,  c'est-à-dire  des  qu,inlilésdi'|eunes  fieiis  demi- 
savants,  demi-lettrés,  qui  preniii'iit  pour  une  hemense  inspi- 
ration une  réminiscence  de  lecture  et  pi  no  un  signe  de  génie  une 
ébuUition  an  cerveau,  qui  seji'lleiit  iiilK'pidenienlàli  avers  les 
domaines  de  la  littérature,  anjiuncriiiii  avec  un  roman,  de- 
main avec  un  poème  épique  ou  une  liaf;édie,  et  qui,  à  peine 
après  avoir  mis  le  point  final  au  bas  île  leur  composition,  de- 
mandent au  ciel  un  journal  ou  un  libraire  pour  publier  ces 
rapides  chefs-d'œuvre. 

Il  parait  ici  quatre  journaux  allemands  dont  les  colonnes 
sont  souvent  bien  ternes.  Le  l'cslhrr  /rifung  se  distin^ine 
cependant  par  des  articles  sérieux  cpii  lnucheiit  aux  iiili'MéIs 
réels  du  pays,  l-it  les  jmii  n.iuv  liiiii;:iHi-;  nnl,  ihins  les  iliroiè- 
rcs  années,  souleiin.  p:iif,iis  a\M-  un  n'io;iiqii;ilile  ImI.iiI,  la 
polémique  soulevée  à  loul  iiislaîit  par  t:inl  de  questions  qui 
s'agitent  en  Hongrie  :  (pilotions  i\f  lepiésenlalion  nationale 
el  de  liberté,  de  privilé^'i's  ai  isioiiatiquns  et  d'affranchisse- 
ment du  pHiiple.  Si  ces  journaux  ont  encore  souvent  une 
leinte  pille  et  un  langage  embarrassé,  la  faute  n'en  est  pas 
toujours  à  ceux  qui  les  dîrigetli,  mais  à  l'impérieuse  domina- 
tion de  la  censure. 

La  censure  est   ici  presque  aussi  sévère  qu'en  Autriche. 


Tous  les  livres  procrits  à  Vienne  le  sont  également  à  Pesth, 
elles  trois  imprimeurs  de  celle  ville  ne  publient  que  des  li- 
vres parfaitement  inofi'ensifs.  Cependant  il  est  avec  les  ri- 
gueurs mêmes  de  l'absolutisme  des  accommodements.  Quand 
un  Hongrois  s'est  avisé  d'éirire  un  livre  que  la  ccnsuie  mu- 
tilerait impitoyablement  ou  repousserait  loin  d'elle  avec  ef- 
froi, il  lefail  imprimera  Leipzig,  d'cù  on  le  renvoie  par  cen- 
taines d'exemplaires  en  contiçbande  à  Pesth.  Si  celte  contie- 
bande  échappe  réellement  à  la  vigilance  de  la  police  anlii- 
chiennc,  ou  si  l'on  lerme  volontairement  les  yeux  hà-dessus, 
je  ne  sais,  le  fait  est  que  le  livie  dangereux  poursuit  sa  route 
et  arrive  à  son  but. 

Le  mouvement  continu  des  librairies  de  Pesth  prouverait 
du  moins  que  si  les  Hongrois  ile  s'accommodent  pas  des  lon- 
gues et  patientes  études,  ils  aiment  au  moins  la  lecture.  Il 
n'y  a  pas  une  de  ces  librairies  où  l'on  ne  trouve  un  très-bon 
assortiment  d'ouvrages  français,  anglais,  allemands. 

L'établi«sementle  plus  remarquable  de  Peslh  est  son  mu- 
sée national,  fondé  en  1803,  par  le  comte  François  Szcchény, 
doté  par  lui  d'une  bibliothèque  de  choix,  d'une  collerlioii 
précieuse  de  médailles,  enrichi  par  d'autres  magnais  d'une 
quantité  d'objets  rares  et  curieux.  Bienlot  remplacement  où 
l'on  avait  rangé  ces  dons  patrioliqnes  s'est  trouvé  trop  petit. 
Un  nouvel  édifice  s'élève  dans  le  Josephstadt,  édifice  large 
et  splendide  où  l'on  travaille  à  ranger  systématiiiuenient 
toutes  les  richesses  amassées  pendant  quarante  ans  ;  d'un  coté, 
les  monuments  historiques  de  l'aiiliqiiilé  et  du  mojeii  fige: 
vases  en  terre  et  en  bronze,  inscri[ili()iis  romaines,  uiniures 
de  chevaliers  ;  de  l'autre,  les  médailles  et  les  monnaies  dont 
la  collection  remonte  jusqu'au  règne  de  saint  Etienne,  le 
premier  roi  chrétien  de  la  Hongrie  ;  ici  les  livres  et  les  ni;i- 
nuscrits,  la  plupart  relatifs  à  l'histoire  de  la  contrée  ;  là,  les 
rayons  et  labfi'llesileslini'saux  sciences  naturelles. 

Deux  théàlKs  allncnl  l'alleiilion  des  amateurs  de  Pesth  : 
le  théâtre  allemand  et  le  lliéàlre  lioufiiois.  Le  premier  |Ouis- 
sail,  il  y  a  quelques  années,  d'une  ^i;iiiil.'  \.)_iii';  il  est  à 
présent  fort  délaissé.  Il  est  cependiinl  rclili  ,1,,  ;;  une  très- 
belle  salle,  et  possède  de  bons  acieiiis.  ,M;iis  I,  s  leuvies  ori- 
ginales lui  manquent,  el  ce  qui  lui  nuit  suilont,  c'est  le  voi- 
sinage du  théâtre  hongrois.  On  joue  encore  ici  un  assez  grand 
nombre  de  comédies  et  de  vaudevilles  traduits  du  bancals, 
mais  non  moins  souvent  des  pièces  originales.  La  direction, 
pour  augmenter  son  répertoire,  a  établi  une  espèce  de  con- 
cours qui  excite  parmi  Its  écrivains  une  vive  émulation  ;  elle 
donne  une  prime  de  cent  ducats  pour  l'œuvre  qui  est  jugée 
la  meilleure,  cinquante  pour  la  seconde,  et  assure  en  outre  à 
l'auteur  un  tiers  des  receltes,  sa  vie  durant.  Deux  jeunes 
poètes  ont  déjà  livré  à  ce  théâtre  une  quarantaine  de  drames 
et  de  comédies  qu'ils  ne  veulent  ni  imprimer  ni  livrer  à  la 
traduction  allemande.  H  faul,  pour  les  connaître,  les  voir  sur 
la  scène,  elle  peuple  y  coiiil  ;ivi  leinpiessement  et  applaudit 
avec  transport  à  ces  pièces  cnnii, ..,,>.  mhIi-s  traditions  hon- 
groises, écrites  dans  la  lall^llr  In  ii^ini-c  et  jouées  par  des 
acteurs  hongrois.  Ni  la  diète  ni  lu  cuuioiiiie  n'ont  coiilribué 
à  la  création  de  ce  théâtre.  Le  gonvernenieni  même,  qui 
n'aime  point  toutes  ces  manifestations  d'esprit  iialimial,  vou- 
lait l'empêcher,  et  malgré  les  résistances  de  l'administration, 
(fuclques  gentilshommes  magiars  persévérèrent  dans  leur 
idée.  Ils  commencèrent  par  former  à  Bude  un  modeste  éta- 
blissement. Le  succès  de  ces  premières  tentatives  les  encou- 
ragea. En  1834,  ils  ouvrirent  une  souscription  pour  établir, 
sur  une  plus  grande  échelle,  le  théâtre  hongrois  à  Peslh,  et 
tout  alla  au  gré  de  leurs  vœux.  J'ai  assisté  là  à  la  représenta- 
tion d'un  drame  qui  date  déjà  de  plusieurs  années.  C'était 
par  une  de  ces  chaudes  soirées  d'été  où  l'on  ne  se  renferme 
pas  volontiers  dans  une  salle  de  spectacle  :  le  thé;Hie  est  si- 
tué àTextrémilé  delà  ville,  et  il  était  rempli.  A  chaque  acte 
on  rappelait  avec  des  cris  d'enthousiasme  extiaoïdinaiiv  trois 
ou  quatre  acteurs.  A  la  fin  de  la  pièce,  on  lesiappi-ladenou- 
veau,  et  je  crus  que  l'édifice  s'écroulerait  sous  le  tonnerre 
des  applaudissements  (1). 

Le  voyageur  ne  quittera  pas  Pesth  sans  visiter  encore  un 
établissement  qui  a  été  pour  celle  ville  une  heureuse  iiino- 
valion.  Je  veux  parler  du  ca^ilm  fondé  en  Ls.'O.  C'est  aujour- 
d'hui l'un  des  principaux  poinis  de  réunion  de  l.i  haute 
société  hongroise;  on  y  trouve  les  meilleurs  recueils  pério- 
diques de  la  France,  lie  l'Angleterre,  de  l'Alleinai^ne.  l'iie 
bibliothèque  composée  d'ouvrages  modernes,  peu  iiiiiuliii'use 
encore,  mais  qui  .s'afjrandil  smis  cesse.  Les  éliaii;;ers  sont 
reçus  là  avec  la  plus  ri;ii  i.  n^'  inbanité.  Il  leur  suffit  d'in- 
voquer leur  titre  d'élr;iii^.  i  | Iiv  admis  sans  réserve  dans 

ce  club  magnifique,  iim  i  tl- >r~.  livres,  de  ses  journaux,  et 
s'asseoir  librement  à  sa  table  de  restaurant  comme  les  fonda- 
teurs. 

Le  casino  a  été  établi  à  l'instigation  el  par  les  soins  du 
comte  Szechény,  le  fils  de  celui  i|ui  a  doté  de  sa  bihliolhèque 
et  de  sa  collection  de  médailles  le  musée  hislorique.  I.e>  si'U- 
liments  généreux,  les  grandes  iilées  palrioliipies  sont  héré- 
ditaires dans  cette  famille.  C'est  ce  même  comte  Szechény 
qui  a  contribué  à  la  formation  de  l'Académie  hongroise.  Cesi 
lui  qui  a  fait  décider  la  consiruclion  du  nouveau  pont  (le 
Bude.  C'est  lui  enfin  qui  le  premier  osa  descendre  sur  un 
yacht  les  cataractes  du  Danube,  pour  prouver  à  ses  compa- 
triotes la  possibilité  de  le  franchir  avec  un  balean  à  vapeur. 

C'est  à  lui   que   l'Autriche  est  redevable  du  nrl  èhm 

imprimé  par  là  à  son  commerce,  Peslh  de  mi  inn-piiiii'  ,ii- 
tnelle,  la  Hongrie  entière  de  tout  ce  ipii  a  .  ir  lail  ilr  plus 
sage  et  de  plus  intelligent  pour  accroilie  son  biin-èlii'  maté- 
l'icl,  et  constituer  ou  affermir  sa  nationalité. 

X.  MARMIEII. 

(1)  Lorsque  les  travaux  de  construction  de  ce  théâtre  fureril 
commencés,  011  vil  venir  un  pauvre  ouvrier  qui  ilêelarj  que, 
n'élanl  pas  assez  riidu' pinu  i  nuliilniii  dr  s;i  liuiirsi'  a  r.-iiu 
entreprise  nalionali*,  il  il  ■  mi  i  I  m  i  >  iia\,ollcr  niiiii/,c  imirs 
graluitemeiil.  EntSiO,  |i  -  .i  ik,,,,!  v.io-  mir  soiniiic  il,-  i  j:,,ooo 
francs  pour  le  soutien  il''  ri-i  rlililissi'im'iit  et  niii-  simunc  de 
tiOO,OUU  Iraiics  pour  la  consiruclion  d'un  plus  ijraiid  iLuilrc. 


L'ILLUSTilATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


lie  ITIiiare  d'artillepie. 


De  tons  les  musées 
que  renferme  Paris, 
le  plus  goûté  du 
pu  blic  parisien,  c'est 
le  Musée  d'arlil- 
lerie.  Est-ce  à  dire 
pour    <'i',l:i   que   tous 

1|.     cnlllKlI-rnl  ■'      CM 

aïKinir  r,M(iii.  l'ics- 
qurliUlsrll  nul  Ikmij- 

coup  entendu  parler, 
et  répèlent  ce  qu'ils 
en  ont  entendu  dire; 
quant  'd  le  visiter  par 
eux-mémos,  c'estune 
autre  afiaire.  Ils  n'en 
ont  pas  le  temps  au- 
jourd'hui; mais  ils  le 
visiteront  la  semai- 
ne prochaine.  Pour 
épargner  aux  curieux 
retardataires  la  peine 
de  se  donner  un  plai- 
sirqu'ilsonltropsous 
)a  main,  je  leur  ren- 
drai le  service  de  leur 
dire  ce  que  le  Musée 
d'artillerie  n'est  pas; 
j'essayerai  ensuite 
de  leur  apprendre  ce 
qu'il  est.  —  Jusqu'en 
1850.  le  Musée  d'ar- 
tillerie fut  pour  le 
peuple  parisien  une 
SDrle  d'arsenal ,  une 
espèce  de  salle  d'ar- 


mes où  sabres  et  fu- 
sils étaient  em- 
pilés, prêts  à  être  dé- 
gainés ou  amorcés 
pour  servir  la  cause 
du  pouvoir.  Le  2'.i 
juillet,  les  insurgés 
vinrent  pour  s'ap- 
provisionner à  cel 
inépuisabledépôt,  et 
ils  en  sortirent  tellc- 
mentdésappointéspar 
cequ'ils  avaient  trou- 
vé, tellement  embar 
rassés  de  ce  qu'ils 
avaient  enlevé,  que 
de  ce  jour  on  peut  di- 
re que  les  émotions 
populaires  ne  furent 
plus  à  craindre  pour 
cette  inappréciable 
collection.  11  est  vrai 
que  le  peuple,  en  en- 
fant colère  ,  brisa 
comme  un  ouragan 
qui  passe,  tout  ce  qui 
lui  parut  inutile,  ou 
du  moins  inutilisable 
dans  le  cas  présent, 
et  qu'il  laissa  une  1er 
rible  carte  de  visite 
au  musée  de  Saint 
Thomas  -  d'Aquin  ; 
mais  ajourd'hui  le 
désastre  est  réparé  ; 
presque  tout  ce  qui 


L'ILLUSTRATION,  JOURNALl UNIVERSEL. 


avait  été  pris  par  les  liommes  aux  bras 
nus  est  rentri'  dans  les  galeries  ;  et  s'il 
manque  encore  quelque  arme  précieuse 
dont  il  n'est  resté  de  trace  que  sur  les 
anciens  catalogues,  il  faut  l'imputer  à  Va- 
utour de  quelques  anialeurs  forcenés  des 
objets  d'art. 

Le  Musée  d'artillerie  n'est  donc  en  au- 
«■inie  façon  un  magasin  d'armes  en  ser- 


vice, une  succursale  de  la  salle  d'armes 
de  VinciMiiii'S. 

Oii'ejl-il  alors'.'  une  opulente  collection 
où  loulcs  le<  armes  qui,  depuis  la  lin  du 
quinzième  siècle,  ont  tour  à  tour  été  em- 
ployées parmi  les  gens  de  guerre,  sont 
représentées  par  de  rares  éclianlil- 
lons  arrachés  à  la  dent  rongeuse  des 
siècles  et  recueillies  à  grands  Irais  par  le 


(Targc  du  roi  M,ith 


(Casque  de  Henri  II.) 


corps  de  l'artillerie.  A  voir  en  détail  les 
riches  séries  d'armes  offensives  et  défen- 
sives qui  se  trouvent  réunies  dans  les  ga- 
leries du  Musée, on  peut  aisément  se  ren- 
dre compte  de  toutes  les  modifications 
que  les  moyens  de  destruction  si  précieux 
à  l'homme  ont  incessamment  reçues  avant 
d'arriver  à  ce  degré  de  perfection  qu'ils 
ont  atteint  aujourd'hui,  et  qui  fait  que 


la  solution  de  ce  problème  Inmlaniental  : 
comment  twr  vite  et  liien'.'  est  .\  présent 
lapins  Siilisfaisaiile  pcissilile. 

Av;int  ilr  ilnnniT  ,iii  lecteur  une  idée 
de  l..ti|r-|,',  iirlirs^rMlniTsesque  renfer- 
me !,■  Miis.'c  il';!!  hlliTir,  il  est  bon,  ceme 
semble,  de  lui  raconter  le  plus  brièvement 
que  je  le  pourrai,  comment  ce  musée  s'est 
formé*,  et  comment  il   s'est  développé 


(Armure  du  milieu  du  qui 


le.)  [É-fét  du  coDçétjb;.: 

de  Fnnec.) 


.\rmure  Av  tournoi  au  quinziL-me  siècle.', 


L'ILLLSTIUTIUIN,  JOUllJNAL  UNIVERSEL. 


pour  devenir  l'un  des  pins  riches,  sinon  le  plus  riclie  de  lEu- 

l'upe. 

1,1!  corps  de  l'arlilléHe  a  toujours  été  trop  «ravfe  et  trop 
(li;;iii'  pour  pi'ini'riic-n'oriiii  iiiihh.'  dans  li>  sfui  hiil  de  ch;ir- 

,nrv  lr^  i.'  I\  ilr  1,1  llllll  I  il  llllc.  Il  llll  lall.lil  lilirlIV  .|ll  ■  ri'|:i  lii.lll' 
cil    li.jililii  T  II  l:i:i   l.llioil  ;    ,III^M    l.l    snili'   cl    l|!l|(|IC'    l,li-n||   i{lli 

l'ilil     .IrlMIII ,1-1     elle     l'I.'    1,1  ccllihillc    Ijllc    IcVMlIlcn    (I  uni' 

cnlli'clnill    I  ,11    ur      , C'IIIIC-   cl   licilcllic,  ;,l|-si   cm  (ilclc,  IJUU 

|l,,^sllilr,    ,-,,,|,ill    lllir    ^,,111,  c     i,h'lilll-,llll  •     irill.llllrllnll,  Cl  par 

Miili-  llll  |nii^,,iiil  ;iii\ili,iirc  (les  civ.iu  qui  d-vaiciil  mériter 
au  cm  |K  ili'  I  m  lillerie  liMiiçaise  l'iiunneur  de  niaiclior  en  tôte 
des  riii|is  s|n':  luii'i  de  toutes  les  armées  européennes.  Dès 
i|iic  les  c'iiidcs  (le  l'oflicier  d'artillerie  furent  dirigées  de  ma- 
nicrc  il  eu  l'aire  un  lioiniue  do  science  et  non  plus  seulement 
un  liiiiiinii;  de  métier,  la  nécessité  de  fonder  un  musée  où 
VI  ■miraient  se  classer  les  nii)  Icles  de  tontes  les  bunclies  i  feu, 
dis all'iils, lies  viiiluici,  lies  111  icliiiie^ciai'inesde  tout'  espèce, 
se  litiiii|ierieiiMMii,'iil  ,M'!iiii.  >Miii>  LiMii^  XIV,  l'aililltri'  p.ir- 
viiil  à  llll i-i  lune  riiiiirniiiiili'iKiusIiMiics  lesconstrucliO'isijui 
lui  i-i.iiciii  rniilie, .,,  c|  le  inaieclial  diicd'Humières,  qui  était 
alors  ^1,1  llll  mil  Ire  (le  I  .iiine,  ordonna  de  commencer  au  maga- 
sin un  il  lie  1,1  II  ishlle  uni'  collection  de  modèles  et  d'armes 
aiicieiiiics,  qu'il  lui  liiujniiis  facile  decmisulter  lorsque  les  be- 
soins du  service  le  II 'cc,>iici,iicui.  Eu  I09i,  le  dnc  du  Maine 
succéda  au  duc  d  llumi  res  ilms  la  cliaige  de  grand  niaitre, 
et  niallienreuseineiil  les  ii.ivaux  de  construction  des  modèles 
fuient  ahaiiiliiiiiiés.  Viiil  apics  lui  le  comte  d'Eu,  qui  ne  prit 
pasiioii  plus  !;iauil  iiilérètaii.\  modèles  du  magasin  royal.  En 
I7.'i,'i,  la  cliai^'c  ilciiiMiiil  uiiilie  ayant  été  supprimée,  M.  de 

Vallicrc  lui  ne  pr r  inspecteur  général  de  l'artillerie, 

et  il  s"ein|ness  m|,' I III,'  ii  .lus.uiier  ù  Paris  des  armes  extrai- 
tes des  arscuan\  lie  1,1  pnn  inec  ciqiii  m  inquaient  à  la  collec- 
tion de  la  B,istille.  Un  iiiveniauc  iic  i  e  pieniier  musée,  daté 
delTbO,  existe  encore,  cl  ,iii(^i'  l,i  panvicic  des  résultats 
obtenus  jusqu'à  cette  épinpic.  \,imciii(nil  li'iuiiiislre  Clioiseul 
prescrivit  à  MM.  de  Vallieie  et  de  Grilie  iii\,il,  pai  une  Idlte 
du  mois  de  janvier  de  1769,  de  presser  le  il.'\c!n|i|ieiueiil  tU- 
la  collection  de  modèles  déposés  h  la  Bastille,  des  diùicullés 
d'exécnlion  cnlravèrent  la  bonne  volonté  du  ministre,  et  le 
di'prit  de  luiiilcles  etd'armes  continua  d'être  ce  i|u'il  avaitété 
simsl.iuiis  XIV. 

En  178S,  le  projet  de  former  un  vaste  dépôt  de  modèles 
pour  servir  à  l'instruction  des  officiers  d'artillerie  fut  repris 
avec  ardeur;  nuis  les  événements  de  l'année  suivante  non- 
seulement  en  retardèrent  l'exécution,  mais  amenèrent  la  des- 
truction presque  complète  delà  collection  déjà  formée.  Leli 
juillet  ns'j.  II!  peuple  enleva  de  vive  force  la  Bastille,  qui  fut 
rasée;  l'arsenal  d'artillerie  fut  dévasté  ;  toutes  les  armes  qu'il 
contenait,  anciennes  ou  modernes,  bonnes  ou  inutiles,  furent 
enlevées  ;  les  modèles  furent  brisés  on  dispersés.  Ainsi  périt 
à  son  berceau  le  premier  musée  de  la  Bastille.  Mais  l'artillerie 
ne  se  découragea  pas;  elle  s'empressa  de  réclamer  sur-le- 
champ  la  réorganisation  d'un  semblable  dépôt,  et  longtemps 
elle  le  réclama  vainemenl.  De  1791  à  1794,  les  manufactures 
d'armes  françaises  ne  piiniil  siiltire  à  alimenter  les  nombreux 
corps  d'aniii'e  mis  eu  i  ampauuc  sur  toutes  les  frontières;  on 
eut  recours  aii\  ir'pusilinns,  e|  celles-ci  amenèrent  dans  les 
arsenaux  de  l'arlilleiic  une  ijcindc  quantité  d'armes  ancien- 
nes et  modernes,  neaniniip  d'ciihc  elles  furent  mises  aux 
ferrailles  de  rebul  d  vcu  lues  a  vil  pri\;  d'autres  furent  re- 
cueillies avec  imlilïéreiice  et  attendirent  que  des  arsenaux 
provinciaux  on  les  fit  al'lluer  sur  le  dépôt  central  de  l'artil- 
lerie. Le  sieur  Re;;uier,  attaché  à  la  commission  chargée  de 
l'examen  et  du  clii-'^eunnii  des  armes  obtenues  par  ce  moyen, 
eut  l'iieureuse  iili'c  d,'  iiMinir  rians  un  local  séparé  toutes  les 
armes  qui  iiii  pin\,iieiil  s'iililiser  à  l'armée;  ce  ramassis 
devint  le  iiavan  du  iiinsee  actuel.  Le  ministre  de  la  guerre 
Petii't  fui  li.cipi'  de  l'iMiportance  que  devait  nécessairement 
acquérir  en  s  '  dciclnppant  une  collection  de  ce  genre,  et  il 
iinioiina  que  les  allumes,  armes  et  antres  objets  rassemblés 
pai-  lle^iiiicr.  Iiisseul  mis  en  ordre  et  rangés  dans  une  des  sal- 
les de  j'aiieieu  cniiveiit  (les  Feuillants. 

Le  '.I  llici  inidiir  an  iii,  le  comité  de  Salut  public  institua 
le  ilé|ii'il  leulial  de.  I  artillerie,  et  nu  article  de  son  arrêté  or- 
ilomi,i  de  liMiispiii  Icc  la  colleçlion  d'armes  et  de  modèles  ap- 
parleuaut  à  l'aiiiM  Tie  il,iiis  le  local  on  devaicnl  se  lenir  les 
séances  llll  CiuiiilivCel. ad  ic  ic  lui  e\cciiir' qu'en  ran  iv  1796). 
Rollaiiil,  ancien  secidnic  de  (irdicnual,  cl  iil  icii'  dcpiisi- 
taire  des  débrisde  Ciiieicmu;  ,.,,llcc||,„i  r.inica.  a  l,i  liaslillc; 
le  comité  lui  exprima  li  désir  de  vmrce  qn'd  avnii  cniisciM' 
réuni  à  ce  que  le  corps  de  l'arlil'ci  le  ,ivaii  ims^ciuIIc  pai  h'.. 
soins  de  Régnier.  Il  lit  tout  ce  qu  il  él.iil  pussildc  de  lanc 
|iour  éviter  d'ob?ir,  et  ce  ne  fut  que  sur  une  lettre  expresse 
du  ministre  qu'il  se  décida  à  obtempérer  à  un  ordre  qu'il  ne 
lui  étaii  plus  permis  d'éluder.  Dès  ce  moment,  Rolland  fut 
niiiiinir'  iliieclenr  et  Régnier  conservateur  du  dépôt  central. 
I.e  cmuiii'  s'empressa  d'exiger  des  directeurs  de  province 
reuv,u  iiiin  -liât  sur  Paris  de  tout  ce  (|ne  les  arsenaux  con- 
Icn, lient  irannes  Imiiues  senleineiit  à  li-urer  dans  nu  lunsi'c 

Mais  l'espèce  de  iiv,ilil.'  qui  evisie  lnii| s  eiiliv  le,  clil.liv- 

seinenls  proviuciaiiv  c|  ,cu\  de  1,,  capilalc  cnliava  lcii:;l  aups 
l'csécillinii  dccci  m, h,    du  ciiimlic    1,-s  arsciciiiv  il'   Slras- 

liniii-  cl  des  ,1,111,  le,  plus  liclicscn  ainiim- aini.a s,  se 

mniilicrciil    les  pin,  i  l'calcili  aiiN  cl  lie  i  v| liiciil  an\  in- 

pinclmiis  iValinccs  que  par  des  eiivnis  insi-iiiliaiiK.  il  fallut 
un  ordre  l.iinud  du  l'rcmiiu'Cniisnl  <  IMli  ,  puin-  que  Li  ;;alerie 
de  .Sedan  lïil  versée  enllii  au  di-pol  cru-ial  de  r,ii;-.  S'aiaorit 
1799  (9  frnciiilor  an  vu),  le  iiiiiii-lic  lui  de  iHiuviaii  prié 
par  le  cuuiité  d'evi^^er  rcnviii  des  ai, ne;  cl  ai  iiiures  conser- 
vées à  Slrasliiinre,  llclà  iiinivelle  inpiiHaKui  qui  dcnnnira  en- 
core sans  clïcl.  |.ail797,  le  c lie  cmicliii  son  dcpi'il  eeniral 

d'une  sciic  de  Ici, 'S  laali's  ladi;  an   i,,i  LiMiis  \V1  par  le 

ijiauaal  S,ind    Vnhan,  cl  qui  repi ndiusail  1,'s  v,,ilni,'s  d'ailil- 

ieric  du  svshaïc  ,1,'  \  ,illi,n,',  V.  \r  lui  mimisli,!!,' ni  Iraiis- 

portée  à  Paris  du  p,ilais  de  Vcis,iillcs,  Il,'  idail  ic.slèe. 

En  1797,  Remii,.,  pinp,,,,i  an  cnnle  de  cli,ni-ci  la  déno- 
mination de  dépiil  de  r.iinllcnc  cniilic  icdlc  de  Musiuini  de 
l'artillerie,   et  cette  proposition  fut  rejetée,  atleudu   que  la 


première  dénomiiialiim  élait  consacrée  par  plusieurs  arrêtés 
tant  du  comité  de  S  dut  public  quï  du  Directoire  exécutif. 
Toutefois  le  public,  qui  Unit  toujours  par  avoir  raison,  vox 
piiindi,  eux  Oei,  s'obstina  à  nommer  Musée  d'arlillerie  le  dé- 
pnl  d  .u mes  et  de  modèles  formé  auprès  du  comité  de  l'arme. 
cl  ce  niiin  a  lini  par  prévaloir  et  par  être  ofliciellement  adopté 

eu    ISKi. 

Les  ^'!<. rien, es  laiiqiagnes  de  la  Ilépnbliqne  et  de  l'Empire 
ne  coiiliili  e  leiii  i'  I-  peu  à  enrichir  le  dépôt  central,  et  beau- 
coup des  iili|ci,  prccieii,\qui  s'v  trouvent  classés  aujourd'hui 
ne  sont  que  des  liopliiies  de  nos  victoires.  Ainsi  l'arsenal  de 
Strasbourg  avait  reçu  tout  ce  que  l'artillerie  avait  recueilli 
en  Alleinaf^uc  après  la  bataille  d'Austerlitz,  et  en  18U8  tous 
ces  objets  l'mcul  auieiiés  à  Paris. 

En  ISim,  rcmpeieureut  la  malencontreuse  idée  de  faire 
transpnrlci  an  .duM'c  des  Arts  les  armures  qui  se  trouvaient 
au  dépôt  central  de  l'artillerie.  A  celle  nouvelle,  le  comité 
s'émut;  il  adressa  de  vives  représentations  au  ministre  de  la 
guerre,  qui  parvint  à  faire  revenir  l'empereur  de  la  décisiim 
qu'il  avait  prise,  et  le  projet  de  transport  des  armures  au  Mu- 
sée des  Arts  fut  immédiatement  abandonné. 

De  1SU7  à  1814,  les  dures  nécessités  de  la  guerre  empê- 
chèrent les  généraux,  membres  du  comité  de  l'artillerie,  de 
donner  leurs  soins  à  l'accroissement  des  collections  d'armes 
et  de  modèles.  Toutefois,  en  1808,  l'occupation  de  Madrid 
par  les  Iroupes  françaises  fournit  au  prince  Murât  l'occasion 
de  repiciidie  à  la  Armeria  Keal  l'épée  de  François  1"  qui, 

ilepnis  I; illieiireuse  bataille  de  Pavie,  était  complaisam- 

iiienl  él.iK'c  pour  llatter  la  vanité  castillane.  L'infant  don  An- 
tonio refusa  d'abord  delà  restituer;  mais  Murât  le  prévint 
qu'il  la  ferait  re|irendre  de  force,  si  elle  ne  lui  était  sur-le- 
champ  rendue  de  bonne  grâce.  L'infant  s'empressa  d'obéir, 
et  l'épée  du  roi-chevalier  fut  remise  en  grande  pompe  au  gé- 
néral en  chef  de  l'armée  d'Espagne.  Cette  épée,  envoyée  im- 
médiatement à  l'empereur,  lut  donnée  par  lui  au  prince  de 
Nenfcliàlel  qui,  en  1814,  l'olTrit  à  Louis  XVIII,  dans  le  seul 
but  de  lui  faire  sa  cour.  Cette  épée  fut  déposée  dans  une  même 
ai  iiioii  e  avec  celles  d'Henri  H  et  d'Henri  IV.  Le  20  mars  1815, 
Napoléon  rentrant  aux  Tuileries,  trouva  les  épées  de  Fran- 
çois I"et  d'Henri  II  sur  une  table;  il  les  remit  alors  au  général 
Gourgaud,  en  le  chargeant  de  les  faire  porter  au  dépôt  cen- 
tral de  l'artillerie.  Quant  à  l'épée  d'Henri  IV,  elle  resta  aux 
Tuileries,  fut  enlevée  par  un  homme  du  peuple  le  29  juil- 
let 1830,  puis  restituée  au  roi,  qui  en  a  fait  don  au  Musée. 
En  1814,  la  paix  ayant  ramené  à  Paris  les  généraux  de  l'ar- 
me faisant  partie  du  comité,  ils  s'occupèrent  avec  empres- 
sement des  soins  à  donner  à  la  riche  collection  déjà  formée. 
C'est  à  cette  époque  que  le  premier  étage  du  local  actuel  fut 
assigné,  tel  qu'il  est,  au  classement  des  séries  d'armes  et 
d'armures.  Pour  procéder  à  ce  classement,  une  commission 
fut  instituée  avec  les  instructions  les  plus  propres  à  amener 
de  bons  résultais  de  son  travail.  Les  événements  de  1815 
vinrent  malheureusement  arrêter  l'exécution  des  excellents 
projets  que  le  comité  avait  conçus.  Les  armées  étrangères 
avaicni  i  cspcclé  le  Musée  de  l'Artillerie  en  1814;  après  le 
di'saslic  de  Waterloo,  les  o(((cs  se  promirent  bien  de  se  dé- 
dommager de  ce  qu'ils  appelaient  leur  modération  passée. 
Ils  arrivaient  à  Paris  avec  l'inlenlion  bien  arrêtée  de  confis- 
quer à  leur  prolit  le  muséi!  de  .Saint  Tlioinas-d'Aquin.  Mais  leur 
dessein  futueviné,  et  anssilôl  déjoue  que  deviné.  Les  Prussiens 
tonchaieiit  presque  aux  barrières  de  la  capitale;  en  quelques 
heures,  on  con'strnisit  cent  dix  caisses,  dans  lesquelles  on  ren- 
ferma, tant  bien  que  mal,  tous  les  objets  les  plus  précieux, 
jusqu'au  moment  même  où  il  fallut  ordonner  le  départ  du 
convoi,  sous  peine  de  le  voir  tomber  entre  les  mains  de  l'en- 
nemi. Cent  cinq  caisses  suivirent  l'armée  au  delà  de  la  Loire, 
et  furent  ensuite  renvoyées  à  La  Rochelle,  où  elles  restèrent 
en  magasin  jusqu'en  1820.  Les  cinq  autres  caisses,  pour  les- 
quelles les  moyens  de  transport  manquèrent,  lurent  reçues 
et  cachées  chez  un  coutelier  de  la  rue  du  Bac,  nommé  Leri- 
clie,  qui  eut  le  courage  et  l'honneur  de  conserver  à  l'Etat  ce 
précieux  dépôt.  Tout  ce  qui  n'avait  pu  êlre  encaissé  fut  ca- 
ché par  les  soins  de  M.  Régnier;  mais,  soit  hasard,  soit  indis- 
crétion, les  Prussiens  eurent  vent  de  la  cachette  dans  laquelle 
on  avait  déposé  une  magnitique  série  d'armes  d'hasi,  el  huit 
fut  enlevé!  Ileureiiseiiienl,les/Biiiles  de  ce  coup  làchoux  porlé 
aux  collccliniis  du  dépôt  central  purent  être  en  iiartie  effa- 
cées ;  à  la  iiiiiil  du  ^iniéral  Eblé,  l'arlillerie  acheta  la  collec- 
liim  d'aunes  qu  il  s'était  formée  avec  soin  et  zèle,  et  bcau- 
cnup  des  |ierlcs  que  l'on  avait  subies  furent  ainsi  réparées. 
Oiiaiid  l'i  nuciiil  eut  évacué  le  sol  de  la  France,  on  songea  à 
liiic  revciiii  de  La  Rochelle  les  cent  cinq  caisses  qui  y  avaient 
éternises  à  refuge;  mais  avant  d'en  ordonner  le  retour,  on 
senlit  qu'il  importait  de  proliler  de  l'occasion  pour  préparer 
au  Musée  un  local  digne  de  sa  richesse  ;  de  1816  à  1820, 
les  travaux,  qui  ont  mis  les  salles  du  Musée  dans  l'état  où  el- 
les se  trouvent  aujourd'hui,  furent  exécutés,  et  les  cent  cinq 
caisses  furent  ramenées  à  Paris. 

C'esl  11  celle  époque  qu'une  somme  annuelle  fut  assignée  sur 
le  laiil:;,  I  pai  lieu  1  ici  de  l'artillerie  pour  renlielienel  l'.iccinisse- 
inciil  des  caillicliiuis  d'armes  et  de  modèles,  .lusqiic-l.t  l'ixis- 
lonce  de  ce  nnis,'c  avait  élé  presque  ignorée  du  public  :  il  l'ut 
admis  à  i  ci  inns  puiis  dans  les  galeries,  el  la  juste  renommée 
du  Mnsc'c  de  I  Ai  lillci  le  de  Paris  s'élendit  bientôt  même  à  l'é- 
tranger. 

En  18Ô0,  je  l'ai  déjà  dit,  le  peuple  pilla  le  Musée  d'Artil- 
lerie. Les  deux  (ireiniers  jours,  le  conservateur,  M.  dt!  Car- 
pegna,  parvint  à  sauver  lé  précieux  dépôt  qui  lui  était  ciuilié, 
mais  le  29,  les  galeries  furent  envahies  par  nue  l'iinlc  consi- 
dérable, et  l'on  put  croire  que  c'en  était  fait  du  Miisce.  Tout 
ce  qui  éliiil  pr',|iic  à  r,\llaqiu'  ou  à  la  défense  avail  cti'  enlevé; 
liuil  le  ce  le  av,iil  ,1é  liirl  luallrailiv  Le  .niisciv,dciir  cul  as- 
sez de  lacl  cl  ,\,'  pi,',cm  ed'espril  pnnrpieiclrc  Imilcs  les  me- 
sures (aiiuciKililc-,  alin  d'.illéniicr  les  cmis.apiciiccs  d'un 
.seinblalilcdis,,  |,,,,ci  de  lail,  à  p,iirudii  Icudeinain,  TiO  jnillel, 
les  objels  enlevés  ( aininii m  ciciit  à  rcnircr.  Ualoiis-iious  de 
dire  que  presque  I, mies  les  pertes snppiirtOes  par  le  Musée  ont 
élédeiHiis  ré|iarées:  quatre  cents  armesau  pins  ont  été  perdues. 


Dejiuis  Ilirs,  le  Musée  n'a  cessé  le  prospérer  el  de  s'accroître 
par  les  ai  ijnisilinns  ipii  se  font  annnellemeni  en  son  nom. 

En  18i."),  nue  nouvelle  salle,  deainée  à  recevoir  les  modè- 
les de  l'arlillerie  proprement  dite,  a  élé  Ouverte  au  rez-de- 
chaussée  ;  et,  en  184.^,  il  a  été  admis  en  piincipe  que  dans  les 
galeries  des  armures  serait  placée  la  séile  des  (ortiails  des 
grands  maîtres  de  l'arme.  Celle  heuieuse  inno»alionne  peut 
manquer  d'ajouter  un  grand  atlrait  de  plus  à  ce  musée  déjà 
si  intéressant  et  si  aime  du  public. 

Voici  maintenant  la  description  sommaire  du  Musée  de 
l'Artillerie. 

On  y  pénètre  par  un  grand  vestibule  orné  de  bnuches  à  feu 
appartenaiilà  toutes  les  nations  el  à  toutes  les  époques,  parmi 
lesquelles  seremarquentdes  piècesenlevées  à  Alger  el  à  Saint- 
Jean-d'Ulloa,  et  desbombardeg  abandonnées  par  les  Anglais, 
en  1422,  devant  la  place  de  MeaUx;  la  chaîne  à  l'aide  de  la- 
quelle les  Turcs ,  fai.sant  le  Siège  de  Vienne,  avaient  assuré 
le  ponlde  bateaux  qui  leur  facilil.iit  les  communications  d'une 
rive  à  l'autre  du  Danube,' décore  les  frises  de  ce  vestibule 
diinmenses  festons  de  bon  goût.  Un  arrive  à  un  palier  dé- 
coré de  même  de  canons  anciens  formant  pilastres  et  qui 
donne  entrée  dans  la  salle  d'Artillerie  proprement  dite  ;  la 
sont  classés  les  modèles  des  divers  systèmes  d'artillerie  qui 
ont  élé  tour  à  tour  adoptés  pour  le  service  des  armées  fran- 
çaises, les  modèles  des  artilleries  étrangères,  les  innombrables 
projets  proposés  dans  tous  les  temps  el  presque  toujours  re- 
jelés comme  inutiles  ou  vicieux,  et  enfin  une  précieuse  col- 
lection de  toutes  les  armes  portatives enservice  en  IS45  dans 
les  armées  européennes. 

Une  série  de  sept  petites  bouches  à  feu  sur  affnis  anglais, 
el  enlevées  à  TIemcen,  constitue  l'artillerie  que  l'émir  Abd- 
el-Kader  avtiil  créée  pour  soutenir  la  guerre  contre  la  France. 
Elle  est  disijbsée  sur  le  terre-plein  du  palier  lui-même.  Ou 
monte  ensuite  jusqu'au  premier  étage,  où  se  trouve  la  poile 
du  Musée  ijj-oprement  dite,  ornée  à  droite  el  à  gauche  de 
quatre  armilres  de  retires.  Celle  porte  débouche  dans  la 
grande  salle  dite  des  Armures,  où  l'on  admire  plus  de  cent 
harnais  de  guerre,  tant  de  cheval  que  d'homme,  et  la  plupart 
d'une  conservation  parfaite;  quelques-unes  de  ces  armures  cnl 
une  origine  authentique  qui  les  rend  dignes  de  toute  l'at- 
tention des  curieux;  d'autres,  par  l'élégance  du  travail,  ne 
méritent  pas  moins  d'être  admirées. 

Là  se  trouve  l'armure  que  François  I"  portail  à  la  désas- 
treuse bataille  de  Pavie,  celles  d'Henri  II,  de  Charles  IX. 
d'Henri  III  ;  un  casque  d'Henri  H,  un  casque  et  des  brassards 
d'Henri  IV;  l'armure  du  duc  de  Guise  (le  Balafré),  celle  du 
duc  de  Mayenne,  celle  du  duc  d'Epernon,  une  armure  don- 
née à  Louis  XIV  par  la  république  de  Venise,  l'armure  du 
bâtard  .\ntoine  de  Bourgogne,  le  casque  du  connétable  Anne 
de  Montmorency,  la  tirge  du  roi  de  Hongrie  Malhias  Corvi- 
nus  el  mille  autres  objels  du  plus  grand  prix,  répartis  parmi 
les  nombreux  trophées  qui  tapissent  les  murailles. 

Une  galerie,  adossée  à  la  galerie  des  Armures,  contient  là 
série  dés  armes  blanches  et  des  armes  d'hasi.  On  y  remarque 
l'épée  de  François  l",  celle  d'Henri  II,  celle  d'Henri  IV,  et 
celle  qui  servit  d'insigne  à  un  connétable  de  France  au  qua- 
torzième siècle.  Trois  galeries  semblables  contiennent  les 
armes  à  l'eu  portatives  et  ofl'rent  en  ce  genre  la  plus  riche 
collection  connue,  depuis  le  mousquel  à  mèche  jusqu'au  fu- 
sil à  percussion.  Les  collections  de  haches  et  de  niasses  d'ar- 
mes, d'arbalètes,  de  pistolets,  d'armes  blanches  orientales, 
d'instruments  de  vérilicalion  des  bouches  à  feu,  de  néces- 
saires des  contrôleurs  d'armes,  de  modèles  de  machines,  ré- 
pondent par  leur  richesse  à  l'imporlance  du  musée  qui  les 
contient.  Il  serait  beaucoup  trop  long  d'énuniérer  ici  tout  ce 
que  ces  galeries  renferment  d'objets  précieux.  Un  seul  chiffre 
en  dira  plus  que  toutes  les  descriptions  possibles.  L'invenlaire 
du  musée  porte  plus  de  6,000  armes  ou  modèles  dillérenls, 
et  il  m'était  permis,  ce  me  semble,  d'affirmer  qu'un  semblable 
musée  é  ait,  pour  les  officiers  de  l'arlillerie,  comme  pour  les 
officiers  de  toutes  les  armes,  une  source  inépuisable  u'in- 
struction. 

Je  lerininerai  par  deux  simples  questions,  pour  la  solution 
desquelles  je  fais  appel  au  bon  sens  public.  Il  existe  auLonvre 
cl  à  la  liibliullicqiie  Royale  des  armures  et  des  armes  tout 
élonnécs  de  se  trouver  ainsi  dépaysées  ;  pourquoi  le  couverne- 
ment  n'ordonne-til  pas  une  bonne  fois  la  lianslation  de  ces 
objels  au  musée  spécialement  destiné  à  renfermer  tout  ce  qui 
concerne  la  science  des  armes"?  N'est-il  pas  vrai,  d'ailleurs, 
qu'unmusée  riuelconques'eniichit  toutes  les  fois  (pi'oii  le  dé- 
barrasse des  objets  qui  sont  totalement  étrangers  à  sa  destina- 
lion  première,  et  qui  n'y  peuvent  paraiire,  en  définitive,  que 
comme  des  superfélations  inutiles'?  Je  laisse  au  lecteur  le  soin 
de  répondre. 

F.  DE  Sailcï, 
Consertalcurdu  Muiéc  d'artiHtiu-. 


1 


li'Eiifant   volé. 

I. 

l'eu  de  temps  après  la  révolution  de  Juillet,  on  a  confié  la 
surveillance  des  pal.iis  et  des  jardins  royaux  à  d'anciens  sous- 
ofliciers  de  l'armée  impériale,  éloignés  du  service  par  les  dé- 
fiances de  la  restauration,  et  c'était  cettainemenl  une  idée 
heureuse  de  donner  une  retraite  honoi-able  à  ces  anciens 
braves,  comme  pour  montrer  que  les  services  rendus  à  la 
patrie  ne  sont  pas  toujours  payés  jiar  ringraliliide  el  l'oubli. 
Aussi  prenait-on  plaisir  à  les  voir  dans  l'exercice  de  leur 
charge.  Avec  leur  habit  bleu  de  ciel,  l'épée  au  côté,  la  croix 
sur  la  poitrine,  lorsque,  sans  rien  perdre  de  leur  airg^ave  cl 
toujours  martial,  ils  réprimandaient  doucement  les  vieilles 
femmes  qui  ne  lenaienl  pas  leurs  chiens  en  laisse,  les  ga- 
mins qui  escaladaient  les  enceintes  ou  tous  autres  infracicurs 
du  réglenicnl. 

\eis  la  lin  de  l'année  I8jO,  l'un  de  ces  estimables  fonc- 
lionnaiies,  e\-dragon  de  la  sarde  impériale  et  alors  snrveil- 


L'ILLUSTIIATIOX,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


43 


laat  au  Luxembourg,  rentrait  un  soir,  le  service  terminé, 
dans  son  moJesIe  logis,  et  il  rentrait  avec  une  joie  inaccou- 
tumée. Depuis  quelques  jours,  le  brigadier  Roblot,  c'était 
son  nom,  avait  retrouvé  piès  de  ses  camarades,  son  ancienne 
gaieté  du  régiment,  leur  conlanl,  à  en  perdre  baleine,  de 
niiirveilleuses  bistoires  de  conscrits  mysliliiis,  de  b.isses- cours 
[uises  il  l'eu  et  à  sang,  de  femmes  subjuguées  dans  tous  les 
Elils  de  l'Europe,  depuis  les  noues  éplorées  des  couvents 
d'Ë>pagne,  jusqu'à  ces  bûmes  et  rieuses  Allemandes  qui  s'é- 
taient lait  une  babitude  de  l'invasion.  Hublot  fumait  des  pipes 
deux  l'ois  plus  qu'à  l'ordinaire,  et  à  peine  s'il  grondait  sa 
femme,  lorsqu'à  son  retour,  la  soupe  n'était  pas  sur  la  table, 
exlialant  sa  vapeur  légère  et  son  odem'  de  clioux. 

Or,  voici  la  cause  de  cette  bonne  bumeur  de  Koblot.  Il 
avait  une  lille,  restée  veuve  et  mère  d'un  enfant  de  cinq  ans. 
Elle  s'était  vue  obligée  de  l'aire  un  voyage  d'une  quinzaine 
de  jours,  et  la  veille  de  son  départ,  elle  avait  amené  son  petit 
garçon  chez  ses  père  et  mère,  sacbaiil  bien  qu'il  ne  pouvait 
être  en  de  meilleures  mains...  Avec  cet  enfant,  la  joie  était 
entrée  dans  la  maison.  Uaa  dit  que  les  petlls  enfants  élaient  la 
couronne  des  vieillards;  aussi  n'y  avait-il  rois  et  reines  plus 
heureux  que  l'étaient  alors  Roblot  et  sa  femme.  Le  soin  d'un 
jeune  enfant  pour  une  bonne  grand' mère,  c'est  le  passé  qui 
revient;  c'est  un  retour  aux  premiers  temps  du  mariage  qui 
ont  laissé  de  si  doux  souvenirs  quand  le  ménage  est  resté 
uni;  quant  à  Koblot,  il  employait  ses  loisirs  du  malin  et  du 
soir  à  l'aire  daiiseï  le  marmulsur  ses  genoux;  il  admirait 
alors  ses  cheveux  blonils  et  bouclés,  ses  yeux  noirs,  son  pe- 
tit nez  qui  deviendrait  un  jour  aijniiin,  et  il  soulcnail  à  sa 
lenime  que  sans  le  <  iin|i  de  sabre  <|u'il  avait  reçu  à  travers 
le  visage  à  la  Moskowa,  son  pelit-liis  lui  ressemblerait  beau- 
coup. D'autres  fois  il  s'occu|iait  de  son  éducation,  lui  appre- 
nait il  lire,  à  jurer,  à  battre  le  tambour,  à  manier  son  petit 
fusil  de  bois,  et  il  voulait  parier  qu'au  retour  de  sa  mère,  ii 
saurait  faire  la  charge  en  douze  temps. 

Cesoir-lii.  donc,  Koblot  rentrait,  convoitant  ces  joies  de 
(irand-pèrc  dont  il  s'élait  lait  une  douce  liabilmle.  A  peine 
dans  la  maison,  il  jela  les  regards  autour  de  lui,  et  dit  aus- 
sitôt : 

«  Où  est  donc  le  petit  ? 

—  Il  était  là  tout  à  l'heure,  répondit  madame  Roblot  ;  mais 
la  marchande  de  gàlijaux  est  venue  le  chercher.  » 

Roblot  se  dirigea  lentement  en  sifflant  un  air  et  jouant  avec 
sa  canne,  vers  la  grille  qui  ouvre  sur  la  rue  d'Enfer  :  là,  il 
t'jurna  à  gauche  et  dit  à  la  marchande  : 

«  Bonjour,  mère  Gllion,  voulez-vous  me  rendre  notre  mio- 
che, car  je  ne  l'ai  pas  vu  depuis  ce  matin,  et  j'en  ai  la  pépie! 

—  Il  est  chez  vous,  répondit  celle-ci;  je  viens  de  le  recon- 
duire jnsqii  à  Il  grille.  » 

llobhit  retourna  chez  lui  plus  précipitamment  qu'il  n'élait 
venu,  puis  il  dit  en  rentrant  à  sa  femme  : 

Il  Pourquoi  donc  ne  nic  dis-tu  pas  que  le  petit  est  rentré? 

—  Vraiment,  non;  il  n'est  pas  ici,  dit  madame  Roblot  d'un 
ail"  déjà  elfaré. 

—  Pas  ici  '.  c'est  impossible  !  il  est  caché  quelque  part...» 
Et  le  mari  et  la  femme  se  mirent  à  appeler  à  l'envi  :  «  Eu- 
gène!... Eugène? Puis  ils  cherchèrent  dans  leur  p'itite 

chambre,  sous  le  lit,  dans  un  cabinet,  dans  les  armoires; 
partout  enlin,  là  inème  où  l'enfant  ne  pouvait  évidemment  se 
trouver,  tant  leur  tète  se  troublait,  Koldot  accompaHiiant  ses 
perquisitions  de  jiireineuls  à  l'aire  Irembler,  et  d'injures  à  sa 
feininc,  celle-ci  poiis'^anl  des  gémissements  qui  bientôt  de- 
vinrent des  cris...   Koblot  retourna  vers  la  marchande  : 

«  Ah  çà!  voulez-vous  me  rendre  mon  enfant,  lui  dit-il,  je 
n'aime  pas  ces  plaisanleriis-là.  » 

Et  sur  les  protestations  sérieuses  de  la  mère  Giliou  qu'elle 
n'avait  pasl'enfint,  il  bouleversa  la  bouiique  et  lit  un  allreux 
carnage  de  carafons,  de  jiiileaux  et  de  paiiis-d'épice...  Il  cou- 
rut ensuite  chez  le  restaurateur  qui  fait  le  coin  de  la  rue 
Sainl-Doininiqiie,  puis  chez  tons  les  voisins;  enlin  il  revint 
chez  lui,  battit  sa  femme  qui  pleurait  et  s'arrachait  les  che- 
veux... Ayant  aperçu  un  de  ses  camarades  qui  se  dirigeait 
vers  la  grille,  il  counil  à  lui  : 

«  Dubois,  lui  dit-il  d'ilné  Wîx  altérée  et  haletante.  Mon 
aniil...  à  mon  secours!...  je  suis  un  homme  mort!...  J'ai 
perdu  mon  enfant...  il  e^l  prdu...  Va-t'en  à  la  grille  de 
l'Observatoire,  à  celle  de  l'Odéou,  partout...  Préviens  nos 
camarades...  préviens  la  sentinelle...  cherche  dans  les  bas- 
sins... Oli!  mon  Dieu!...  mon  enfant,  il  est  pcut-êlrenoyé... 
Moi,  je  vais...  je  vais...  « 

Et  il  sauta  dans  un  cabriolet  qui  passait  me  d'Enfer... 

Minuit  venait  de  sonner  au  palais  du 

Luxembourg...  La  pauvre  femme  du  brisadier  veill;iil  dans 
-a  cabine.  Denx  voisines  qui  étaient  auprès  d'^'llc  faisaient 
de;  eiïorls  pour  la  consoli'r;  mais  elle  pleurait  toii|iiurs... 
elle  avait  enlendii  cl  compté  les  sons  lointains  de  l'horloge. 

.1  Voilà  ininnil,  dit-elle,  mon  mari  ne  revient  pas...  » 

Au  même  instant  elle  entendit  un  bruit  de  pas  dans  le  jar- 
din... Elle  s'élançait  vei-s  la  porle,  lorsque  Robot  entra. 

0  Notre  enfant!...  noire  enfant!...  »  s'écria-t-elle. 

Le  brigadier,  à  peine  dans  la  chambre ,  jeta  son  chapeau, 
essuya  son  front  trempé  de  sueur. 

«  Rien,  dit-il  d'un  air  sombre;  rien...  j'ai  fait  le  tour  de 
Paris:  j'ai  donné  le  si;;iialeinent  à  toutes  les  barrières...  à  la 
police,  dans  les  journaux...  Nous  verrons...  Ah!  dit-il  après 
une  pause,  et  comme  po  ir  se  donner  un  espoir  qu'il  n'avait 
pas.  Cet  enfant  ne  peut  pas  être  perdu...  »  Il  aperçut  une 
lettre  sur  la  table  :  elle  était  de  si  lille,  et  elle  lui  disait  qu'elle 
serait  à  Paris  dans  quatre  jours,  cl  qu'elle  était  bien  impa- 
tiente d'embrasser  son  petit  Eui.'èue.  «Pauvre  mère,  dit-il 
.ivec  désespoir  et  fondant  en  larmes.  Oh!  si  elle  ne  retrouve 
pas  son  enfant...  elle  ne  i'ctronvera  pas  son  père  non  plus...» 

Denx  jours  se  pissèrent...  point  ne  nou- 
velles... Le  nntin  d.i  troisième  jour,  Roblot  commença  sa 
tournée  oi"dinaJre  à  toutes  le.s  issues  de  Paris.  Arrivé  dès  le 
malin  à  la  barrière  d'KnIer,  il  chercha  celui  des  commis  de 
l'octroi  qui  avait  paru,  les  jours  précédents,  compalir  da- 
vantage à  sa  peine,  et  l'ayant  aperçu  comme  il  visitait  la  voi- 


lure d'une  lailière,  il  s'approcha  de  lui  avec  un  air  triste  et 
désespéré. 

«  Eli  bien!  lui  dit-il. 

—  Ah!  c'est  vous,  mon  brave  homme,  dit  l'employé.  Hé- 
las! je  n'ai  rien  de  bon  à  vous  annoncer...  Tenez,  dit-il  à  la 
laitière;  voilà  un  pauvre  grand-père  qui  est  bien  malheureux, 
on  lui  a  volé  son  enfant. 

—  Volé!  s'écria  la  lailière. 

—  Oui,  quelque  méchante  créature  qui  aura  pris  cet  en- 
fant pour  le  faire  mendier,  car,  sans  cela  on  le  retrouverait. 

—  Ah!  seigneur  Dieu,  dit  la  laitière,  quel  malheur!  Si  on 
me  volait  mon  enfant  ..  j'aimerais  cent  fois  mieux  le  voir 
mort.  Pauvres  petits  anges,  au  moins  on  est  sur  qu'ils  ne 
sonirrent  pas...  Et  y  a-t-il  longtemps  de  cela? 

—  Deux  jours. 

—  Est-ce  qu'on  l'aurait  amené  par  ici? 

—  Dame  !  on  ne  sait  pas.  Mais  c'est  possible...  l'enfant  a 
été  pris  au  Luxembourg. 

—  Deux  jours  !  répéla  la  laitière,  en  paraissant  interroger 
ses  souvenirs.  Attendez  donc...  quel  âge  a-t-il,  l'enlant? 

—  Cinq  ans,  dit  vivement  Roblot. 

—  Un  joli  enfant? 

—  Oh!  joli,  connue  nn  amour. 

—  Des  clif\on\  hloinls...  bouclés... 

^  —  Des  cloneiix  blonds  et  bouclés,  réjiéla  Uidjlot,  pour  qui 
s'ouvrait  une  lueur  d'espérance. 

—  Des  yeux  bruns? 

—  Des  yeux  bruns  et  fendus  comme  des  amandes...  Eh 
bien  ! 

—  C'est  que...  reprit  la  laitière,  voici  ce  qui  m'est  arrivé. 
Quel  jour  donc?...  Ah!  avant-hier  matin.  Je  m'étais  enre- 
tournée  de  bonne  heure,  parce  que  j'avais  tout  vendu...  à  la 
inonlagne  d'Anlony...  Il  était  dix  heures  à  peu  près,  je  vis 
sur  la  route...  une  femme...  jeune...  assez  mal  vêtue,  qui 
portail  un  enfant  endormi  dans  ses  bras...  elle  paraissait  ha- 
rassée de  fatigue  et  niarcbail  avec  peine...  Quand  je  passai  à 
(olé  d'elle,  elle  regarda  ma  voiture  d'un  air  si  triste  et  si  en- 
vieux, comme  pour  dire  :  «  Oh  !  que  je  serais  heureuse  dans 
cite  voiture-là  !  »  que,  ma  foi  !  la  pitié  me  prit,  et  je  ne  pus 
m'empècher  de  lui  parler  :  iAn  bonne  femme,  que  je  lui  dis, 
vous  paraissez  bien  fatiguée,  et  voilà  un  enfant  qui  est  lourd 
à  porter  en  moulant  et  par  le  grand  soleil... 

—  Oh  !  oui,  me  répondit-elle,  je  suis  bien  lasse;  mais  que 
voulez-vous?  il  faut  aller,  car  nous  avons  du  chemin  à  faire, 
el  je  ne  veux  pas  laisser  marcher  ce  pauvre  petit. 

—  El  où  allez-vous  donc  comme  cela? 

—  A  Arpajon. 

—  A  Arpa|on,  je  lui  dis;  mais  vous  n'arriverez  jamais... 
Allons!  montez  dans  ma  voiture;  je  vous  mènerai  toujours 
jusqu'au-dessus  de  Longjumeau. 

—  Ah  !  madame,  que  Dieu  vous  récompense  de  votre  cha- 
rité! 11  me  dit-elle.  Aussitôt  je  l'aidai  à  monter.  Je  pris  le 
petit  dans  mes  bras  et  je  le  couchai  sur  la  paille.  Quand  elle 
tilt  dans  la  voiture,  il  semblait  qu'elle  fût  dans  le  paradis. 
Elle  me  remercia  tant  de  roi.<  el  de  si  lion  cœur...  Elle  pril 
un  sac  de  toile  que  j'avais  pics  de  iiidi,  en  lit  une  espèce  d'o- 
reiller qu'elle  mit  sous  la  tète  de  l'enfant;  elle  délit  le  mou- 
choir de  son  col  et  l'arrangea  en  manière  de  tenle  pour  ga- 
rantir le  petit  du  soleil,  puis  elle  le  regardait  dormir  et  me 
dit  :  «  Voyez  comme  il  est  joli.  » 

—  C'est  lui,  s'écria  Roblot  qui  ne  pouvait  plus  se  conte- 
nir... c'est  lui. 

—  Attendez  donc,  reprit  la  laitière,  l'enfant  se  réveilla... 
alors,  elle  le  |irit  sur  ses  genoux,  l'embrassa  mille  et  mille 
fois...  elle  tira  de  sa  poche,  d'abord  un  morceau  de  pain 
noir  qu'elle  mit  de  coté  ;  c'élait  pour  elle,  apparemment, 
pu.s  un  gâteau  (ju'elle  donna  à  l'enfant  ;  ensiiile  elle  le  lit 
Imire  dans  une  petite  bouteille  où  il  paraissait  y  avoir  de 
l'ean  sucrée...  Quand  l'enfant  eut  fini  son  repas,  il  se  mil  à 
babiller....  Je  me  rappelle  qu'il  parla  de  sa  maman... 

—  Ah  !  ah!  ht  Koblot  en  ouvrant  de  grands  yeux. 

—  Alors  la  femme,  il  me  semble  que  je  la  vois  encore,  de- 
vint tonte  rouge,  et  me  jeta  nnregard  décote....  «L'aimes- 
lii  bien  ta  maman?»  lui  dit-elle,  el  elle  l'embrassa.  L'enfant 
ne  répondit  pas.  Mais  quelques  insi mis  après  il  dit  •  «  Tu  vas 
me  mener  chez  bon  papa...  »  A  ces  mots,  Koblot  lit  un  bond 
et  ne  put  en  entendre  davantage....  «Voyez-vous!  sécria- 
t-il,  sans  rélléchir  (|ne  cet  enfant  pouvailavoirnn  grand-père 
aulre  que  lui...  Merci,  ma  brave  femme, «dit-il  à  la  lailière, 
et  il  allait  la  quilter;  maisil  se  rappela  qu'il  n'avait  qu'une 
iiidicalion  1res- vague;  il  ajoutai  aussitôt:  «Et où  l'avez-vons 
laissée  cette  voleuse  ?...  celle... 

—  Sur  la  grand'roule  d'Orléans,  dit  la  laitière;  quand  je 
fus  devant  le  chemin  qui  mène  chez  nous,  elle  descendit,  me 
remercia  encore,  et  continua  sa  roule,  tenant  l'enfant  par  la 
iiiiin. 

—  C'est  tout  re  qu'il  faut,  dit  le  brigadier,  nous  la  tenons. 

—  Mais  mon  pauvre  homme,  reprit  la  laitière,  prenez  bien 
garde  de  vous  faire  une  fausse  joie...  Si  vous  alliez  vous 
tromper...  Celle  femme  avait  tant  de  soin  de  l'enfant,  qu'elle 
pourrait  bien  être  sa  mère... 

—  Je  vous  dis  que  c'est  lui ,  »  répondit-il.  Il  ne  voulut 
plus  rien  écouler,  il  pria  la  lailière  de  prévenir  en  passant 
sa  femme  qu'il  allait  à  Arpajon,  à  Elampcs,  à  Bordeaux,  s'il 
le  fallait;  et,  cela  dit,  il  monta  dans  un  coucou  qui  vint  à 
passer... 

Il  arriva  à  Arpajon,  non  sans  avoir  conté  an  cocher  et  aux 
voyageurs  son  histoire  qui  intéressait  les  liotnmes,  fai.sait 
I  b-iirer  les  femmes  et  valait  des  coups  de  fouet  aux  pauvres 
I  !ievanx. 

Là  il  recommença  son  enqnêle  ;  mais  elle  n'çnt  aucun  ré- 
sultat. La  grande  rue,  qui  foriii''  à  elle  seule  toute  la  ville 

(III  boiira  d'Arpajon,  est  lellt ni  fréquentée,  puisque  c'est 

la  prand'route  dé  Paris  à  Bordeaux,  ipi'une  l'enime  et  un  en- 
fant avaient  bien  pu  y  passer  sans  qu'on  le  remarquai.  Dans 
les  auberges,  à  la  mairie,  on  ne  savait  rien.  Roblot,  au  dé- 
sespoir, songeait  à  faire  une  visite  domiciliaire  dans  chaque 
maison,  lorsqu'il  vit  la  diligence  d'Etampes,  arrêtée  devant 


un  hôtel.  Il  s'adressa  au  conducteur  et  lui  demanda  si  ces 
jours  derniers  il  n'av;iit  pas  mené  une  femme  et  un  enfant 
dont  il  donnait  le  sigiialeiueiit. 

«Non,  répondit  celui-ci;  mais  hier  à  Etampes,  en  allant 
porter  un  paquet  à  l'hospice,  j'y  ai  vu  entrer,  tenant  un  en- 
tant dans  ses  bras,  une  jeune  femme  qui  paraissait  bien  fa- 
tiguée et  bien  mi^érable...  C'est  peut-être  votre  all'aire.  » 
_  Koblot  parlil  jiour  Elampes,  et,  arrivé  là,  il  l'ut  bientôt  à 
l'hospice.  11  rencontra  dans  la  cour  une  sœur  de  chaiilé  : 

«Madame,  lui  dit.il,  ne  serait-il  pas  entré  ici,  dans  la 
journée  d'hier,  une  femme  avec  un  jeune  enfant? 

■—  Hier,  oui,  monsieur,  répondit  la  sœur  ;  c'est  moi-même 
qui  l'ai  reçue. 

—  Ah!  ma  bonne  sœur,  vous  me  sauvez  la  vie,  s'écria 
Roblot,  en  se  jelanl  au  col  de  la  pauvre  religieuse,  qui  parut 
inlerdile  et  toute  confuse  de  ce  témoignage  énergique  de 
reconnaissance...  Où  est-il?  où  est-il,  mou  petit  garçon? 

—  Votre  petit  garçon!  répéla  la  sœur.  Comment?  pour- 
riez-TOUS  m'expliquer? 

—  Ail  !  c'est  juste,  dit  Roblot  qui  comprit  à  la  fin  qu'on 
pouvait  le  prendre  pour  nn  fou,  c'est  mon  nelil-lils  quim'aélé 
volé,  volé  par  celle  femme,  el  que  je  cherche  depuis  trois 
jours...  Vous  comprenez,  n'est-ce  pas  ?...  Allons  tout  de 
suite...  » 

El  il  entraînait  la  sœur. 
Quand  ils  lurent  à  l'entrée  du  dortoir... 
«Attendez,  dit  la  religieuse  à  Roblot,  car  cette  femme  est 
malade. 

—  Je  nié  soucie  bien  qu'elle  soit  malade,  la  gueuse;  don- 
nez-moi mon  eiifaht. 

—  Mon  liicu  !  monsieur,  ayez  donc  un  peu  de  patience  ;  il 
ne  faut  pas  la  tuer,  non  plus...  Voyez-vous,  elle  dort  et  l'en- 
fant est  là  qui  joue  sur  son  lit....  Elle  n'a  pas  voulu  s'en  sé- 
parer, et  comme  sa  maladie  n'a  rien  de  contagieux,  c'est 
une  fièvre  de  lait,  on  ne  s'y  est  pas  opposé...  ■> 

La  bonne  sœur  s'approi  lia  doucement  de  la  jeune  femme 
endorn  ie  ;  elle  prit  l'enfant  dans  ses  bras  et  l'apporla  à  Ro- 
blot, qu'il  appela  aiissilôt  :  «  lion  pa|>a.  « 

Ici  il  l'aiil  iciioiiccr  à  peindre  la  joie  du  pauvre  grand- 
père...  Depuis  le  jour  où  l'empereur  lui  avait  donné  la  croix 
sur  le  cbam|)  de  balaille,  il  n'avait  pas  joui  d'un  pareil  bon- 
heur... Il  emporta  son  petit  garçon  avec  tant  de  précipita- 
tion, qu'il  avait,  à  son  tour,  l'air  d'un  voleur. 

«  Mais,  monsieur,  lui  cria  la  sœur,  j'ai  besoin  de  savoir... 

—  Laissez  donc,  lépondil-il  en  se  sauvant.  Sa  mère  arrive 
aujourd'hui,  il  faul  qu'elle  le  retrouve...  Roblot,  gardien- 
brigadier  au  jardin  du  Luxembourg.  » 


H. 

Le  vol  d'un  enfant,  crime  heureusement  très-rare,  a  élé 
sagement  prévu  et  puni  par  nos  lois. 

Louise  Séchard,  sur  la  pl.iinte  de  Holiint,  comparut  donc 
devant  la  cuiir  d'assisrs  de  Versailles,  le  17  août  l.S.'l  ;  elle 
avait  déjà  pris  plaie  au  banc  des  accusés.  Les  yeux  des  spec- 
tateursseportaicii!  alhi  iialiv.iio'iil  sm  ellr  cl  Mir  Koblot,  qui 
était  assis  au  nomlur  ilr.  ii'inmii,,  ,naiii  -nn  |ii'iii-|iis  sur  ses 
genoux.  Il  avait  l.i  ^i \f  h  mi,  ,1,-  l.i  i-a,li.i,  Ihabil  bleu- 
clair  tout  neuf,  les  rnaiil.'iirs  riiii;j(s  Imcii  loiiniies,  la  poi- 
trine bombée  comme  une  cuirasse  el  où  brillait  sa  croi.x 
d'honneur.  On  ne  saurait  dire  quelles  avaient  été  ses  joies, 
el  quelle  importance  il  s'était  donnée  lorsque,  avant  l'au- 
dience, les  jurés  qui  n'étaient  pas  dans  l'affaire  et  les  habi- 
tués bavards  de  la  cour  d'assises  s'étaient  approchés  de  lui 
en  disant  :  «C'est  là  l'enfant,  n'est-ce  pas,  monsieur? — Oh! 
le  joli  petit  garçon!  —  Vmisêtts  le  grand-père?  —  C'est  vous 
ijui  l'avez retnuivé  à  Elanipes?  —  Vousavezdûbieii souffrir?» 

A  toutes  ces  demandes,  Roblot  répondait  en  frisant  sa 
mousiache,  en  relevant  sa  cravate  avec  une  fatuilé  de  grand- 
père  qui  aiifall  fait  rire  si  sa  vue  n'avait  rappelé  en  même 
temps  une  de  ces  grandes  douleurs  que  tout  le  monde  com- 
prend. 

Avant  dé  retrouver  son  enfant,  il  s'était  toujours  repré- 
senlé  la  voleuse  comme  une  abominable  mendiante  dont  la 
vue  devait  Olire  liorreur.  Même  à  son  retour  d'Elanipes,  en- 
core loill  entier  à  son  indignalion,  il  était  aie  demamler  jus- 
lice,  en  disant  qu'il  n'y  avait  pas  d'assez  grands  supplices 
pour  de  pareilles  créaliii  es  ;  mais  à  la  cour  d'assises,  ses  hor- 
ribles ci.iinlcs  sélaieiil  évanouies;  si's  lonniienls  paternels 
avaiciii  cc-si',  el  au  lieu  deloiit  cela,  il  sentait  au  cœur  cette 
joie  indicible  de  jHisséder  son  eiilaiil,  de  le  leiiir  sur  .ses 
genoux...  Il  pouvait  donc  voirl'accnsi'i'  telle  qu'elle  était,  et 
il  n'éprouvait  à  sa  vue  d'autre  senliiiii'iit  que  la  compassion. 

uSavez-vous,  dit-il  à  son  voisin,  que  c'est  une  belle  lille?» 

En  effet,  Louise  était  belle  :  ses  traits  un  peu  forts,  mais 
arrondis ,  manquaient  sans  doute  de  distinction,  mais  ils 
avaient  une  expression  bien  marquée  de  douceur,  et,  chose 

sini-'iilièie,  dn leslie,  ce  qui  arrive  parfois,  quelles  qu'aient 

éli'  1rs  ■■niiillnics  (lu  corps,  quand  le  cœurn'esl  pas  corrompu. 
Sa  mis.'  cl.iii  rxeiiiple  de  recherche,  mais  non  de  soin.  Elle 
avait  une  atlilude  humble  et  triste  qu'on  aurait  pu  d'abord 
allribuer  à  son  repentir  ;  loulefois,  en  la  voyant  jeter  sans 
cesse  des  regards  lurlifsel  tendres  sur  ce  bel  enfant  dont  elle 
s'était  faite  un  instant  la  mère,  il  semblait  qu'elle  efti  peine 
à  cmnprendii'  sim  ciinie  et  surtout  à  s'en  repentir,  tant  elle 
y  avait  trouve  de  Imnlieiir. 

Aux  premières  questions  du  président,  elle  répondit  qu'elle 
avait  vingt  ans  el  qu'elle  élait  née  au  village  de  Vouneuil, 
près  Poitiers. 

Quand  on  lui  demanda  quelle  était  sa  profession,  elle  rou- 
git et  gardail  h'  silence.  Sur  l'iusislance  du  président: 
«Hélas!  nes-icurs,  dil-elle,  je  ne  suis  qu'une  pauvre  fille 
d'amour,  ayez  pitié  d-'  moi.»  Et  elle  se  mit  à  pleurer. 

Elle  ne  liia  [loiiit  le  f.iil  (ju'oii  lui  reprochait. 

B.  P. 

(La  fin  à  un  prochain  numéro.) 


4-4 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


lies  BoiMSonH. 


^^'^     Bon  C  IDRE  J^''^'^'^' -' 


L'ILLUSTUATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


45 


lies  Boieaoïis, 


LEAL'-DE-VIE, 


iiMà 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


\ 


Bulictla   biblSiOKraythlfiuM. 

Statistique  générale  méthodique  et  complète  de  la  France, 
comparée  aux  autres  grandes  puissances  de  l'Europe;  par 
M.  y  H.  SciiNiT7,i.i!H.  i  vol.  in-8.  —  Paris.  ISli;.  //.  Lp- 
l>run,  rue  du  Hasard-llicliclicu. 


Vr,l 


rajîc  est,  selon  son  :iiil(Mir,  li-  ilowlopipe- 
"imI(.  1;,  v|:,lisli.|iM-:,|.|.liM""':i  1^'  l'i.iiice; 

,..s   ,„,r,T/.w/„.,.,,v  ,/„,»■ /"7'"'""""  "'■y""'"'- 

If  li.l.l.Mu  loiiii.lc'l  (ju  |.;iiu.'l  H,s,'lrlin:nls 
r,,iil    la  !,]■(. -i»-i'ilc,  la  ri.irc,  la  ^raiiilcii]'  il'mir  nalicin.  "  La 


llr  (I.Mil 


ilil 


M. 


M  cxiio^aiil  liii-iiicMne  le 

son  laihc  nu*'  jnlinite  de 

a|i|.nrli'nl  lonli-s  aj'ttal, 

,  à  sa  force  el à 


iHlUl.^s.Ml  liavail,  |..'iil  a.lni.MH. 

maliercs,  mais  a  conililion  <\»  rW 

qu'elles  conlribuenl  plus  im  njciin^  a  sa  i  k  In'sm',  a  sa  lorce  el: 

sa  uloire.  Ce  qui  esl  coniplnenirni  ,  nan^cf  a  l'iiial,  la  staiisU 

que  n'a  rien  à  y  voir.  C'esl  de  la  ,|nrllr  a  ii.c  son  nom,  forme 

(le  l'allemand,  st,n,l.  ou,  si  I'.m.  in.i,  ,lrs  is  .lalusri-ipuUicœ, 

siah,srcg„i,  souv.'ul  plar,-,  r„  1,1,.  ,l,i  i.tiT  ,|,.s  |"-l.lrs  repu- 
hliuues,  eUllionsdi;i/(iir  I  .■  .1,  in,i  .lu  ui,>l ,,/,.(««,  pris  abso- 
lument el  synonjnu'  .l'.l siiualion,  c'esl  aller  a  l'encoiUre 

des  inlenlions  du  tondaleur  de  la  science,  on  monlrer  que  I  on 
esl  dans  une  complèle  ignorance  de  l'origine  de  celle  der- 
nif^re.  »  ,       .    •      ^  •      , 

Après  avoir  délini  la  slatislique  el  l'avoir  jusliliee,  dans  sa 
préface,  de  cerlaines  attaques  injustes,  M.  .Schnil/.ler  se  de- 
mande ce  qui  constitue  son  caracinr  srii-iililique,  passe  en  re- 
vue et  juge  ses  avantages  et  ses  lucuiiveiiieiits  ,  el  termine 
celle  introduction  en  sollicitanl  ainsi  l'indulgence  du  ses  lec- 
teurs :  ... 
'_«  Mieux  que  personne,  nous  sentons  combien  notre  ouvrage 
est  imparfait.  Nous  avons  os,'  embrasser  la  s,ioiii-e  dans  son  eu- 
semble,  non-seuleiiiciil  pai'  lapporl  a  imiIiv  pav^,  I  un  ilos  mieiiv 
connus,  mais  aussi  par  rapp.iii  aii\  pnii.ip:"i^  I  la'.s.lr  rhni-opc, 
dont  nousavons  voulu  lui  iii,-  l.-..iiiiaii,Mis  Ju,  i~,mii  i,  ;;ard  des 
situations  analogurs  d,'.  la  l'iaii,,'.  i:  ,'iaii,  immu  I,-  sa\oiis,  accu- 
muler les  dillicuU.s;  ,  ar  il  a  I  illii  i.iiiiir,  ol.i.lor,  ,  li.Hiiue  dans 
leur  langue,  les  slalislii|iies  (,lli,i,/lli's  ,li-  I'  Vii^h  |,  rii\  de  l'Au- 
triche,  de  la  liiissir  rt  de  la  l'nisse,  quand,  ndaiiviiuiuit  a  la 
France,  inHisavinus  .liqa  à  opérer  sur  des  iiioiioeaux  de  puhlica- 
lions  olliih'llrs \(|iiidles  nous  nous  alla, pilons  l'un  des  pre- 
miers ,  pivsqii,/  i,jMi,s  ayant  été  eoinmeucss  feiileiiieiil  a  la 
suite  de  l'Impulsion  donnée  par  M  le  eouil,'  Dueliàlel,  dans  ses 
DacumenU  statistiques,  t\u]  appaili iil  a  l'auiiie  tsr.i,  impul- 
sion qui  s'est  coniinnniipi,,-  me an  ,l,'li,us.   Nos  riMlierelies, 

nous  le  disons  sans  craiiu,'  d'en,'  ilemeiili,  mil  Puijoui's  l'ii' 
consciencieuses;  mais,  avouons-le  avec  la  même  Irancliise,  nous 
avons  allaehe  encore  plus  de  prix  à  Iracer  le  plan  de  l'edilice,  à 
arrêter  le  programme  de  la  science,  qu'à  porter  du  premier  jet 
dans  lous  les  détails  une  exactitude  minutieuse.  » 

Examinons  donc  rapidement,  sans  nous  préoccuper  des  détails, 
l'ensemble  «  de  ce  tableau  des  éléments  qui  font  la  prospérité, 
la  f  irce  et  la  grandeur  de  la  France   » 

L'ouvrage  de  M.  Schnilzler  se  divise  en  deux  parlies  d'é- 
gale grandeur.  La  première,  qui  vient  de  paraiiie,  a  pour 
litre  :  Territaire  et  populnlion  ;  intérêts  suciuu.c ;  la  seconde,  ill- 
litlllée  Intérêts  prives  et  matériels;  prodiictiun  et  circulalum, 
avait  été  publiée  il  y  a  trois  ans;  mais  l'auteur  l'a  modiliée, 
complétée  el  corrigée,  par  la  réimpression  d'une  douzaine  de 
feuilles. 

L'iiilr,)iliu'tion   géograptiiqiie  plaiée  en  ti''le  du  premier  vo- 

liiiii,'  , pri'iiil  (piall,-  .■liapiires.  Après  un  < auip  il'ieil  général 

||.|,.-.iir|'l-;Nro|H..»l.  Seliiiil/lerappieeie  la  place  ipie  ial'ranceoc- 
cup,',laiisiadl,.  parli,',lii  iiHiiiihe  11  si-  diMiiaiide  .pudies  s,mt  ses 

lilinle.  i,alnrell,.s:   il  , s  apprei i„dl,-.  s.iil  .,■,  iiiilil,-,  a,- 

llh^lles.   les   d,.s,|inel,   ,le|„. ,||.   s, H.  e U'ild ne     i.JT.I.SI,   l,ll,M;, 

carri's,  plus  une  liaeli,Mi;,  l','l,'ii,lue  de  ses  |i,.sM-sions  ir.til.niai 
liilom.  carres),  sou  diamètre  (lOO.j.Tl  kilom.  ,1e  long),  .sa  cir- 
conférence (4,696  kilom.,  doiil  2,240  kilom.  de  Ironlleres  terres- 
tres el  2,456  kilom.  décotes),  son  climat,  ses  lignes isolbermes, 
la  quantité  de  ses  eaux  pluviales.  . 

Un  aperçu  chorograpliique  (chaîne  de  montagnes,  M.liaiis, ,  ii- 
Tiosités  de  la  nature,  formations  diverses,  plai,aii\  ,1  planes 
rivages  de  la  mer,  dunes,  falaises,  Ilols,  louics  ,  i  <  leuniis  ,lr 
fer)  et  un  tableau  hydrographique  (mers,  lacs,  lleines  et  livi,- 
les,  bassins,  cauaiiv),  l'orimuil  les  chapitres  11  et  Ili  du  Terri- 
inre.  Le  idiapiire  IV  el  diouier  esl  consacre  il  l'élal  du  sol  et  a 
Ba  pro  liiclivil,'  naliirelle.  M.  Schnil/.ler  examine  les  diversiles 
que  pri'seiiie  la  lériilité  de  la  France;  il  publie  un  tableau  des 
d,'parleiii,Mils  l'iivisagés  sous  le  rapport  de  leur  étendue  et  de  la 
naliire  ;4,'iiiTale  de  leur  soi;  puis  il  passe  en  revue  leurs  riches- 
ses naturelles,  leurs  productions  minérales,  végétales,  animales, 
eu  les  comparant  à  celles  d'autres  pays. 

Ainsi  arrivé  à  l'examen  de  la  populalion  française,  M.  Schnilz- 
ler consacre  un  premier  chapitre  a  sou  état  physique  el  moral  ; 
il  r,Mli,'i-,  he  ses  ,d,Mii,iits  constilulifs,  il  eludie  sa  langue,   sa 

11,1  m,'  |ili\si  I I  s,  m  caractère;  puis  il  aborde  , '11110  Ion  les  h  s 

^ia\,s  el  ml,  cessa  m,  s  questions  que  presciiltnl  le  cliillie  ,1 
iniis  1,'s  ra|.|.,,ris  loniieriiiues  de  la  populalion;  —  deiioiiibri'- 
ment  n,'ii,aal  ,1  r,'pailih,in  par  ,l,'|!aii,ni,'iils;  —  mouvement 
de  la  1  opidahiii,  i.N  .  /  ^  ■■•-'■  NI  ri^t,  i,nr.-,n..  :  ^  ,<l.  <  rs,  j/iariages);  — 

faits  iiiii„,'ii,|ie-- ■ iii   la    |>..|,ui,:i .lAcué'rale  et   son 

nt(Ulveui,'iil  [fifj'i'ihn,,  „e.,  </(','./  sfi,  •.  ,  j.r.jHirtinn  des  ûges, 
diirre   „t„i/r„i,e    rt  Jurre  jir.ilHiljle    ili-   In   riv,,   —    re|iarlilion    de 

1.1  popiil.iiioii  sur  la  ,  aiiipagiie  el  sur  les  vilh^s,  et  sur  les  liahi- 
talions  en  gi'iieral  (™,«;;,H«,',s-,  li,ih,i„ii,.ns):  —  division  de  la 
populalion  par  class,'  (/"V"'/"'"'*,  nnule ,  pnpiilatien  itrbaine]\ 
—  condili,,!!  ,1,'  l.i  p,.pulali,Mi  a,L;glouieiee. 

D'après  le  i,;i,  II-, '1,1, 'Ml  il,'  Isil  ri'clilie,  la  population  de  la 
France  elail  ,1e  7,1  leillioiis,  un  s,  pi  lime  d,-  ,',dl,'  ,!,■  rKnropi! 

l'illiiu-e,  ,|Ul  poiirlalll  vA  |iIm  .  cl, cl !,■  ,li\-l,inl   1,,,-  ,1  demie. 

Kuc,miparanl,soils,a.rapp,u'l,laF,aii,a-ai,a  le    le-e.,  ,,,al,.s  piii- 

.sancesiha'liurope,  ahslraid I.iu,- ,!,■  le,,,.  |.,,ss.sst,,iis  siluecs 

au  delà  ili's  mers  ou  hors  d'Iùirope,  M.  schnilzler  i-onslale  que 
irois  puissauies  senlemenl  dépassent  la  France  en  population 
ab  iiliiic  Ainsi 

La  monarchie  russe  eu  lùiropi'a  près  de  56  millions  d'habitants; 

La  ci)iii,',lerai,,i,i  e, ic,  7,11  millions  el  demi  ; 

L'ciii|,ir,'  ,1"  Mil,  e  11,  ,     ,  ■uiiii,,iis  et  demi. 

'l'ouUs  |,s  a, II,,     -     s  s,int  dans  un  état  d'infèriorilè. 

Lerovaiii,,,- le  L,  I,,  :,,,!,  -i:ivl;,.;n,'  ,d  ,',-  l'Irlande  ollre  mu: 


cil  II,' 


,1e  la  p,iplllali,,ii  ,1,'  l.i  I ni,,  e;  la    I  i,e;ii{,'  ,ri':iii'iip, 

e  lii'l's,  el    l'I'si-:,'.'    ,'  i,,e,, l'a-.,    1 ,  ,-s -lall.li  iiienl 

r,'  pr,,porli,.ii.  M  ii,,„s  |,ivi,,,i,s  lliali,'  ,laiis  liiii'  :.,, 
<l,'    l:i  popuhdion   ,1,'  l:i   l'i 


,  i:i:. 


■11,' 


llble 


cil.' 


pour  mois  renlenucr  d:,us  notre  Mcille  Liirope,  a  vingt  six  lois 
la  population  du  grand-duclié  de  liade,  a  plus  de  quinze  l'ois 
celle  de  la  Suisse,  onze  fois  celle  des  Pays-ltas  el  du  rorliigal, 


près  de  hiiil  f,)is  celle  des  Etats  sardes  el  des  deux  grands  royau- 
mes K'aii,liuav,'s  ri'uiiis,  huit  fois  au  moins  celle  de  la  Kelgique, 
plus  de  ipialre  fois  elle  du  royaume  des  Denx-Sicilcs. 

En  divisant  le  lolal  dû  au  recensemenl  de  IS41,  :^4,2r,0.1"8 
habilanls,  par  les  chllfres  de  la  siipeHicie,  ',27,686  kilom.  carres, 
on  trouve  la  moyenne  de  la  populalion  relative  de  la  France,  ipii 

,1  de  pré      •    •       ■  ■   ■ 


l:i  i;i 


-llr, 

Jl|s,|ll' 


:ll  ,|a 


elili. 


lili'd,' 


,'ll.'  ,1,'  1  ,   I 


la  lin:..,u  ,M,u,„p... 
une,  5  r,|4.  Mais  la 
1  l'établit  avec  des 
i  âmes  par  kilomètre 


26;  dans  la  1  urquie  d'Europe,  20 
10  1|4;  dans  la  monarchie  suèdo-n 
comparaison  est  moins  favorable  I 
Etais  .secondaires.  Ainsi  la  Belgique  ( 
carré. 

Dans  l'Europe  loul  entière  la  proportion  esl  de  25  îinies,  dans 
le  monde,  de  6  ilmes  par  kilomètre  carré.  L'e.space  n'est  donc 
pas  encore  près  de  manquer. 

L'accroi.ssement  annuel  dépasse,  en  France,  150,000.  Il  est 
donc  d'un  demi  pour  cent  (0,45S)  de  la  populalion  acluelle. 

Les  naissances  sont  à  la  populalion  comme  \  esl  à  oi-oV>,  (On 
eouiple  environ   i  uai-sniices  par  niaria^ie,  el  1  entani  iialurel 

coiiim,'  1  esl  a  l'jr,-12.").  L'cxcedanl  des  femmes  sur  les  hom- 
mes est  de  r.:,  par  i,000. 

La  populalion  des  villes  est  à  celle  des  campagnes  comme 
O.ôO  est  à  1 .  En  d'autres  termes,  la  populalion  frai|çaise  se  com- 
pose de  26  millions  iriiahil'inls  de  la  campagne  el  d'environ 

8  millions  il'liahilMils  ,1,';  ;ill,.s 

Leshabiiii |:iiii,  iiliics  s'élèvent  an  nombre  de  C  mil- 
lions !i(in,oiio,  l.ll,  s  , aiiivrai.'iil,  en  tsrij,  une  surface  de  près  de 
212,(1011  liedan's  Eu  KSëO,  la  proporlion  des  habilanls  aux  mai- 
sons variai!  de  -{  à  7,  el  ollrail  l:i  moyenne  de  5,  quand  on  u'ex- 
cliiail  |,as  le  depio'lemeiil  de  la  Seine. 

Le  livre  qui  suit  a   pour  lilret  :  Z>cs  r„„snmmiiii,.ns  nlimm- 

taires.  M.  Schnitzier  a  divisé  cette  malie n  ,  iii,|  ,'iiapiii,'s  : 

I"  de  la  quantité  el  de  la  valeur  des  snliMsianns  n, , ,  ssaiies; 
2"  les  substances  farineuses;  S»  viandes  ,1,'  I",m,  1,,'ri,';  i"  l,,,is- 
sons;5°  le  sel.  Il  résume ain.si  la  part  indispensable,  chaque  an- 
née, à  chaque  individu  pour  assurer  son  existence  et  celle  de  ses 
animaux  domestiques  : 

Ql'AMITKS.  VALEDIl. 

bec  t. 


Céréales  

Fouîmes  de  terre.  .  .  . 

Châtaignes 

'Viandes  de  boucherie.  . 
Boissons  fermentees.  .  . 

Spiritueux 

Sel 


hcc 


60  fr,  00  c. 


2!) 


hecl.  0  0!l 
kilog.  24  000 
hecl.  1  ir> 
hecl.  0  02 
kilog.    -  ô.-.ri 


0 


00 


103  fr.  58  c. 

C'esl  moins  que  le  calcul  de  M.  I^ulliii  de  Chàteauvieux.  Mais 
en  applii|iiaul  ce  coniple  à  une  famille  qui  se  composerait  du 
père,  de  la  mère  et  ,1e  trois  enfants,  ce  serait  toujours  environ 
tils  francs  qu'elle  aurait  à  dépenser  uniquement  pour  l'alimen- 
lation. 

M.  Schnitzier  a  consacré  environ  cent  pages  de  son  premier 
volume  à  un  tableau  de  Paris  et  à  la  stalistiqne  des  autres 
grandes  villes  de  France.  Nous  avons  souvent  parlé  dans  ce 
journal  de  la  consommalion  de  Paris,  nous  n'y  reviendrons  pas 
ici. 

Nous  passerons  rapidement  aussi  sur  le  tome  second,  inliiulé 
Des  iniéièts  sociaux  (politiques,  moraux  et  inlellecluels).  Les 
.lu,  rs.'s  ,,,i,'sii,,iis  ,pie  M.  Schnilzler  traite  dans  ce  volume, 
,  ,ii  :  1'  l  !  i;ii  ,!:,!, s  son  ensemble  et  dans  ses  résultais  (nom, 
11, ,111,  s  ,1  ,li\i-ioiis  ,1e  l'F.tal);  2°  la  constitution  politique  de 
l'Elal  (le  roi,  1,'s  ,leii\  chambres,  riislindions  sociales),  ri°  la 
constiiulion  religiiiis,'  ,,ii  ,, ,  l,'si:,sii,|iii'  (rapporls  des  cultes 
avec  l'Élalel  leur  ,liv,'isii,'.  ,'iill''  ,'ail,i,li,pie  romain,  cultes pro- 
teslaulsl;  4"  ,iii  k,,iiv,m  ii,'n,,'iil  ,1  ,les  aulorilés  centrales  (les 
iiiiiiisii'i'es  ,1  I,'  I,, IIS, il  d'lhat);5"  de  l'adminislralion  locale 
i.,,liiiiiiisii;ii!,i,,  pcpremeiit  dite,  administration  de  la  justice, 
aiiln-s  ;Mliiiii,isi,'aii,,iis  réunies).  ■ 

!,,■  siip'i  ilii  1,1111,'  ir  isième  esl  la  production  on  de  l'industrie 

eu  H -rai.  Pi  ,ipri,ii' l,,ii,'i,'r,'.  ,',',M,oiiii,'  rurale,  exploilalion  des 

mines  et  des  l'aii  a,',,-,  iieliislii,'  pi  ,,|,i  eiiieiil  di  le,  telles  s,ml  les 
tilri's  de  ses  ipiali,'  i^raiides  divisions.  Nous  leur  empruntons 
seulement  (pielqiies  chillres. 

Le  revenu  de  la  France  est ,  si  les  calculs  de  M.  Schnitzier 
sont  justes,  de  6  à  7  milliards. 

La  propriété  immobilière  représente  une  valeur  de  43  mil- 
liards. 

L'indusliip  agricole  produit,  chaque  année  ,  un  revenu  brut 
dé  5,l05,lir.n,()iiO  francs. 

L'expluilaliop  des  mines  el  carrières  donne  100,0(10,000  de 
francs. 

El  l'induslrie  crée  pour  plus  de  "  milliards  de  valeur. 

II  Qu'on  juge  après  cela,  dit-il,  s'il  e^f  vrai  ou  non  d'allirmer 
que  la  France  est  avant  tout  une  puissance  agricole,  el  que, 
pour  elle,  la  première  source  de  richesses,  c'est  son  sol,  fécondé 
par  le  travail.» 

,    ipiisM'.  dans  le  lome  III,  le  tableau  des  forces 
I     s  iu,liisii'i,'ll,'s<ie  la  France,  M.  Schnilzler 

: ■  IV  (,1,'  la  cii','iil:iliou) ,  son  commerce 

1-,      :  ,r:ibi,i,l.  eu  ;;,'iiei:il,  ilaiis  sa  nature  et  son 


Apr,- 


p:,ih 


sullals  un 

pi. -s  ,r,'iis(i 

lil.' 

'  1 

'Il   1     1 

li,'ldie|'.   1 

ar  rap- 

|ioi'l  aux  11 

al'.'li 

,i,lis,'s  iiiip,, 

1,',' 

1.     ,'N 

aux  p;ns 

,1,'  |,rn- 

1,'his  nos  1 

iris, 

coloniaux  oi 

I..1,, 

','.','„',i 

Ïà'iïis^' 

.,   d.'siri 
>ut  ,M  li; 

dioii  ,1e 
liirelle- 

meiil   Iroi 

deriii.'r,' 

paifail',' 

liiik 

,lac,'    s.uis  t 
,  ilit  H.  Schi 

,ls,'SS,'llli,'|s 

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h. ou 

ri','1 

del'l 
eu  1 

,'   ,1 

,lllli,'il 

hiiip.e,- 

,1  Celle 

:,!,',    ,'11 

l'illiporl:,, 
esl  r:igl'i, 
le  comme 
A  l'éganl 
celui  qui 

,,'  ,1 
illiii 

lui', 
se  f. 

s,'s,'vpi„ila 
',  pcill.'ipal,' 
si    i,,'aliiii,,,iis 

OUI,'!',','  ,'\l,' 

1   :,u   si'ili   11, 

ll,,lll 

II, lus 

■  ,1e 
,'1|,' 

II'"  p.' 

IrN'Ucs 

1,11,'SS, 

'1 1''  1 

-1 la 

,r;'ii„l',''li 

Fiai.,',', 

el.iiil  ,i,l,e  eux  ,' 
id  fail,  <''esl   i|ue 
nombreux  l'étais,  on  voisins 


h.iulains 


delOOmillioiisd'alTaires 
avances,  iii'  soni  pas  I,' 


,  el  que  les  moins  puissants  ou  les  moii  s 
|ibis  a  di'ilaigner  sous  ce  rapport.  Les 
uns  loiiuiissiiii  p. s  iiialieres  premiei,-s  ncces.'aires  à  nos  labii- 
ques  ,1  ,.  1,,  Il  ,i,,ii:i(  turcs;  les  autres  sonl  pour  miusd'indis- 
peiisai  '  le.i:,  1  ,  ,,,1  nous  plaçons  le  surplus  de  nos  produii^ 
natui,  I  "11  1,1  II,,:. ,  inrés,  et  d'où  rellnent  sur  la  Fraio-e  des  \.  - 
leurs  , pu  ,,i, 1,1,1, Oui  el  soutiennent  les  grandes  exploilalioi,. 
I  :,  |i:,i\  a\, ,'  l'iiv.  leur  aniilie  même,  esl  donc  pour  nous  un  ii  - 
1,1,1  i,'l  ,1  puissanl.  Mais  aussi  nousavons  reioniiu.  el  i:'e  i 
1'-  Il  ,,isi,  I,,,'  laii,  ipie  notre  |>a>s  u'esl  pas  encore  arrive  au  poii  I 

I  .  I  i'  ',  ,  ,lmii.e  iralleindre.  r|iiedesrivalilesdeluute  nalu  ■• 
I  ■      :,i  l.-s  pl„s  grands  elloils.  h-s.piels,  d'une  [larl,  dii- 

■  Il  : ,    :iii  p,-lf,'.lio ii.ei.l  lie  la  fahi  iialioii  el  a  relabli^- 

.scin,  lii  il,  iiiyinella.s  el  plus  piumples  voies  de  comiiiunicalioi  . 
de  l'ai, lie,  a  doiim-r  un  nouvel  essor  il  la  uavigaiiuii.  La  mère  , 
le  champ  de  bataille  pacili,|ue  des  plus  grands  inlerèls  niodei  - 
nés.  L  Europe  elouUè,  assiire-l-on,  dans  ses  limites  acluclle>  . 
rhomiiie  esieiiiaucipe;  mil  i,e  resle  plus  aliaché  a  la  globe.  Poi  i 
salisfaire  les  lii's,,iiis  loiij,,urs  ,'i',,issaiii-  d'une  socièle  qui  s'agii  ' 
à  la  recliirclie  ilu  bi,  ii-,'lie,  d'un,'  d, '111111  lalie  ardenle  qui  vei  1 
meure  s,,n  aisaïu'e  au  ni\eau  de  sa  ci\ilisalion,  il  faut  que  1,- 
monde  enlier  devienne  Iribulaire  de  nos  arls,  de  noire  iiidi;- 
strie,  de  nus  idées.  L'Amérique  méridionale,  sans  parler  d- 
celle  du  Nord,  esl  déjà  englobée  dans  la  sphère  dfs  inléréi 
européens;  iiiainleiiaiil  W  vieil  (nient  nous  appell,-;  de  gie  , 


lr,,iilieres 
1,'llie  li,-ii( 
iil   la  roule 


m  fr 


ehi.'s 
lOll  II 


i,l(CS. 


la  Pli 


doul  environ  sept  on  huit  font  avec  elle  annuellcinenl  pour  plus 


dence  s'accomplissent  de  jour  en  jour;  l'humanile 
sera  plus  qu'une  famille.  La  France  est-elle  eu  mesure  de  1, 
vendiipier  sa  part  à  ce  grand  mouvemenl'?  Sa  science  comno  1 - 
ciale,  sa  marine  marchande,  ses  lemlaiices  il  expiinsion  sonl-elli 
à  la  hauteur  ,1e  celle  nii-sion,  qu'.'ll,'  n'aurait  i;ar,le  de  se  l.,i-- 
sereiileverri'Jlles  I,- s, ■roui  ,1e  plus  .'i,  plus,  non,  eu  av,.ns  p„ii, 
garants  sa  pas.-ioii  ,les;;i'aii,li'S  ,'lio-es,  si,n  amour  de  l' mil iaiiv,'. 
sa  géuéi'i'Use  aiiibilioii  il'èire  toujours  en  lèle  du  prof;res.  l'I 
c'esl  dans  l'esperauc,'  di-  couliihuer,  de  notre  humble  pari,  a 
préparer  un  Ici  resiillal,  que  nous  a\ons  ébauché  ce  livre,  mal 
heu,eu^eniei4  .sius  assi  z  conspllcr  nos  forces,  et  en  écoulai, 1 
Irop  peut-ètrp  npjre  afilt;|i(  (Jésir  d'être  «(ile.  >> 

Des  lois  agraire^  clmz  les  Bomains,  par  M.  Amonix  Maci  . 

I  vol.  in-8.  —  Paris,  chez  Jouberl,  rue  des  Grès,  H. 

Ou  s'est  bien  soiivenl  préoccupé  de  celte  grande  question  d, 
lois  agraires  ipii  douiiiie  presiiie  loule  l'Iiisioire  de  la  républi,]i 
romaine,  el  ipii  olire  un  iiiP'ièl  égal  à  l'hi-loiieii,  a  l'ecouono 
et  au  puliluisie.  liieii.  eu  ellet,  mieux  cpie  l'i-lnde  de  ces  i- 
agraires  si  fi',',|ii,'ii,iii,'iit  pi'up,'S,'es  par  les  Irihuiis  du  penp. 
ne  peut  nous  l'claii.'r  sur  l'Insloire  iuli'rieiire  de  K,,nie,  soi 
consliliilioii,  sur  la  siliialion  où  se  Irouvaieul  l'iine  vis-a-vis  . 
l'autre  les  diverses  classes  de  la  république,  sur  les  causes  1 
ces  luttes  incessamment  engagées  entre  les  pairiciens  el  1 
plébéiens,  el  surloul  sur  la  misérable  comlilion  de  ces  demi,', 

Malgré  le  grand  nombre  de  savants  travaux  entrepris  sur  les  1, 
agraires,  bien  des  piéjuges,  bien  des  idées  faussis  siil-  il:,,,  m 
encore  sur  le  vi'rilaliie  caraclère  de  ces  lois.  Ile\ii,  .  ,s,\i-ii,, 
Nlebuhr,  Holliuaiin,  avaiiul  sans  (fîuile  sin^oli,  11  1,  ,  ei  ,  ,1,  m 
ce  point  obscur  de  la  coii-liliilioii  romaine.  ,M.iis  il  leip  1  laii  ,' 
populariser  les  résullai-  auxiimls  ,'iai,'i,i  :,iii\,'s ,  ,'s  ^,aiii:s  ,  - 
prits;  il  fallait,  de  plus,  ,',,iii|,l,'i,.r  l.'ins  ir.ivanx,  I,  s  r,'iiii'  r 
sur  plusieurs  poinis,  dissip,  r  [^'^  iliiii,  -  .jni  1,  siaieiii  ,'!i,','r,'.  ,1 
rendre  dorénavant  loule  objecliou  iiupossihle,  loule  conleslalioii 
superflue.  Le  livre  de  M.  .Mace  reui|dil,  ou  peut  le  dire,  loules 
ces  conditions.  Écril  avec  simplicité  cl  n,  uele.  il  nous  donne 
sur  les  lois  agraires  tous  les  éclaircisseiueuls  que  nous  pouvions 
désirer.  M.  Macé  ne  dissimule  point  ce  qu'il  doit  a  ses  ilevaii- 
ciers  :  il  rend  loyalement  à  chacuirce  qui  lui  appailient;  la  pail 
qui  hii  resle  dans  ce  beau  travail  est  assez  grande  pour  qu'il  s'en 
puisse  contenter. 

Après  avoir  lombaliu  les  opinions  fausses  émises  sur  les  1.  i 
agraires,  el  delruit  les  hypothèses  erronées  enirepriscs  pour  : 
expliquer,  M.  aiacè  iléteimine  le  vérilable  caraclère  de  ces  1,  ■ 
Elles  n'avaieul  il'aulre  but  que  de  parlager  enlre  les  .  iiex 
pauvres  ces  li'rres  cumpiises  devenues  duniaiiies  ,1,    Il  :    1 
injnstemenl  usurpées  par  1,'s  grands.  Jamais  elles  ne  -  .il  , 
rent  aux  propri,'l,'s  p;irliculières;  loin  d'êlre  revolulioiioa: 
elles  u'avai,'iii  leii  ipie  de  legilime  et  devaient  avoir  pou, 
repiibliipe  1,'s  ,  ,,ns,',|iiences  les  plus  avanlageiises.  Au  lien  d', 
cuser  1,'S  li'iliiiiis  ,|iii  les  proposèrent,  il  faut  accuser  l'arisloi  1  1- 
lie,  ipii,  plus  soiicieus,'  de  ses  inlérêls  que  de  ceux  de  l'tlal. 
s'obstina  pi','s,pie  conslammenl  à  en  ,'uipécher  rexeciuion.  La 
couduile  ,les  palriciens  de  Rome  élail  ,raulanl  plus  blàmabh', 
qu'en  faisan!  rejeter  les  lois  agraires,  ils  ne  poiivaitiil  cepen- 
daulen  mecouujitre  la  parfaite  lègilimilé.  L'Eial,  en  illél.  con- 
tre qui  la  loi  romaine  n'ailmellait  point  de  prescriplien.  avail 
toujours  le  droit  de  ripremlre  ses  lerres,  dont  il  n'avail  coure, I 
que  là  possession,  et  dunl  les  giands  voulaient  s'alU  ibuer  la  7. 
paillé. 

U'exéculion  des   lois  agraires,  comme  le  montre  tiès-bi, 
M  S|acé,  eût  assuré  des  moyens  d'existence  à  la  classe  iudigen: 
débarrassé  Rome  , l'une  populace  im|uiêle  et  turbulente,  la\' 
risé  les  progrès  île  la  cullure  par  le  morcellemenl  de  la  t,  1 
empêche   ursiibsliliiliiui  dans  les  campagnes  de  la  populah' 
servile  à  la   populalion  libre,  et  donne  à  la  répu|)liqiie  des  .,1 
mées  vraiuieiil  roiiuiiues,  des  soldais  robusli's  cl  courageux, 
I.'arisioi'ralie  ruicaiue,  en  refusanl  Ions  ci-s  bienfails,  fut  cau-e 
de  la  ruine  de  l:i  république  et  de  sa  propre  ruine. 

Ilidlmauu  avait  seul  esave  une  enumeialion  de  louics  les  1 
agraires  prop-sies  a  limile.  l\l.  Mace  l'a  ,  ,.iu,.lel,  e,  el,  de  pi. 
il  l'a  accompagnée  de  s:,ges  el  ingenieusis  appiecialious.  Clia,| 
loi  esl  ccnimculèe  a  son   tour,  el  disciilce  a  l'aide  îles  auci, 
textes.  M.  Mace  nous  dit  les  circonslauccs  qui  l,i  lirenl  puq  os, 
el  les  cmiseijuences  qu'elle  devait  av,ir  pour  l'Elal    l'Iiisu  1 
lois  même  nous  sonl  |  reseulees  sous  un  jour  (oui  nouveau.  1 
louaiiciis  il,'  Licinius  Stolon  sonl  mieux  cxpliiiucis  quelles  ne 
l'a'v.ii,  ni  cl,'  jusqu'ici;  |a  loi  de  Sei^vilius  Riilius,  si  niallrailéc 
par  Ciccnui,  esl,  pour  la  première  fois,  rétablie  daus'son  vérî- 
l:ible  espiil. 

Celle  hisloire  critique  des  lois  a^niresesl  pieccdee  d'une  lon- 
gue disserlaiion  sur  II'  dom;  lue  piblicde  llonu'.  qui  eu  l'àcitjle 
l'iulelligenceel  in  ai.h.nil  d'avance  b  s  dilliculles. 

L'ouvrage  se  lermiue  par  deux  autres  disserlalioDS  iniporlai)- 
les,  qui  nous  f,uil  voir  sous  louusses  faces  la  queslien  des  lois 
agraires  ;  la  pu mière  de  ces  deux  disMUlaliens  Italie  des  colc- 
iiies  remailles  ;  la  s,,  ,,ii,l,'.  des  dislribnlions  de  Urres  faiUs  aux 
s,,l,l,'is  ,1:  1  s  1,  s  ,1, 1 1  s  années  de  la  rcpublique. 

II  II  1,  I  '  1  1  :  il  son  ouvrage.  M.  Macé  niontre  la 
Cl  i.M'  M.:  1:1  i!,'  ,  :  ::;:  >  ,1  de  Savoir.  Son  livre  esl  un  de  cpn 
ouM.igcs  iiùU.s  1 1  Miiiswciicienx  qui  reslelpnl.  Il  esl  indispen- 
sable a  quiconque  désire  connaître  l'hisloire  de  la  réi'.iibliqiio 
romaine  el  celle  des  civilisations  passées.  a. 


L'ILLLSTRAÏION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


47 


FRMCS 

PAR  AN 

POUR  r\;{is. 


M^A  PRESSE 


48  FRAMS 

PAR  AN 

poiR  m  depai!Ti:)ii;ms. 


LE  SEUL  JOIHWL  lOiUIAT  DOUBLE  M  ŒHl  m  SIÈCLE 

Ail  iti'ijr  fie  -iO  fr.  /tous-  l*ai-ia  et  (le  SS  ff.  ttotti'  les  tléttarleÊiieiilg. 
RUE  MONTMARTRE,  N.   131,  DERRIÈRE  LA  BOURSE,  EN  FACE  DU  MARCHE  SAINT- JOSEPH. 


Fondée  le  1*'  juillet  1856,  la  Presse,  journal  des  principes  jnonarcliiques  et  des  intérêts 
populaires,  occupe,  parmi  les  journaux  français,  le  rang  qu'gccupe  le  Time»  parmi  les 
lonniaux  britanniques  ;  elle  assiste  le  gouvernement  sans  être  dans  la  dépendance  d'un  ea- 
•  binel  ;  elle  dlslin^ue  entre  les  principes  ipii  l'ont  la  force  et  lu  durée  du  pouvoir,  et  les  actes 

3ui,  trop  souvent,  en  font  la  laililcsse  et  l'iiislabilité.  Comemr  et  maintenir,  telle  est  la 
onble  limite  de  son  concours  et  de  son  opposition. 

Conséquente  avec  ses  doctrines  économiques  en  matière  d'impôt,  lesquelles  consistent  à 
prétendre  que,  plus  les  taxes  prélevées  sur  le  contribuable  sont  luudéréi's,  et  plus  elles  sont 
productives,  la  Presse,  sans  se  laisser  arrêter  par  les  attaques  des  journaux  radicaux,  a 
montré  que  ce  qui,  pour  elle,  était,  en  tliéoric,  article  de  fui,  n'était  pas,  dans  l'application, 
objet  de  doute  !  Elle  faisait  des  bénéfices  considérables;  elle  n'a  pas  hésité  à  en  consacrer  la 
plus  forte  part  à  l'agrandissement  de  son  format. 

En  1831),  lorsque  la  Presse  vint  prendre  place  dans  le  journalisme  à  80  francs,  désinté- 
rêts blessés  se  récrièrent  violemment  et  nièrent  qu'elle  pût  marcher  sans  augmenter,  tùt  ou 
tard,  son  piix  d'abonnement!  C'est  en  marchant  qu'elle  a  répondu  à  ses  négalcurs. 

Non-seulement  elle  a  triomphé  de  toutes  les  hostilités,  de  toutes  les  incrédulités,  non- 
seulement  elle  les  a  contraintes  à  marcher  plus  ou  nu)ins  timidement,  plus  ou  moins  tardi- 
vement à  sa  suite,  non-seulement  elle  s'est  maintenue  sur  ses  bases,  mais  encore  elle  a 
DOinLË  son  format  sans  augmenteb  son  prix  ;  elle  l'a  même  rédi:it  pour  Paris  de  (8  à  iO  fr., 
consacrant  ainsi  la  première  révolution  parce  qu'elle  avait  été  faite  par  une  seconde  non 
moins  radicale,  non  moins  décisive. 

Doubler  IViendue  de  son  format  sans  augmenter  son  prix  d'abonnement, 
par  le  fait,  n'était-ce  pas  encore  réduire  celui-ci  de  moitié'/ 

Grâce  à  cette  augmentation  de  son  format,  qui  lui  a  permis  de  compléter  le  cadre  de  sa 
rédaction,  la  Presse  publie  : 


Tous  les  jours,  un  Boman-I'euilleton  de  cinq  cents  lignes,  signé  des  noms  les  plus  cé- 
lèbres de  la  littérature  ; 

Un  Feuillfion  i-<>iiiiii<-r<-i:il  donnant  le  cours  de  tous  les  effets  publics,  actions  de  che- 
mins de  fer,  acHllrl^  iii\i'iM<  cmIiv^s  au  parquet  et  hors  parquet  et  njarchandises;  les  décla- 
rations de  faillucs  cl  liiiilr>  1rs  nmivelles  de  quelque  importance  intéressant  l'agriculture,  le 
commerce  et  les  expédilicms  iiiarilimes; 

l'n  Bulletin  du  monde  judieiaire.  OÙ  il  est  rendu  compte  de  huis  les  procès  de  quelque 
intérêt. 

Toules  les  semaines  : 

Le  lundi,  un  Uulletin  du  monde  ihéàlral .  par  M.  Tni':OB>lliLE  f^.trTillER: 

Le  mardi,  un  Rulletln  du  monde  lilloraire.  ou  ciiuipte  rendu  de  tous  les  ouvrages 
importants,  par  M.  el'GÈ^ml:  PiCLl.i-"i'.4.\: 

Le  mercredi,  un  Bulletin  du  monde  agronomique.  OU  Compte  rendu  de  tout  ce  qui 
intéresse  le  progrès  et  la  prospérité  de  l'agriculture,  par  M.  PA1'l-;i\.  meiiibre  de  l'inslilul, 
secrétaire  ]>prpéluel  de  la  suciélé  royale  et  cenirah  d'ayriculture  ;  Mttl.L,  professeur  d'agri- 
culture au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  et  ÊLl'SKE  LEFEBVRE; 

Le  jeudi,  un  Bulletin  flu  monde  scieniàfif|ue,  OU  compte  rendu  (Ics  travaux  de  l'A- 
cadémie des  sciences,  de  l'Acadéniie  de  médecine,  de  la  Société  d'encouragement,  etc.,  etc. 
par  M.  DOI'ÈKE,  professeur  à  l'Kcole  centrale  des  arts  et  manufactures  ; 

Le  vendredi,  lui  Bulletin  de  rarm«-e.  lettres  écrites  de  la  caserne; 

Le  samedi,  un  Bulletin  du  monde,  le  4'<iurrierdi-  Paris.  pLir  M.  le  vicomte  l'BAR- 
LES  »E  I.AIXAI  : 

Le  dimanilie.   un  Bulielin  du  monde  religieux: 

Divers  articles  Variétés  par  les  criticiues  les  [iliis  exercés. 


FEUILLETONS  : 

fEit  voura  île  ttttbtiettfioit  tlegittis  te  :tO  mai,  Ul'MT  vnttitàie»  nul  tléjts  pat-it.) 

MÉMOIRES  D'UN  MÉDECIIV 

PAR  ALEXANDRE  DUMAS. 


Ton«i  le»  al>4»nnéK  ii 
meut  U**»  IIIIT  volume 
•  rasr   |ial|>il»nl  irinf*:' 


ii%raux  recevront  £ra(ui(r- 
«|iii  ont  cl«'-j:i  paru  do  rot  4»u- 
1*1.  i|ui  ombraHHc  «ouïr  la  fin 
rlii  (lix-huiti(-nip  KÎtVio  ol  «oiitc  la  promit^ro  parii*' 
du  (lix-nrii«it^nip- 4l-'iivrr  de  prrdilc^etion  «le  l'aiiloiir 

df  la  rkixf:  :vi \r(;ot.  di-^  tkois  :noi s^KiAiurs 
«•I  de  Mw\'rK-<  RiHio.  irN  iir:fioiRK:*«»  n*r\  .nicnc- 

l'l\  fiont  appelés  À  reproduire  le  succ^.s  ni  éclatant 
et  Ni  populaire  de  ses  devanciers. 

LES  PAYSANS 

PAR   n.   IIE  BALXAt'. 

VALCKEIISE 

PAR  M.  JULES  SANDHAU. 

LE  VEAU  D'OR 

l'Ai!  51.  FlîHDÉRIf,  SOILIÉ. 


E.:t 


|>ai 


«en 


fleiMiiw  leniaria;:e  de  Murie-Autoinelto  jusqu'à  l'an- 
néi-    JÎWti. 

l.:i  set'oinle  partie  eouiprendra  les  six  îiniiées  tl,: 
I  •}%:*  i,  i  ?»4.  e-e-«t-:i-dire  depuis  la  prise  de  la  Kas- 
lill«>  JBis(|u*:\   la  dernière  eharrelte. 

l*iiis  liemlront  tour  à  tour  le  DireetoSre,  l'Empire, 
la  Restauration;  tous  les  «''téuemeulseontempoB'ïiîus 
repasseront  ainsi  «levant  nos  ^eux. 


iiu    traité   aul 
[Mit  l'enreuislr 


eoùfé  rt..?»!»  fr. 


dans  la  Presse 


is  ne  peut  pu 
et  le  <  uiislilii 


En  nvril   tii>*V> 


CONFIDENCES 


BX.  ALPHONSE  DE  I.AIŒARTINE 

:e(  ouvrage,  appi'lé  à  vivre  éternellement  et  à  prendre,  dans 
les  bibliothèques ,  le  rang  des  Confessions  de  J.  j. 
Rousseau,  a  été  acheté  et  payé  «luaranle  mille  francs 
par  les  propriétaires  de  la  Presse  à  M.  de  Lamartine.  Ce 
sont  les  Mémoires  de  sa  jeunesse. 


.4  l'<^|>o<iue  ■•«•Sfpvt^e  |iar  rnaitrur: 


MÉMOIRES  dOUTRE-TOMBE 


U.  PAU  LE  Wmm  DE  (JIATEAUBRIAIVD 

Le  droit  de  publier  ces  importants  Mémoires,  écrits  pour  la 
postérilé,  a  été  acquis  par  les  propriélaires  de  ta  Presse 
moyennant  une  somme  qui  dépasse  cent  mille  rrant». 


GLACES,  SORBETS, 


r.liam|.;i;;lli-rr;i|.r"-  |.:ir  l.'S  \<\o-^  :,T:oi.lrs  ,  l,;,l..i]i;:,  I' ,i,l,.  ,1e  l'in- 

(■ènictix  pciit  Ap|.;iri.-ll  <\e-.  fmltieiéfeH  iinriaiennea, 
i%,  Oaiilevartl  f*»isaon»tièi-t^,  ei»  ffiee  tie 
In  rtie  ilit  Senlieê'.  Les  Rappnrls  de  l,i  Sncii'ii'  il'en- 
coura^enii'Ml.  ili's  llnp{|un\  iiiililiiircs.  le  c  (nnpte  rendu  ric  l'illvs- 
trulion,  lu^  niiijihriMsi's  li'lln'>  iW  fcliiiimiori  c'nvoj'èesaux  Iiiveii- 

tsurs,  Icnioi^ncnl  île  \:\  I !••  'Ii'  ii'-  AiipiÉivils  ipii  proserivpiit  les 

aeiiles  ilangi- \.  i-l  fomlinioii'nl  ;i  l'ji.l.-  iriiii  Sel  hreielé,  aussi 

imiOciisirque  le  Si  I  de  ciiisinis  —  Prix  de  ces  .\ppareils  :  18,  SS- 
CI S5  fr. 

S  'rhelières  indispensables  pour  les  soirées  d'hiver  à  la  campa- 
gne. Prix  :  25,  38  et  55  fr.  —  La  brocliurc  explicative  et  un  tarif  des  accessoires  tels  que  Sels, 
rr.ppe-carafe,  inesoro,  elc.,  seront  envoyés  «ralis  à  tomes  les  personnes  qui  en  l'eronl  la  de- 
mande ifiaiico]  au  Depot,  boulevard  Poissunniére,  12,  en  face  de  la  rue  du  Sentier.—  Expériences 
piihliques  tous  lesJoiir>  à  2  heures. 


CHATEAU-ROUGE 

(CIIACSSEK    CLlGNANCOt  RT). 

.Soirées  musicaleset<laiisaii- 

tes,    les    dimanches,    lundis, 

jeudir.  Entrée  :  2  francs. 

Les  samedis,  grande  fête.  Eu- 

tne  :  5  francs. 

JARDIN  MABILLE 

(CriAMPS-EI.VSEES). 

Soirées  musicales  et  dan- 
santes. —  Les  diinaiidies  et 
jeudis  :  Prix  d'entrée,  1  fr. 
.•iO  c.— Les  mardis  et  Si>medis  : 
Prix  d'enliee,  3  fr.  —  Keslaii- 
ranl  el  calé. 


LONGUEVILLE, 

10,  rne    Richelieu,   prés  le  ThéAtre-PrançBla. 

CHEMISES. 


A  HENRY  1". 


R.  Z.EVILX.A'Z'ER ,  CHEMISISn.,  22,  rue  des  Filles- 
.Saint-Thonias,  au  coiii  de  la  rne  Iliclielieii.  Nos  ahoiiiiés  nous 
sauront  gre  de  leur  f.i  ce  couiuilre  le  cliangenieul  de  domicile 
dl:^  maga-iiisde  C.henn^es  l.evillayer,  dans  lesquels  si!  trouvent 
réunis  le  bno,  le  beau,  le  bien  fait  et  le  bon  marche.  Les  étran- 
gers ^onl  enniigev  a  visiter  ce  vaste  elahlissenienl,  où  ou  leur 
ili^irihiei-a  un  |iri\-eoiiranl. 


AItTICLES  SPKCIALX  DL  L\  MAISON 

DEMARSON  ET  CHARDIN, 


Farlui 


iirs.  /■■'*  du  Ihi,  rue  Saiiil-Marli 


SAVOX  m  tili'.s««E  au  l'ait  damande If.  :;0 

EAl  iii:  Tttll.ET'I'E  de  la  Duchesse 2        i> 

POritREet  i:ir  dentifrice  du  Docteur  Oiïmanii.   I       T.'i 

ÏI.WKillE  >li'  TOILETTE  supérieur 1      m 

BOITFS  et  SACIIET.S  à  gauls  pour  étrennes.  (Nouveautés). 


I  î?  PniXCM  ÏT   irt'IIIt'D     comme  tout  produit avan- 

Lb  LnUllULAl  UlLlIILlli  tageiisement  connu,  a  ex- 
cite la  cnpidilé  des  contrefacteurs.  Sa  lorme  particulière  et  ses 
enveloppes  ont  été  co|iiées,  et  les  médailles  dont  i!  est  revèiii 
ont  été  remplacées  par  des  dessins  aiixiiuels  on  s'est  cITorce  [le 
donner  la  inéine  apparence.  Les  anialenis  de  cet  excellent  pro- 
duit voudront  bien  exiger  que  le  nom  Hémei  soit  sur  les  éti- 
quettes et  sur  les  tablettes. 

Dépit,  passage  Choiseul,  21 ,  et  chez  un  grand  nombre  de  phar- 
maciens et  d'épiciers  de  Paris  et  de  toute  la  France. 


ENVELOPPES  POSTALES  ^^^V^n^^"âfl 


.pes.qoi   ,.|,l  ivell 

'apM.. 

>:ili<.M  ,lv  M.   !•■  IHiiliTIL 

M:M  UAL     1)K 

s   PoMLS 1   ele  1 

•    Mijrl 

, l'une   «leelMon    .le    M.    1 

MiMSTllE  l) 

S  Finances,  pour  e 

-,.,■  l'eniplni  avee  no  „; 

cachet  au  1 

en  de  trois,  exij^es 

«llirle 

nurl, s  de  luiineol 

dinaire   Ve 

Ile  en  gros  et  en  d 

•lail,  a 

la  PAPETXBIE  MA 

Riou,  1  ; 

cilc>  Bergère. 

1/ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Chnpelle  des  Hantes  du  Saint  -  ^nerenient, 

CONSTBIITE   EN   1845   ET  1S46   A   AnRAS. 


La  conerégation  des  dames  du  Saiiit-Sacremenl  vipiit  de 
doter  la  ville  d'Arras  d'un  (édifice  religieux  fort  remarquable 
au  point  de  vue  de  l'art,  en  construisant 'à  ses  Irais,  dans  le 
style  Bothique,  une  chapelle  qui  fait  le  plus  grand  lionneiir 
à  M.  Grigny,  jeune  arcliitecle  dont  le  talent  vient  de  se  révé- 
ler ainsi  à  sa  |ini\iiici'.  ,.111. 

Établie  sur  un  snulKis^einent  en  grès,  celte  chapelle  est 
édifiée  en  cahaiir  ihii  diipays;  sa  forme  est  celle  d'une  croix 
latine  à  une  seule  nef;  ses  proportions  sont  :  42  mètres  de 
longueur  dans  «ruvie  sur  9  mètres  de  largeur;  25  mètres 
d'une  extrémité  ù  l'autre  du  transsept;  20  mètres  de  hauleur 
sous  clef  de  voûte;  la  llèchc  a  KS  mètres;  enfin  la  hauteur 
totale  de  l'édifice  du  pavé  au  faite  est  de  28  mètres. 

L'intérieur  se  divise  en  un  narlhex,  une  nef  de  cinq  tra- 


vées; deux  clinpelles  (le  congrégation  s'allongeant  le  long  du 
flanc  occideiilal(leç|i;ii|ue  croisillon,  un  transsepl,  une  abside 
pentagonaie  et  un  pouilour.  Au-dessusdii  narlhex  o^;ival  abou- 
tissant aux  cloîtres  de  lacommuniiuh'  sijii\reiil  Ikhn  ;ireiides 
lancéolées  qui  vont  joindre  les  voiiles  ei  1  vIll|,ll^^e|||  idule  la 
largeur  des  deux  tiers  supérieurs  du  Idinl  ;  le--  iieiMins  qui 
les  forment  se  croisent  en  réseaux  élégants  à  leur  amortisse- 
ment; les  trumeaux  qui  séparent  les  ogives  portent,  sur  un 
écusson,  soutenu  par  deux  ang<>s,  le  monogramme  de  la  Vierge 
Marie;  un  hullet  d'orgues,  dont  M.  de  Caumont  a  signalé,  au 
congrès  aiehi'iiIngiqiK'  de  Lille,  la  composition  comme  Irés- 
remarquahle,  iciupliiii  ces  arcades  et  répondra  au  style  de  la 
chapelle  par  la  sculpture  de  ses  bçiseries. 
La  nudité  des  parois  de  la  nef  et  des  transsepts  se  trouve 


déguisée  par  des  arcatures  flamboyantes  trilobées  ;  de  hautes 
fenêtres  à  oeux  meneaux,  dont  les  flammes  au.tympan  dessinent 
des  cœurs,  ne  laissent  presque  aucun  plein  Ji  la  niiiraille  ;  des 
faisceaux  de  nervures,  partant  de  la  base,  sépareiil  les  fenê- 
tres et  s'élancent  d'un  seul  jet  sur  les  vnùles,  .ni  ils  se  nnil- 
tiplient  en  arceaux  croisés  ;  chaque  clef  diiitiisii  Ihhi  esl  un 
bouquet  de  feuillage  environnant  le  monogr.iijiiiie  de  la  \  ier- 
ge;  les  cinq  clefs  do  la  croisée  ont  reçu  l'agneau  pascal  et 
les  symboles  évanséliques  ;  la  clef  absidale  représente,  sous 
l'emblème  du  pélican  entouré  de  ses  petits,  l'Église  distri- 
buant à  ses  enfants  le  pain  de  la  vie. 

Le  fond  du  bras  de  croix  méridional  est  occupé  par  des  ni- 
ches surmontées  de  dais  et  pinacles,  dans  lesquelles  sera  pla- 
cée une  Adoration  de  la  Vierge  par  des  anges  vêtus  de  lon- 
gues robes  llottantes.  A  l'exlrémité  opposée,  un  porche  scul- 
pté donne  entrée  dans  la  chapelle;  autour  de  l'abside  règne 
une  clôture  en  pierre  déeoMpée  à  jour,  qui  laisse  apercevoir, 
dans  le  fond  du  niiiil-|ioiiil,  six  rosaces  à  conqiarlimenis 
flamboyants;  eiilre  chacune  de  ces  rosaces  viennent  hulersur 
des  consoles  de  h'uiilage  les  iiei  viik  s  îles  vnùles  ramifiées 
du  pourtour;  le  fond  de  riiiiMile.  nu  ikIi,'  |:;ii  qnalie  hautes 
fenêtres,  montre,  enlnuri'e  de  ileii\  ,iii;:rs  ihi  1  iel  et  de  deux 
religieuses  de  la  terre,  la  liguic  du  Christ  leii:iiit  d'une  main 
un  e;ilice  et  de  l'autre  l'hostie  sainte. 

A  l'exiérieiir,  l'édifice  ne  se  présente  pas  moins  bien;  cette 
suite  de  l'tnétres  archivoltées,  (|ui  rendent  la  muraille  trans- 
parente, les  légers  frontons  à  jour  qui  surmontent  chacune 
d'elles,  les  contre-forts  qui  les  séparent,  les  clochetons  em- 
bellis de  maintes  crosses  végétales,  la  galerie  trilobée  qui 


couronne  le  mur,  les  arcs-boulants  an-dessus  du  pourtour 
du  chieur,  oITrent  un  aspect  imposant  et  gracieux  tout  à  la 
lois.  Le  transsept  nord  est  précédé  d'un  porche  que  décorent 
des  archivollcs,  des  festons  et  des  niches;  un  pilier  symboli- 
que, élevant  sur  une  colonne  torse  pointée  la  statue  de  la 
Vierge,  sépare  ce  porche  en  deux  entrées;  plusieurs  légers 
contre-forts  flanquent  ses  angles,  et  sa  grande  ogive  en  acco- 
lade est  encadrée  dans  1111  ri'sejii  di'eoiipé,  à  travers  lequel 
apparaissent  les  oniemenis  du  |iiguiiii  et  ses  rampes;  le  bou- 
quet re|irésenle  un  aiiLie  nlli^nit  j  l;i  ville  le  saint  sacrement; 

eiilii Ilêelie  lusée  sue  un  nrln-mie  au-dessus  du   portail 

oeeiil,  iihil  i'.|r\e  l'i  .'Is  nieller  ,l,lll^  les  ;iiis  1:1  e|-oi\  qui  ta  ter- 
mine; celle  lleetie,  eiiliri eineiil  (I,m-,.ii jiée  eu  dentelle,  ne 
sendilc  reposer  (|UB  sur  quelques  eiiliiiiiielti  s. 

Les  vingt-quatre  fenêtres  qui  éelaiient  cette  chapelle  sont 
décorées  de  vitraux  en 
]iersoiui;ii;es  et  syudiole 


Mlr;in\ 


vailles  iittiautaux  tympans  diven 
relii.'ieiix  ;  les  roses  seul«s  sont  or- 
ient '    ■     ■■ 


L'aille 


eut 


ie|,reseiilera,  sniis  s 

■;'iiiies,  elmnétahle 

l'uni  l'iii  liêviuieiit  (Ici  cite  1 

•iiliun  de  l,ii|nelle  M.  Cii'.'nv 

•t  /l'téileM.  Iliuii.ehiii-é  ,1e 

rAniieiiv,,li,ii-e,lelaM-nl|>lu 

uiruiit  Mifli.  et  tes  (li')ieiiM  s  i 

yahtenient    iuudii|iie   de 

imine  el  dans  l;i  même  ville 


inc 


a  table,  une  châsse  fi  trois  nefs 
uecuperale  liuul  dusanctuaiie, 
eiivre  reniai  i|n;ihle, dans  l'exé- 

;i  le^ii  le  rulHuiiis  intelligent 
1,1  sl.iliiaiie,  el  de  M.  Dutliuit 
le  (lei  iiKitive,  deux  ans  il  peine 
iiiiiinnl  |ias  dépassé  le  ciiilhe 
i,"iU,ti(ill  l'r.  Pour  cette  niêuio 

des  monuments  religieux  d 


bité  écartée,  il  devient  impossible  de  nier  désormais  que  l'on 
ne  puisse  construire  des  édifices  d'architecture  gothique  à  un 
prix  égal  ou  inférieur  à  celui  que  réclameraient  les  édifices  de 
style  sans  nom  des  lauréats  aiadémiques. 

Ainsi  demeure  prouvée,  par  le  concours  imprévu  dune 
communauté  de  pieuses  filles  et  le  talent  improvisé  d'un 
jeune  arli.ste  de  province,  inconnu  naguère  et  simple  entre- 
preneur de  maçonnerie  dans  sa  ville  natale,  celte  vérité  long- 
temps repoussée  comme  un  paradoxe  ;  que  le  style  gothique 
se  recommande  non-seulement  par  la  grandeur,  la  hardiesse, 
l'appropriation  aux  besoins  du  culte  et  la  puissance  du  senti- 
ment religieux  qu'il  inspire,  mais  aussi  et  surtout  par  une 
économie  relative. 

Aussi  le  congrès  archéologique  de  Lille  n'a-t-il  pas  hésité 
à  décerner  à  cette  construction  la  médaille  d'honneur,  comme 
à  l'un  des  plus  remarquables  monuments  modernes  du  style 
ogival. 


même  ini|iuil;inee,  mais  de  style  moderne,  offrent  une  indi- 
gence iirnciiiiiitale,  comparative  telle  que,  la  question  de  pro- 


EXPlICATIOIf    DD    DBRltlES    REBCS, 


e  surmonte  la  force,  un,;  personoe  adroite  doit  comp'ei 
qu'elle  se  tirera  souvent  du  danger. 


On  s'abonhk  chez  les  Directeurs  de  postes  et  des  messageries, 
chez  tous  les  Libraires,  et  en  particulier  chez  tous  les  Corretpm- 
dants  du  Comptoir  central  de  la  Librairie, 

A  Londres,  chez  Joseph  Thomas,  I,  Fiuch-Lane-CornhiU. 

A  Saint-Peiersbocrg,  chez  J.  Issakoffi  libraire-éditeur 
commissionnaire  olBciel  de  toutes  les  bibliothèques  des  régi- 
ments de  la  Garde-Impériale;  Goslinoi-Dvor,  22.  —  F.  Belli- 
ZARD  el  C»,  éditeurs  de  la  Berne  étrangère,  au  pont  de  Police, 
maison  de  l'egUse  hollandaise. 

A  Alger,  chez  Bastide  el  chez  Dcbos,  libraires. 

Chez  T.  Hébert,  à  la  NouvELif-OitLÉAiis  (£uis-Dnis]. 

A  New- York,  au  bureau  du  Courrier  des  Étais- Unit,  el  chei 
tous  les  agents  de  ce  journal. 

A  Madrid,  chez  Casimir  Momer,  Casa  Fontana  de  Oro, 

Les  frères  Dimolard,  à  Miian. 


Jacoces  DUBOCHET. 


Tiré  à  la  presse  mécanique  de  Lacramfe  cl  C,  rue  Damiette,  J. 


L'ILLUSTRATION, 


Hllll"' 


wtIrtLW  bbal  LELO  R 


Ab.  pour  Pirii.  3  moii,  8  fr.  —  6  mois,  46  fr.—  Dn  tn,  30  fr. 
f  rix  de  chique  N°  7S  e.  —  La  collection  meoiuelle,  br.,  S  fr.  7S. 


N»  187.  Vol.  VIIL—  SAMEDI  26  SEPTEMBRE  1846. 
Bareani,  rue  BIcbellea  (0. 


Ab.  pour  lei  dép.  —  S  moii,  9  tt. 
Ab.  pour  l'Élranger.     —      40 


-  6  moli,  47  fr.  —  Un  an,  si  fr. 
—       ao         —        40. 


SOMMAIBE. 

HUloIre  de  l«  semaine.  Ouverture  des  CoTtès  d'Espagne.  —  Cbro* 
nique  maslcale.  —  Courrier  de  Parla.  Poriraiis  de  la  reme 

d'Espagne^  de  Vinjanle  dona  Maria-Luisa-Ferdinanda;  de  l'injaitt 
don  François  d'Assises  et  de  Monseigneur  te  duc  de  Hontpensier.  — 
La  F*le  de  la  Xallvlie  à  Rouie.  Arc  de  triomphe  élevé  en  l'hmt- 
«eurrfupnp»- —  L'Eufaol  vol*.  Nouvelle.  (Suite  et  fin.)  —  lie  de 
Jemey.  Carte  de  l'ile  de  Jersey;  Château  Mont-Orgueils  Port  de 
Saint-Hélier;  Forts  de  Pear-Head's  et  d'Elisabeth.  —  le  Cllaeselas 
de  FODtalDebleao.  Vue  des  es- 
paliers de  Thomery;  Mode  employé 
pour  la  recolle  et  le  transport  du 
chasselas;  le  Mail,  marché  spécial 
pour  la  vente  du  chasselas,  à  Paris. 
-.Blancbe.  Nouvellerusse.— Va- 
rlailous  aimo»ph«rlques.  Si.i 

Gravures,  par  GiaudviUe.  —  Bul- 
letin bibliographique.  —  An- 

BODCra.    —    Mode»,      t  "«  Gra- 
vure. —  Rebn>. 


frontière,  puisque  tout  le  monde  s'accorde  à  dire  qu'il  n'est 
pas  rentré  lundi  au  palais  de  l'arclievêclié.  Seulement  on 
n'est  pas  d'accord  sur  l'heure  de  celte  disparition,  et  les 
moyens  mis  en  œuvre  pour  en  assurer  le  succès  sont  l'objet 
d'une  foule  de  commentaires.  Les  uns  prétendent  que  lundi, 
dans  le  courant  de  la  journée,  le  prince,  sous  prétexte  de 
faire  sa  promenade  liabituelle,  est  monté  en  voiture  accom- 
pagné de  deux  personnes  de  sa  maison  et  suivi  d'un  domes- 
tique chargé  de  conduire  le  cheval  dont  son  maître  se  servait 
ordinairement. 


«  Suivant  une  autre  version,  et  c'est  celle  qui  est  la  plus 
généralement  accréditée  et  la  plus  vraisemblable,  celte  sub- 
stilutiou  aurait  eu  lieu  au  château  de  M.  le  marquis  de  B..., 
à  10  kilomètres  de  Bourges,  à  qui  le  prince  serait  allé  faire 
une  visite  lundi  dernier,  et  d'où  sa  voiture,  contenant  le 
même  nombre  de  personnes,  serait  revenue  à  Bourges,  es- 
cortée par  les  gendarmes. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  M.  le  préfet,  prévenu  mercredi  ma- 
tin que  le  prince  n'avait  pas  fait  sa  promenade  habituelle  la 
veille,  que  les  fenêtres  ae  son  appartement  étaient  restées 


Hifftoira» 
de  la  !>einniiie. 


Nos  conseils  généraux  vien- 
nent détenir  leur  session,  et,  en 
ïérité,  public  et  journaux  n'y 
ont  guère  prêté  attention.  Tous 
les  regards  sont  tournés  vers 
Madrid  pour  voir  ce  qui  s'y  fait, 
toulesles  oreilles  vers  Londres, 
pour  entendre  ce  qui  s'y  dit. 
Nos  assemblées  départernenta- 
les  doivent  donc  prendre  leur 

fiarti,  et  se  consoler  d'avoir 
onctionné  au  milieu  de  l'inat- 
tention générale.  L'on  n'a  pen- 
sé à  elles  qu'après  leur  départ. 
Mais  comments'en  blesseraient- 
elles?  car,  après  tout,  on  n'a 
pas  agi  autrement  avec  une  Al- 
tesse royale,  M.  le  comte  de 
Montemolin. 

Le  télégraphe  et  ensuite  le 
Journal  du  Cher  sont  venus 
nous  apprendre  la  nouvelle, 
puis  nous  donner  les  détails  de 
l'évasion  du  prétendant  espa- 
gnol Nous  avions  fait  connaî- 
tre, il  y  a  seize  mois,  en  don- 
nant la  déclaration  d'abdical  ion 
de  don  Carlos,  et  le  manife.-ite 
el  le  portrait  de  .son  fils  (tome 
V,  p.  22.')),  que  ce  dernier  prin- 
ce proclamait  qu'un  mariage 
pouvait  réconcilier  non-seule- 
mont  la  famille  royale,  mais  les 
différents  partis  de  la  grande 
famille  espagnole.  Il  ne  disait 
pas  s'il  continuerai!,  dans  ce 
cas,  à  exiger  la  couronne  pour 

son  propre  compte  ou  s'il  consentirait  à  être  le  mari  de  la 
reine.  Depuis  cette  époque,  le  lils  de  don  Carlos  avait  gardé 
le  silence,  attendant  que  la  question  du  mariage  se  tranchât; 
mais  ses  dispcsitions  paraissent  avoir  dû  être  bien  prises  d'a- 
vance, pour  le  cas  où  la  solution  ne  le  satisferait  pas.  'S'oici 
ce  qu'a  imprimé,  sur  sa  fuite,  le  Journal  du  Cher,  organe  de 
la  préfecture  abusée  : 

«La  fuite  de  M.  le  comte  de  Montemolin,  dit-il,  est  un  lait 
désormais  bien  certain.  On  ne  l'a  apprise  que  mercredi  (16) 
au  soir,  c'est-à-dire  alors  que  le  prince  pouvait  avoir  passé  la 


(ijuverture  des  Cortés  d'i^Ispagne,  le  14  septembre  1846.) 


«  A  quelques  kilomètres  de  Bourges,  le  prince  serait  des- 
cendu de  voiture,  et  monté  sur  le  cheval  qu  il  avait  fait  ame- 
ner, il  aurait  sauté  les  haies  et  les  fossés,  disparu  de  temps  en 
temps  pour  revenir  à  chaque  instant.  Les  gendarmes  chargés 
de  le  surveiller  et  accoutumés  à  ce  genre  d'exercices  se  se- 
raient contentés  (Je  suivre  la  voiture  à  une  certaine  dislance; 
et  il  sept  heures  du  soir,  au  moment  de  revenir  à  Bourges, 
ils  auraient  vu  descendre  de  cheval  et  prendre  place  dans  la 
voiture  une  personne  qu'ils  auraient  prise  pour  le  prince  et 
suivie  jusqu'au  palais  sans  concevoir  le  moindre  soupçon. 


fermées  i^  que  personne  ne  l'avait  vu  parailre,  s  est  présente 
inmiéilialciiiiMit  à  l'hùtel  pour  le  voir.  Un  cliainbellan  de  ser- 
vice lui  II  ilil  que  le  prince  élail  maladr  depuis  plusieurs 
jours,  qu'il  reposait  et  ne  pouvait  recevoir.  M.  le  piéfet  s'est 
immédiatement  retiré,  annonçant  qu'il  reviendrait  à  quatre 
heures  du  soir.  Au  moment  où  il  .-e  disposait  à  renouveler  sa 
visite,  M.  Garcia  Martin  est  venu  lui  apprendre  que  le  prince 
avait  quitté  Bourges  depuis  deux  jours,  et  que  sa  démarche 
serait  inutile. 
«  On  sait  que,  prclexlant  un  voyage  de  Paris,  Cabrera  est 


L'ILLUSTIUTION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


uiisso  à  IJonrgt'S  il  y  a  une  qui|)ïaine  de  jours,  pi  mi'il  a  eu 
(le  nombreuses  c(jnférences  avec  M.  le  comte  de  Jfontemo- 
liii.  Toul  purlc  il  cioiro  que  le  plan  d'évasion  a  été  concerte 
à  celle  époque,  car  il  élait  déjîi  question  du  mariage  de  la 
reine  d'Espagne  el  de  l'infante  sa  sœur.  »  , 

Un  nianiteste  lilliograpliié  et  daté  du  12  a  élé  distribue 
après  son  départ.  Par  ce  document  le  prince  appelle  tous  les 
Espagnols  à  la  réconciiialion,  prèclie  l'oubli  el  promet  en- 
lin  ce  qu'oui  promis  toujours  tous  les  prétendants. 

Héolveuture  uu  conorès  espacnol.— Le  sénat  et  les  cor- 
tèsont  nqiris  session  le  1  i.  M.  Isluritz,  président  du  conseil 
des  n}iii  sirrs,  rvi  allé  liie>uccessivement  aux  deux  cliambres 
un  iiH'ssi^r  {icHii  l.iir  iiiiniinccr  les  deux  mariages.  Aux  cortès 
la  IccliHv  lie  (T  (hiriiincul  a  été  suivie,  a  dit  la  correspon- 
dance ministérielle,  do  légers  murmures  qui  onlparu  partir 
de  la  tribune  publique.  Celte  démonstration  timide,  ajoulail- 
elle,  a  passé  presque  inaperçue. 

M.  le  ministre  des  finances  a  demandé  ensuite  l'autonsa- 
lionde  percevoir  les  contributions. —  Puis  M.  Orense  s'est 
levé,  et  a  demandé  si  le  mariage  de  l'infanle  avec  M.  le  duc 
de  Montpensior  aurait  lieu  inunédialeini:nt,  ou  s'il  serait 
ajourné  jusqu'à  ce  que  la  reiiK^  eût  doinié  des  successeurs 
directs  à  la  couronne.  M.  Islurilz  a  répondu  que  les  deux  ma- 
riages seraient  célébrés  en  même  temps.  —  Des  commis- 
sions ont  été  nommées,  dans  l'une  el  dans  l'autre  clianibre, 
pour  rédiger  les  adresses  à  la  reine  en  réponse  à  cette  com- 
munication. Dès  le  la,  le  sénat  a  présenté  la  sienne  à  la  jeune 
Majolé.  Ce  n'est  que  le  18  que  les  corlès  ont  adopté  la  leur. 
Les  félicitations  relatives  au  mariage  d'Isabelle  y  ont  été  volées 
à  l'unanimité  par  les  -179  membres  présents  ;  au  vote  sur  le 
passage  relatif  à  l'union  de  l'infante,  19  membres  se  sont  ab- 
stenus, 1  a  voté  contre,  etlHO  ont  déclaré  l'adopter. 

Madrid  s'e^t  ému  en  apprenant  qu'une  forte  escadre  an- 
glaise était  entrée  dans  le  port  de  Cadix.  Mais  la  présence  de 
ces  forces  ne  se  raltacbe  en  rien  aux  événements  de  cour  qui 
sont  annoncés  à  Madrid,  elle  n'est  que  momentannée,  n'a 
.  pas  dû  se  prolonger  au  deh'i  de  quarante-huil  heures,  et  avait 
été  annoncée  aux  autorités  du  port  bien  avant  que  les  pro- 
jets de  mariage  fussent  connus. 

Une  protestation,  moins  redoutable  immédialement  à  coup 
sûr  que  ne  l'eût  élé  celle  de  huit  vaisseaux  de  ligne,  mais 
qui  néanmoins  a  causé  é(;alement  quelque  émotion  à  Madrid, 
est  celle  do  don  Hcnrique,  frère  du  liancé  de  la  reine.  Ce 
jeune  prince,  le  seul  populaire  en  Espagne  et  auquel  l'aflec- 
tion  du  public  et  au^si,  dit-on,  celle  de  la  jeune  reine  ont 
valu,  de  la  part  de  la  Camarilla,  un  ordre  d'exil,  prolesle  non 
pas, 'malgré  les  justes  prélentions  que  son  cœur  a  pu  nourrir, 
contre  le  choix  dicté  à  Isabelle,  «  mais,  dit-il,  contre  tout 
droit  éventuel  au  troue  d'Espagne  qui  pourrait  être  accordé 
^ux  enfants  du  duc  de  Moutpensier,  s'il  venait  à  s'unir  avec 
l'infante.  »  .  , 

L'intervention  de  don  Henrique  n  est  pas  sans  gravite, 
parce  qu'elle  peut  fournir  au  dépit  de  l'Angleterre  une  arme 
mpins  rouillée  et  moins  compromettante  à  manier  que  celle 
de  la  légitimité.  Toutefois  les  corbeilles  se  préparent,  les 
énilhalaines  s'improvisent,  on  fait  la  sourde  oreille  aux  mur- 
mures delà  diplomatie,  bien  sûr  qu'elle  se  bornera  à  mau- 
gréer et  sauf  à  racheter  plus  tard  ses  bonnes  grilces. 

La  PiiESSE  EN  Algérie.  —  On  dirait  que  le  dtspotisme 
musulman,  chassé  de  Conslantinople,  se  réfugie  en  Algé- 
rie. M.  Lanjuinais,  à  l'occasion  de  la  dernière  discussion 
sur  les  crédits  supplémentaires,  appela  la  sérieuse  attention 
de  la  chambre  sur  le  système  de  bon  plaisir  quiasservissail 
la  presse  dans  nos  possessions  d'Afrique,  et  rendait  impos- 
sible ou  illusoire  le  contrôle  de  l'opinion  publique  sur  les  ac- 
tes de  radministralion. 

Pendant  que  des  journaux  français  s'impriment,  même  en 
Turquie,  en  face  du  vieux  sérail  devenu  débonnaire,  voici  ce 
qui  se  passe  à  Alger  : 
^  On  lit  dans  le  Courrier  d'Afrique  du  G  courant: 

«  Depuis  (pielqHe  temps,  nous  avions  lieu  de  croire  que  la 
censure  était  pliilnt  une  formalité  qu'une  mesure  de  rigueur. 
Nous  avons  duni'  l'I''  iHi  mués  de  recevoir  hier  o  courant,  à  dix 
bevU'es  du  matin,  la  b-tlrc  suivante  : 

«  Le  commissaire  chef  de  service  de  la  police  invite  M.  Bas- 
tide à  passer  !i  son  cabinet  aujourd'hui  H  du  courant,  à  une 
heure  de  l'après-midi,  où  il  lui  sera  fait  une  communication 
émanant  de  la  direction  de  l'intérieur.  » 

K  Cependant  nous  nous  sommes  rendus  à  la  police  îl  l'heure 
indiquée,  et  lîi  nous  avons  été  prévenus  que  M.  le  directeur 
de  1  intérieur  nous  attendrait  tous  les  soirs  à  huit  heures  les 
veilles  de  publication  pour  prendre  connaissance  du  numéro 
du  lendemain. 

«  Nous  promimes  de  nous  conformer  à  ces  instructions. 
«  A  huit  heures,  nous  n'étions  pas  prêts  :  l'incident  de  la 
journée  avait  rendu  fort  difficile  la  lAche  de  la  rédaction.  La 
police  intervint  de  nouveau,  el  après  explication  donnée  de 
notre  position  à  M.  le  directeur  lui-même,  l'examen  de  lu 
censure  fut  renvoyé  à  ce  matin. 

((  A  cinq  heures  donc  l'examen  eut  lieu,  et  les  cinq  princi- 
paux articles  furent  hilTés.  N(]us  étions  très-embarrassés. 
Parailre  en  blanc,  nous  ne  le  pcjuvions  pas;  rédiger  de  nou- 
veaux articles,  c'était  nous  exposer  de  nouveau  à  |a  cen- 
sure. 

«  La  position  n'est  plus  tenable,  nom  aimons  mieux  cesser 
lie  parailre,  et  nous  prévenons  aujourd'hui  nos  lecteurs  et 
uns  abonnés  que  iiou<  attendrons,  pour  recommencer  notre 
piihliciilion,  que  l'onlonnance  sur  la  presse,  promise  depuis 
si  longtemps,  soit  ciilin  imhliée.  » 

PROCliS  m  r!ii  ssi:  i  \  I'ranck. —  Une  leuille  mensuelle, 
publiée  sou^  le  lili'  ili'  '''  Colnnne,  est  poursuivie  pour  un  ar- 
ticle sur  le  s.Tiniil  iiirré  dans  son  numéro  de  septembre. 
La  Gazelle  de  France,  qui  avait  reproduit  cette  discussion  de 
la  Colonne  six  jours  après,  el  lorsqu'elle  pouvait  croire  que 
le  parquet  n'y  avait  rien  vu  de  contraire  îi  la  loi.  se  trouve 
comprise  d.uis  la  poursuite.  La  Colonne,  ainsi  que  la  Gazelle, 
est  accusée  du  délit  d'oll'ense  ù  la  personne  du  roi  et  d'attaque 
contre  le  serment.  Les  souvenirs  de  la  révolution  de  juillet 


défendront  les  deux  journaux  accusés.  Qui  e?|.-cequi  n'a  pas 
en  France,  ii  l'heure  qu'il  est,  prêté  plusieurs  serments  à 
■plusieurs  gouvcniemeiils? 

Mexkjle  et  Etats-Unis.  —  Une  nouvelle  révolution  est 
survenue  au  S)e\iiiue.  IJenqis  quelques  mois,  un  pronuricia- 
mènto  avait  en  lieu  dans  le  déparleinent  de  Jalisco  |iour  le 
rappel'de  Santa-Anna  à  la  place  de  Paredès.  Le  c  l<  i^é  était 
mécontent  de  ce  qu'on  voulait  lui  faire  suiipoi  ter  les  hais  de 
la  guerre,  la  masse  de  la  nation,  peu  satisfaite  de  ce  qu'on 
avait  été  baltu  sons  Matamoras.  L'insurrection  a  fait  des  pro- 
grès, el  la  garnison  de  Mexico  maintenant  s'est  déclarée  pour 
Santa-Anna.  Celui-ci  est  ou  était  îi  la  Havane,  d'où  il  diri- 
geait l'intrigue,  et  on  ignore  ce  qu'il  fera,  s'il  répondra  aux 
ouvertures  du  cabinet  de  Washington,  ou  s'il  tentera  de  pro- 
lonRcr  la  lutle.  La  première  hypothèse  est  cepenilaut  la  plus 
probable.  C'est  déjà  pour  lui  line  ;:raiiili'  ililliinllé  i|ue  ili^  se 
rendre  delà  Havane  au  Mexique,  les  pmls  locxiraios  du  golfe 
étant  bloqués,  et  il  y  a  lieu  de  croire,  s'il  s'e&t  mis  eu  roule 
comme  on  le  dit,  qu'il  s'est  pourvu  d'un  faul-conduit  amé- 
ricain. Mais,  quoi  qu'il  arrive,  les  Etats-Unis  parviendront  à 
leurs  lins.  Le  Mexique  est  en  pleine  dissolution  el  devra  cé- 
der à  ses  voisins. 

Peu  de  nations  ont  présenté  au  monde  un  aussi  trisie  spec- 
tacle que  la  nation  mexicaine.  Après  trois  tentatives  inutiles 
pour  conquérir  son  indépendance,  le  Mexique,  délivré  enfin 
du  joug  de  l'Espagne,  se  constitue  en  nation  libre,  proclame 
empereur,  en  1821,  son  libérateur  Iturbide,  qu'il  condamne 
à  l'esil  linéiques  mois  après  et  fait  fusiller  en  1824.  Hépnbli- 
que  à  partir  de  celte  même  année,  le  nouvel  Etat  ne  cesse 
d'être  déchiré  par  les  plus  sanjjlanles  réactions.  Le  général 
Victoria  est  élu  président  en  1824  ;  aussitôt  le  général  Bravo 
se  révolte.  Pedraza  remplace  Victoria  en  1828,  età  peine  a-l-il 
étouffé  la  rébellion  de  Santa-Anna,  qu'il  est  lui-même  ren- 
versé en  1829.  Guerrero,  qui  ensuite  occupe  le  pouvoir,  est 
mis  à  mort  en  1831.  Bustamente,  nommé  président,  est 
chassé  en  1853  par  Santa-Anna  et  fait  place  à  Pedraza.  Santa- 
Anna  arrive  enfin  à  la  présidence  en  1854.  Fail  prisonnier 
par  lesTexiens,  il  a  pour  successeur  Busiamente,  que  le  gé- 
néral Urréa  dépose  en  1840  au  profil  de  Gomez  Parias.  Bus- 
tamente ressaisit  le  pouvoir  au  bout  de  quelques  mois  et  est 
obligé  rie  le  céder,  en  1841,  à  Santa-Anna,  qui,  dépossédé 
en  18.14  par  Paredès,  puis  banni  du  Mexique,  vient  d'être 
rappelé  par  ses  concitoyens. 
NoRWÉGE.  —  On  écrit  de  Christiana,  le  8  septeml  e  : 
«  Lorsque,  dans  le  mois  de  mars  dernier,  l'époque  du  sa- 
cre et  du  couronnement  du  roi  Oscar  l"'  el  de  la  reine  Eu- 
génie, comme  roi  et  reine  de  Norwége,  fut  fixée  an  13  octo- 
bre procliain,  l'évêque  de  Drontbeim,  où  celte  cérémonie  de- 
vait avoir  lieu,  M.  le  docleur  Riddervold,  écrivit  Hir-le- 
cliamp  au  ministre  de  rintérieur,  qui  a  dans  ses  attributions 
le  département  des  cultes,  une  lettre  dans  lai^uelle  ce  prélat 
déclarait  que,  attendu  que  la  constitution  dit  seulement  que 
le  roi  doit  être  sacré  el  couron'né,  il  sérail  contraire  au  sens 
de  cette  auguste  cérémonie  d'y  faire  participer  la  reine,  d'au- 
tant plus  que,  aux  ternies  des  lois,  aucune  femme  ne  pourrait 
jamais  exercer  l'autorité  royale  en  Norwége,  ni  même  y  pren- 
dre aucune  part  quelconque ,  et  que,  par  ces  motifs,  il  ne 
croyait  pas  pouvoir  procéder  au  sacre  et  au  couronnement 
de  S.  M.  la  reine  Eugénie. 

«Le  ministre  de  l'intérieur  nomma  une  commission  char- 
gée d'examiner  la  question,  et  celle  commission  émit  un 
avis  contraire  à  celui  de  l'évêque  de  Drontbeim,  en  rappe- 
lant à  l'appui  de  son  avis  que,  en  1852,  ce  même  prélat,  qui 
alors  était  député  au  Storlhing,  parla  dans  cette  assemblée 
en  faveur  de  la  proposition  faite  au  Storlhing,  de  présen- 
ter à  la  reine  douairière,  qui  avait  d^jà  élé  couronnée  en 
Suède,  une  adresse  pour  supplier  S.  M.  de  se  faire  sacrer  et 
couronner  aussi  en  Norwége,  adresse  qui  fut  transmise  à 
S.  M.,  qui  cependant  ne  jugea  pas  à  propos  de  se  rendre  à 
l'invitation  qu'elle  confenait. 

a  Le  ministre  de  linlérieur  soumit  au  roi  toutes  les  pièces 
de  l'affaire,  el  S.  M.,  par  un  rescrit,  chargea  le  ministre  de 
demander  à  M.  Riddervold,  évêque  de  Drontheim,  si  son  re- 
fus de  sacrer  et  de  couronner  la  reine  était  fondé  sur  des 
scrupules  purement  religieux  ou  sur  des  opinions  politiques. 
«Celte  question  vient  d'être  soumise  à  M.  Riddervold, 
qui  a  répondu  purement  cl  simplement  qu'il  ne  pouvait  sa- 
crer el  couronner  aucune  reine  de  Norwége,  et  (|ue  si,  en 
1852,  il  a  émis  dans  le  Storlhing  une  opinion  différente, 
c'est  qu'à  celte  époque  il  n'avait  pas  approfondi  la  matière 
comme  il  l'a  fait  depuis,  lorsqu'il  a  été  appelé  à  remplir  lui- 
même  celle  cérémonie  religieuse. 

«L'affaire  en  est  là.  On  a  tout  le  temps  d'aviser  aux  dilli- 
cullésqu'elli'  iiréseiile,car  il  s'exécute  en  ce  moment,  à  la 
calbi'diale  ilc  Uinnllu'iiii,  des  travaux  de  réparation  et  même 
de  ri/uin>lni(liou  (pii  ne  se  termineront  guère  que  \ers  la 
fin  de  1847,  on  mèine  dans  le  commencement  de  l'année 
suivante.  » 

Une  NOUVELLE  Ninive.  —  D'après  une  correspondance 
adressée  de  Constantlnople  au  Journal  des  Débals,  à  la  date 
du  2  de  ce  mois,  après  avoir  si  longtemps  cherché  vaine- 
ment l'ancienne  Niuive,  les  archéologues  n'auraient  plus 
aujourd'hui  i|ue  rembarras  du  choix  : 

«  Les   découvertes  archéologiques  de  M.  Botta,  dans  les 

environs  de  Mossoul,  soûl  certainement  les  plus  importantes 

savant  ait  en  à  se  p'oiilii'r  depuis  louLliUips. 

ni  l'i  aucais  l'a  pci  si'  ;ihisi.  couniie  il  l'a  prouvé 

^rlliTrlhr  iliilll   il  a  illiir isé  M.  Botla  dc  SCS 

ii'C'iiuprii'é  Miii  /.ilr,  l.a  si'niuie  d'environ 
.jJ),llOI)lV.  votéi^  piU'  les  Chambres  ne  sera  |ias  sans  doute 
regardée  comme  exmbilante,  si  l'on  considère  les  {grandes 
dillicullés  qu'il  a  fallu  suiiiuuiter  pour  assurer  les  débris  en- 
sevelis d'un  aueien  empire  aux  musées  de  Krance. 

«Les  dénaueites  de  M.  Itolta  ont  bayé  la  roule  à  d'autres 
plus  récentes  ;  les  unes  et  les  autres  ne  'seront  pas  sans  |irofil 
pour  l'histoire  de  la  religion  et  pour  la  science  ;  elles  servi- 
ront à  jeler  i|uclque  lumière  sur  nue  des  époques  les  plus 
obscures  de  l'hisloire,  à  mieux  éclaircir  quelques  passages 


dont  le 
L< 

!'• 
dép. 


des  prophètes,  eli|  se  jif  nt  mirne  qu'el'r  s  rons  fciuni''  i  i 
quelques  nouveaux  matériaux  iclalils  à  l'IiiMoiie  du  |n:|  ,. 
de  Dieu.  C'est  M.  Layaid  qui  a  succédé  à  M.  l'oila  dans  les 
recherches  archéologiques  en  Assjrie,  el  il  a  tontincé  laii- 
vre  de  son  prédécesseur  avec  un  zèle  et  une  persévérance 
dignes  des  plus  glands  éloges.  Le  terrain  d'exploration  de 
M.  Botta  élait  à  Khorsabad  ;  celui  de  M.  Lavaid  est  dans  un 
lieu  voisin  appelé  Nimroud.  Il  y  a  bientôt  un  an  que  M.  Lavard 
commencé  ses  fouilles  :  sous  un  tertre  qu'ilfait  creuser  daiis  ce 
moment-ci,  il  a  découvert  un  temple  magnifique  qui,  con  me 
celui  de  Khorsabad,  parait  avoir  élé  la  proie  des  flam- 
mes. 

«  A  la  date  des  dernières  nouvelles  il  élait  déjà  parvenu  à 
découvrir  quinze  chambres  el  à  en  tirer  deux  cent  cinquante 
bas-reliefs.  Pour  se  rendre  compte  de  la  po.'ilioii  topofira- 
pliique  de  ces  mines  on  n'a  qu'a  consulter  Xéno|ihon.  Cet 
auteur  dit  qu'après  avoir  franchi  le  Zab,  les  Grecs  de  l'ex- 
pédition ont  trouvé,  à  peu  de  dislance  des  bords  de  ce 
lleiiye,  des  ruines  d  une  ville  sur  les  bords  du  Tijire.  Dans 
cette  ville,  appelée  Larissa,  autrefois  habitée  par  les  Mèdes, 
il  y  avait  une  grande  pyramide.  Celle  desci  iplion  répond 
parfaitement  à  la  position  des  ruines  de  .\imroud;  le  style 
pyramidal,  quoique  aujourd'hui  enseveli  sous  Icrre.  se  laisse 
découvrir  partout.  Les  dimensions  données  par  Xénophon, 
conespondent  également  à  celles  des  ruines,  et  la  dislance 
de  Zab  dont  il  parle  est  à  peu  près  la  même,  seulement  le 
Tigre,  qui  autrefois  passait  sous  les  murs  de  U  ville,  a  quitté 
son  ancien  lil  ;  actuellemenl  il  est  à  un  mille  et  demi  des 
ruines.  On  a  cherché  à  prouver  que  la  ville  nommée  Larissa 
chez  Xénophon  n'était  autre  que  Resen,  ville  plus  ancienne 
encore,  et  même  l'une  des  plus  anciennes  du  monde  post- 
diluvien. Et  le  seul  argument  allégué  en  faveur  de  cette  hy- 
pothèse, était  que  le  mot  Resen  est  rendu  dans  la  version  sa- 
maritaine par  le  nom  Lachi.ssa. 

«  M.  Rawlinson,  consul  britannique  à  Bagdad,  el  d'an- 
tres autorités  très-compétentes  en  la  matière  rejettent  celle 
hypothèse  et  regardent  Nimroud  comme  l'ancienne  .\inive, 
capitale  du  premier  empire  assyrien  qui  a  fini  avec  Sarda- 
napale.  De  bonnes  raisons  militent  en  faveur  de  celte  opi- 
nion. Les  traditions  en  Orient  ne  sonl  pas  sans  un  grand  poids, 
surtout  lorsqu'il  s'agit  de  la  position  géographique  des  lieux. 
Presque  tous  les  points  de  quelque  importance  dans  celte 
partie  du  monde  ont  été  déterminés  d  après  l'autorité  des 
traditions:  les  erreurs  sont  forl  rares  à  cet  égard.  Or,  toutes 
les  traditions  du  pays  s'accordent  à  regarder  Nimroud 
comme  une  ville  primitive  d'Assyrie  et  comme  capitale  de  ce 
pays,  pendant  que  les  ruines  qui  se  trouvent  vis-à-vis  de 
Mossoul  et  que  l'on  appelle  yineieh  passent  pour  avoir  ap- 
partenu à  uue  ville  plus  récente;  sous  le  rapport  d'antiquités, 
tous  les  restes  et  monuments  du  pays  ne  peuvent  pas  être 
comparés  ave  ceux  de  Nimroud. 

«  Le  major  Rawlinson  s'occupe  dans  ce  moment-ci  du  dé- 
chiffrement des  inscriptions  découvertes  par  M.  Layard  ;  elles 
sont  toutes  en  caractères  cunéiformes. 

«  Un  bas-relief  découvert  récemment  offre  l'hisloire  com- 
plète de  l'art  militaire  chez  les  Assyriens,  et  prouve  qu'ils  se 
sont  servis  de  machines  de  guerre  dont  l'invention  a  été  at- 
tribuée aux  Grecs  el  aux  Romains,  comme  le  bélier,  la  tour 
à  roues,  la  catapulte  et  autres.  Le  bas-relief  en  question 
occupe  la  muraille  d'une  salle  longue  de  130  moires  d  large 
de  30,  et  fait  partie  de  tableaux  de  batailles,  de  sièges,  de 
chasses  aux  lions. 

«  La  plupart  de  ces  précieux  restes  sont  dans  un  élat  par- 
fait de  conservation  el  exécutés  avec  un  art  infini.  La  grande 
salle  ofi're  plusieurs  issues,  toutes  fermées  par  des  lions  ailés 
ou  des  taureaux  ailés.  Toutes  les  issues  communiquent  aux 
chambres,  qui,  à  leur  tour,  conduisent  à  d'autres  chambres 
dans  une  succession  infinie.  Lescbambres  sonl  construites  en 
longues  plaques  couvertes  d'ipscri|ilions.  El,  à  propos  d'in- 
scriptions, on  sait  déjà  que  le  niajur  Rawlinson  a  le  premier 
fait  copier  et  a  déchiffré  rinscriplum  trilingue  du  tombeau 
de  Darius  à  Persépolis,  qui  conlieut  les  noms  de  tous  les 
pays  alors  tributaires  de  la  Perse,  n 

Désastres.  —  Un  incendie  considérable  a  éclaté  le  24 
août  au  soir,  à  Andrinople,  environ  trois  heures  après  le  cou- 
cher du  soleil,  au  centre  du  populeux  quartier  des  juils.  Le 
feu  a  pris  dans  une  taverne  fiirtement  approvisionnée  de 
spiritueux,  au  moment  où  l'on  était  occupé  à  transvaser  de 
l'eau-de-vie,  et  les  flammes  acquirent  une  telle  intensité, 
que  la  taverne  et  la  maison  qui  la  surmontait  furent  embra- 
sées en  un  clin  d'œil.  Le  feu  se  communiqua  avec  uue  sur- 
prenante rapidité  dans  les  r\ies  attenantes,  el  les  nombreux 
secours  apportés  sans  retard  échouèrent  devant  la  fureur  des 
flammes,  dont  le  foyer  s'était  déjà  étendu  dans  des  propor- 
tions efi'rayantes.  On  évalue  les  pertes  causées  par  ce  désa;- 
Ire  à  la  somme  de  18  millions  el  demi  de  piastres. 

—  Une  aflieuse  catastrophe  vient  d'affliger  également  le 
grand  village  de  Tavannes,  dans  la  partie  suisse  du  Jura. 

Le  13  au  soir,  trente-deux  personnes  claienl  logées  à  l'hô- 
tel de  la  Couronne,  la  plupart  appartenant  à  des  familles 
étrangères.  Un  souper  pris  en  commun  avait  réuni  la  pres- 
que totalité  de  ces  touristes  ;  à  minuit,  la  maison  tout  en- 
tière paraissait  plongée  dans  un  profimd  sommeil,  quand  une 
vive  lueur  se  lil  apercevoir  dans  une  di's  cliambres  du  pre- 
mier étage.  Comme  le  bon  au  de  pusie  se  liiiu\ait  dans  I  hô- 
tel, et  que  la  voiture  transportant  les  ilcpeches  de  Bille  à 
Berne  devait  passer  entre  niinuil  cl  une  heme,  le  maître  d'hô- 
tel, qui  se  levait  pour  ce  service,  bit  le  premier  qui  donna 
l'alarme;  mais  l'incendie  avait  déjà  ga^né  Irois  ou  quatre 
apparlenients,  el  il  avait  atleiiil  les  corridors  el  les  f scaliei-s, 
construits  malheureusement  Ions  en  bois. 

Sept  personnes  ont  péri.  Quatre  autres  étaient  encore  dans 
le  plus  grand  danger. 

On  a  trouvé  dans  les  décombres  beaucoup  d'or  et  d'argent 
fondus. 

Nécrologie.  — M.  le  comte  Siméon.  ancien  directeur  de  la 
librairie  et  des  beaux-avis,  pair  de  France,  vient  de  mou- 


L'ILLUSÏIUTION,  JOURNAL  LlMVEllSEL. 


51 


Ciironiqiie  niusieale. 

Opéra-Comiql'E.  —  Sultana,  opéra-comique  en  un  acte, 
paroles  de  AI.  Defohge,  muskiueileM.M.iiRiCE  Bourgk 

C'est  une  petite  pièce  bien  conçue,  spirituellement  con- 
duite, écrite  avec  finesse  et  avec  grâce,  en  un  mot  agréable  à 
voir,  et  qui  a  le  mérite  assez  rare  d'amuser  le  spectateur.  Et 
puis,  connne  si  cela  ne  sullisait  pas,  il  se  trouve  que  cette 
petite  pièce  est  escortée  d'une  petite  partition  pleine  de  mo- 
tifs cliarmants,  relevés  par  une  harmonie  habile  et  par  une 
inslruinentation  brillante... — unpeu  trop  brillante  peut-être  ; 
mais  ce  trop  d'éclat  ne  vous  parait-il  pas  d'mi  bon  augure 
chez  un  jeune  couifiositeur  qui  en  est  à  son  premier  début  ? 
Attendez  seulement  qu'il  vieillisse  :  quand  d  aura  soixante 
ans,  je  vous  promets  qu'il  s'amortira. 

Qu'est-ce  que  Sullana.'  Est-ce  une  Circassienne,  une 
Arabesque  ou  une  Grecque  ?  Iiabite-t-elle  le  dire,  ou  Bagdad, 
ou  Constantinople'?  Est-ce  la  favorite  de  quelque  pacha  su- 
perbe'? a-l-elle  fait  tourner  la  tête  au  commandeur  des 
croyants'?  Elle  n'est  pas  si  ambitieuse.  Sa  taille  linc  et  élan- 
cée et  SOS  vives  couleurs  ont  inspiré  une  passion  profonde; 
mais  celui  qui  pense  à  elle  sans  cesse,  qui  la  couve  de  ses  re- 
gards, et  qui  ne  la  voit  jamais  sans  émotion,  n'est  qu'un  vieil 
oflicier  néerlandais,  appelé  liergliem.  i>ullana  est  née  en 
Hollande,  et  non  en  Orient.  Et  puisqu'il  faut  tout  vous  dire, 
Sultana  n'est  pas  une  femme,  mais  une  lleur.  Sultana  est  la 
plus  belle  des  tuliii.:s.  Les  ililetiaiili  dont  la  Hollande  abonde 
la  payeraient  au  poids  de  l'or,  et  c'est  pour  i-ela  que  liergliein, 
qui  1  a  plantée,  qui  l'a  vue  iiailie  et  se  développer  dans  son 
jardin,  en  l'ail  tant  de  cas.  L'épouss  du  prince  Frédéric  est 
dilfllanle  iiu  premier  cliel.  Quand  Bergliem  lui  fera  hommage 
de  Sultana,  elle  n'aura  rieu  à  refusera  Dergheui,  qui  rocuii- 
vrera.  par  sa  protection  toute- puissanle,  s.i  pension,  dont  il 
a  été  injustement  dépouillé,  ses  biens  qu'on  a  mis  sous  le  sé- 
questre. Jqgez  de  la  douleur  de  ce  pauvre  homme  quand  il 
s  aperçoit  uu  beau  matin  qu'on  lui  a  volé  Sultana  ! 

Hélas!  il  n'est  que  trop  vrai.  Sullana  n'est  plus  sur  sa 
lige  :  elle  est  au  centre  d'un  bouquet  que  le  prince  Frédé- 
ric, époux  iulidéle  îles  princes  le  sont  tous),  envoie  à  cer- 
taine comtesse  duiU  il  esl  épris.  Heureusement  le  page  por- 
teur du  bouquet  a  le  défaut,  délaut  bien  pardonnable  à  uu 
page,  de  s'amuser  en  cliemiii  quand  il  fait  des  comiuissions. 
OQ  vient-il  s'amuser'?  Chez  Uerghem.  Or,  Berghem  a  une  liUo, 
une  jolie  lille,  mademoiselle  Claire,  laquelle  épouserait  bien 
volontiers  un  autre  page  qui  est  son  cousin  et  qui  s'appelle 
LéopohI,  si  Bergb.'iii  y  consentail,  et  Berghem  a  promis  d'y 
con>e!ilir  aiissili.t  i|ue  Sultana  l'aurait  fail  rentrer  en  posses- 
sion de  sa  lorluue.  Du  premier  coup  d'œil  Claire  reconnaît 
l'incomparable  Sultana  dans  la  main  du  page  Gilbert.  — 
Comment  la  lui  reprendre?  Cela  n'est  pas  bien  diflicile  :  une 
lille  bien  élevée  el  pas  trop  laide  a  toujours  à  sa  disposilion 
des  moyens  infaillibles  de  faire  faire  à  un  page  tout  ce  qu'ijlle 
veut.  Donc,  en  moins  de  cinq  minutes,  le  Unir  est  fail.  Sul- 
tana passe  (les  mains  du  pane  dans  les  mains  de  Claire  ;  il 
n'en  a  coûté  à  celle-ci  nue  quelques  œillades  bien  exécutées, 
quelques  réticences  habilement  placées,  quelques-uns  de  ces 
sourires  traîtreusement  féminins  qui  ne  disent  rien  et  qui 
semblent  tout  dire.  Eu  un  mot,  au  bout  de  cinq  minutes 
Claire  a  Sultana,  et  le  page  n'a  rien  Uu  tout.  u.  Victoire  !  » 
s'écrie  Berghem  au  comble  de  U  joie  ;  el,  de  peur  de  nou- 
vel acciJent,  il  porte  sur-le-champ  la  prt^euse  lleur  à  la 
princesse.  Or,  le  prince  Frédéric,  grand  amateur  des  vaude- 
villes de  M.  Scribe,  y  avait  appris  depuis  longtemps  qu'un 
bouquet  est  un  véhicule  tres-commode  pour  un  billet  doux  ; 
il  avait  donc  placé  dans  le  bri  lanl  calice  de  Sultana  une 
lettre  fort  leiidre,  où  il  demandait  à  la  comtesse  un  rendez- 
vous  galant.  Et  c'est  la  piiiuesse  qui  reçoit  le  poulet!  Jugez 
de  la  confusion  et  de  la  colère  du  prince,  et  de  toutes  lesnié- 
.saveuiures  qui  pleuvent  bientôt  sur  Gilbert  el  dont  l'ami  Léo- 
pold  ne  tarde  pas  à  recevoir  les  éclaboussuies.  Enlin,  quand 
tout  le  monde  s'est  assez  démené,  et  que  le  public  a  sullisam- 
menlri,  la  princesse,  qui  a  del'espiil,  va  au  rendeï-voiis  de- 
mandé à  sa  rivale,  pardonne  à  son  inlidèle,  fait  rendre  ù  Ber- 
ghem tout  ce  que  Berghem  regrette,  fait  nommer  Léopold 
lieutenant  el  arrange  son  marm^e.  Vovtz  iwurlant  comme 
le  calice  d'une  lleur  est  quelquefois  gros  d  événéun'iils! 

M.  Maurice  Bourge  s'était  déjà  fait  remarquer  dans  la  presse 
musicale  par  beaucoup  d'esprit  et  d-  verve  et  p.ir  un  slvie 
brillant  et  chaleureux.  On  reconnaît  dans  sa  musique  les 
mêmes  qualités  qui  distinguent  sa  littérature.  Jl  y  a  dans  .sa 
parlilion  des  morceaux  fort  agréables,  parmi  lesquels  nous 
devons  particulièrement  citer  le  duo  où  Claire  séduit  ce 
malencontreux  Gilbert,  les  couplets  de  Berghem,  un  air  de 
Gilbert  et  un  quatuor  assez  imnorlant,  où  l'auteur  a  prouvé 
qu'il  savait  unir  l'intelligence  dramalique  à  toutes  les  quali- 
tés qui  font  le  musicien.  Cola  n'a  rien  d'étonnant,  puisque 
M.  Bourge,  qui  vient  de  se  révéler  comme  musicien,  s'élail 
déji  fait  coimaitre,  et  d-puis  longtemps,  comme  écrivain 
spirituel  et  élégant,  et  même  commeaJroit  veisilicateur. 

Clwlivritpv  d7>  IPftrta. 

Que  de  bruit  et  quelle  agitation  !  et  cependant  il  y  a  huit 
jours  à  peine,  nous  avions  laissé  la  grande  ville  dans  un  calme 
parfail,  et  nous  en  étions  à  courir  les  champs  et  les  guerets. 
Qui  saif.  disions-nous,  la  campagne  nous  fournira  peut-être 
ce  nue  l'aris  nous  refuse.  L'optique  de  la  province  nous  em- 
bellira peut-être  Pans  el  lui  donnera  une  sorte  d'animation 
relalive,  mais  là-bas,  l'air  était  si  pur,  le  ciel  si  vaste  si 
verte  encore  était  la  verdure  et  les  aibres  si  bien  chargés 
d  ombre  et  de  feuillage,  les  horizons  nous  semblaient  si  im- 
posants, et  les  briiils  d  en  haut  si  majesUieux  qu'en  véiilé  la 
Bibylone  était  oubliée.  Du  reste,  notre  idvllc  était  peu  digne 
dun  chroniqueur  :  Courir  dans  les  hautes  lifrbcs,  grimper 
dans  les  vieux  donjons,  s'arrêter  dans  les  villages,  boire  à 
toutes  les  sources,  parler  tous  les  patois. 


Tels  étaient  nos  plaisirs.  Quel  changement,  ô  dieux! 

comme  dit  le  poète.— Pendant  ce  temps,  Paris  se  réveillait,  le 
réveil  du  lion!  Mille  rumeurs  emplissaient  la  ville,  d'où  vient 
cet  émoi  imprévu'?  Et  pourquoi  cette  grande  agitation"?  S'a- 
git-il d'une  création  nouvelle,  quel  asire  inattendu  s'est  levé 
à  l'horizon;  un  génie  incompris  se  serait-il  révélé  au  monde! 
la  rente  baisse,  parle-t-on  d'une  conversion,  d'une  dissolu- 
tion on  d'une  intervention'?  Vous  l'avez  deviné,  il  s'agit  d'un 
mariage,  et  même  de  deux.  La  reine  Isabelle  d'Espagne 
épouse  son  cousin  don  Francisco,  et  M.  le  duc  de  Moulpeii- 
sierva  s'unir  à  la  jeune  infaute  doua  Luisa,  quatre  portraits 
donti'//(ustra(('on  enrichit  son  médaillier.  Vous  savez  aussi 
bien  que  nous  tout  ce  qu'on  se  plait  h  répéter  de  llatleur 
louchant  la  reine  Isabelle  et  son  illustre  prétendu  :  la  reine, 
jeune  et  charmante,  connaissant  à  fond  toutes  les  langues 
chantées  de  l'Europe,  et  son  fiancé,  pourvu  de  toutes  les  qua- 
lités de  l'emploi,  et  homme  de  bonne  volonté,  bona;  volunla- 
(w,  comme  dit  l'Ëcrilure.  Mais  entre  ce  bonheur  royal  et  nous 
il  y  a  les  Pyrénées,  ciiconslance  qui  refroidit  un  peu  rcnthou- 
siasme.  Quant  ù  l'infante  dona  Luisa,  la  liancée  de  M.  de 
Montpensier  et  qui,  par  la  même  occasion,  devient  la  fiancée 
de  la  France,  nous  pouvons  nous  montrer  un  peu  moins  la- 
conique, el,  grâce  aux  renseignements  d'un  jeune  Français, 
liabiliié  du  Prado  et  de  la  place  Mayor,  encadrer  plus  con- 
venablement le  portrait  que  l'Illustration  vous  en  envoie.  Ja- 
mais lleur  plus  délicate,  et  plus  belle,  nous  dit-il,  ne  s'épa- 
nouit dans  celte  royale  famille.  Sa  taille  est  svelte  et  mince, 
ses  joues  ont  la  blancheur  d'une  couche  déneige  Iraichement 
tombée  avec  celte  teinte  rose  si  rare  dans  la  péninsule,  comme 
SI  le  soleil  eût  jeté  sur  cette  neige  son  rellet  pourpre.  Ses 
yeux  ressembleotàdeux  pierres  précieuses,  étincelantes  sous 
1  arc  léger  de  ses  sourcils. 

Notre  correspondant  poursuit  et  insiste  assez  longuement 
sur  te  ton  dithyrambique  et  n'a  garde  d'oublier  aucune  des 
perfections  de  dona  Luisa.  Bref,  il  dit  en  terminant  :  L'air  de 
dignité  et  le  maintien  noble  et  fier  de  la  princesse  sont  d'une 
Espagnole,  mais  elle  est  Française  etParisienne  par  la  grâce, 
la  vivacilé  et  l'esprit. 

Des  princes  se  marient,  d'autres  princes  s'évadent,  et  ou- 
vrent, en  s'échappant,  la  boite  de  Pandore.  Celte  noble  Es- 
pagne qui  nous  envoie  une  noble  fiancée  va  peut-êlie  s'em- 
braser encore  une  l'ois  des  fureurs  de  la  guerre  civile.  Le 
comte  de  Montemoliu  ne  reverra  pas  seul  la  Navarre  et  la 
Biscaye,  eU'on  sait  maintenant  qu'il  va  jeter  dans  la  balance 
des  événements  la  pesante  épée  de  Cabrera,  de  ce  pauvre  pe- 
tit moine,  decet  échappé  d'université  qui  tint  si  longtemps  en 
échec  les  armées  d'Espartero  et  vint  camper,  en  183(J,  sous 
les  murs  de  Madrid.  Les  faits  et  gestes  de  Raraon  Cabrera 
tiennent  du  merveilleux  ;  ils  rappellent  les  temps  héroïque- 
ment sanglants  du  moyen  âge,  et  avec  le  récit  de  ses  coups 
d'épée  et  de  ses  coups  de  main,  on  ferait  un  assez  long  poème 
ii  la  manière  de  l'Arioste.  Aussi  l'apparition  de  cet  Orlando, 
dans  les  gorges  de  Roncevaux,  pourrait  bien  faire  relluer  le 
Ilot  parisien  des  baigneurs  de  Baréges  et  de  Luçon. 

Paulo  majora  cona»»«s, c'est-à-dire  que  nous  allons  chauler 
de  moins  hautes  destinées,  bien  qu'il  s'agisse  de  la  création 
d'un  immortel,  enfanlement  toujours  pénible  et  laborieux,  et 
qui,  cette  fois,  lésera  bien  davantage,  s'ilest  vrai  qu'une  dou- 
zaine de  candidats  se  soient  mis  sur  les  rangs.  Qui  est-ce  qui 
,se  serait  douté  que  le  fauteuil  académique  de  ce  bon  M.  de 
Jouy  fut  menacé  d'une  telle  invasion,  et  que  lant  de  candi- 
dats viendraient  se  faire  tuer  sous  lui"?  On  ne  compte  plus  ces 
messieurs,  il  faut  en  foire  le  dénombrement,  el  les  classer 
par  professions  et  calégories.  On  cite  donc  :  M.  Leclerc 
M.  Boniour,  M.  Ponsard,  M.  Janin,  M.  AiméMarlin,  M.  Ma-^ 
gnm,  M.  Chasies,  M.  Empis,  M.  d'Angleniont,  M.  Emile  Des- 
cliamps, M.  Vatout...  Quand aura-t-il  toutcilé?  sécricrail  Pe- 
tit-Jean, la  liste  est  nombreuse  en  ellèt,  et  lémoigiie  de  l'espi  il 
d  invention  qui  distingue  les  lournaux  dès  qu'il  s'agit  d'jmpro- 
viserdes  candidatures;  ilsévcillentpar  lii  toutes  sortes  d'ambi- 
tions littéraires,  et  donnent  des  idées  à  plus  d'un  aspirant  qui 
en  manque.  Il  est  assez  singulier  d'avoir  à  dire  que  de  tous  ces 
candidats,  les  plus  sérieux  jusqu'à  présent,  sont  précisément 
ceux  que  vous  jugeriez  l'être  le  moins.  «  Mais  vous  ne  vous 
presenlez  donc  pas,  disait-on  dernièrement  à  M.  Dumas.  — 
Je  veux,  répondit-il,  leur  laisser  rembarras  du  choix.  » 

Point  de  nouveautés  dramatiques;  le  théâtre  a  chômé 
cette  seinaine,  et  si  l'on  a  joué  la  comédie  quelque  part, 
c'est  à  Saint-Gennain-en-LaYe.  La  muse  hospitalière  de 
M.  Alexandre  Dumas  lèlait  Sliakesiieare  et  llamlet  dans  ce 
château  que  l'auteur  de  Monte-Cristo  a  ouvert  à  toutes  les 
gloires  diainali(|ues  du  monde,  et  où  il  olVie  une  hospilalité 
lastueuse  à  ses  amis.  M.  Dumas,  qui  pratique  tout  en  grand, 
el  l'amitié  comme  le  reste,  avait  réuni  six  cents  amis  pour 
celle  soirée  dramatique,  qui  s'est  terminée  par  un  festin.  Ce 
badigeonnage  de  la  plus  belle  fresque  épique  de  Shakespeare 
a  été  fort  goûté,  et  depuis  quelques  jours  les  feuilletons  de  la 
littérature  bydrophobe  en  rugissent  d'admiration.  C'était 
1  occasion  ou  jamais  de  mor lie  ce  pauvre  Ducis  qui  n'en 
peut  mais.  M.  Dumas,  en  .se  faisant  proclamer  comme  l'undes 
autres  traducliiiis  d  llamlet,  a  reconnu  un  collaborateur  et 
s  est  paré  de  la  plume  de  M.  Paul  Memico. 

Cependant  l.s  Variétés  nous  donnaient  un  vaudeville  en 
quatre  coinpailimeiils  el  sous  ce  litre  :  Paris  l'été.  S'il  faut 
en  çrmre  les  ailleurs,  MM.  Gabriel  et  Dupruly,  tout  l'élé  de 
Paris  et  des  Parisiens  se  passerait  à  l'école  de  nalalion,  au 
Chàteau-Rouge  et  devant  les  cafés  chantants  des  Champs- 
Elysées.  Pour  eux  il  n'y  aurait  de  belle  .saison  qu'an  siiu  de 
ce  triple  séjour,  et  hors  de  là  le  Parisien  deviendrait  invisi- 
ble et  impossible.  Il  est  vrai  que  les  quelques  personnes  qui 
se  partagent  le  privilège  d'être  oisils  impunément  ont  disparu 
de  la  capitale  au  mois  de  juin,  el  n'y  rentrent  guère  qu'en 
novembre.  Alors  tout  ce  beau  monde  s'en  va  de  compagnie, 
qui  aux  eaux,  qui  dans  ses  terres,  les  antres  à  l'étranger,  et 
si  vous  leur  demandez  le  molif  de  cette  émigration  périodique, 
ils  vont  vous  répondre  :  «  Que  fcrions-noiis  à  Paris?  il  n'y  a 
plus  personne  pour  nous  regarder.  »  Mais  à  lu  place  de  tontes 


ces  vanités  qui  lui  échappent,  combien  d'ingé  uités  nouvelles 
Paris  n'acquiert-il  pas?  Paris  d'ailleurs,  quoi  qu  on  en  dise, 
ne  perd  jamais  ses  premiers  rôles;  ce  sont  les  comparses  qui 
le  quiltent.  On  a  trop  abusé,  et  le  Courrier  de  l'IUusiralion 
tout  le  premier,  de  la  métaphore  suivante  :  Rome  u'est  otus 
dans  Hume,  alors  qu'une  pjigoéc  de  Itomains  seulement  va 
se  faire  une  Capoue  ailleurs.  Ne  laissons  pas  échapper  celte 
occasion  de  proclamer  que  la  capitale  n'est  jamais  plus  peu- 
plée que  dans  la  belle  saison,  par  celle  excellente  raison  :  la 
belle  saison  !  Toutes  ses  portes  s'ouvrent  à  tous,  et  il  lui  ar- 
rive des  Parisiens  de  tous  les  coins  du  inonde.  Ces  beaux  in- 
fidèles, ces  élégants  et  ces  volages  même  qui  l'ont  aluuub^ii.é 
par  fatigue,  l'ennui  les  rend  bienlot  à  noire  Paris.  Nous  on 
altestons  les  mille  et  mille  villas  éparpillées  autour  ilc  son  en- 
ceinte, et  dont  elle  est  cernée  à  vingt  lieues  à  la  ronde.  Idée 
originale!  voir  l'été  do  Paris  et  le  Paris  de  l'été  aux  Champs- 
Elysées  et  au  Chàleau-Rouge,  comme  si  Paris  n'était  pas  assis 
dans  un  plus  vaste  jardin,  et  couché  dans  des  champs  "do 
verdure  et  sous  les  plus  riants  ombrages.  La  vallée  de  Mont- 
morency, le  bois  de  Verrières,  le  narc  du  Raincy,  les  forêts 
de  Senartet  de  Saint  Germain,  tels  sont  les  jardins  de  plai- 
sance du  Parisien,  et  c'est  là  qu'on  le  rencontrcà  ses  heures 
de  loisir;  seulement  le  vrai  P.uisien  n'abuse  pas  de  la  vie 
champêtre,  il  en  connaît  l'éciicil  et  les  dangers,  il  sait  mesu- 
rer l'étroite  limite  quise|iaic  l'agréable  de  linsipide,  elabré- 
ger  ses  jouissances  biiniliques  dans  l'intérêt  de  ses  plaisirs 
Comment  vouliez-  vous  donc  que  le  Parisien  se  fût  lecoinui 
l'autre  soir  aux  'Variétés  dans  ces  petits  bourgeois  mesquins 
ladres,  sans  passion,  sans  gaieté  el  sans  esprit,  sousprélexiè 
de  Paris  V été nwahU  lendemain,  quel  dédoinmagenieni  '  fi 
a  revu  Veriiet;  Veniol  est  renlré  a  l'iioprovisli',  en  niêiue 
temps  que  son  camarade  Odiv,  madame  P^xliol' lelroiiviit 
madame  Gibou,  Malhias  l'invalide  donnail  le  bras  à  Bilbo- 
quet, autre  invalide.  Mais  ils  ont  eu  beau  vieillir  tous  les 
deux,  leur  talent  n'a  pas  dérides.  Aulour  de  nous,  on  s'en- 
quérait  de  leur  âge,  comme  si  les  bons  comédiens  avaient 
un  autre  âge  que  celui  de  leurs  rôles.  Voilà  cinq  ou  six  l'ois 
déjàqu'Odry  et  Vernel  rentrent  de  compagnie  et  Imijours 
avec  les  mêmes  applaudissements,  dans  les  mêmes  emplois 
Tous  deux  semblent  dire  aux  spectateurs  :  «Voyez  tout  ce 
que  vous  avez  perdu,  »  et  aux  auteurs  :  «  Voyez  tout  ce 
que  vous  auriez  gagné  en  nous  employant.  »  Car,  et  c'est  le 
plus  grand  éloge  qu'on  puisse  faire  de  ces  excellents  comé- 
diens, ils  se  sont  arrêtés,  comme  le  voyageur  de  Laponie  on 
le  sol  a  manqué,  ubi  defuit  orbis;  l'art  n'a  pu  tailler  tou.s'  les 
vêtements  qu'ils  eussent  si  bien  porlés,  ni  utiliser  tout  leur 
talent.  Vernet,  l'idéal  du  naturel,  Odry,  le  grotesque  monté 
jusqu'au  snbUme,  les  voilà  donc  partis,  et,  cette  fois,  pour 
ne  plus  revenir!  0  Iry  bat  défiiiitivenienl  en  retraite  devant 
soixante-treize  printemps  ;  Vernet  se  retire,  la  béquille  en 
main,  vaincu  par  la  goutte. 

«Est-ce  là,  nous  direzvous  peut-être,  toute  l'agitation  ot 
tout  l'extraordinaire  de  celle  semaine?  »  Nous  vous  répli- 
quons :  «N'est-ce  donc  rien  que  deux  mariages  qu'un  bruit 
de  guerre  accompagne,  rien  qu'une  apparilion  de  guerre  ci- 
vile à  nos  portos,  rien  qu'une  baisse  assez  considéralile  à  la 
Bourse  ?  Et  celte  course  au  fauteuil  académique,  et  cet  Hamiot 
ressuscité  à  Sainl-6ormain-en-Lave?  l'aul-il  oiirin  aiouler 
à  la  mention  de  luus  ces  événcinonls  niémor.ibles  une' autre 
nouvelle  désastreuse  :  la  glace  manque  dans  la  capitale  c'est 
le  résultat  d'une  tempéralure  exagérée  et  de  celle  saison  in- 
cendiaire. Un  déficit  de  glace  en  plein  été,  jugez  de  la  dé- 
solation des  limonadiers.  Torloni  a  été  frappé  de  terreur 
Foy  fondait  en  larmes,  Fra.scati  a  ouvert  l'avis  d'une  expé- 
dition vers  les  Alpes  ;  mais  le  Monl-Hlane  est  trop  liant 
et  la  Jung-Frau  trop  loin.  On  s'est  donc  rejeté  vers  le  Nord 
dans  l'espérance  d'y  trouver  une  mer...  de  g'iaco.  En  effet  oiî 
a  dépouillé  les  pôles,  el  le  Groenland  a  livré  ses  magasins'-  on 
annonce  l'arrivée  au  Havre  d'un  océan  cristallisé;  el,  comme 
la  température  se  calme  extrêmement,  il  est  permis  d'espérer 
que  la  provision  tiendra  bon  "et  ne  s'en  in  pas  en  eau  claire 
Le  mois  de  septembre  est  un  temps  de  repos  pour  Mes- 
sitiirs  de  Première  Instance.  Chicaneuu  se  tient  coi  et  la 
Thémisdemur  mitoyen  fait  relâche;  mais  la  cormiitm'nelle  ne 
connaît  point  ces  loisirs,  et  les  assises  ne  se  lèvent  jamais 
Aimez-vous  l.'s  d'Jlils'?  on  en  comiiiol  parloul.  H  »'>  a  point 
de  journal  qm  n  ait  sou  petit  compte  rendu  do  hrouleries 
Tous  les  malins  le  crime  vous  arrive  timbré  ot  sous  bande' 
C'est  bien  celui-là  qu'il  faudrait  inventer,  s'il  n'existait  pas' 
pour  l'agrément  deslecleuis,  tant  il  est  vrai  qu'un  vol  facé- 
tieux dissipe  la  bile,  fail  passer  les  plus  gros  morceaux  il 
facilile  la  digestion.  Voici,  par  exeui|ile,  un  Konianzolf  dont 
les  exploits  sont  assez  bien  tournés  pour  exercer  celle  iu- 
nuence  salnlaiic.  H  y  a  du  roman  et  du  romanesque  dans  -n 
vie  comme  dans  son  nom.  Il  faut  rendre  à  Romaiizoll  celle 
justice  en  attendant  celle  qu'on  lui  fera  plus  lard,  l'ost 
que  nul  filou  n'eut,  à  un  aussi  haut  degré,  les  qualités  de 
sou  emploi,  ni  le  génie  de  sa  vocation.  Citez-moi  un  voleur 
qui  an  obicrvé  plus  consciencieusement  jusqu'au  houl  les 
rèj;los  do  la  mi.so  m  scène.  Nous  le  vovons  d  abord,  docile 
aux  inslruclion»  des  plus  grands  mailre's,  marcher  de  péri- 
pélies  en  péripéties,  el  reculer  de  toutes  ses  forces  lo  déiioû- 
meut.  La  police  met  à  ses  trousses  se»  plus  fins  limiers,  on  le 
poursuit,  on  le  chasse,  on  le  traque  en  Pru.sse,  tn  Italie,  en 
Anglolerre,  en  Franco,  RoiiianzolV s'esquive,  disparail,  couil 
s'escamolect  l'ail  défaut.  Telle  est  sa  faute  précisémeiit;  Ro- 
manzolT  fail  des  faux.  Il  a  du  faible  pour  les  billets  de  ban- 
que; il  vent  eiiavoii  toujours  sous  la  inainol  dans  ses  poches,  et 
ne  pouvant  garder  les  originaux  qu'il  oonvoile,  il  en  tire  ime 
infinité  de  copies.  Ce  croqueur  de  billels  de  caisse,  et  qui 
connaît  toules  les  banques,  y  compris  la  banque  de  France 
a  élé  appréhendé  avec  un  détail  bizarre.  Son  signalemi  ni  cl 
son  polirait  .ivaient  élé  adressés  par  la  police  à  lf,us  lis  inlé- 
ressés  ;  ce  Ronianzoff.  croqué  à  son  tour,  ornait  tn  effigie  ii.us 
les  comptoirs  de  l'Europe,  lorsqu'il  présenta  naguère  ihiz  un 
changeur  une  hank-nole  de  cent  livres.  Le  dangnu  a  des 
doutes,  il  regarde  notre  lionmie,  qui  se  trouble,  »  I  iucimI  |,'i 
fuite  en  laissant  le  billet,  un  billet  véritable  et  nùllomentlal- 


îiS 


L'ILLUSTKATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


.j^ji^S^Fi^w^ 


(Don  François  d'Assises,  infant  d'Espagne.) 


(Isabelle  II,  reine  d'Espagne.) 


(Dona  Maria-Luisa-Eerdioaoda,  iofanle  d'Kspagiie.) 


(S.  A.  R.  Mgr  le  duc  de  Montpeuiier.)' 


etenparodiantlantd'autrcsj^riindscsiH'ils,  «encore  centmillu  I  sous  silence  et  las  escamoter,  d'autant  plus  que  nous  sommes  j  roclionnelle,  vous  l'ics  scuivenl  exposés  à  ne  plumer  quun 

irancs,  et  je  me  faisais  lumncte  liuiiiiiic  !  »  loin  déjuger  leurs  tours  pendables,  sans  compter  qu'en      vicuxcaïKird,  Laprosso  quotjdienneaune  etpraliqneboaucoup 

Grâce  a  ce  lilou  émérite,  nous  pouvons  passer  les  autres  |  croyant  saisir  et  mettre  è  nu  quelqu'un  de  ces  aigles  de  Cor-  1  ces  sortes  de  tours,  mais  ce  n  est  pas  le  nôtre.  Cliacuu  son  tour. 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL, 


53 


Le  Sémaphore  de  Marseille  a  publié  une  lettre  de  Rome, 
liu  8  septembre,  doiinant  sur  cette  lète,  et  l'ûvation  dont  le 
pape  a  été  l'objet  des  détails  intéressants  : 

«  Triomphe  île  Pie  IX  :  Les  Romains  appellent  ainsi  la  fête 
qu'ils  donnent  aujourd'hui  au  saint-père.  Et,  vraiment,  ja- 
mais fête  populaire  n'a  été  plus  magnilique,  plus  touchante  : 
il  serait  aussi  impossible  de  rendre  l'impression  qu'elle  a 
causée,  que  d'expliquer  les  mille  incidents  qui  la  composent. 

u  La  fête  du  8  septembre  est  célébrée  à  l'église  appelée 
Madonna  del  Popolo,  située  sur  la  place  de  ce  nom.  Le  saint- 
pêre  s'y  rend,  ce  jour-là,  avec  toute  la  pompe  pontilicale,  et 
traverse  le  Corso  presque  dans  toute  sa  longueur.  On  sait 
que  le  Corso  est  cette  magniUque  rue,  de  plus  d'un  raille  de 
longueur,  qui  pourrait  être  appelée  le  diamètre  de  la  circon- 
férence de  Home.  Le  passage  de  Sa  Sainteté  dans  un  tel  lieu, 
à  l'occasion  de  la  fête  d'une  madone  si  populaire,  ollrait  aux 
Romains  la  circonstance  la  plus  favorable  pour  célébrer  la 
fête  qu'ils  voulaient  appeler  le  triomphe  de  Pie  IX.  Aussi, 
dès  le  jour  de  l'amnistie,  avait-il  été  annoncé  que  le  grand 
témoignage  de  la  joie  du  peuple  aurait  lieu  le  S  septembre. 

u  Depuis  lors  on  a  travaillé  à  cette  fête.  Une  souscription 
nationale  a  été  ouverte,  pour  ériger  à  Pie  IX  un  monument 
destiné  à  éterniser  sa  clémence  ;  un  simulacre  en  bois,  de  ce 
grandiose  édilice,  uni  ne  sera  rien  [moins  qu'un  desj  plus 


lia  fête  de  la  Nativité  à  Rome. 

beaux  arcs  de  triomphe,  dont  l'anliqnilé  et  les  temps  mo- 
dernes puissent  offrir  de?  modèles,  a  été  improvisé  sur  la 
place  du  Peuple.  Le  sommet,  comme  la  base,  est  entouré  de 
statues,  symboles  de  la  religion,  et  des  vertus  dont  Pie  IX 
est  le  modèle.  Des  inscriptions,  aussi  convenables  que  tou- 
chantes, ornent  les  colonnes.  Sous  la  voûte  de  l'arc  un  tapis 
brodé  en  lleurs  naturelles,  représente  les  armes  du  saint- 
père,  entourées  de  plusieurs  devises;  les  alentours  du  monu- 
ment et  la  voie  que  doit  fouler  le  char  pontifical  sont  cou- 
verts de  lleurs  jusqu'au  (Juirinal,  à  l'heure  où  le  cortège  doit 
en  sortir. 

«  Qui  pourrait  rendre  en  cet  instant  l'aspect  du  Corso  ! 
Dès  la  veille,  il  était  rempli  d'une  foule  enthousiaste,  parmi 
laquelle  on  remarquait  plus  de  vingt  mille  âmes,  venues  des 
provinces  pour  assister  a  cette  fête.  Les  jours  précédents  les 
petits  bateaux  à  vapeur  du  Tibre,  apportaient  chacun  régu- 
lièrement quatre  ou  cinq  cents  provinciaux,  entassés,  on  peut 
le  dire,  sur  le  pont  et  dans  les  entre-ponts.  A  mesure  que 
ces  pyroscaphes  entraient  dans  les  eaux  de  Rome,  tous  leurs 
passagers  a:;itant  leurs  mouchoirs  et  chapeaux,  faisaient  re- 
tentir, avec  délire,  le  cri  de  l'ivo  Pio  nmio.'  et  la  population 
accourue  sur  la  rive,  répondait  à  leur  témoignage  d  ardente 
sympalhic  par  des  cris  non  moins  expressifs.  Ces  jours-ci, 
c'était  une  fête  d'aller  à  Repetta  (grand  port  sur  le  Tibre), 


voir  arriver  les  vapeurs  ;  c'était  là  qu'on  pouvait  se  faire  une 
idée  des  provinces. 

«  Mais  revenons  au  Corso.  Le  7,  au  soir,  toute  la  ville  et 
le  Corso  avaient  été  richement  illuminés,  on  prélude  ainsi  à 
Rome  aux  grandes  solennités.  Mais  dire  comment  cette  ma- 
gnilique rue  était  décorée  le  8,  serait  impossible,  à  moins 
d'écrire  un  gros  volume.  Chaque  palais,  chaque  maison  ex- 
primait les  sentiments  de  ses  habitants  par  mille  tentures 
emblématiques,  mille  devises,  mille  bannières,  mille  guirlan- 
des de  fleurs  ;  parmi  les  innombrables  devises  exposées,  nous 
avons  retenu  les  deux  suivantes  :  «  Que  la  modération  ac- 
compagne toujours  la  manifestation  enthousiaste  de  notre 
amour! 

«  Heureux  le  peuple  qui,  comme  nous,  peut  obéir  en  ché- 
rissant !  11 

«  Le  saint-père  approche!...  un  silence  profond  règne  dans 
le  Corso  et  permet  d'entendre  les  acclamations  lointaines  qui 
saluent  le  passage  de  Pie  IX.  Voici  le  cortège  :  cinq  gendar- 
mes, marchant  au  pas.  de  front,  ouvrent  une  issue  à  travers  la 
foule.  Cinq  cents  jeunes  gens  en  habit  noir  agitent  des  bran- 
ches de  lauriers  dans  leurs  mains,  les  bras  ornés  des  cou- 
leurs pontificales,  marchant  sur  six  de  front  en  criant  :  Vive 
Pie  IX!  gloire  au  sainl-jière!  dévouement  à  la  clémence! 
Ils  sont  suivis  par  la  famille  du  pape  (ses  serviteurs)  en  habit 


(Arc  de 


nphe  élev. 


i  place  du  Peuple,  le  8  septembre  1816,  enj'honoeur  du  pape  Pie  IX,  par  le  peuple 


cramoisi.  Le  char  pontiOcal  vient  ensuite;  voilà  Sa  Sainteté! 
Les  yeux  baignés  de  larmes,  en  proie  à  la  plus  douce  émo- 
tion. Pie  IX  donne  à  tous  sa  bénédiclinn.  sous  une  nuée  de 
lleurs  et  de  sonnets,  au  milieu  d'acclain:ilioiis  iiiiiiMt-'inalilfs. 

«  Telle  est  la  faible  idée  qu'il  nous  est  piissiblc  df  dniiniT 
de  celte  fête  incomparable,  composée  di'  mille  épisodes,  tous 
plus  touchants  les  uns  que  les  autres.  » 

On  écrivait  de  Livourne  le  10  : 

«  Le  paquebot  français  l'Eurotas  vient  d'arriver  de  Naples 
et  de  Civila-Vecchia.  Les  lettres  qu'il  nous  apporte  sont  rem- 


plies de  détails  sur  la  fête  qui  a  eu  lieu  le  8,  de  la  Madonna 
ai  Pie  dt'Grofto  à  Naples,  et  de  la  Madonnadel  Popolo  il  Rome. 
La  première  a  été  pour  ainsi  dire  militaire,  car  le  roi  a  passé 
une  grande  revue  de  3rj,000  hommes  de  toute  arme,  réunis 
en  cette  occasion  dans  la  capitale.  La  présence  du  prince  de 
Joinville  et  des  navires  de  l'escadre  française  dans  le  port 
ajoutait  encore  à  l'éclat  de  la  fête.  » 

Enfin,  on  écrivait  de  Gènes  le  15  : 

Il  L'ouverture  du  huitième  congrès  scientifique  italien  a  eu 
lieu  hier.  Le  prince  de  Canino  (fils  de  Lucien  Bonaparte)  a  pris 


la  parole  pour  annoncer  qu'avant  de  nuitter  Rome,  il  avait  eu 
une  audience  de  Pie  IX,  qui  l'avait  chargé  de  faire  savoir  au 
congrès  combien  il  appréciait  cette  institution,  et  qu'il  avait 
par  conséquent  très-volontiers  permis  aux  savants  des  Etats- 
Romains  d'y  assister;  que  son  intention  était  d'adopter  tout 
ce  qui  pouvait  contribuer  au  bien  matériel  et  intellectuel  des 
populations  ;  il  pensait  rétablir  la  fameuse  académie  scienti- 
fique (/ciLinm. 

«  Ces  sentiments  du  nouveau  pape  ont  été  accueillis  par  de 
vifs  et  unanimes  applaudissements.  » 


Roblot  ayant  été  appelé  pour  déposer,  il  s'avança  tenant 
son  petit  garçon  par  la  main  ;  il  l'assit  sur  une  chaise  à  coté 
de  lui,  et,  se  tournant  du  côté  des  jurés,  après  avoir  retrouvé 
une  de  ses  poses  de  la  garde  impériale,  il  parla  en  ces  ter- 
mes : 

(1  Messieurs,  il  faut  vous  dire  que  ma  fille  tient  un  petit 
commerce  de  mercerie  rue  de  La  llarpe,22;  elle  avaitépousé 
un  maréchal-des-logis  au  12' dragons,  un  brave  garçon,  eslimé 
de  ses  chefs,  et  qui  la  rendait  três-lieureuse;  mail  il  est  mort 
il  y  a  dix-huit  mois.  C'est  un  malheur.  Donc,  ma  fille  éUint 
seule,  et  obligée  de  faire  un  voyage  pour  une  succession  dans 
la  famille  de  son  mari,  soi-disant,  qu'il  ne  lui  reviendra  peut- 
*tre  rien,  mais  c'est  égal,  elle  m  a  laissé  son   petit  garçon 


Ii'Knfant  voir* 

(Fin.  —  Voir  tome  VIll,  p«pe  IJ.: 

pour  que  j'en  aie  soin.  Ça  ne  pouvait  pas  lui  manquer,  parce 
que,  ce  n'est  pas  pour  dire,  vous  me  croirez  si  vous  voulez, 
mais  un  vieux  soldat,  il  n'y  a  pas  de  meilleure  bonne  d'en- 
fant. Cet  enfant,  c'est  tout  naturel,  vous  savez  ce  que  c'est 
qu'un  grand-père;  moi,  je  l'aime  comme  mes  yeux...  Je 
commence  à  être  vieux...  J'ai  bien  ma  femme...  mais  une 
femme,  ce  n'est  pas  toujours  amusant...  au  lieu  que  cet  en- 
fant, il  va'',  il  vient,  il  babille,  ;il  fait  les  cent  coups...  ça 
égayé  la  maison...  Pour  lors,  voilà  que  l'enfant  m'est  volé 
le  I')  de  juin  au  soir. ..Une  bêtise  de  mu  femme,  voyez-vous... 
elle  l'aime  pourtant  bien,  sapristi...  mais  une  bêtise,  parce 
qu'un  enfant,  c'est  comme  un  poste,  il  ne  faut  pas  quitter 
ça  un  instant. ..La  pauvre  femme!  elle  en  a  pâti  tout  comme 


moi,  sans  compter  les  taloches  que  j'ai  pu  lui  donner,  quoi- 
que pas  méchant...  Mais  vous  comprenez,  messieurs...  la 
colère. ..  enfin  suffit,  ça  n'empêchait  pas  l'enfant  d'être  perdu. . . 
Vous  sentez  qu'étant  militaire,  et  dans  le  temps  où  il  y 
avait  de  la  besogne,  j'en  ai  vu  de  cruelles  dans  ma  vie... 
A  la  Moskowa,  qui  m'a  rapporté  le  coup  de  sabre  que  vous 
pouvez  voir,  j'ai  passé  deux  jours,  blesse,  sans  boire  ni  man- 
ger, dans  le  ventre  d'un  cheval  mort;  c'est  une  drôle  d'am- 
bulance... Au  pont  de  la  Bérésina,  je  suis  tombé  dans  l'eau, 
qui  n'était  pas  tiède,  et  en  sortant  delà,  pour  me  réchaufler, 
j  ai  été  pris  par  des  Cosaques  qui  ne  m'ont  laissé,  au  respect 
que  je  vous  dois,  que  ma  chemise...  A  Lutzen,  j'ai  eu  mon 
frère  tué  dans  mes  bras...  Eh  !  bien,  tout  ça  ce  n'était  rien 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


aiiui'ùs  de  ce  que  j'ai  soulîert  quand  cet  entant  m'a  manqué... 
Daine!  pour  le  retrouver,  voyez-vous,  j'aurais  donné  ma  croi.x 
d'honneur,  j'aurais  donné  mes  deux  bras  et  mes  deux  jambes, 
el  ma  vie,  bien  entendu,  et  celle  de  ma  femme  par-dessus 
le  inarclié  (ii-i  la  «énérosilé  de  Roblot  excita  le  rire  de  l'as- 
semblée); mais  ce  n'était  pas  ça...  il  fallait  se  remuer.  J'ai 
couru  dans  Paris  pendant  deux  jours,  connue  un  onmibus; 
j'ai  été  à  la  police,  oii  J'ai  trouvé  des  messieurs  tré.^-honnètes, 
mais  qui  ne  m'ont  servi  à  rien...  Enlin,  par  le  moyen  d'une 
bilièreetd'un  conducteur  de  diligence,  j'ai  eu  des  nouvelles, 
et  j'ai  retrouvé  mon  enfanta  l'iiospice  d'Elampes,  avec  ma- 
demoiselle... ,        ,.    , 

—  On  n'avait  fait  aucun  mal  à  votre  enfant,  dit  le  prési- 
dent. 

—  Du  tout,  monsieur,  répondit  lioblot. 

—  Du  mal  it  cet  enfant  !  s'écria  Louise  aussitôt.  Ah  !  mon- 
sieur... cher  petit  ange...  au  contraire,  j'en  ai  eu  bien  soin, 

—  C'est  vrai  !  c'est  vrai?  ma  pauvre  lille,  dit  Roblot.  Mon 
Ùieu  !  je  no  vous  en  veux  pas  :  vous  m'avez  bien  fait  souffrir. 
Mais  à  présent,  c'est  passé...  j'ai  rriOn  petit  garçon,  n'en  par- 
lons plus.  »  ,    ,  .  /     , 

On  entendit  un  chirurgien  de  l'hospice  de  la  Maternité.  Il 
déclara  que  la  lille  Sécbard,  entrée  depuis  quelques  jours 
dans  la  maison,  le  15  juin  au  soir,  l'avant-veille  du  vol,  éiait 
accouchée  d'un  enfant  mort.  «  Je  fis  même,  ajouta-t-il,  îiue 
remarque  en  la  délivrant...  Mais,  il  est  inutile  de  la  dire, 
parce  qu'elle  ne  peut  servir  à  la  cause,  et...  il  ne  faut  afili- 
ger  personne  sans  nécessité...  —  il  continua.  —  Messieurs, 
je  ne  saurais  vous  dépeindre  le  désespoir  de  celte  bile,  quand 
on  lui  dit  que  son  enfant  éiait  mort...  Je  n'ai  jamais  rien  vu 
de  semblable...  D'abord,  elle  ne  voulut  pas  le  croire...  iMais 
non,  disait-elle,  ce  n'est  pas  vrai...  Mon  enfant  n'est  pas 
mort;  je  l'entends  crier...  Je  veux  le  voir...  Donnez-le-moi. 
Il  me  faut  mon  enfant...  Vous  êtes  des  monstres  de  m'enlever 
mon  enfant.  »  Elle  vit  qu'on  l'emportait...  elle  s'élança  de 
son  lit,  toute  san'.^lante  qu'elle  était,  arracha  le  cadavre  des 
mains  de  la  sncur,  et  l'approcha  aussitôt  de  son  sein,  en  di- 
sant :  «  Tiens,  cher  enfant,  tiens,  pauvre  petil,  voilà  le  sein 
de  ta  mère...»  Il  fallut  bien  le  lui  enlever...  Alors,  elle  poussa 
des  cris  déchirants  ..  elle  se  frappait  la  tête  contre  la  muraille. 
On  eut  toutes  les  p>incs  du  monde  pour  l'empêcher  d'alten- 
ler  à  ses  jours...  Je  rt.commandai,  en  m'en  allant,  qu'on  la 
surveilli\t  avec  beaucoup  de  soin;  mais  le  surlendemain, 
j'appris  qu'elle  avait  disparu. 

—  Monsieur,  dit  le  président  au  témoin,  pensez-vous  que 
l'accouchement  de  cette  lille  et  la  perte  de  son  enfant  aient 
pu  être  pour  quelque  chose  dans  l'action  qui  lui  est  repro- 
chée? 

—  Je  n'en  doute  pas,  monsieur  le  président,  elle  a  dii  être 
pendant  plusieurs  jours  dans  un  état  de  douleur  exaltée  qui 
a  pu  allm- jusqu'à  l'égarement.  » 

Le  chirurgien  alla  s'asseoir  auprès  de  Roblot,  qui  lui  dit 
tout  bas  : 

«  Quelle  est  donc  la  remarque  que  vous  avez  faite  pendant 
raccuuchem.ent,  et  dont  vous  n'avez  pas  voulu  parler? 

—  C'est  que  cette  pauvre  lille,  chez  laquelle  l'instinct  de  la 
ina'ornilé  est  si  développé  et  si  ardent,  n'aura  jamais  la  joie 
d'être  mère.  Les  enfants  qu'elle  pourrait  avoir  perdront  la  vie 
en  naissant- 

—  En  effet,  dit  Uoblot,  vous  avez  bien  fait  de  ne  pas  lui 
dire  ça  !>  celte  malheureuse...  Vous  êtes  un  brave  homme!  » 

Pendant  le  récit  du  chirurgien,  l'accusée  n'avait  cessé  de 
pleurer.  Dès  que  son  émotion  fut  calmée,  le  président  lui 
adressa  la  paro!c  : 

«  Kille  Sécbard,  lui  dit-il,  faites-nous  connaître  ce  que 
vous  avez  fait  à  votre  sorlie  de  l'hospice,  et  comment  vous 
avezcommii  le  ci  ime  dont  on  vous  accuse?» 

ssiivi  veb  yeu\,  elle  se  leva  et  parla  ainsi  : 
m  s   (  (iiuiiH  ]e  vous  I  ai  dit,  je  ne  suis  qu'une  pau- 
I  ilui     1 1  I    ^  ils  bien  que  je  mérite  voire  mépris; 
iiis  \(  il»/  bien  m'entendre,  peut-être  pourriez- 
u  vous  intéresser  a  moi... 
z,  pailez,  1)  lui  dit  le  président. 
Iinui 

1 1  est  bien  misérable,  mais  il  aurait  pu  être  meil- 
n'est  le  suis  dune  bonne  famille,  messieurs, 
lie,  mais  d'une  taraille  d'honnêtes  gens.  Mon  père 
r  d  école  dans  notre  pays,  à  Voiineuil,  un  gros  vil- 
au\  enviHuis  de  Foitieis.  Il  m'a  élevée  le  mieux  qu'il  a 
pu  il  im  donne  de  bous  principes  et  de  la  religion...  Mal- 
h'iiii  usi  ment,  ]e  I  u  peidu  liop  tôt.  J'avais  quinze  ans  :  ma 
nii'ie  élut  miiili  depuis  longtemps;  je  suis  donc  restée  or- 
phelin '  avei  une  soein  beaucoup  plus  jeune  que  moi.  C'était 
,1  moi  il  '  Tel  ,1  r  j  ai  mis  à  cela  tous  mes  soins...  Mon  tra- 
vail siillis  ut  poui  nous  deux  |e  tachais  de  lui  apprendre  le 
pi  u  que  ]e  sivus  luette  entant  était  délicale...  elle  me  don- 
mit  bien  de  1 1  peine,  etj  ai  pissé  plus  d'une  nuit  à  la  veiller, 
malade,  dans  le  petit  lit  que  nous  avions  pour  nous  deux; 
mais  je  ne  me  plaignais  pas  de  cela,  car  j'ai  toujours  aimé 
les  enfants,  el  coniiiient  n'aurais-je  pas  aimé  ma  sœur,  pau- 
vre petite  créature  qui  n'avait  que  moi  poursoutien...  Quand 
j'élais  obligée  de  la  quitter  pOur  aller  travailler  en  ville,  je  la 
laissais  à  une  bonne  voisine  en  qui  j'avais  toute  confiance... 
Le  dimanche,  j'allais  la  promener  dans  les  champs  pour  lâ- 
cher de  lui  donner  de  la  force...  Dans  le  village,  quand  on 
me  voyait  passer,  tenant  ma  sœur  par  la  main,  ou  ni'apinlait 
la  pelile  maman...  Mais,  voyez,  messieurs,  combien  j'ai  eu 
do  malheur...  Au  bout  d'une  année  lie  peines,  l'enfant  est 
morte  dans  mes  bras...  Alors,  je  me  suis  trouvée  seule,  loule 
seule  au  monde,  sans  parenis,  sans  appui...  Quand  j'ai  eu 
dix-sept  ans...  ji;  voyais  marier  des  jeunes  tilles  autour  de 
moi,  et  je  me  disais  :  N'y  aiira-l-il  pas  nu   homme  bon  et 

1 1  iji-  ;rii  ;:ii  veuille  bien  épouser  uue  pauvre  hlle  comme 

111'  1.  .  1  '  I  I  l'harilé  qu'il  lerait;  mais  je  le  récompense- 
rais 1  h,  Il  •■!  !'i  luant...  il  s'est  trouvé  un  homme,  mais  pour 
me  lioiii|iiT...  jiiiii  pour  m'épouser;  pour  faire  de  mni  ce 
que  j'aurais  laiit  voulu  être,  une  honnête  femme  el  une  luuiue 


mère  de  famille.  Commentaurais-je  pu  me  défendre?  savais-je, 
moi, qu'on  ne cberchequ'à  troni|ier  une  jeune  hlle...  avais-je 
la  un  père  ou  une  mère  pour  m'apprendra  cela  el  pour  me 
protéger...  Dès  (pie  la  faute  fut  commise,  on  le  sut  partout... 
j'ignore  comment...  mais  peut-être  ce  méchant  homme  l'a- 
t-il  dit...  Alors  on  me  montrait  au  doigt  dans  le  village;  on 
me  refusait  de  l'ouvrage  dans  toutes  les  maisons...  Alors,  j'ai 
été  obligée  de  quitter  le  pays.  Une  première  faute  m'a  con- 
duite à  la  misère  ,  et  la  misère...  à  la  dégradation.  Si  vous 
saviez,  messieurs, ce  que  c'est...  élie  toujours  seule, sans  pro- 
tections, sans  personne  pour  vous  donner  de  bons  conseils... 
Si  vous  saviez  aussi  comme  la  vie  est  diflicile  pour  une  pau- 
vre femme;  comme  elle  gagni!  peu  tout  en  travaillant,  el 
comme  il  est  facile  de  se  perdre,  quand  on  manque  de  pain. 
Cette  vie,  dans  laquelle  je  suis  tombée,  sans  doute  elle  est 
bien  méprisable,  mais  elle  porte  sa  peine  avec  elle,  je  vous 
assure...  Oh!  que  j'ai  souffert! 

«  Quand  j'ai  été  enceinte,  je  me  suis  crue  sauvée...  il  m'a 
semblé  que  Dieu  me  tendait  la  main,  et  m'envoyait,  dans  mon 
enfant,  un  ange  en  signe  de  pardon...  je  me  sentais  au  cœur 
une  si  grande  joie  d'avoir  un  enfant,  et  cette  joie-là  était  si 
pure...  j'étais  heureuse  d'éjirouver  enfin  un  sentiment  dont 
je  n'aie  pas  à  rougir...  je  me  disais  :  Quand  une  femme  de- 
vient mère,  si  abjecte  que  soit  sa  condition,  c'est  toujours 
une  mère...  on  ne  peut  pas  lui  ôter  cela...  Enfin,  que  vous 
dirai-je,  messieurs?  j'étais  si  folle...  je  me  promenais  dans 
les  rues  exprès  pour  montrer  ma  grossesse...  pour  entendre 
dire  :  Vola  une  tenime  qui  est  près  d'accoucher...  Je  me  met- 
lais  un  peu  dans  la  foule,  pour  que  quelqu'un  dit  :  Faitcs- 
donc  attention,  ne  voyez-vous  pas  que  cette  femme  est  en- 
ceinte... des  enfantillages...  comme  on  ne  me  connaissait 
pas,  rien  que  parce  que  j'étais  grosse,  j'inspirais  de  l'intérêt 
et  du  respect,  et  quel  bien  cela  me  faisait,  moi,  pauvre  hlle 
si  habituée  au  mépris...  Pendant  ma  grossesse,  je  menais 
une  vie  si  retirée,  qu'on  se  moquait  de  moi;  mais  cela  m'é- 
tait égal...  je  n'avais  plus  besoin  de  spectacles,  ni  de  bal,  ni 
de  tous  ces  plaisirs  que  nous  recherchons,  nous  autres,  pour 
nous  étourdir  et  oublier  nos  misères...  Tout  mon  plaisir, 
c'était  de  songer  à  mon  enfant...  Pour  lui,  je  sentais  bien 
que  j'aurais  le  courage  de  travailler...  je  l'aurais  bien  élevé, 
soyez-en  sûrs...  et  il  n'aurait  jamais  su  ce  qu'avait  été  sa 
mère...  Mais  voyez  donc,  messieurs,  se  faire  une  joie  d'avoir 
un  enfant,  mettre  son  bonheur  là.  et  compter  là-Ucssus  pour 
sortir  d'une  vie  honteuse,  le  porter  pendant  neuf  mois;  le 
sentir  remuer  et  vivre  en  soi;  tant  souffrir  pour  le  mettre  au 
monde  ;...  et  puis,  ie  perdre  tout  de  suite;  ne  pas  en  jouir 
un  seul  joiir...  ne  pas  le  voir  un  instant  suspendu  à  son  sein, 
ne  pas  sentir  un  instant  sa  petite  bouche  sucer  du  lait...  Oh! 
quand  on  m'a  dit  que  mon  enfant  était  mort...  je  suis  deve- 
nue folle...  oui,  lorsque  je  me  suis  sauvée  de  l'hospice,  j'é- 
tais folle...  j'ai  couru  sans  savoir  oii  j'allais...  je  ne  pourrais 
vous  dire  ce  que  j'ai  fait...  Je  sais  seulement  qu'en  passant 
devant  une  grille  du  Luxembourg,  j'ai  vu  ce  joli  enfant... 
(elle  montrait  le  petit  Eugène),  j'en  suis  devenue  amoureuse. 
Ob!  mais  d'un  amour  qui  me  tenait  à  la  fois  au  conir  et  aux 
entrailles...  Je  le  regardais...  Il  m'a  tendu  sa  petite  main  en 
souriant...  et  je  l'ai  emmené...  Le  croiriez-vous,  messieurs, 
je  n'ai  pas  songé  àsa  mère?...  non,  je  n'y  aijjas  songé,  preuve 
que  t'étaij  folle...  et  puis,  on  ne  pense  qu'à  soi ,  quand  on 
souffre,  et  je  souffrais  tant...  Voilà  comment  j'ai  fait  le  crime, 
puisque  c'est  un  crime  que  j'ai  commis...  Dieu  sait  pourtant 
que  je  n'ai  jamais  fait  de  mal  ni  de  tort  à  personne...  Ayez 
pitié  de  moi,  messieurs...» 
Et  elle  se  rassit  en  pleurant. 

(i  Parbleu!  dit  Roblot,  ému  comme  tous  les  auditeurs,  et 
essuyant  une  larme  qui  coulait  de  ses  yeux,  je  ne  me  serais 
jamais  attendu  à  cela...  Voilà  un  bon  cœur  de  fille...  » 
Louise  Sécbard  fut  acquittée. 

Après  l'arrêt  de  la  cour,  elle  remercia  le  président  et  les 
jurés.  En  descendant  du  banc  des  accusés,  elle  passa  auprès 
de  Roblot  qui  tenait  son  petit  garçon  par  la  main. 

«  Eh  bien!  ma  pauvre  hlle,  lui  dit  celui-ci,  vous  voilà  libre. 
Tant  mieux! 

—  Monsieur,  pardonnez-moi  le  mal  que  je  vous  ai  fait. 

—  Ah  !  je  n'y  pense  plus.  » 
Puis,  comme  il  la  voyait  regarder  encore  l'enfant  d'un  œil 

de  convoitise... 
«Je  le  vois,  vous  auriez  bien  envie  de...  » 
Elle  sourit. 
0  Allons  !  embrassez-le. 

—  Merci,  monsieur,  »  dit-elle  enjoignant  les  mainscouiine 
si  on  lui  avait  fait  la  charité;  puis,  elle  se  jeta  sur  l'enfam,  le 
prit  dans  ses  bras  et  le  baisâ  tendrement. 

III. 

En  1852,  le  choléra  ayant  éclaté  à  Paris,  la  fille  du  briga- 
dier Uoblot  fut  l'une  des  premières  victimes.  Sa  femme  fut 
atteinte  qii.ljucs  |oiiis  ii|iios  cl  sm-ioiiitu.— I.o  ]iauvie  vieux 
soldat  suppiirta  cour.ifiinisniii'iil  les  pi-rlrs  ipi  il  venait  d  é- 
prouver.  Il  voulait  vivre,  non  pour  lui  dont  la  vie  était  ache- 
vée, mais  pour  I  enfant  qui  n'avait  plus  de  mère  et  que  sa 
mort  laisserait  orphelin...  Le  chagrin  fut  plus  fort  que  lui  : 
il  liiiulia  malade,  et  comme  il  arrive  chez  ces  soldats  de 
l'empire  qui  ont  laissé  sur  les  champs  de  bataille  la  luoitiéde 
leur  sang,  et,  après  avoir  dépensé  tant  de  forces  à  la  guerre, 
n'en  ontiilus  contre  le  mal,  l'atl'ection  prit,  dès  I  abord,  un 
caractère  grave;  il  fut  bientôt  en  danger,  et  il  le  sentit... 
Alors,  cette  pensée  le  tourmentait  sans  cesse  :  que  son  petit- 
lils  allait  perdre  son  dernier  appui... Que  deviendra  ce  pauvre 
enfant,  disait-il  ?  Qui  aura  soin  de  lui 'F  Qui  relèvera!...  Il 
écrivit  à  un  de  ses  frères,  liuissieren  province,  qu  il  appelait 
son  frère  le  richard,  pour  lui  exjwser  sa  situation,  et  le  prier 
de  SI'  charger  de  renfanl  dans  le  cas  où,  lui,  viendrait  à 
manquer  :  mais  son  frère  répondit  qu'il  avait  déjà  une  fa- 
mille nomliieuse,  et  que  ses  moyens  ne  lui  permettaient  pas 
d'augmenter  les  dépenses  de  sa  maison.  Il  donna  au  diable 
l'égnïsme  de  son  frère,  et  il  songea  alors  à  uni'  su'iir  de  sa 


femme  qui  habitait  Soissons,  où  elle  passait  pour  une  per- 
sonne bonne  et  charitable.  Il  écrivit;  mais  il  reçut  pour  ré- 
ponse que  sa  belle-sœur  était  morte  depuis  quelques  jours...  ' 
Alors,  le  pauvre  homme  tomba  dans  le  désespoir Pour- 
quoi, se  disail-il,  n'ai-je  pas  eu  le  temps  de  me  remarier... 
et  encore,  qui  est-ce  que  j'aurais  pu  épouser?  une  vieille 
femme  qui  aurait  eu  le  cœur  sec  comme  l'aniadnu  de  mon 
briquet,  et  qui,  après  ma  mort,  aurait  peut-êlre  rendu  cet 
enfant  malheureux...  Oh  mon  Dieu!  mon  Dieu!...  et  il  le- 
gardait  d'un  œil  de  compassion  ce  pauvre  enfant  qu  il  allait  , 
bientôt  quitter,  car  le  mal  laisait  chaque  jour  des  progrès... 

Un  matin,  l'un  de  ses  camarades,  gardien  au  Luxembourg, 
entra  chez  lui  pour  savoir  de  ses  nouvelles. 

u  Bh  bien  !  mon  vieux,  dit-il  en  s'approchant  du  lit,  com- 
ment va  la  santé...  la  nuit  a-t-elle  été  bonne?... 

—  Très- bonne,  répondit  Roblot,  ce  n'est  pas  que  j'aie  bien 
dormi,  mais  j'di  réfléchi...  beaucoup...  ni  plus,  ni  moins,  en   l 
vérité  que  l'empereur  la  veille  dune  grande  bataille...  Quant 

à  la  sanlé,  je  me  porte  bien...  »  ', 

Et  son  teint  jauni,  ses  joues  creusées,  ses  lèvres  que  rou-  \ 

gissait  une  Uèvre  ardente,  donnaient  un  démenti  à  ses  pa-  ■ 

rôles.  ■  i 

n  Et  je  me  porte  si  bien,  mcn  cher  Dubois,  je  me  sens  si 

rajeuni  et  si  gaillard...  que  je  vais  me  marier. 

—  Te  marier,  dit  l'autre,  qui  pensa  que  Roblot  avait  le 
délire,  bah  ! 

—  Oui,  et  comme  il  y  a  un  proverbe  qui  dit  :  A  vieux  ; 
maquignon,  jeune  cheval,  j'épouse  une  jeune  lille...  ^ 

—  Une  jeune  fille!  < 

—  Et  une  belle  fille,  ma  foi. 

—  Ah!  ah!  ali!  et...  probablement,  elle  t'aime  comme  une 
folle. 

—  Non  pas  moi,  non...  mais  elle  aime  quelqu'un  de  ma 
connaissance,  c'est  tout  ce  qu'il  faut. 

—  Ah!  tu  te  contentes  de  cela  ;  lu  n'es  pas  difficile...  al- 
lons! et  à  quand  la  noce? 

—  Bientôt,  j'espère,  parce  que...  je  suis  pressé...  Voyons, 
mardi,  à  midi;  cela  te  va-t-il?...  Toi  et  Bunel  vous  serez 
mes  témoins. 

—  Mardi,  soit. 

—  Maintenant,  je  te  prierai  de  me  rendre  un  service,  l 'i-l 
de  porter  à  leur  adresse  les  trois  lettres  que  voici  :  li 

la  mairie  de  notre  arrondissement,  l'autre  à  M.  le  cun 
paroisse;  et  l'autre  à  mademoiselle  LouiîC  Sécbard,  rui-  - 
Victor  numéro  65...  et  à  l'instant  même  si  tu  peux... 

Dubois  prit  les  lettres  d  un  air  étonné,  se  demaii 
tout  cela  était  sérieux.  Toutefois,  pour  obliger  son  viei^ 
maradc  et  au  risque  de  se  faire  moquer  de  lui,  il  crut  divMi 
remplir  sa  commission. 

Il  vint  en  rendre  compte  quelques  heures  après. 

«Eh  bien,  lui  dit  Roblot! 

—  Eh  bien  !  à  la  mairie  et  à  l'église,  on  m'a  dit  que  ça  suf- 
fisait. 

—  lîon! 

—  Quant  à  la  demoiselle...  je  l'ai  trouvée  travaillant  dans 
sa  petite  chambre...  je  crois,  en  vérité,  que  c'est  au  S"p- 
tième  au-dessus  de  l'rntre-sol...  Sais-tu  qu'elle  a  manque  se 
trouver  mal  en  lisant  ta  lettre... 

—  De  joie  ? 

—  Ma  foi,  je  ne  sais  pas  trop...  elle  avait  l'air  d'être  joyeuse 
et  triste  en  même  temps...  Mon  Dieu  !  disait-elle,  est-ce  bien 
possible?...  il  s'est  souvenu  de  moi?...  pauvre  homme!  el  il 
est  malade...  je  vais  y  aller,  j'y  vais  tout  de  suite...  et  elle  a 
mis  son  cbàle...  tu  vas  la  voir  arriver...  Ah  çà!  dis-moi 
donc,  est-ce  que  c'est  ta  future? 

—  Peut  être  bien! 

■  —  Tu  avais  raison,  un  beau  brin  de  fille,  ma  foi!...  mais 
mon  vieux,  prends-y  garde  au  moins...  c'est  chanceux,  une 
jeunesse  comme  ça. 

—  Je  suis  bien  tranquille,  va...  je  te  remercie,  mon  cher 
Dubois...  maintenant,  je  te  prierai  de  me  laisser,  puisqu'elle 
va  venir...  'lu  penses  que  nous  avons  bien  des  petites  choses 
à  nousdife...  Je  compte  donc  sur  toi  el  sur  Bunel...  mardi,  à 
midi.  » 

Dubois  sortit  au  moment  où  Louise  Sécbard  entrait. 

Au  jour  indiqué  jiar  Uoblot,  sa  chambre  avait  un  aspect 
singulier  :  elle  brillait  de  cette  priqirelé  minutieuse  qui  e.st 
le  luxe  de  la  pauvreté.  La  clieminée  était  couverte  de  lleurs 
sans  parfum,  mais  fraiches  et  éclalanles  de  vives  couleurs. 
Sur  une  table  se  trouvaient  placés  l'habit  d'uniforme  du  bri- 
gadier avec  la  croix  d'honneur,  son  chapeau  et  son  épt-e... 
lui-niènie  avait  f.iit  une  espère  de  toilette.  S<in  bonret  de  ina- 
liiJe  avait  disparu  et  laissait  viùr  ses  cheveux  blancs,  rassem- 
blés avec  un  peu  de  coquetterie.  Le  petit  Eujiène  jouait  sur 
son  lit...  on  aurait  donc  pu  le  croire  à  ces  jours  de  convales- 
cence où  le  malade  semble  fêter  la  vie,  comme  on  fête,  après 
une  longue  absence,  le  retour  d'un  ami  qu'on  n'es|  irait 
plus...  Mais  son  visage  disait  la  vérité  :  c'était  relui  d  uD 
mourant...  (tailleurs,  qui  Iquesornemenis  d'église  épars  ç  et 
là,  des  ciergis  allumés,  cette  étoffe  de  soie  que  l'on  susjn  nd 
sur  la  tête  lies  époux  ;  un  vase  d'or  contenant  les  sainles 
huiles,  indiquait  la  célébration  récente  du  mariage  des  (l:'r-, 
tiiersmamenis,  celle  triste  cérémonie,  où  l'Eglise  consacre  iilt 
lien  que  la  mort  va  bientôt  briser... 

Louise  Sécbard  vêtue  comme  une  mariée  était  agenouillée 
auprès  du  lit. 

Après  que  le  curé  eut  donné  la  bénédiction  aux  époux,  Rn- 
blot  se  tourna  péniblement  vers  Louise,  dont  il  tenait  encorei 
la  main. 

«  Louise,  lui  dit-il  d'une  voix  éteinte,  j'ai  pensé  à  vous 
quand  je  me  suis  vumourir,  parce  que  je  croisipie  vous  (' 
une  bonne  lille,  el  que  je  vous  ai  jugée  .seule  ciipaMe  de  _  _ 
lemp'acer  auprès  de  niun  enl.int...  vous  le  \o\ez  bien,  je  ii'aii 
gai-dé  du  jiassé  que  le  souvenir  de  votre  bon  ciinir...  voUSi 
êtes  maintenant  la  femme,  et  vous  allez  être  la  veuve  d'iiDi 
soldat  dont  la  vie  a  été  sans  tache...  ne  l'oubliez  pas...  \oU8 
êtes  aussi  la  mère  de  cet  enfant...  Avec  la  pension  de  tei^ 
croix,  el  quehpies  rentes  que  je  vous  laisse...  vous  serez. 


II 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


travaillant  à  l'abri  du  besoin. ..  vous  vivrez  en  bonnèle  femme, 
n'est-ce  pas?...  pour  lionorer  ma  mémoire  et  donner  un  bon 
e.vemple  à  votre  enfant...  vous  me  le  prometiez...     , 

—  Oli!  oui,  monsieur,  je  vous  le  jure,  répondit  Louise  en 
pleurant. 

—  Adieu!...  maintenant...  je  puis  mourir...  « 

Peu  d'instants  après,  Louise  ferma  les  yeux  du  vieillard... 
Quand  ce  devoir  fut  rempli,  elle  prit  l'enfant  dans  ses  bras, 
et  le  couvrit  de  baisers  el  de  larmes...  triste  du  spectacle 
qu'elle  avait  devant  les  yeux,  et  de  la  perle  de  cet  homme 
qui  venait  de  l'élever  jusqu'à  lui...  mais  heureuse  au  fond 
du  cœur,  et  entrevoyant  des  joies  dans  l'avenir,  car  elle  était 
mère.  b.  P- 


ll*>    de  •Sfrsfy. 

VILLE  DE  SAIM  lltLltli.  —  KORT-Rf.r.ENT.  —  CDATEAl  ELl- 
S.MIETH.  —  r.lIATEAL  M0M-(1R(,1  EIL.  —  TOIR  OF.  LA 
nOli;LK-BIF.. 

La  reine  Victoria  consacre,  depuis  plusieurs  aimées,  à  des 
excursions  maritimes  ou  à  des  voyages  sur  le  continent,  les 
rares  el  courts  loisirs  que  lui  font  les  soins  impérieux  de  son 
vaste  empire  et  les  exigences  non  moins  impérieuses  de  sa 
maternité  si  façon  le.  Ce  mois-ci,  elle  a  visité  la  plus  belle 
de»  lies  de  la  Maiiclic,  Jersey,  véritable  perle  de  la  couronne 
britannique.  L'arrivée  de  la  jeune  souveraine  avait  été  an- 
noncée quelques  jours  à  l'avance,  et  anssilôt  de  nombreux 
comités,  sans  en  excepter  un  comité  de  ladies,  s  étiient  lor- 
més  pour  présider  aux  préparatifs  delà  récCiition  royale.  Des 
estrades,  destinées  il  contenir  environ  six  mille  personnes, 
furent  construites  à  la  bàle  dans  toute  l'étendue  de  la  pio- 
itienade  (lu  nouveau  port,  et  l'on  convertit  en  |ia\illûns  élé- 
{sanls,  oti  Sa  Majesté  reçut  les  députalioiis  et  les  adresses,  de 
vastes  llan«ars  bàlis  dans  le  voisinage  du  môle  et  du  débar- 
cadère. En  même  temps,  dans  toutes  les  paroisses,  comme 
sur  la  roule  que  devait  parcourir  le  cortège,  s'élevèrent  des 
arcs  de  Irioiuphe  clurgés  de  devises  et  de  couronnes  de  lleuis, 
ornés  de  bannières  cl  de  drapeaux,  et  surmontés  des  armes 
d'Aniilelerre. 

Le  mercredi  2  septembre,  à  six  lieuies  et  demie  du  soir, 
le  yacht  royal,  ri'c/orioonrf.4/(ipr(,  jeta  l'ancre  en  vue  de  Jer- 
sey, avec  lés  antres  bSlimènls  de  la  lloltllle,  l'Aigie  noir,  la 
Fi-e  el  la  Guirtaiule.  La  soirée  el  la  matinée  du  li-udemain  ïe 
passèrent  en  récepllnlls  oflicielles  il  bord.  Le  jeudi  ô,  il  onze 
liénres,  la  reine,  le  priiice  Albert  et  leur  suite  débarquèrent, 
elaprès  une  promenade  dans  la  ville  de  Saint-Hélier,  tra- 
versèrent une  partie  de  lile,  pour  .se  rendre  ail  château  de 
Mont-Orgueil,  dmit  les  clefs  birciit  présentées  à  S,i  Majesté 
avec  le  (".^rémonial  habi'uel  La  visite,  qui  dura  seulement 
vinul  minutes,  fut  sisiialée  par  deux  incidents  que  les  cour- 
tisans ont  été  tentés  'le  dépiflier  comme  des  nialheurs.  En 
apercevant,  du  haut  de  la  lurleicsse,  les  côtes  de  l'rance.  ii 
une  dislance  d'envirtin  vinfil-denx  Kilom.,  la  reine  a  témoigné 
sa  surprise  et  exprimé  le  désir  de  voir,  s'il  était  possible,  la 
caillé. Irale  de  Coulinces.  Un  télescope  fut  apporté;  mais  il 
n'était  pas  assez  bon  pour  permettre  de  découvrir  la  cathé- 
drale française.  Ensuite  la  reine  demanda  à  insc  ire  son  nom 
sur  le  livre  des  visiteurs;  mais  le  livre  ne  se  trouva  passons 
la  main,  et  pendant  qu'on  était  à  sa  recherche,  le  corlége  se 
remettait  en  roule  cl  traversait  de  nouveau  Saint-Hélier  pour 
se  rembarquer  immédiatement.  L'escadrille  lesta  à  l'ancre 
jusqu'au  lendemain  vendredi  4,  qu'elle  appareilla  ;"i  huit  heu- 
res du  malin. 

La  reine  Victoria,  à  la   vue   fh's  lieaiités  pill(iri":rpips   de 

Jersey,  a  manifesté,  ù  plusiem-  ii'|iii-r-,,  m,ii  .  i irim  ni   r\ 

son  admiration.  Nous  ciui,  l'aiiii-.-  d. mirir.  .immi-  .iii"1  Ii;i- 
bité  cet  agréable  séjcur,  nous  nmi.s  ,i.-miliiiiis  cumplelenKiil 
aux  éloues  que  lui  accordent  uiianiinemiiil  ses  nombreux 
visiteurs.  L'atlUieiu  c  de  ceux-ci  (jcndanl  l'été  est  très-consi- 
dérable :  on  en  évalue  le  nombre  il  huit  mille.  Chaque  se- 
maine, huit  ou  dix  bateaux  il  vapeur,  remplis  de  passagers, 
arrivent  de  divers  points  de  la  Fianie  el  de  l'Aiigielerie,  et 
la  traversée  de  Sainl-Malo  ou  de  Granville  se  fait  en  quatre 
ou  cinq  heures. 

Sentinelle  avancée  de  la  Grande-Hrelagne  sur  les  cotes  de 
France,  au  milieu  du  groupe  des  iles  anglaises  on  de  la  Man- 
che, entre  les  caps  Johourgel  Frehel,  l'Ile  de  Jersey  est  la  plus 
importante  par  son  étendue  et  sa  population.  Sa  longueur, 
du  nord-ouest  au  sud-ouest,  est  de  viiigl-qiialre  kilomètres, 
sa  largeur,  de  quinze,  elelle  compte  environ  cinquante  mille 
habitants;  la<apitale,  Saint-Hélier,  en  renferme  ii  peu  près 
la  moitié.  Les  côtes  «iganlesques  de  la  Normandie  s'él''nilent 
à  l'est;  au  midi  et  à  rMii.>t  >r  iindrnl  W<  li^.s  i\,'  la  liiela- 
gne,  auxquelles  lile  sfinlilc  i.iiiiir  |),ir  iiii.'  rliiiinr-  iTrcueils; 
Guerncsey,  Aurigny,  !:•  is,  >"iii  iMi-rn,i .  v  \i  is  \i-  irml.  Lile 
présente  au  sud  un  plan  incliné  et  une  mimeiiscei  bilh'  baie. 
La  partie  est,  di  pois  le  château  de  Monl-Oigueil,  el  loiife  la 
côte  du  noitl  ollient  une  succession  continuelle  île  fal  li-es  à 
pic  d'une  hauteur  de  soixante  ;i  soixante-dix  mètres.  De 
nombreux  rochers,  cpii  colourcnt  l'ile  et  rendent  la  naviga- 
tinii  jiérilleuse,  en  fii-alent  |ii(ili;dilemeiit  aiitielios  partie. 
S'il  faut  en  croire  la  tradition.  Jersey  était  jadis  tellement 
conliguè  il  la  France,  qu'on  y  pas-aii  sur  une  planche,  en 
payant  une  légère  taxe  à  l'abhave  de  IJontances. 

Le  voyageur  qui  arrive  de  Krance  jouit  d'un  spectacle  qu'il 
ne  peut  iiuMier.  A  peine  a-l-il  dépassé  Ips  Minquiers,  grands 
écueils  témoins  cl  causes  de  tant  de  naufrages,  que  l'Ile  lui 
apparaît  dans  le  lointain  comme  un  nuage  grisMre  :  bientôt 
ce  nuage  se  dissipe,  el  l'oeil  distingue  les  promontoires  et  les 
baies  qui  se  découpent  et  s'arrondissent.  .\  gauche,  la  Cor- 
bière dresse  sa  lèle  dentelée  comme  une  scie;  à  droite,  s'al- 
loii-e  l.i  masse  noire  et  anguleuse  du  Mont-Orgueil.  Le  Fort- 
Uéiii-iit,  son  mit  de  siiinuux  el  ses  bastions  gigantesques  se 
nioiitreiit  ensuite  ;  Noirinont.  couvert  dé  ses  beaux  cliàlai- 
gneis,  s'avance  ii  l'autre  extrémité.  Les  clochers  surgissent 


au-dessus  des  vallées,  des  voiles  blanches  se  reflètent  sur  les 
eaux  calmes,  le  sable  d'or  de  h  grève  s'étend  tout  à  renlonr 
comme  une  vaste  ceinture,  el  cet  ensemble  enchanteur  pré- 
i-ente  eiilin  à  l'œil  extasié  la  baie  magniliqiie  de  Sainl-Aubiu. 
Dans  cet  hémicycle  qui  se  déploie  avez  tant  de  ricliessse,  le 
regjid  embrasse  encoreles  rochers  de  l'Ermitage,  le  château 
Elisuhelh,  enfin  S;iint-Hélier  lançant  au  ciel  ses  nuages  de 
fumée  qui  seuls  en  font  deviner  l'étendue. 

Le  port  de  Sainl-Ilélier,  placé  au  sud-ouest  du  Fort-lié- 
gent  i|ui  le  domine,  a  la  forme  d'un  carré  long,  et  est  garni 
de  bons  quais  ;  il  assèche  à  mer  basse.  La  marée  monte  de 
près  de  quinze  mètres  entre  les  tètes  des  jetées  qui  sont  fort 
rapprochées.  Un  vaste  quai  part  de  l'exliémitéde  la  chaussée 
vers  la  vill^  et  s'avance  en  droite  ligne,  le  long  du  rivage, 
vers  le  mont  l'alihulaire.  Quoique  sur  el  assez  vaste,  puis- 
qu'il peut  contenir  trois  à  quatre  cenls  bâtiments,  le  port  est 
devenu  trop  étroit  en  raison  de  l'accroissement  du  commerce 
et  de  l'aflluence  des  navires.  Aussi,  en  construit-on,  au  midi 
de  l'ancien,  un  nouveau,  où  les  navires  seront  coiistainmenl 
à  thit. 

La  ville  de  Saint-Hélier  est  aussi  remarquable  par  la  pro- 
preté coquette  des  maisons,  que  par  la  parfaite  tenue  des 
rue.^  el  des  places.  Son  air  riant  et  gracieux  offre  un  étrange 
contraste  avec  l';ispect  sombre  et  sale  de  Granville  el  de 
Saint-Malo,  ilistiinls  à  peine  de  quelques  myriamèlies,  A 
S  linl-Hélicr  sont  réunis  à  un  degré  rare  de  perfection  le  goût, 
le  pittoresque,  la  salubrité.  Coiiiment  voir,  sans  les  admirer^ 
toutes  ces  délicieuses  habitations  qui  semblent  achevées  de 
la  veille,  tous  ces  portiques  riches  el  élégants  qui  en  précè- 
dent le  seuil,  tous  ces  magasins  qui,  pour  le  lu.ve  et  le  gran- 
diose pourraient  soutenir  avantageusement  la  comparaison 
avec  nos  magasins  de  Paris,  et  dans  lesquels  les  formes  de  la 
plus  exquise  polile;se  sont  employées  si  l'égard  des  vi-ileurs'/ 
La  reine  Victoria  en  a  paru  elle-même  tout  émerveillée,  et 
le  prince  Albert,  en  passant  devant  Halkelt-House,  a  demandé 
si  c'était  là  le  palais  du  gouvernement.  Or,  ce  que  le  prince 
prenait  pour  un  palais  était  simplement  la  maison  occupée  par 
le  magnifique  magasin,  et  par  la  charmante  famille  d'un  des 
premiers  négocianlsde  la  ville,  notre  compatriote,  M.  Uamié- 
Lebrocq,  originaire  de  Lyon. 

La  ville  n'a  guère  pris  que  depuis  vingt-cinq  ans  une  phy- 
sionomie anglaise.  Les  faubourgs,  qui  se  forment  alentour  sur 
une  très-grande  étendue,  sont  incontestablement  anglais, 
comme  l' attestent  les  petits  carrés-parterres,  défendus  d'une 
grille  ornant  la  façade  des  habitations,  les  demi-lunes,  les 
terrasses,  les  squares  avec  leurs  pelouses  coupées  de  sen- 
tiers couverlsde  gravier  blanc.  Les  roules  qui  circulent  autour 
de  cesvillas,  el  qui  mettent  les  diverses  paroissesen  communi- 
cation entre  elles  et  avec  la  capitale,  sont  larges  etunies.  Les 
promeneurs  y  trouvent  un  troltoir  presque  partout  ombra"é 
par  les  arbres  qui  pendenl  au-dessus  des  murs  et  des  grilles; 
les  femmes  de  la  meilleure  société  les  parcourent  seules,  iî 
pied,  en  grande  toilette,  comme  les  rues  d'une  ville  ;  enfin, 
de  nombreux  et  brillîiits  équipages  les  sillonnent  dans  tous 
les  sens.  Ces  routes  sont  en  grande  partie  l'œuvre  d'un  an- 
cien gouverneur,  le  général  Don,  qui  eut  à  soutenir  une  lutte 
longue  el  difficile  contre  les  propriétaires  riverains,  et  auquel 
la  reconnaissance  publique  a  érigé,  après  sa  mort,  une  statue 
sur  la  Parade,  une  des  plus  vastes  places  de  la  ville. 

De  fréquentes  communications  sont  établies  entre  Saint- 
Ilélier  et  Saint-Aubin,  la  seconde  ville  de  l'ile,  au  moyen 
d'omnibus,  auxquels  la  petite  distance  qu'ils  ont  à  parcourir 
permel  de  faire  le  trajet  plusieurs  fois  par  jour. 

Oulre  sesfaulioiirt;^  Saint-Hélier  présente  plusieurs  points 
remarquables.  11  ilkell- Place  esl  une  rue  spacieuse  el  fori 
belle  :  une  li^iie  de  maisons  symétriques,  avec  de  riches 
magasins  au  rez-de-chaussée,  est  terminée  par  des  mar- 
chés couverts  pour  les  bestiaux ,  le  beurre,  les  fruits  et 
le  poisson:  ce  dernier  est  décoré  de,  tables  di^  lieuu  marbre 
blanc.  Un  marché  spécial  est  établi  pour  les  étrangers;  les 
marchandes  sont,  jionr  la  plupart,  des  femmes  de  Grand- 
ville  el  de  Saint-Malo.  Au  milieu  de  la  place  (Hoyal-Squa- 
rc),  pavée  de  larges  dalles  de  granit,  et  entourée  des  bou- 
tiques des  principaux  libraires,  s'élève  une  statue  de  Geor- 
ges H  en  costume  militaire  romain.  Sur  une  des  faces  de  la 
place  est  le  bâtiment  où  siègent  les  états  de  Jersey  et  la  cour 
royale.  L'hôpital  général,  situé  dans  G  loucester- Street,  peut 
contenir  plus  décent  cinquante  personnes;  les  dortoirs, 
vastes  et  bien  aérés,  sont  garnis  de  lits  en  fer.  La  prison  est 
un  édifice  considérable,  près  de  la  place  de  la  Parade.  La  bi- 
bliothèque publique,  à  l'extrémilé  de  liioad-Strcet,  possède 
plusieurs  mille  volumes.  Le  théâtre  est  siirtoiU  remarquable 
par  la  superbe  terrasse  en  forme  de  croissaiil,  an  centre  de 
laquelle  il  est  établi.  Les  autres  élahllssemeiits  publics  de 
Jersey  sont  :  un  musée,  un  institut  mùcinique,  un  péniten- 
tiaire de  femmes,  une  chambre  de  cummerce,  une  société  de 
bienfaisance  pour  la  marine  marchande,  une  société  de  se- 
cours mutuels,  une  banque  d'épargnes,  une  société  de  tem- 
pérance, une  société  d'agriculture  el  d'horliculliire,  une  so- 
ciété démulalion.  Cette  dernière  décerne,  chaque  année,  des 
prix  sur  des  sujets  donnés  par  son  comité.  Le  sujet,  pour  la 
première  année  :  »  Jersey  telle  qu'elle  est,»  lut  traité  par 
plusieurs  concurrents,  elle  prix  décerné,  le  11)  mai  184ô,  à 
un  Français,  M.  F.  Kobiou  de  la  Tréliininuis.  Nous  devons 
[lins  d'un  rensei^nemenl  utile  à  l'Essai  de  cet  auteur  sur 
Ihisloire,  la  topographie,  la  constitution,  les  mœurs  et  le 
langage  de  lile  de  Jersey. 

S  linl-Hélier  renferme  un  grand  nombre  de  temples  de  di-  1 
verses  sectes  de  la  religion  réfornoSe.  L'i'glise  paroissiale, 
bien  conservée,  esl  d'anliileclure  not  mande;  un  prétend  (|iiè 
sa  fondation  date  de  iriil.  L'intérieur  esl  remarqiiaide  par 
plusieurs  moiiiimeuls  de  marbre,  et,  entre  autres,  pur  celui 
élevé  à  la  mémoire  ilii  major  Pier.soii,  tué  sur  la  place  Uoyali^ 
en  combattant  pour  ladéfnse  de  l'ile  en  1781.  De  nombreu- 
ses chapelles  ont  été  lécemmenl  construites  par  les  Métho- 
distes, les  Baplisles ,  les  ludéppiidaiits,  elc  ,  el  même  une 
synagogue  pour  les  juils.  La  ville  |iossède  aussi  deux  cha- 
pelles catholiques,  l'une  française,  l'autre  irlandaise.  Un  an- 


cien manuscrit,  appelé  le  Livre  noir,  de  Coutances ,  donne 
les  dédicace,  situation  et  assise  des  temples  des  douze  pa- 
roisses de  Jersey.  Le  plus  ancien,  consacré  à  saint  Brélade, 
en  souvenir  d'un  gentilhomme  du  pays,  aurait  élé  achevé  le 
^iTjnilleiIlll. 

Le  cliiiTre  du  numéraire  en  circulation  à  Jersey  peut  être 
évalué  de  deux  millions  à  deux  millions  cinq  cent  mille 
francs.  Les  monnaies  de  France  et  d'Angleterre  y  ont  égale- 
ment cours.  On  y  trouve  aussi  une  monnaie  de  cuivre  frap- 
pée spécialement  pour  l'île;  ce  sont  des  sous  et  des  demi- 
sous. 

Le  peuple  jersiais  est  vit,  actif  et  laborieux;  une  extrême 
sobriété  distingue  surtout  les  habitants  des  campagnes.  La 
langue  du  pays  est  une  espèce  de  patois  pittoresque  et  expres- 
sif qui  se  parle  aujourd'hui  comme  il  se  parlait  il  y  a  des 
siècles.  Le  français  est  la  langue  du  barreau,  de  la  chaire, 
des  actes  publics,  el  généralement  aussi  celle  des  habi- 
tants. L'anglais  cependant  y  est  aujourd'hui  beaucoup  plus 
répandu  qu'aulrefols. 

L'intérieur  de  I  ile  offre  l'image  d'un  immense  parc  an- 
glais :  ICI  de  beaux  bois  et  des  vergers;  là  des  champs  bien 
cultives,  couverts  de  la  plus  luxuriante  végétation,  enlrecou- 
|ies  de  ruisseaux  el  de  roules  bordés  d'arbres  qui  forment 
un  berceau  de  verdure  sur  la  tète  du  voyageur;  plus  loin, 
des  termes  construites  en  granit  et  couvertes  en  tuiles  ;  par- 
tout d'élégantes  et  conforiables  habitations,  vrais  coUaqes 
baptisés,  pour  la  plupart,  de  noms  français,  tels  que  Belvé- 
dère, Petu-Ménage,  Sans-Souci,  lieau-Désert,  Plaisance,  Ba- 
gatelle, Beaulieu,  Pelilséjour,  Beauséjour,  Bocage,  Bellevue 
Elysée.  ' 

La  ville  de  Saint-Hélier  est  protégée  par  le  fort  Ué"ent 
magnifique  forteresse  au  sommet  du  Mont-de-la-Ville(To\vn- 
Hill),  qui  s'élève  à  plus  de  cinquante  mètres  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer.  Elle  est  bjtie  en  granil;  ses  casernes  sont 
casemalées,  à  l'épreuve  de  la  bombe,  et  elle  peut  recevoir 
cinq  mille  hommes  de  garnison.  Les  magasins  d'appiuvision- 
nemenl  sont  creusés  dans  le  roc.  Le  puits  qui  ti.miiil  leau  a 
soixanle-quinze  mètres  de  profondeur,  dont  soixante  forés 
dans  le  roc  vif.  On  évalue  à  plus  de  vingt-cinq  millions  les 
sommes  dépensées  pour  la  construction  de  celte  citadelle 
qui  a  élé  achevée  en  1813.  Un  mat  de  signaux,  communi-^ 
quant  avec  d'autres  établis  sur  divers  points  de  l'île,  annonce 
tous  les  bâtiments  qui  arrivent  du  large.  Lorsqu'on  dé- 
blaya la  pliite-forme  du  Monl-de-la-Ville,  pour  y  construire 
le  fort  Régent,  on  découvrit  un  temple  druidique  d'une  con- 
servation parfaite.  Les  états  en  lirent  présent  au  maréchal 
Conway,  alors  gouverneur  de  1  île,  qui  le  lit  transporter  à 
son  château  de  Park-Place  dans  le  Beikshire. 

Le  chàleau  Elisabelb  est  placé  au  centre  de  la  baie  de  Saint- 
Aubin,  sur  un  rocher  isolé  d'un  niyriamèlre  de  circuit;  sa 
vieille  tour  surmontée  d'un  drapeau,  ses  remparts  grisà'lres 
el  les  roches  énormes  qui  forment  sa  base  el  s'élèvent  à  t'en- 
tour,  comme  pour  le  défendre,  lui  donnent  une  apparence 
lormidable.  Entempsde  guerre,  ce  fort,  qui  défend  l'entrée  du 
portdeSaint-Héliir,  avait  loujiurs  une  bonne  garni>on.  Au- 
jourd'hui elle  esl  réduiie  à  qutl^jues  soldats  d'artillerie-  ses 
vastes  casernes  sont  inoccupées,  ses  canons  démontés  rfle 
gazon  a  envahi  ses  cours,  où  il  fiem  il  parmi  les  bombes  et  les 
boulets.  Une  abbaye  sous  l'invocntion  de  .-aiiil  IjèJier  existait 
autrefois  où  s'élève  maintenant  la  forteresse  fondée  sur  les 
ruines  de  celle  abbaye  en  l.'i.'ll,  sous  le  règne  d'Edouard  VI 
On  conserve  dans  le  château  une  paire  de  bottes  que  l'oii 
montre  aux  visiteurs  comme  ayant  appartenu  au  roi  Cbar- 
es  H.  La  largeur  du  bout  du  pied  est  de  dix  centimètres,  el 
la  hauteur  du  talon  de  six  centimètres. 

Le  chàleau  de  Mont-Orgueil,  plus  connu  dans  l'île  sous  le 
nom  de  Vieux-Cbftteau,  esl  élevé  sur  une  roche  conique  de 
couleur  olive  et  rougeàtre,  qui  forme  la  pointe  de  la  haie  de 
Grouville.  Placé  dans  la  partie  de  l'ile  la  plus  rapprochée  de 
la  France,  sa  construction  réunit  Imil  ce  qui  constituait  une 
place  imprenable  dans  le  temps  où  il  fut  bàli.  Défendu  du 
côte  de  lamerpar  des  rochers  inaccessibles  ,  il  était  proté-é 
du  côte  de  la  terre,  par  de  fcnl.'s  miuailles  se  dressaiii  <ui- 
le  roc,  avec  lequel  elles  senibleiil  se  ediilniidir.  |.;,  il;,!,.  ,|j.  |., 
construction  primitive  de  l'e  clialeaii  n'est  pas  exaetenient 
connue;  on  la  fait  remonter  à  Kuhiii,  tils  aiio'  de  (inijlaome 
le  Conqiiéranl.  Au-dessus  de  la  p^rle  (ioiiiiant  eiiliée  dans 
l'intérieur,  on  remarque  les  .irines  d'Eduiiaid  \  1,  et  je  ,\n- 
gon  rouge,  avec  le  millesiine  l.'i.'.-.")  ,iii-des^oiis.  .'^dils  la  voùl'e 
piès  de  l'entrée  du  clialean,  régnent,  de  cliai)iie  cité  de.s' 
sièges  de  pierre.  D'après  la  tradilidh,  c'était  là  (/n'im  jnèeai't 
les  i-iimiiiels.  Vis-:(-vis  de  ce  tribunal,  est  une  elioKecellide 
qui  servait  de  prison  au  condamné  et  aux  voûtes  de  laquelle 
était  accroché  le  gibet  qui  terminait  ses  jours.  Un  petit  iii- 
parlement,  assez  bien  censcrvé,  a,  dit-on,  été  habile  pur 
Charles  H,  lorsqu'il  séjourna  quelques  mois  dans  l'île  après 
la  mort  de  son  père.  On  voit  encore  l'escalier  par  où' il  s'é 
chappa  pour  se  rendre  en  Angleterre,  sur  l'inviiallon  de  ses 

partisans.  Sons  cet  appait-ii t,  esl  le  cachot  où  (inilbume 

Prynne,  ce  poète  si  coiiiiii  dans  l'histoire  de  Charles  l''  inr 
le  mordante  àprel,;  de  ses  poésies,  fui  longtemps  renfermé  et 
subit  pour  la  seconde  fois  le  supplice,  quilui  fut  deux  fois  iii- 
Ihee,  (lavoir  les  oreilles  coiipi'es! 

A  peu  de  dislancedeMonl-Oigueil,  on  rencontre  la  lloiigue- 
Bie,  tourelle  balii'  sur  un  monlicule  artificiel,  entourée  de 
beaux  arbres  et  toiile  couverte  de  lierre  depuis  sa  base  jus- 
qu'à son  sommet  :  elle  porte  aussi  le  nom  de  l'iuir  du  Pf  iiice 
parce  qii  elle  a  été  la  propriété  du  duc  de  Bouillon,  amiral  de 
la  marine  an...|a,-e.  Du  sommet,  on  aperçoit  presque  tonle 
I  Ile;  cesl  nue  des  plus  belles  vues  qu'on  puisse  admirer.  La 
coiistrurlion  de  cette  tour  remonte  à  rahli(|iiilé  di  s  léeendi  s  • 
celle  que  l'on  racootp  à  son  sujel  esl  fort  connue.  Le""niarais 
de  haint-Li.ureiit  était  infesté  d  un  serpent  ou  dragon,  d'une 
taille  .jl  d'une  force  prodigieuses,  qui,  dévorant  tous  les  habi- 
tants, répandait  la  leirenr  et  la  désolalion  dans  l'ile.  La  le- 
nomniée  de  ce  ni,)U>tre  pirviiilaux  oreilles  d'un  seigneur  de 
Hainbie,  gentilhomme  normand,  qui  résolut  de  b^  délruire 
Venu  dans  ce  dessein  à  Jersey  avec  un  seul  serviteur  il  réusl 


56 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


I 


sit  à  vaincre  son  formidable  ennemi  et  à  lui  couper  la  tête.  1  lui-même  mis  à  mort  par  son  écuyer  félon,  poussé  à  ce  crime  |  miin  de  sa  veuve.  A  cet  eflet,  l'écuyer,  de  retour  en  Norman - 
Mais  à  la  suite  de  ce  combat,  et  pendant  son  sommeil,  il  fut  '  par  le  désir  de  posséder  les  biens  de  son  maître  et  d'obtenir  la  1  die,  raconta  à  sa  maîtresse  qu'il  avait  tué  le  serpent,  après  que 


G  „„.  // 


(Carte  de  rîle  de  Jersey.) 


(Jersey.  —  Château  Mont-Orgueil.) 


celui-ci  eut  tué 
de  Hambie,  et 
que  ce  dernier, 
près  de  mourir, 
avait  témoigné 
le  désir  qu'elle 
épousât  son  ven. 
geur.  La  veuve 
se  détermina, 
selon  la  chroni- 
que,par  l'amour 
qu'elleportaità 
son  délunt  sei- 
gneur; à  donner 
à  son  serviteur 
sa  fortune  et  sa 
main.  La  con- 
science du 
meurtrier  ne  le 
laissa  pas  jouir 
du  succès  de  sa 
trame  crimi- 
nelle. Tralii  par 
ses  remords  et 
par  des  paroles 
prononcées  pen- 
dant son  som- 
meil, onluiar- 
raclia  l'aveu  de 
son  crime.  Il  fut 
livré  à  la  justice 
et  subit  ie  clià- 
timent  qu 
vait  mérité.  La 
veuve  litensuite 
élever  ,  sur  le 


dépendante  du  comié  de  Southamplon,  elle  appartient  à  l'An-  1  ont  été  opérées  ù  plusieurs  époques  pour  la  faire  rentrer  sous  1  couronnées  de  succès.  Les  dernières  dalent  de  ITTSt  et  de 
gleterre  depuis  le  règne  de  Hinri  I"'.  Dii  fréquentes  descentes  [  la  domination  française  ;  mais  ces  entreprises  n'ont  jamais  été  M781. 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


65 


lie  Chasselas  de  Fontainebleau. 


(Vue  des  espaliers  de  Thomery.) 


Depuis  que  le  bon  patriarche 
qui  planta  la  vigne  a  donné 
au  monde  le  raisin  et  le  vin, 
dont,  ù  ce  qu'il  parait,  il  but 
lui-même  plus  que  de  raisim, 
on  dirait  que  les  écrivains  et 
surtout  les  poètes  ont  fait  com- 
me le  père  Noé,  et  qu'ils  ne 
voient  dans  la  vigne  que  le  vin 
qu'elle  produit. 

Célébrons  le  jus  de  la  treille  ! 

l'écrient-ils  tons  en  chœur, 
comme  si  la  treille  produisait 
directement  le  jus  ;  comme  s'il 
n'y  avait  pas  un  fort  agréable 
intermédiaire,  le  raisin,  qui  ne 
se  boit  pas  à  la  vérité,  mais 
qui  se  mange  fort  bien.  Il  sem- 
ble qu'ils  ne  songent  tous  qu'à 
boire.  C'est  au  point  que  pour 
nommer  le  raism,  je  ne  sais 
quel  auteur  l'appelle,  par  une 
assez  singulière  métaphore  : 
du  vin  en  pilules. 


vAiu-c  ujipiuyé  i>ûui  la  rccoi.ti  eL  le  ifaub^.uri  du  cli.1,1 


C  est  à  nos  yeux  une  véritable 
ingratitude.  Si  la  vigne  donne 
une  boisson,  elle  donne  avant 
tout  un  fruit  que  les  buveurs 
d'eau  eux-mêmes,  accablés 
de  tant  d'analhèmes  depuis 
le  déluge,  apprécient  tout 
autant  pour  le  moins  que 
les  ivrognes.  Le  raisin  reçoit 
donc  un  hommage  général, 
et  il  est  singulier  que  cet  hom- 
mage ait  laissé  .si  peu  de 
traces,  même  dans  l'horticul- 
ture. 

Il  semble  en  effet  que  la 
Qulture  de  la  vigne,  en  qualité 
d'arbreà  fruit,  soit  une  culture 
toute  récente;  et  même  que 
parmi  tous  les  pays  vignobles, 
la  France  soit  la  seule  qui  cul- 
tive en  grand  et  avec  succès  la 
vigne,  pour  son  fruit  et  non 
pour  le  vin.  Nous  ne  mettons 
pas  en  ligne  de  compte  les  ser- 
res d'Angleterre  et  de  Hollan- 
de où  l'on  fait  venir  du  raisin  à 


98 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


titre  ik  curiosité,  coniiiie  des  anuiuis  :  ce  sont  des  piissc- 
temps  exotiques  sans  importance.  Nous  croyons  donc,  sauf 
erreur  et  pi'ouve  du  contraire,  que  la  culture  du  raisin, 
comme  fruit,  est  une  culture  éminemment  française.  Partout 
ailleurs  on  mange  du  raisin  qui  n  mûri  pour  faire  du  vin; 
en  Krance.  on  mange  du  raisin  qui  a  mûri  pour  être  mangé. 
Notable  difl'érenc!  qu'un  véritable  amateur  doit  apprécier,  et 
que  nos  gastronomes  écrivains  n'ont  peut-êlre  pas  assez  mise 
en  relief.  Ce  l'ruil  <lélieieux,  mais  qui  ferait  un  vin  détestable, 
c'est  le  cbasselas,  que  l'on  appelle  de  Fontainebleau  en  lui 
donnant  le  nom  delà  ville  près  de  laquelle  on  le  cultive  prin- 
cipalemenl. 

Ncis  miiilres  en  tout,  ou  au  moins  en  bien  des  cboses,  les 

Atliéniens  et  les  l{lllrl;lill^  r lissaient  ils  la  vigne  à  fruit? 

le  cbasselas  de  Foiilaiii  iilcm  sii,iii-il  renouvelé  des  Gi'ecs? 
C'est  uiiei|ueslion  graM-,  d'.'i  ii.lilnm  classique,  quenousnons 
.siunmes  posée,  enire  di'ux  giappes,  sans  pouvoir  précisé- 
ment la  résoudre.  Il  y  a  certainement  une  variété  de  raisin 
impropre  à  faire  le  vin  qu'ils  connaissaient  bien;  son  nom 
seul  l'indique:  c'est  le  raisin  de  Corintiie.  Maisen  francs  bu- 
veurs, ils  le  méprisaient  siinverninemcnt;  et  leurs  auteurs 
agronomes  parlentavi-e  Mié|iris  île  ce  raisin  si  petit  qu'il  ne 
valait  pas  la  peine  d'être  cueilli.  Ou'en  diraient  les  ménagè- 
res anglaises,  et  les  amateurs  de  pluni  pudding?  Les  anciens 
semblent  toujours  s'être  préoccupés  en  parlant  de  la  vijne  et 
des  soins  à  loi  donner,  de  la  quantité  et  de  la  qualité  du  vin 
qu'elle  ileviiil  piii  liiiic.  Les   rs|ines  de  plant  étaient  aussi 

très-iiniiliri'ii^i'^  ;  l'Ii ■!.  CnliiHM'Ile  en  indiquent  environ 

une  ciiii|uanl.iiiii'  :  mus  iiuriine  ne  nous  rappelle  le  cbasse- 
las. Nous  remarquons  bien  la  vigne  ajtienne,  qui  nous  parait 
être  le  muscat,  et  ia  vigne  amincenn';  qui,  par  la  douceur  et 
la  grosseur  de  son  fruit  nous  rappellerait  peut-être  le  notre. 
Mais  rérudit  Pline  et  le  sévère  Caton  n'en  parlent  que  |iour 
exalter  l'excellence  du  vin  qu'elle  donnait,  et  ce  caractère  est 
bien  difl'érent.  En  somme,  parmi  les  peuples  anciens,  nous 
n'en  connaissons  guère  qu'un  seul  qui  ait  apprécié  la  beauté 
du  fruit  en  lui-même:  c'est  le  descendant  de  Sem,  le  lilsainé 
du  patriarcbe,  c'est  l'Hébreu  que  la  grappe  deCbanaan  stu- 
pélia  d'adiniraliiiii.  Il  l'-^l  à  présumer,  et  tout  bon  cultivateur 
deTliooiiMy  |i;ir:;r-ei  ,i  i  elle  npinion,  que  le  raisin  de  la  terre 
promise  n'ciait  qiir  le  inrinier  plant  de  Fontainebleau. 

La  culture  en  grand  du  cbasselas  a  pour  centres  princi- 
paux deux  jolis  bourgs  situés  à  7  kilomètres  de  cette  ville,  le 
bourg  de  Tliomery  et  celui  de  Cbampagne,  nom  d'benreux 
augure  d'ailleurs  pour  la  vigne  en  général.  Toutefois  la  pro- 
duction de  Tbomery  est  plus  importante  que  celle  delà  com- 
mune rivale;  la  qualité  en  est  peut-être  aussi  supérieure. 
(Juelqucs  villages  dans  les  environs  s'occupent  également  de 
cette  culture  ;  mais  ils  sont  loin  d'atteindre  les  deux  privilé- 
giés. 

Les  vignerons  de  Tbomery  attribuent  eux-mêmes  la  supé- 
riorité de  leurs  produits  à  trois  causes  principales:  1»  la  qua- 
lité du  sol;  2°  la  nature  du  plant;  5°  les  procédés  de  culture. 

Le  sol  est  léger,  friable,  sablonneux,  facile  à  s'imprégner 
d'bumidité-,  tout  en  retenant  la  obaleur  du  soleil.  Tbomery 
est  en  outre  abrité  des  vents  dangereux  du  nord  et  du  cou- 
cbant  par  de  hautes  collines  qui  dominent  ses  espaliers. 
Quant  au  plant,  il  a  m  lintenanl  acquis  une  célébrité  univer- 
selle, et  Tbomery  a  le  privilège  d'en  fournir  à  toute  l'Europe. 
Les  cultivateurs  expéjient,  au  loin,  des  rejetons  produits  dans 
des  p mi  is  |i;ii  dr^  pinri'  lès  particuliers  et  qui  prennent  le 
nom  ili'  rlii-rl,;-s  ni  ji-ni'fr.  Mises  en  terre,  et  soignées  sui- 
vant des  m  llhiile-  s|iirMlrs,  elles  rapportent  du  fruit  au  bout 
de  trois  uu  quatre  ans. 

Ces  plants  sont  étalés  en  espalier  le  long  de  murs  con- 
struits à  cet  eff  :t  et  crépis  avec  un  soin  particulier.  La  hau- 
teur de  ces  murs,  la  saillie  des  chaperons,  et  surtout  l'exposi- 
tion, en  sontsavammeiit  calculées  et  rigoureusement  établies 
suivant  des  règles  lixes.  On  choisit  de  préférence  l'exposition 
au  midi,  inclinée  au  levant,  de  manière  que  le  soleil  frappe 
sur  le  mur  en  plein  le  malin  et  glisse  obliquement  dans  le 
milieu  de  la  journée  lorsque  la  trop  grande  chaleur  brûlerait 
le  fruit.  C'est  l'absence,  de  ces  coaibinaisons,  dont  on  ne  trouve 
aucune  trace  dans  les  agronomes  anciens,  qui  ferait  princi- 
pilemeiit  croire  que  la  culture  du  chasselas,  comme  fruit,  leur 
élait  inconnue. 

Il  n'est  nulle  part  mention  d'espaliers.  Ils  plantaient  la  vigne 
uniform^.ment  en  quincoilces  espacés  suflisamment  pour  la- 
bourer dins  les  intervalles.  Ils  l'alticli  lieiit  sur  des  éclialas 

de  sept  pieds  deliaul,  et  Caton  et  Pli ei'imii ilml  ei.M- 

lement  de  la  faire  monter  le  plus  liaiil  p'issililr  il;iii<  1rs  ;ii- 
bres.  Il  est  vrai  que  ce  n'élait  pas  la  oielliHle  ^'lee  |iii-,  ;i  en 
juger  par  cette  pLiisaiilerie  de  Cynéas,  l'anibassadeur  de  Pyr- 
rhus, qui,  p -Il  ililli'  ;i  le  qu'il  parait,  par  les  vins  italiens, 
s'écria  ;  «Je  ne  ■ireliuiii  '  p  is  qu'on  ait  ici  de  si  méchant  vin, 
puisqu'on  y  peml  ;iu  gili  ■]  la  vi-ii  ■  qui  le  piodiiil.   » 

Il  y  a  loin  de  eeli ellinl,.,  ri  ,\,-  i  rs  r  msiils  lie  Pline  et 

de  Caton,  aux  preriuiiiims  piisis  pir  1rs  vi-;i]  ■ims  de  Tbo- 
mery, qui  reiloiileiil  su  ri  uni  l'eMiliriiiiirr  ri  lasiipn  lliiili'  i|r  la 
vigne,  niulliplieiil  les  laill's  el  les  rdiiiiir-eioKii  m  miK,  nr  ..rii- 
leutavnir  que  deux  lii^rs  à  elni|iie  sniirhe,  ri  nr  hi'.s.:  ni  |a- 
m;iis  aux  deux  liras  du  eep  ipie  le  niliel  ri  l'ieil.  lirilr  ;iiii. 
caution  technique  rsl,  disml-ils,  dr  la  ileriiirrr   iii!|iiii  I  nue. 

Nous  n'avons  pas  la  pi-élentioii  de  faii'e  ici  iin  cours  r - 

plet  de  la  culture  du  chasselas,  ipir  les  aioaleiirs  d'Iinrlii  iil- 
ture  peuvent  trouver  au  reste  dans  u:i  excellent  manuel  spi'- 
cial  publié  récemment  par  un  des  prineipatix  proilin-ieurs  de 
Tliomery.  Ils  y  verront  le  ili'iail  vi;iiiiieiit  rMniinanl  des  suins 
minutieux  qu'exige  rni  ■  nilline  dr  lii\r.  Xiiiis  aiilies  Pari- 
siens, nous  nous  rniiiriiiiiii,  dr  iiiaiigri'  néglii^eiiuiirut  i"!  notre 
dessert  la  grappe  dnii'  ■  qu'un  iiiins  nllVe,  sans  smiger  h  huit 
ce  qu'elle  a  coûté  de  peines,  de  Iravaiix,  de  vrilles,  pnur  ar- 
river il  ce  point  de  perfeetiou.  D'alionl  cinq  anin'-es  inipro- 
ductivesde  labours,  tailles,  fumures,  élniiirgeonnemenls,  bi- 
nages, etc.,  ensuite  de  recheiclirs  iii-r-saiites  pour  la  des- 
truction d'insectes,  presque  ioMMlilr^  snnvrnl,  qui  la  mena- 
cent il  chaque  instant  :  le  ver  blanr  qui  altaïue  les  racines 
mêmes,  l'urbé,  rarpenlenr,  qui  dévorent  le  boulon,  la  che- 


nille du  sphinx  qui  di'tiiiil  la  ^.'lappe  en  fleur,  le  colimaçon 
qui  rouge  le  fruit,  etnirni  Irsnis ix  vendangeurs  qui  le  ra- 
vagent. Mills  pourcriis  ri  i|ii  ■  ipi rs  i;i)ups  de  fusil  tirés  ii  pro- 
pos le  matin  en  débana-M  ni  le  \i;;neriin  qui  a  au  moins  la 
compensalion  de  les  manger  en  brochette.  Tout  n'est  pas 
perdu. 

Enlin,  le  fruit,  si  bien  protégé,  est  venu  à  bien.  On  tourne 
et  on  retourne  la  grappe  pour  la  présenler  adroitement  au  so- 
leil, on  la  couvre  et  on  la  découvre  a'ternalivement  de  ses 
feuilles  pour  que  ses  rayons  la  dorent  sans  la  brûler  ;  on  en- 
lève avec  des  ciseaux,  fabriqués  exprès,  les  grains  qui  refu- 
sent de  mûrir  ou  que  la  pluie  a  tachés.  Tout  est  prêt.  On 
cueille  enfin  cette  grappe  surveillée  depuis  si  longtemps;  on 
lui  fait  subir  nu  nniivel  examen,  et  on  l'emballe  avec  un  soin 
minutieux  dans  des  paniers  île  deux  kilogrammes,  dont  la 
forme  et  reiiloniaiie  en  lungni' sont  assez  connus:  cette  fou- 
gère, dont  celle  iiidiisliie  a  depuis  longtemps  dépeuplé  les 
environs,  est  nieillie  luaiiitenant  à  plus  de  23  lieues  de  Fon- 
taiiielileiiii.  Lnliii  mi  eiiipiolc  la  récolte  dans  ces  hottes  spé- 
ciales dont  noire  dessin  donne  la  curieuse  représentation,  et 
on  rex|iédie  à  Paris. 

Pour  ce  trajet,  les  cultivateurs  s'associent  au  nombre  de 
huit  ou  dix.  Cette  société  qui  s'appelle  dans  le  pays  une 
courbe,  loue  un  bateau  et  y  ein|iile  aver  art  de  l.'ilMI  .-i  2,000 
paniers  ;  puis  quatre  d'entre  mx  iln  i.:riji  |r  haleaii  qui  part 
du  port  de  5  à  6  heures  du  snii,  el  aiiivr  au  purt  du  .Miiil  de 
7  à  S  heures  du  matin  après  avoir  employé  la  nuit  à  faire  80 
kilomètres.  Le  cbasselas  débarqué  sur  le  quai  est  acheté  en 
gros,  revendu  en  détail...  et  Paris  le  consomme. 

Or  Paris  est  uu  voluptueux  Gargantua  qui  pour  son  des- 
sert, après  avoir  grapillé  plus  de  2liO,(M10  kilog.  de  raisin  de 
vigne,  dévore  en  outre  <i  lui  seul  'ifSO,000  k.  environ  de  chas- 
selas, dont  la  plus  grande  partie  renfermée  dans  plus  de 
500,000  paniers  venant  de  Fontainebleau  s'accumule  chaque 
année  sur  le  quai  du  Mail. 

Eu  somme,  la  vigne  des  environs  de  Paris  met  sur  notre 
table,  année  commune.  2,000,000  de  livres  de  fruit,  mangées 
grain  à  grain.  C'est  énorme,  n'est-ce  pas?  Eh  bien,  à  peine 
en  moyenne,  chaque  habitant  en  mange-t-ildeux  livres  dans 
toute  son  année.  —  C'est  bien  peu  ! 


NOUVELLE   RUSSE. 

Je  revenais  de  Tillis  avec  des  chevaux  de  louage.  Mon 
chariot  n'était  chargé  qUe  d'un  petit  portè-rnanteau  à  moitié 
rempli  de  notes  que  j'avais  pri.ses  pendant  mon  voyage  en 
Géorgie.  Par  bonheur  pour  vous,  j'en  ai  perdu  la  rnoilié;  par 
bonheur  pour  moi,  j'en  ai  sauvé  quelques-unes,  ainsi  que 
mes  elTets. 

Le  soleil  commençait  à  se  cacher  derrière  de  hauts  som- 
mets couverts  de  neige,  lorsque  nous  atteignîmes  la  vallée  de 
Ko'icbaour.  Mon  cocher,  qui  était  Ossèle,  chaulait  à  gorge  dé- 
ployée, et  fouettait  infatigablement  ses  chevanx  afin  d'ar- 
river avant  la  nuit  sur  la  montagne.  La  vallée  est  superbe. 
De  tous  côlés  des  montagnes  inaccessibles,  des  rochers  brû- 
lés par  le  soleil  et  couronnés  de  mousse  verte,  des  ravins  pro- 
fonds; sur  tous  les  sommets  des  bordures  de  neige  argentée; 
au  fond  d'une  gorge  pleine  d'obscurité  coule  l'Aragra;  il  se 
confond  avec  une  aulre  rivière,  et  brille  au  loin  comme  un 
serpent  écailleux  ou  comme  un  lil  d'argent. 

Nousfimes  halte  au  pied  de  la  montagne  de  Koïchaour. 
Autour  de  la  maison  de  poste  étaient  rassemblés  une  ving- 
taine de  Géorgiens  et  de  montagnards  qui  s'y  étaient  arrêtés 
pour  y  passer  la  nuit  et  qui  faisaient  grand  bruit.  Comme 
l'automne  approchait,  qu'il  y  avait  du  vriglaset  (jue  la  mon- 
tagne a  bien  deux  verstes  de  longueur,  |e  limai  six  bœufs  et 
quelques  Ossètes;  l'un  d'entre  eux  portail  mon  porte-manteau, 
les  autres  accompagnaient  les  bœufs  de  leurs  cris. 

Derrière  moi  venait  un  autre  chariot  qui  paraissait  très- 
chargé  et  que  quatre  bœufs  traînaient  cependant  avec  une 
facilité  qui  me  surprit  ;  son  propriétaire  le  suivait  en  fumant 
une  pelile  pipe  de  Kabardinien  garnie  en  argent.  Il  portait 
une  rodingole  d'officier  sans  épauletles  et  un  booiiel  de  Cir- 
cassien.  Il  paraissait avnir  riinpianle  ans;  snn  vi-;ii,'r  h.isané 
prouvait  qu'il  avait  depuis  liingleiiijis  la  il  i  nnnai-sainr  ,urr  |e 

soleil  du  Caucase.  Ses  iiiousfarlies  bl  un  lies  np I  nrnl  mal 

il  sa  démarche  ferme  et  à  son  ;iir  assuré.  Je  m'approchai  de 
lui  et  le  saluai:  il  répondit  en  silence  à  mon  salut;  il  me 
lança  un  énorme  lourbilloii  de  fumée. 

(I  Nous  sommes  compagnons  de  route,  à  ce  qu'il  me 
semble,  n 

Il  salua  de  nouveau. 

»  Vous  allez  sans  doute  à  Stravrnpal? 

—  Oui,  monsieur...  avec  des  effets  du  trésor. 

—  Dites-moi,  je  vous  prie,  comment  il  se  fait  que  quatre 
biKufs  mèiieiit  avec  lanl  de  facilité  votre  pesant  chariot,  tan- 
dis que  six,  .lidrf  i!r  I  es  I  Issètes,  parviennent  à  peine  à  luire 
bouger  le  mien   iini  e>l  Mile?  » 

Il  sourit  et  me  regarda  d'un  air  .significatif. 
Il  Vous  n'êtes  sûrement  pas  deiiuis  longtemps  dans  le  Cau- 
case ? 

—  Depuis  un  an,  n  répondis-je. 
Il  siiuril  de  niinveau. 

«Une  dils-vons? 

—  Que  ces  Asiati  lues  Sont  de  mauvaises  hèles.  Vous 
croyez  qu'ils  vous  aident  parce  qu'ils  crient?  Et  qui  diable 
comprend  ce  qu'ils  disent .'  Ce  sont  d'infernaux  fripons...  Et 
qu'y  l'aire?...  lis  rançonnent  les  voyageurs...  Ils  sont  gillés, 
les  coquins.  Vous  verrez  qu'il  vous  demaiiderool  encore  un 
pour  boire.  Je  les  eoniiais,  et  ils  n'auniiit  i  ieii  de  inoi. 

—  Vous  servez  depuis  loiigleiiips  dans  ce  pays? 

^^  J'ai  servi  sous  Alexis  Pétrovilcli  Ermalaf,  répondit-il  en 
se  redressant.  J'étais  sons-lieutenant  lorsqu'il  prit  le  com- 
mandement de  la  ligue,  et  c'est  avec  lui 'que  j'ai  avancé  de 
lieux  rangs  pour  des  alVairesavee  les  montagnards. 


—  Et  vous  êtes  maintenant?... 

—  Maintenant  je  fais  partie  du  Z'  bataillon  de  ligne...  Et 
vous  ?  si  j]ose  vous  le  demander,  n 

Je  le  lui  dis  et  nous  continuâmes  notre  route  en  marchant 
en  silence  l'un  près  de  l'autre.  Au  sommet  de  la  nionlagne, 
nous  triiuvimes  de  la  neige.  Bientôt  le  soleil  se  coucha  el  la 
nuit  tomba  sans  crépuscule,  cmnmc  cela  arrive  dans  le  Midi  ;  ' 
grâce  à  la  réfraction  de  la  neige,  nous  pouvions  facilement 
distinguer  notre  chemin  qui  continuait  à  suivre  la  montagne. 
Je  lis  mettre  mon  porle-manteau  sur  le  chariot,  je  remplaçai 
les  biculs  par  des  chevaux,  et  je  jetai  un  dernier  coup  d'iril 
sur  la  vallée;  mais  un  brouillard  épais,  qui  sortait  par  ondes 
de  toutes  les  gorges,  la  couvrait  complètement;  aucun  bruit 
ne  parvenait  lu-qu'à  nous.  liientnl  les  Ossètes  m'entourèrent 
en  deinanilaiit  pnur  huile  ;  mais  le  capitaine  éleva  une  voix 
SI  nieiiaranle,  qu'ils  prirent  aussilot  la  hiite. 

"  tjuel  peuiile  !  dit  le  ca|iilaine,  ils  ne  savent  pas  dire  du 
painen  russe;  mais  ils  ont  appris  à  dire  :  «  lion  oflicier, 
donnez-moi  pour  boire.  »  A  mon  avis,  les  Talares  valent  mieux, 
car  ils  ne  boivent  pas.  » 

Il  nous  restait  à  faire  une  lieue  pour  atteindre  la  prochaine 
maison  de  poste.  Auhiurdenous  tout  élait  .si  tranquille  qu'on 
aurait  pu  suivre  un  moucheron  au  seul  murmure  de  son  Vol. 
Une  gorge  profonde  s'étendait  vers  la  gauche,  en  avant  et  en 
arrière,  des  monlagnesd'un  bleu-foncé,  prolimdémeiit  déchi- 
quetées et  couvertes  de  neige,  se  dessinaient  sur  un  ciel  pâle 
qui  conservait  encore  les  dernières  lueurs  du  couclianL  Les 
étoiles  commençaient  à  briller  dans  le  ciel,  et  elles  me  pa- 
raissaient plus  élevées  sur  l'horizon  que  dans  le  Nord  ;  des 
doux  côtés  du  chemin,  des  rochers  noirs  et  dépouillés,  çà  et 
là  quelques  buissons  à  moitié  couverts  de  neige  ;  dans  l'air, 
pas  un  souille.  Au  milieu  de  ce  silence  de  mort  de  la  nature 
on  n'entendait  que  la  respiralion  liàlée  de  mes  trois  che- 
vaux et  les  tintements  inégaux  de  la  clochette  russe. 

«  Nous  aurons  un  bien  beau  temps  demain.  » 

Le  capitaine  ne  répondit  pas,  mais  me  montra  du  doigt  iinr 
haute  montagne  qui  s'élevait  précisément  en  face  de  nmi- 

II  Qu'est-ce?  demandai- je. 

—  C'est  la  montagne  de  Goût. 

—  Eh  bien  !  ■ 

—  Voyez  comme  elle  fume,  fi  • 
En  elTet,  la  montagne  que  le   capitaine  m'avait  ttioUUië 

fumait,  de  légers  nuages  glissaient  sur  ses  flancs,  et  sur  son 
sommet  reposait  une  nuée  si  noire,  qu'elle  semblait  line  laclie 
dans  robsriirilé  du  ciel. 

Nous  dislin-iii.iiis  ilrja  la  maison  de  poste  et  les  toits  descd- 
banesquil'enliiiienl;  ilejà  brillaienticsieux  bospilalier.s,  lors- 
qu'un vent  buniide  et  Iruid  commença  à  soufller.II  tombait  une 
pluie  line  et  pénétrante,  et  à  peiile  in'étai.s-je  enveloppé  de 
mon  manteau  qu'elle  se  changea  en  neige.  Je  regardai  le  capi- 
taine avec  respect. 

iiNous  passerons  la  nuit  ici,  dit-il  d'un  ton  de  dépit  ;  uu 
ne  passe  pas  la  montagne  par  un  temps  semblable.  » 

Et,  s'adressant  au  cocher  ; 

«  \  a-t-il  des  avalanches  sur  la  montagne  de  la  Croix? 

—  Non,  monsieur,  répondit  le  cocher;  mais  elles  nitna- 
ceiit  fort.  11 

Comme  il  n'y  avait  pas  dans  la  maison  de  poste  où  nous 
nous  trouvions,  de  chambre  pour  les  vovageurs,  on  nous  ar- 
rangea ,  tant  bien  que  mal,  une  cabane  enfumée.  J'invitai 
mon  compagnon  à  prendre  un  verre  de  thé  :  j'avais  avec  moi 
une  théière  de  fer,  ma  seule  consolation  dans  mes  voyages 
au  Caucase. 

D'un  c6lé  notre  cabane  étiit  appuyée  au  rocher;  irois  mar- 
ches liûriiides  et  glissantes  conduisaient  à  la  porte.  J'entrai  à 
tatous,  et  je  me  heurtai  contre  un  rocher.  Ces  montagnards 
font  de  leur  écurie  leur  antichambre.  Je  ne  savais  où  aller  : 
ici  bêlaient  des  brebis,  là  grognait  uu  chien  ;  par  bonheur 
j'aperçus  un  petit  feu  qui  m'aida  à  découvrir  une  ouverture 
qui  pouvait  passer  poui  une  porte  ;  j'entrai  et  un  spectacle 
original  frappa  ma  vue.  La  cabane  élait  assez  grande  et  rem- 
plie de  monde;  au  milieu,  par  terre,  un  feu  autour  duquel 
étaient  assis  deux  vieilles  l'emmes,  une  multitude  d'enfants 
en  guenilles  et  un  maigre  Géorgien.  La  fumée,  que  le  vent 
repoussait  dans  l'intérieur,  obscurcissait  celle  scène  et  em- 
pêchait qu'on  n'en  distingiiiU  dès  l'abord  tous  les  détails 
Nous  nous  approch.^mes  du  feu,  nous  allumâmes  nos  pipr-, 
et  bienlot  la  tliéière  lit  enlendicses  joyeux  bouillnnneiiieni- 

«  Pauvres  gens,  dis-je  au  caiiilaiiie,  en  lui  montrant  n- 
bûtes  crasseux  qui  nous  regardaient  en  silence  et  d'un  aii 
hebélé. 

—  Sottes  gens,  répondit-il  ;  croiriez-vous  qu'i's  ne  savent 
rien  et  qu'ils  sont  inea|iahlcs  de  rieii  apprendre!  Nos  Kabar- 
diniens,  nos  Tchetcbrrniens,  qui  ne  sont  que  des  brigands, 
et  qui  vivent  tout  nus,  se  battent  au  moins  comniedes  eui.i-^ 
gés;  mais  ceux-ci  n'ont  pas  même  le  moindre  goût  poiii 
armes!  Vous  n'en  verrez  pas  un  seul  avoir  un  p'oignard  | 
sable.  Ce  sont  de  véritables  ossètes!  (Osset,  en  ru^se,  s:..- 
lie  àne). 

—  Avez-vous  été  longtemps  sur  laTcheihna? 

—  Oui,  j'ai  été  pendant  dix  ans,  avec  ma  compagnie,  1 1, 
garni-on  à  la  forteresse  du  Passa;;e-de-Pierre.  Le  connaissez- 
vous? 

—  J'en  ai  entendu  parler. 

—  Ah!  ces  saliiems  imiis  nul  dialilenienteniiuvés.  Aujinii 
d'hui  ils  seul,   uiarr  a    hieii,  lin  peu  plus   II  anijuiUrs  ;  n 
alors,  si  on  ^'ilri-nnl  a  iriil  |ias  du  rmipail.  il  v  avail  in 
que  démon  an\  lun-s  ilieveiix  en  seiilinrlle,  elsl  l'on  bain  ,, 
un  peu,  ou  uu  aixan  ,1)  nu  cou  ou  nue  balle  à  la  tète.   A 
ce  sont  des  gaillahls  I 

—  El  vous  avez  eu  .«ans  doute  de  nombreuses  avcntur.- 
lui  dis-je,  excité  par  la  curiosité. 

—  Mais,  oui.  11 

Alors  il  commença  îi  frisW  Sa  moustache  gauche,  pciulia 

la  tête  et  devint  pensif  .te  désirais  beaucoup  tirer  de  lui  quel- 

I  que  histoire,  désir  commun  aux  gens  qui  voyagent  et  il  ceux 

I       (!)  l.'arcan  esl  une  liini;iieel  forle  (iiriie.-ivee  un  invuil  eoulanl. 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


S9 


^(li  écrivent.  Le  llié  était  prêt  ;  je  pris  dans  mon  porte-man-  , 
leau  deux  verres  de  vuyafje  ;  je  les  remplis  et  j'en  plaçai  un 
devant  mon  compagnon.  Il  goûta  et  dit  à  voix  basse  :  «  Oui, 
autrefois.  »  Cette  exclamation  me  donna  de  grandes  espé- 
rances. Je  sais  que  les  vieux  soldais  du  Caucase  aiment  à  ra- 
conter ;  ils  en  ont  si  rarement  l'occasion  !  Tel  d'entre  eux  reste 
Cinq  ans  sans  avoir  à  qui  parler,  au  milieu  d'une  nation  sau- 
vage, exposé  chaque  jour  à  de  nouveaux  dangers  et  à  des  ha- 
sards tellement  extraordinaires,  que  vraiment  nous  avons 
lieu  de  regretter  qu  on  écrive  si  peu  chez  nous. 

«  N'ajouterez-vous  pas  un  peu  de  rluim,  dis-jc  à  mon  con- 
vive ;  j'ai  du  rhum  blanc  de  Tillis,  et  il  fait  froid  ce  soir. 

—  Je  vous  remei  cie  ;  je  n'eu  prendrai  point. 

—  Pourquoi  donc  '! 

—  Parce  que...  c'est  un  vœu.  Lorsque  j'étais  encore  sous- 
lieulenant  je  lis  un  soir,  avec  mes  camarades,  une  débauche; 
dans  la  nuit  on  sonna  l'alarme  ;  nous  parûmes  à  moitié  ivres 
dans  les  rangs.  .41exis  Pélrovitch  l'apprit,  et  c  est  beaucoup 
qu'il  ne  nous  ait  pas  mis  eu  jugement;  et  il  avait  raison ,  la 
Solitude  et  l'eau-de-vie,  c'est  assez  pour  perdre  un  homme.» 

En  l'entendant,  je  pe'rdis  presque  toute  e.spérance;  mais  il 
reprit  : 

«Lorsque  les  Circassiens  se  sont  enivrés  à  une' noce  ou  i> 
un  enterrement,  ils  linissi-nt  presque  toujours  par  se  battre. 
Une  fois,  c'est  à  grandi-  peine  ipie  je  m'en  suis  tiré,  et  ce- 
pendant j'étais  en  visite  chez  un  prince  de  nos  amis. 

—  Counnent  cela  arriva-t-if  » 

Le  capitaine  chargea  sa  pipe,  l'alluma,  en  tira  quelques 
boullées  coup  sur  coup,  et  commença  ainsi  : 

«J'étais  avec  ma  compa;;nie  dans  un  fort  au  delà  de  Ferck. 
Il  y  a  bientôt  cinq  ans  décela.  Un  jour  d'automne  arrive  un 
cOliVol  de  provisions,  et  avec  le  convoi  un  jeune  oflider 
tl'environ  vingt-cinq  ans,  eu  grand  uniforme,  qui  m'anuom-.e 
qu'il  a  l'ordre  de  rester  avec  moi  dans  le  fort.  Sa  taille  élait 
Si  élégante  et  son  teint  si  blanc,  son  uniforme  élait  si  neuf, 
tjuc  j'eus  hienlfit  dcvilii  ([u'il  n  étjit  pas  depuis  longtemps 
ilnns  le  Caucase. 

« —  Ou  vous  a  sans  doute  envoyé  de  Russie  dans  ce  pays  '? 

—  Précisément,  monsieur  le  capitaine,»  me  répondit-il. 
Je  le  pris  par  la  main,  en  lui  disant  : 

«Je  suis  chariui',  enchanté;  vous  vous  cnnuyerez  un  peu, 
mais  nous  vivrons  en  bons  camarades.  Faites-moi  le  plaisir 
de  m'appeler  tout  simplement  Maxime  Maxiinilcli,  et  de  ne 
pas  vous  mettre  en  grand  uniforme  pour  venir  riiez  moi.  » 

Il  On  lui  doima  un  logement  et  il  s'établit  dans  le  fort. 

—  Etcomment  l'appelail-on?  demandai  jeà  Maxime  Maxi- 
mitcli. 

—  Grégoire  Alexandrovith  Petcliorin.  C'était  un  charmant 
garçon,  je  vous  assure;  mais  très-original.  Quelquefois,  par 
exemple,  par  la  pjuie  et  par  le  froid,  il  restait  à  la  chasse  du 
Bialin  au  soir,  sins  éprouver  la  moindre  fatigue.  Le  lendc- 
Inaill  il  s'enfermait  dans  sa  chambre,  un  petit  vent  soufllait 
et  il  assurait  avoir  prisiroid.  Je  l'ai  vu  vingt  fui.s  attaquer  un 
sanglier;  mais  je  l'ai  vu  aussi  tressaillir  et  pâlir  au  bruit 
dim  contrevent  qui  frappait.  Tanlôt  silencieux,  tanlftl  gai  à 
nous  faire  mourir  de riie...  un  original,  eulin;  il  devait  èlre 
riche,  car  il  avait  une  quantité  de  petits  obiets  précieux. 

—  A-l-il  demeuré  lun..;temps  avec  vous'?  demandai-je  de 
nouveau. 

—  A  peu  près  une  année...  que  je  n'oublierai  jamais; 
combien  de  smicis  ne  m'a-t-il  pas  causés?...  Il  y  a  certaine- 
ment des  gens  qui  sont  destinés  dés  leur  naissance  à  avoir 
(les  aventures  extraordinaires. 

—  Extraordinaires!  m'écriai-je  en  remplissant  son  verre 
et  avec  un  air  de  curiosité. 

—  Ecoutez.  A  six  verstes  du  fort  vivait  un  prince,  notre 
allié.  Son  lils,  jeune  homme  de  quinze  ans,  venait  tons  les 
jours  chez  nous,  lanl'it  pour  une  raison,  lanlAt  pourunc  aolre. 
C'était  uu  garçon  dét.iniiné  et  nous  le  galions.  Il  n'avait 
qu'un  seul  défaut,  c'était  d'être  horriblement  avide  d'argent. 
One  fols,  Grégoire  Alexandiovilch  lui  promit  en  plaisantant  de 
lui  donneruuducat  s'il  pouvait  enlever  la  meilleure  chèvre  du 
troupeau  de  son  père;  eh  1  bien,  la  nuit  suivante  il  l'amena 
par  les  cornes.  Nous  nous  amusions  quelquefois  à  le  menacer; 
ses  yeux  se  remplissaient  de  sang  et  il  saisissait  son  poi- 
gnard. «  Elil  Azainat,  lui  disais-je,  tune  porteras  pas  longtemps 
la  lèle  ;  ton  perd  en  répondra.  » 

«  Un  jour  le  prince  vint  lui-même  pour  nous  inviter  à  une 
noce;  il  mariait  sa  lille  ainée,  et  puisque  nous  étions  ses 
amis,  quoiqu'il  fùlTatare,  nous  ne  pouvions  refuser.  A  notre 
arrivée  dans  le  village,  une  multitude  de  chiens  nous  reçut 
avec  de  grands  aboiements;  les  fenmics  se  cachèrent  :  celles 
dont  nous  pûmes  voir  le  visage  étaient  loin  d'êtie  belles. 

«  —  J'avais  meilleure  opinion  des  Circassiennes,  me  dit 
(iiégoire  Alexandrovilch. 

» —  Attendez,  »  répondis-je.  J'avais  un  projet  en  tête. 

a  La  foule  était  grande  chez  le  prince,  car  vous  savez  que 
les  Asiatiques  ont  coutume  d  inviter  à  leurs  noces  Ions  ceux 
qu'ils  reiicoulrenl.  On  nous  reçut  avec  les  pus  grands  hon- 
neurs, et  on  nous  conduisit  dans  la  grande  salle.  Je  n'oubliai 
C'ipendaiit  pas  de  remarquer,  par  excès  de  pruJence,  où  on 
mettait  nos  chevaux. 

—  Comment  célèbre-t-on  les  noces  dans  ces  montagnes? 
demandai-je  au  capitaine. 

—  Mais  rien  de  bien  extraordinaire.  D'abord  le  moullah 
lit  un  passade  du  Coran  ;  ensuile  on  fait  des  présents  aux 
époux  et  aux  parents  ;  nn  mange,  on  boit,  puis  les  jeux  coni- 
meucrnt  :  qu'-lque  malheureux  esiropié,  bitn  sale,  bien  gras, 
monté  sur  un  loéchant  cheval,  fait  le  paillasse  et  réjouit 
riinnorable  société.  A  la  nuit  tombante  le  bal  commence 
dans  la  grande  salle.  Je  me  souviens  qu'un  pauvre  vieillard 
jouait  d'une  guitare  à  trois  cordes,  dont  j'ai  oublié  le  nom, 
Inais  qui  ressemble  à  notre  balalaïka.  Leslilles  et  les  garçons 
se  mettent  sur  deux  rangs,  frappent  des  mains  et  chanleiil. 
Deux  d'entre  eux  s'avancent  et  s'adressent  des  vers  qu  ils 
improvisent  sur  le  premier  sujet  venu.  Les  autres  répondent 
c  1  chœur.   J'étais  avec  Petcliorin  à  la  place  d'honneur  ;  la 


lille  cadette  du  prince  s'approcha  et  lui  chanta  une  espèce  de 
compliment. 

—  Vous  le  rappelez-vous? 

—  Il  me  semble  que  c'est  quelque  chose  comme  ceci  ; 
«Nos  jeunes  gens  sont  bien  fails;  ils  portent  des  habits  bro- 
dés eu  argent  ;  mais  le  j-une  oflicier  est  plus  beau  et  mieux 
fuit  qu'eux,  et  il  porte  des  galons  en  or.  Il  est  comme  un 
peuplier  au  milieu  d  eux,  mais  il  ne  croîtra  pas;  il  ne  Heurira 
pas  dans  notre  jardin.  »  Petcliorin  se  leva,  la  salua,  mit  sa 
main  sur  son  Iront  et  sur  son  cœur,  et  me  pria  de  répondre 
pour  lui  ;  je  sais  fort  bien  le  circassien,  et  je  traduisis  sa  ré- 
ponse. 

i<  (Juand  elle  se  fut  éloignée,  je  dis  à  Grégoire  Alexandro- 
vilch : 

« —  Eli  bien  !  qu'en  dites-vous? 
11 —  Ch'armanlc,  répoudil-il. 
«— Savez-vous  son  nom? 
« — On  l'appelle  lilanche,  »  reparlis-je. 
«C'est  qu  elle  élait  fort  belle  en  effet.  Elle  avait  seize  ans, 
une  taille  élevée  et  bien  laite,  des  yeux  noirs  de  gazelle,  qui 
vous  pénétraient  )usqu';"i  l'àme.  Petcliorin  élait  pensif  et  ne 
la  quittait  pas  des  yeux  ;  elle-même  le  regardait  souvent 
aussi  à  la  dérobée.  Je  m'aperçus  bienlôl  que  mon  ami  n  était 
pas  seul  il  admirer  la  belle  princesse  :  deux  antres  yeux, 
deux  yeux  de  feu,  la  suivaient  avidement  du  coin  de  la  salle. 
Je  reconnus  mon  ancienne  connaissance  Kasbilch  II  n'était 
ni  allié,  ni  ennemi;  mais,  qiioiqu  il  ne  se  fut  mêlé  d'aucune 
affaire,  on  avait  de  forts  soupçons  contre  lui.  Il  nous  amenait 
quelquefois  des  moulons  qu'il  vemlail  bon  iiiarché,  mais  sans 
laisser  jamais  marchander.  On  disait  qu'il  aliit  souvent  au 
delà  de  Koiiban,  lever  des  ronlribulioiis,  et  il  avait  vraiment 
tonte  la  iiiiue  d  un  brigatld.  Il  élait  pelit  et  large  d'épaules, 
mais  agile  comme  un  dëmon.  Ses  habits  étaient  toujours  en 
lanibt'anx,  mais  ses  armes  étaient  garnies  en  argent.  Son  che- 
val élait  célèbre  dans  toute  la  Kabarde,  et  l'on  ne  saurait  en 
effet  rien  imaginer  de  plus  beau.  On  avait  tenté  plusieurs 
fois  de  le  voler,  et  Ions  les  cavaliers  portaient  envie  à  Kas- 
bilch. Il  me  semble  que  je  vois  encore  ce  cheval  :  il  avait  le 
poil  noir  toiiiiiie  de  la  poix,  des  jambes  lines  comme  des  ro- 
seaux et  des  yeux  comme  ceux  de  Blanche.  lit  comme  il  était 
fort  et  bien  dressé...  il  aurait  fait  cinquante  versles  en 
courant;  il  suivait  son  maître  comme  uu  chien;  il  recon- 
naissait même  sa  voix.  Quel  cheval  ! 

«Ce  soir-là  Kasbitch était  plus  sérieux  encore  que  de  cou- 
tume, et  je  reinaïqiiai  qu'il  avait  mis  une  colle  de  mailles 
sous  son  habit.  11  n'a  pas  mis  cette  cotte  de  mailles  pour 
rien,  pensais-je;  il  faut  qu'il  ait  quelque  dessein. 

«  La  chaleur  élait  étouffante,  et  je  sortis  pour  prendre 
l'air  un  moment.  La  nuit  était  obscure,  et  le  brouillard  com- 
mençait à  s'étendre  dans  les  vallées.  Je  pensai  à  faire  un  tour 
du  côté  de  l'écurie  où  on  avait  mis  nos  chevaux,  pour  voir 
.s'ils  avaient  à  manger.  Et  puis  la  prudence  ne  gale  rien... 
J'avais  un  excellent  cheval  que  plus  d'un  Kabardinien  avait 
remarqué  d'un  œil  d'envie. 

«Je  rri'avance  le  long  de  la  cloison,  et  tout  à  coup  j'en- 
tends des  voix;  l'une,  que  je  reconnus  tout  de  suite,  était 
celle  d'Azamat,  le  lils  du  prince;  l'autre,  plus  basse,  ne  .se 
laisail  entendre  qu'à  de  rares  intervalles.  De  quoi  parlaienl- 
ils?  pensai-je.  N'est-ce  pas  de  mon  cheval?  ,1e  m'approchai 
de  la  cloison  et  j'écoutai.  Quelquefois  le  bruit  de  la  musique 
et  des  chants,  qui  venait  de  l'haliilation  ,  me  faisait  perdre 
le  lil  d'une  conversation  qui  m'inléressailau  plus  haut  point. 
«  Tu  as  un  fameux  cheval,  disait  Azamat;  si  j  étais  mai- 
lle de  la  maison,  et  que  j'eusse  trois  cents  cavales  dans  mon 
troupeau,  j'en  donnerais  la  moitié  pour  Ion  bon  coureur,  Kas- 
bilch. 

«  Ali  !  Kasbitch,  »  me  dis-je,  et  je  me  rappelai  la  colle 
de  mailles. 

«  Oui,  reprit  kasbilch,  on  ne  trouverait  pas  son  pareil  dans 
toute  la  Kabafde.  Une  fois,  au  delà  rfn  Térek.  nous  fûmes 
dispersés  par  les  Russes,  dont  nous  cherchions  à  enlever  les 
troupeaux.,  (Uiaeuii  se  sauva  comme  il  put.  J'étais  poursuivi 
par  quali3B'C<i«aq(ies;  j'entendais  déjà  leurs  cris,  j'avais  de- 
vant nicii  un  bois  .épais.  Je  nie  çoucliais  sur  la  selle,  je  me 
ciiiiliai  à  Allali,'et  pour  la  première  fois-doma  vie,  j'offensai 
mon  cheval  d'un  coup  de  l'oueU-  Il  se  précipjOi  comme  un 
oiseau  entre  les  brandies.  Les  épines  aiguës  tlécliiraieol  mon 
vétenieni  ;  j'aurais  niienïfait  de  me  laisser  couler  à  terre  et 
de  me  cacher  dans  les  buissons  ;  mais  je  ne  pus  me  décider 
à  quitter  moi»  cheval,  et  le  proplièle  m'en  récompensa.  Les 
Cosaques  me  serraient  de  très-près;  leurs  balles  silllaienl  au- 
tour de  moi...  J'arrive  au  bord  d'un  piolond  raOn.  Mon  che- 
val semble  réfléchir  un  inslant  :  il  s  élance,  ses  pieds  de 
derrière  déchirent  le  bord  opposé, il  reste  suspendu  par  ceux 
de  devant;  je  jetai  les  rênes  et  tombai  dans  le  ravin,  mon 
cheval  déchargé  lil  un  cITort.  et  fui  sauvé.  Les  Cosaques 
virent  lopt  cela,  mais  ils  crurent  que  je  m'étais  tué,  et  ne 
s'occupèrent  plus  de  moi;  je  les  entendis  s'élancer  à  la  pour- 
suite de  mou  cheval.  Mon  cœur  saignait;  je  descendis  le  ra- 
vin sur  une  herbe  épaisse,  et  je  regardai.  Je  vis  quelques 
Cosaques  courant  dans  une  immense  juaine,  et  mon  Kara- 
queuse  bondissant  devant  eux.  L'un  des  Cosaques  passa  près 
de  lui,  lui  jeta  deux  fuis  son  arcan  et  faillit  ie  'prendre;  je 
tremblais,  je  fermais  les  yeux,  cl  je  me  mis  à  prier.  Un  in- 
slant après,  je  regarde,  et  je  vois  mon  infaligable  coursier, 
qui  vole,  la  queue  droite,  libre  comme  l'air,  el  les  giaonrs 
qui  se  traînent  honteusement  sur  leurs  chevaux  épuisés.  Par 
Allah!  je  dis  la  vérité,  la  |iure  vérité.  Je  restai  datis  mon  ra- 
vin jusqu'au  milieu  delà  nuit.  Tout  à  coup  j'enlcnds  dans 
l'obscurité  lin  cheval  qui  court  sur  le  bord  du  ravin,  qui 
soufde,  qui  hennit,  ipii  liappe  la  terre  du  pied.  Je  reconnais 
mon  Karaqiieuse;  c'elait  lui,  c'était  nnui  compagnon.  Depuis 
ce  jour,  nous  ne  nous  sommes  pas  quittés.  » 

«Et  j'entendis  qu'il  caressait  de  la  main  le  cou  poli  de  son 
cheval,  en  lui  iloniiaiil  mille  iiunis  d'aniilié. 

« —  Si  j'avais  un  troupeau  ili'  mille  cavales,  dit  Azamat, 
jeté  le  donnerais  tout  entier  contre  Ion  Karaqiieuse. 

(I — Je  ne  voudrais  pas,  «  répondit  tranquillement  Kasbilch. 


«  Azimat  reprit  en  le  llatlant. 

n— Ecoulé-moi,  Kasbilch,  lu  es  un  homme  courageux  et  uli 
intrépide  cavalier;  mon  père  craint  les  Russes  et  ne  tne  laisse 
pas  aller  sur  la  montagne.  Donne-moi  ton  cheval,  et  je  ferai 
ce  que  tu  voudras;  je  volerai  à  mon  père  sa  meilleure  cara- 
bine et  son  sabre,  —  sou  .sabre  île  damas,  —  qui  perce  un 
homme  sans  qu'un  ait  besoin  d'appuyer,  et  si  tu  veux  eiicbre 
son  carquois  qui  est  aussi  beau  que  le  tien.  » 

«Kasbilch  gardait  le  silence. 

«—La  première  fois  que  je  vis  ton  cheval,  continua  Azamat, 
il  se  cabrait  sous  toi,  il  bondissait  en  ohm  aiit  ses  naseaux, 
ses  pieds  faisaient  voler  les  pierres  en  éclat;  il  se  passa  dilns 
mon  àmequel|ue  chosed'inconipiéhensible;  tout  me  devint 
indifférent;  je  regardais  avec  mépris  les  meilleurs  chevaux 
de  mon  père,  j'avais  honte  de  les  monlér;  l'ennui  s'empara 
de  moi.  Je  leslais  des  jours  entiers  assis  sur  un  rocher;  à 
chaque  itistant,  je  croyais  voir  ton  cheval  noir  avec  sa  dé- 
marche hère,  son  cou  luisant  et  droit  comme  une  llèclie;  il 
me  regardait  avec  ses  yeux  (lerçants,  comme  s'il  eût  voulu 
médire  quelque  chose.  Je  mourrai,  Kasbitch,  si  lu  ne  me  le 
vends  pas,  »  dit  Azainat  d'une  voix  tiemblanle. 

{La  suite  à  un  prochain  numéro.^ 


l'nriaiions    «tnioi<|iliéri<iueei. 

Puisque  nous  avons  un  moment  de  loisir,  parlons  un  peu 
de  la  pluie  et  du  beau  temps.  Voici  quelques  dessins  d'un 
aili^lc  aimé  du  public  qui  nous  en  fournissent  l'occasion. 
I)  ailleurs,  c'est  un  sujet  de  droit  commun,  un  sujet  com- 
mode, qui  Ctltte  pour  un  appoint  assez  considérable  dans  la 
somme  des  niaise  li^^  .  niisiiinanl.  m  cli-lmi  s  des  chiffres,  des 
affaires  et  des  niiMli^.nM  r^,  \r  \.,n,i  d,  s  i  niiM-r-alKins  hu- 
maines. C'est  une  ni.iin  ;r  i.h  ilr  li dili.T  l'ii  liaison  avec  une 
personne  à  qui  un  i.i'  >.iil  (|uimIiii-,  mii,  parie  que,  la  voyant 
pour  la  preiiuère  luis,  un  ii  ii  pas  ciicuie  jaugé  sa  capacité  in- 
tellectuelle, suit,  parue  que,  ne  viiulaiil  pas  .^'engager,  on  se  ren- 
ferme dans  cet  innocent  lieii-coniiiiuii  de  peur  de  .se  compro- 
mettre. Or,  comme  il  fait  toujours  ou  beau  ou  mauvais  temps^ 
c'est  un  sujet  qu'on  a  toujours  à  portée;  avec  lui,  on  ne  ris- 
que pas  de  rester  court.  C'est  sans  doule  ainsi  que  celle  ex- 
pression :  Parler  de  la  pluie  et  du  beau  lein(is,  esl  devenue 
l'équivalent  de  parler  de  lulililés.  Evidenmienl,  c'est  une  lo- 
cution proverbiale  mal  choisie,  car,  parler  de  la  pluie  et  du 
beau  teiii|is,  c'est  palier  des  plus  sérieux  inléiêls  de  la  pau- 
vre humanité  ici-bas.  11  y  a  là  dessous  des  questions  d'a- 
bondance et  de  famine,  et  je  comprends  bien  que  ceux  qui 
culliventla  terre,  testà-dire  les  trois  quarts  des  homnies, 
commentent,  d'un  bout  de  l'année  à  laulie,  ce  llième  aussi 
intéressant  que  monotone.  Aussi,  ce  ne  sont  pas  eux  qu'il 
faut  accuser  du  mauvais  sens  qu'on  a  donné  à  celle  expres- 
sion, mais  bien  les  sotsqui  abuseni  de  tout,  sans  prendre  in- 
térêt à  rien.  Cependant,  coiimie  ils  sont,  dil-on,  en  majo- 
rité en  ce  monde,  el  que  toute  majorité  esl  respeclable,  je 
chercherai  à  faire  valoir  quelques  circonstances  allénuanles 
en  leur  faveur,  d'autaiit  pois  volontiers,  qu'en  ce  moment 
je  parle  comme  eux  delà  piuie  el  du  beau  temps.  Je  recon- 
nais el  j'avoue  que  lorsque  la  politique,  avec  ses  avorlemenls; 
la  polémique  des  journaux,  avec  ses  aménités;  la  clironiqne 
du  jour,  avec  ses  scaiida'rs  ;  1rs  l'hi'i.iiiis  de  fer,  avec  leurs 

accidents;  la  cole  (!'•  la  H -;  ,.r,ir  s  s  émotions;  la  mode, 

avec  ses  cxtravaii^.iiM  i  ^  ;  Ir^  -.  hu.  i>,  l.'s  beaux-aris,  la  lil- 
térature,  c'est-à-dm'  1  iiilrlli;.^iiioe,  !,•  seiiliment  el  l'esprit 
d'un  millier  de  grands  hoiiiiiies,  nioils  ou  vivants,  fouruis- 
sent  incessamment  des  niolifs  variés  el  inépuisables  à  ce 
charmant  bavardage  qui  est  un  des  apanagesdel  homme  ci- 
vilisé, c'est,  en  vérité,  une  impertinente  chose  que  d'ouvrir 
la  bouche  pour  dire  à  des  gens  qui  le  savent  aussi  bien  que 
Vous  :  »  Il  lait  bien  beau  aujourd'hui,  »  ou  bien  :  «Wijlà  huit 
jours  (|U'ils  ne  cesse  de  pli'inoir.  »  Jlals  il  liol  un  minailre 

au^si  que  Ifibon  Dieu  a  l'ail  depuis  queli|iir>  ■ irv  un  u>age 

si  inusité  de  la  pluieetdubeaulemps,  qu'ils  sniil  iluveiiiis  des 
événenienis,  des  nouveaulésel  des  surprises,  el  que  les  gens 
d'e-prit,  à  plus  forte  raison  les  sots,  ont  été  lorl  excusables 
de  prendre  souvent  pour  thème  de  conversation  ce  mauvais 
règlement  des  saisons  qui  bouleversait  leurs  juincipes  oti 
leur  routine.  L'homme  qui  applique  à  tout  son  esprit  inves- 
tigateur, linil,  à  force  de  labeurs,  de  temps  et  de  patience, 
par  voir  un  peu  clair  dans  la  mulliludedes  fails  qui  le  frap- 
pent de  Imites  parts,  el,  pour  s'y  reconnaître,  il  tftcliri  de 
inetite  de  l'ordre  dans  ses  observations;  il  classe,  divise, 
snhdivise,  elii|uèle  tout  avec  le  plus  grand  soin.  C'est  ainsi 
qu'il  iii  I  si  M'iiii  à  délerminer  le  cours  des  astres,  la  révo- 
luliuii  pènuilique  des  années;  el  cela,  àriieiircetà  la  minute. 
Par  exemple,  voulez-vous  savoir  quand  commenceront  l'aii- 
bimiie  et  l'hiver  qui  s'avancent,  vous  n'avez  qu'à  ouvrir  l'an- 
nuaire du  bureau  des  longitudes  ou  le  premier  Mathieu 
Laènsberg  venu,  el  vous  verrez  cpie  ce  sera,  pour  l'aulomiie, 
Ie2ô  septembre,  à  10  heures  41  niiniiles  du  malin;  et,  pour 
l'hiver,  le  22  décembre,  à  i  heures  22  minutes  du  Uialin 
également,  ni  plus  ni  moins.  Pourquoi  celle  heure- là  plu- 
tôt qu'une  aulrc?  Tout  le  monde  le  sait  aujourd'hui.  C'est 
parce  que  le  soleil ,  dans  sa  marche  apparenle  à  travers  le 
Zodiaque,  entrera  justement  à  celte  heure  là  dans  lesiynedu 
Capricorne.  Quand  je  dis  qu'il  y  entrera,  il  y  aura  déjà  un 
mois  qu'il  en  sira  sorti.  Maisil  y  entrait  il  y  a  quelque  deux 
mille  ans,  et  comme  après  s'en  èlie  successivemcnl  éloigné, 
il  y  revient  de  nouveau  à  pareille  époque  tous  les  vingt  cinq 
mille  huit  cent  8oi\ante-huit  ans,  un  a  jugé  que  ce  n'était 
pas  la  peine,  pour  une  pareille  bagatelle,  de  déianger  les  bê- 
les du  Zodiaque,  el  on  a  laissé  les  choses  telles  que  les  avaient 
réglées  lesMalhieii  Laêiislieig  du  temps.  Quoi  (|u'il  en  soil, 
nuis  iiuviiiis  tous,  sur  la  fui  des  asiroiii.mes,  des  poêles,  des 
jardinier. s  et  des  nuiiinics,  ipie  iiuiis  avons  chaque  aïo  ée 
quatre  saisons,  el  qui'  li'  pi  iiilniips.  Trié,  raiitonino  et  l'hi- 
ver sont  des  périodes  ilisliiiiles  enire  lesquelles  le  chaud  et 
le  froid,  le  beau  el  h'  \ilaiii  temps  se  dislribiunl  d'une  ma- 


GO 


nière  assez  régulière.  Aussi  la  évolution  de  '.)'>,  dans  ses 
réformes  qui  se  sont  étendues  jusqu'au  calendrier  (elle  eût 
mis  certainement  le  soleil  et 
le  Zodiaque  au  pas,  si  elle  en 
avait  eu  le  loisir),  avait-elle  en- 
régimenté la  neige,  la  pluie  et 
le  vent  lui-même  et  en  avait- 
elle  fait  dans  l'année  trois  dé- 
partements particuliers,   sous 
les  noms  plus  ou  moins  poé- 
tiques de  nivôse,  pluviôse  et 
ventôse.  Je  ne  pense  pas  qu'ils 
se  soumirent  à  ce  quus  ego... 
Ces    limites     administratives 
étaient  un  peu  étroites  ;  mais 
ce  qui  est  certain,  c'est  que  de 
nos  jours  tous  ces  phénomènes 
naturels  sont  dans  une  véri- 
table anarchie.  C'est  à  n'y  plus 
rien    reconnaître,  et,  à  1  ex- 
ception de  celte  année,  il  y  a 
longtemps  que  nous  n'avions 
eu  un  été  avec  continuité  de 
beaux  jours.  Nous  ne  connais- 
sons plus  que  l'automne  em- 
piétant sur  l'hiver  et  l'hiver  em- 
piétant sur  le  printemps.    Le 
mois  de  mai,  le  joli  mois  de  mai 
oui  apporte  des  feuilles  et  des 
fleurs   n'est  plus  qu'une  fic- 
tion chantée  par  les  poêles. 
Aussi  lesvieilles  gensdisent  que 
la  terre  se  refroidit  et  que  la 
fin  du  monde  approche.  Quand 
on  est  jeune,  on  ne  s'inquiète 
pas  du  vilain  temps;  quand  on 
vieillit.oncomp- 
te    les    vilains 
jours ,     parce 
qu'ils  amènent 
la  tristesse  et  les 
catarrhes. Je  ne 
suis  plus  jeune, 
hélas!  car  il  me 
semble      aussi 
qu'il  y  a  bien 
plusdemauvais 
jours    que    de 
bons.    Il    faut 
bien  le  recon- 
naître   :    dans 
l'atmosphère  où 
nous     sommes 
placés  et  où  il 
nous  faut  vivre, 
nous     sommes 
loin  d'être  com- 
me le  poisson 
dansl'eau.Rien 
de  plus  instable, 
de  plus  chan- 
geant, de  plus 
tourmenté  et  de 
plus   tourmen- 
tant. Il  brûle,  il 
gèle,  il  est  cal- 
me, il  tourbil- 
lonne, il  se  fond 
en  eau,il  se  soli- 
difie en  grêle,  il 
éclate  en  fou- 
dre, il  est  étin- 
celantde  lumiè- 
re ou  noir  com- 
me dans  un  four. 
Conservez  donc 

votre  assiette  et  votre  égalité 
d'humeur  à  travers  tous  ces 
accidents  de  tous  les  jours,  de 
toutes  les  heures. 

Parmi  toutes  les  variations 
atmosphéiiques,  il  y  a  un  phé- 
nomène malencontreux,  parti- 
culièrement propre  à  notre  cli- 
mat, et  qui  est  bien  la  plus 
maussade  invention  qui  se  puis- 
se imaginer.  Je  veux  parler  de 
la  pluie.  Nousavonsdesmoisoù 
il  pleut  vingt-neuf  jours  sur 
trente.  Dans  ceux-là  au  moins 
on  sait  à  quoi  s'en  tenir,  et,  si 
l'on  n'est  pas  content,  on  a  quel- 
que raison  pour  être  philoso- 
phe. Mais  combien  de  lois  elle 
vient  noussurprendre  traîtreu- 
sement quand,  sur  la  foi  d'un 
beau  ciel  pur,  nous  nous  som- 
mes mis  en  route  sans  manteau 
et  sans  parapluie  !  Que  de  par- 
ties de  campagne  elle  dérange 
ou  termine  d'une  manière  lâ- 
cheuse! C'est  alors  qu'il  faut 
voir  la  déroule  des  pauvres  ci- 
tadins pris  à  l'improviste,  etde 
leurs  lemmes  dont  les  pieds 
mignons,  chaussés   d'un  léger 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


chapeaux  qui  déteignent  sur  les  chfiles  ;  les  robes  aux  tissus 
diaphanes  souillées;  toute  celte  toilette  si  élégante,  si  gra- 


bj-û"dequin,  glissent  sur  la  fioue  et  pétrissent  la  fange;  les  I  cieuse  il  voir  loiil  ii  l'heure,  nuiiiilenanl  sordide,  hideuse...  ! 
ombrelles,  les  marquises  qui  déteignent  sur  les  cliipeiiux.  les  |  Les  anges  pleurei  aient  à  les  voir  passer.  Nous  autres,  bon- 


nes créatures,  nous  prenons  notre  mal  en  patience  et  nous 
nous  mettons  à  rire.  Contre  cet  insupportable  météore,  nous 
avons  inventé  le  parapluie,  le 
paraverse,  l'axifuge.  Les  gens 
prudents  sortent  toujours  ar- 
més de  leur  parapluie  comme 
d'une  éternelle  protestation 
contre  la  Providence.  Mais  en 
France  on  se  moque  de  tout, 
du  mal  comme  du  remède  ;  on 
„I_  a  donné  à  cet  instrument,  assez 

ennuyeux    du  reste  à  porter, 
le  nom   vulgaire  et  mal  .son-^ 
nant  de  riflard.  C'est  à  en  dé- 
goûter un  honnête  homme.  Le 
parapluie  ou  le  rillard,   d'ail- 
leurs, n'est  pas  à  la  portée  de 
tout  le  monde.    Le  paysan  qui 
laboure,  le  voyageur  qui  che- 
mine, le  soldat  en  marche,  le 
garde  national  qui  se  rend  le 
malin  à  son  posle,  ignorent  ou 
ne  peuvent  se  permetire    les 
douceurs  du   rillard   et  n'ont 
d'autre  ressource  que  celle  de 
s'envelopper  dans  leur  philo- 
sophie etde  tendre  le  dos.  C'est 
déjà  assez  triste   sur  le  pavé 
des  villes;  mais  c'est  dans  la 
campagne   qu'il   faut  voir   la 
pluie  pour  bien  apprécier  l'a- 
grément qu'elle  répand  sur  no- 
tre séjour  !  Le  ciel  gris,  le  sol 
détrempé  et  changé  en  boue 
liquide,  les  ruisseaux  changés 
en  torrents,  les  rivières  débor- 
dées et  cban- 
géesenlacs...!! 
faut  un  grand 
fond  de  gaieté 
pour  ne  pas  se 
laisser    gagner 
par  le  spleen  et 
aller    se    jeter 
dans  celle  eau  la 
tête  la  premiè- 
re. On  se  con- 
sole   pourtant; 
bien  plus,  on  se 
réjouit.     Cette 
pluie  fait  le  bon- 
heur des  marai- 
chersquandelle 
vient  à  temps. 
S'il  n'en  tombe 
pas  assez,  adieu 
les  petits  pois; 
d'un  autre  côté, 
s'il   en    tombe 
trop,  adieu   lu 
vendange  et  la 
moisson.  Or,  il 
ne  manque  ja- 
mais d'en  tom- 
ber ou  trop  ou 
pas  assez.  Ce- 
pendant les  sa- 
vants, qui  tien- 
nentécriturede 
tout,  nous  assu- 
rent qu'en  som- 
me il  n'y  a  pas 
à  cet  é^rd  de 
différence  sen- 
sible        entre 
une    année  et 
une  autre,   et   que,    lorsque 
nous  avons  manqué  en  été  de  la 
pluie  dont  nous  avions  besoin, 
en  revanche ,    nous    sommes 
inondés  pendant  l'hiver  de  la 
pluie  dont  nous  n'avons  que 
faire.  Au  total,  nous  avons  no- 
tre eoiuple.  Clie  consolazione  ! 
Sous  quelque  forme   qu'ils 
se  maiiileslent,  les   niéléores 
aqueux  de  l'atmosphère  nous 
sont  incommodes  au  plus  haut 
ili'^ré.     Pluie ,   brouillard   ou 
«iiyi',  ils  jeltent  un  voile  funè- 
bre sur  la  nature.  Siiestristes 
plii'iioiiièncs  n'élaieiil  passi fré- 
quents, l'Iiomiue,  en  se  voyant 
assailli  ,  enveloppé  par  eux  , 
serait  saisi  d'une  sorte  d'ef- 
froi. Cependant,  une  foisquela 
iK'ige  est  touillée,  elle  étend 
.Mir  le  sol  un  l;ipi>à  lafois  moel- 
leux et  résistant  (lui.  si  le  temps 
est  un  peu  froid,  permet   de 
prendre  le  plaisir  d'une  course 
r.iplile  en  traîneau  ;  mais  aussi, 
g:ii'e  le  dégel  !  La  transforma- 
lion  d'eau  en  neige  et  en  glace 
est  1111  mode  d'eiiiiuagasinage 
assez  bien  imaginé  par  la  na- 
ture. Comme  elle  en  fait  une  grande  consommaiion  (nous 
ne  le  savons  que  trop),  il  lui  faut  faire  ses  provisions  à  l'avance; 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


6\ 


mais  l'eau  «t  une  denrée  qui  fient  de  la  place  et  qui  tend  à 
descendre  et  à  se  mettre  de  niveau  sur  le  sol.  En  la  métamor- 
phosant en  neige,  la  nature 
peut  l'empiler  sur  les  cimes  des 
montagnes  comme  sur  des 
rayons  élevés  de  sa  boutique,  et 
la  tenir  là  en  réserve  pour  ré- 
couler petit  à  petit  et  suivant  le 
besoin  à  la  venue  du  printemps. 
Cela  est  ingénieux,  et  ces  lois 
providentielles  sont  amusantes 
à  étudier  dans  les  livres,  l'hiver, 
au  coin  d'un  bon  feu  et  dans 
une  robe  de  chambre  bien  oua- 
tée. 

L'eau  et  la  neige  ,  quelque 
désagréables   qu'elles   soient , 
ont  leur  côté  utile,  et  l'hom- 
me, qui  a  la  manie  d'expliquer 
toutes  choses  et  de  les  expU- 
quer  au  point  de  vue  de  son 
bien-être,  les  accepte  comme 
des  dons  dus  à  la  bienveillance 
de  la  nature.  Il  ne  peut  pas  en 
être  de  même  à  l'égard  de  la 
grfle  (encore  une  autre  forme 
sous  laquelle  l'eau  se  présente 
dans  l'atmosphère).    En  toute 
saison  qu'elle  survienne,  c'est 
toujours  une  calamité,  et  une 
calamité  d'autant  plus  redouta- 
ble que  son  irruption  est  subite 
et  imprévue.  Les  animaux  se 
cachent  quand  ils  la  pressen- 
•ent.  Mais  le  roi  des  animaux  a 
l'humiliation,  à 
cet  é^ard  com- 
me à  beaucoup 
d'autres,  d'être 
plus  bête  que  le 
plus  humble  de 
ses  sujets;  il  ne 
sait  ui  la  pré- 
voir, ni  s'en  ga- 
rantir. Pour  a- 
voir  l'air  pour- 
tant    de    faire 
quelque  chose  à 
ce  sujet,  il  a  in- 
venté le  para- 
grêle,  ce  qui  ne 
l'empêche    pas 
de  voir  en  tou- 
tes  saisons    la 
grêle  hacher  ses 
moissons  et  ses 
fleurs,    cribler 
ses  fruits,  jon- 
cher ses  parcs, 
briser  ses  clo- 
ches à  melon,  et 
les  vitres  de  ses 
serres  et  de  ses 
châssis,    quel- 
quefois   même 
enfoncer  ses  toi- 
tures et  tuer  se.-; 
bestiaux.      La 
grêle  est  donc 
jusqu'ici  une  pe-  '" 

tite  anomalie  à 
la  bénignité  de 
la  nature   pour 

l'homme;  encore  est-elle  une 
véritable  loi  providentielle 
pour  les  couvreurs  et  les  vi- 
triers. 

Les  phénomènes  dont  nous 
venons  de  parler  ne  sont  que 
le  petit  ordinaire  des  variations 
atmosphériques.  Mais  il  y  a 
aussi  de  temps  à  autre  les  re- 
présentations extraordinaires 
et  à  grand  spectacle.  Alors  on 
a  les  éclairs,  le  tonnerre,  la 
foudre,  le  vent,  /'oragf,  l'oura- 
gan, la  tempête,  la  trombe,  tout 
le  tremblement  enfin.  Cela  est 
désastreux  au  premier  chef  par- 
tout oii  cela  passe,  mais  cela 
I  ne  peut  manquer  d'avoir  son 
I  utilité,  cachée  pour  nous.  Cela 
1  rétablit  brusquement  l'équili- 
bre dans  l'atmosphère,  et  cela 
renouvelle  les  couches  de  l'air. 
De  manière  à  ce  que  les  mê- 
mes poitrines  ne  respirent  pas 
toujours  le  même  oxygène  elle 
même  azote.  A  la  vérité ,  ce 
renouvellement  de  l'air  a  pour 
conséquences  que  parfois  la 
peste  passe  des  bords  du  Nil 
a  ceux  du  Khône,  ou  le  clm- 
lera^murbus  de  ceux  du  Gan- 
ge à  ceux  de  la  Seine.  On 
ne  peut  pas  avoir  les  bénéfices   sans  avoir 


humeur  dans  cette  bonne  créature  qu'on  appelle  l'homme. 
Quand  le  soleil  resplendissant  dans  un  ciel  bleu  vient  rani- 


(L  orage.  —  Dessin  par  Graodvilk,) 


(Le  besu  temps.  —  Dessin  par  GraoUvilie.) 


1rs    charges.  1  mer  la  nature,  oh  !  alors  ce  sont  ses  jours  heureux,  et  la  terre 
Après  l'a  pluie  vient  le  beau  temps!  excellente  parole  qui     devient  pour  lui  un  petit  Edtn.  Il  est  bien  un  peu  aveugle 
prouvecombienilyaderésignaUon,  de  paUence  et  de  joyeuse  \  par  la  lumière  qui  lui  cause  des  ophUialmies,  un  peu  brûle 


le  soleil  qui  lui  cause  des  érysipêles,  un  peu  mangé  par 
cousins  et  les  moustiques;  mais  il  a  la  ressource  de  por- 
ter des  lunettes  bleues,  des  om- 
brelles ou  des  parasols  et  de 
dormir  dans  des  moustiquaires. 
S'il  s'habitue  à  braver  la  chaleur 
et  le  soleil,  au   lieu  de  cette 
carnation  rosée  si  charmante  à 
voir  que  lui  a  donnée  la  natu- 
re, sa  peau  devient  couleur  d'a- 
cajou foncé.  Il  n'est  peut-être 
pas  plus  heureux,  mais  il  est 
certainement  beaucoup    plus 
laid.  Evidemment   toutes  ces 
petites  misères   qui  assaillent 
l'homme,  même  dans  ses  meil- 
leurs moments,  prouvent  qu'il 
n'est  pas  ici-bas  pour  ses  me- 
nus plaisirs  et  qu'il  doit  y  faire 
pénitence.  Pourtant,  au  moyen 
de  l'oubU  et  de  l'espérance, 
il  se  tire  encore  assez   bien 
d'affaire.  Il  a  le  bon  esprit  de 
prendre  les  choses  par  leurs 
bons  côtés.  L'orage  passé,  il 
fait  sécher  ses  habits,  et  s'il 
aperçoit  l'arc-en-ciel  il  se  ré- 
jouit en  pensant  que  Dieu  ne 
le  fera  plus  périr  par  un  délu- 
ge. C'est  toujours  une  chance 
de  moins.  Du  reste,  il  ne  pou- 
vait pas  attacher  cette  espérance 
à  un  plus  beau  météore.  Toutes 
les  fois  qu'on  le  voit,  on  ne 
peut    s'empêcher  de  l'admi- 
rer et  on  estons 
duvifdésird'en 
connaître       la 
cause.  Me  trou- 
vant un  jour  à 
la  campagne  en 
compagnie  d'un 
savant,  je  vou- 
lus profiter  de  la 
bonne  fortune, 
et  en  avoir  une 
fols  le  cœur  net. 
Je     m'adressai 
à  lui,  et  il  ac- 
cueillit ma  de- 
mande de  la  ma- 
nière   la    plus 
aimable.       — 
«  Vous  savez, 
me  dit-il,  que 
l'arc  coloré  que 
vous  avez  sous 
les  yeux  en  ce 
moment,  est  le 
produit       des 
rayons  solaires 
réfractés    dans 
des        gouttes 
d'eau    suspen- 
dues en  l'air  et 
réfléchis     jus- 
qu'à vous.  Il  fait 
partie  de  la  base 
d'un  cône  dont 
le  sommet  est 
i  dans  votre  œil, 

etdontl'axe  pro- 
longé derrière 
vous  va  passer  précisément  par 
le  centre  du  soleil.  »  Je  ne  lais- 
sai pas  que  d'être  très-flatté 
de  ces  rapports  intimes  de  géo  • 
métrie  établis  entre  mon  chétif 
individu  d'une  part,  etl'arc-en- 
ciel  et  le  soleil  de  l'autre.  Ma 
curiosité  n'en  fut  que  plus  ex- 
citée. «Sait-on,  et  seriez- vous 
assez  complai.sant,  monsieur, 
pour  vouloir  bien  m'expliquer 
commentse  produit  ce  merveil- 
leux phénomène? — Uien  n'est 
plus  facile.  Concevez  un  rayon 
qui  sorte  après  avoir  éprouvé 
une  réflection  intérieure  en  6 
(et  il  me  dessina  la  Dgure).  Sa 
direction  d'émergence  ec  fera 
avec  sa  direction  d'incidence 
«  a  un  angle  s  t  e,  que  nous 
nommerons  rf.  Si  l'on  désigne 
par  i  l'angle  d'incidence  s  a  n 
et  son  égal  o  a  t,  par  r  l'angle 
de  réfraction  o  o  6  et  son  é- 
gal  o  6  o,  on  aura  évidem- 
ment : 

0  b  a  :=  b  a  t  -|-  b  l  a, 
ou  r  =  i  —  r  +  ï 
d'où  d  =  i  r  —  2  i. 

Or,  l'on  (lénuintre  avec  la  plus  grande  simplicité  que...  » 
einè  vis  forcé  de  lui  demander  grâce,  et  je  n'ai  jaujais  été 
jjIus  loin  dans  l'explication  de  l'arc-en-ciel. 


L'ILLlSTilATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


Pe  la  Démocratie  enS^issç,  par  M.  A.  E.  C)ii:iiiiti.ii!Z,  jiro- 
fcssBiii-  flfi  iliciit  public  tt  ù'écoiioriiie  politiquo  4  l'Acailé- 
mie  de  Gcnovu.  2  vol.  in-8.  —  Paris  et  Genève. 
Ce  livre  ((eslierésiillat  (les  travaux  entrepris  depuis  longtemps, 
qui  ont  l'ourni  il  M.  Cherbulieï  le  sujet  de  plusieurs  cours  pu- 
blics donnés  à  l'Académie  <le  (ieiiéviMi  Si  nous  n':i|iprouviiiis  jws 
eotièrenient.sonespril,  nmis  ,i,\niiv  Jn  iin.ifis  Iduir  s;ihsré-.i.;rvi: 

les  nombreuses  qualilr^i|i  I  h  .1 ihuI.  (m  ^(•Ml,  m  lViuili:iiii 

■    ■    ■  'I"''l  ^'"1 

i\.  iùiliii, 


qu'il  est 

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parfois  III 

peu  pa 

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il  nous  :i 

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bulicv.  .-v 

niiii'    1 

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quel,,"- 

..li-ciir-. 

^'lll;|^.r^ln'^ 

qud.pifs 

ulh.'iil.i 

l'rs  ili'   bas  lii 

ployer,  l'i 

piirlanl 

ilf  sc^  ailv.Ts 

qu'il  leur 

reprocherait  aiiirnMii 

s'en  servir    II  a 

lorl  Mirldiil 

sérieu).,  c 

t  auqui 

,  iiniih  II'   IV 

l|OUllii:i-'' 

ri'N    :ir 

ii-aiiiins  liaii 

en  tiiii'  ,• 

'  -     lill 

1  iiiliiaih-  usa 

ni. 


uplr,  I 

suliiri 


spnl.il 


inénie.  il 
il  le  dil, 
lieurleiit 


iiMii 


dr  l'i 


iirlU-s.  ■fuilIcl'iMS,  iM.  Cher- 
„,.|,iis  «  pour  la  haine  ,1e 
■.  ill|ul.■^  (piiilidieniiesde 
il  a  h. Il,  M-loii  nous,  d'i'ui- 
poliUiiues,  des  expressions 
ils  ne  rouyissaieiit  pas  de 
idiil  dr  reproduire,  dans  ur  Irailo 
is,  nous  rendons  nu  juste 
Iniil  ceilaiiis  l'irivaiiis  Iniil, 
lui'  M.  CliiTliiiiir/.  •iHilH-iiiiii 
l'arislii'  raiir,  liin.'  a  lui;  qu'il  alla. pie  les  parlisatis  'k'  la  deiiiu- 
cralie,  qiMl  c^^aj,:  .le  inoiilrer  (pie  les  dnelriiic.s  radicules  sont 
suliversives  de  tout  ordre,  de  toute  liberté,  de  tout  progrès, 
c'est  son  droit;  mais,  de  lionne  loi,  est-ce  raisonner,  est-ce  de- 
meurer dans  les  limilcs  d'une  sage  discussion,  rpie  d'accuser 
en  masse  Ums  m's  a  ivnsaiivs"  d'avoir  iiiiii|iii'iiii'iil  p"iir  iniildUs 
(les  lieMilll,  luilividilrls  il,.  lirriiiT.  d'aglialliill  ri  d.-  lloilDIialioli, 
qui   ne   'aiiraieiil  elir   salivlails  par  aiiiiille  or^aliisaliull  dlira- 

liai,  l'Iiiiiiiiiie  pnlilHine  qui  ne  vuil 

a  j.arl  qiielipiev  enlIiiiiKiaMes  (le 


ble?  "  list-il  l'eell' 

dans  le  parti  iippii 
bonne  foi,  que  d. 
envieuses,  des  pa. 
des  auioiirs-iniqir 

talions  siilllilees, 

gèes(d,  ile-eMsle 

M.  ClH'rllllIil/.e 

«  .l'esli pie  U', 

jours  des  jierleiili 
que,  liasse  une  re 


el  lu 

ses.  desxaiiiles  1,1,11  salislailes, 
•s  anihiiions  ridoiilees,  des  repu- 
équivoques,  des  fortunes  dèran- 

ihius  quel  sens  il  esl  arislocrale  ; 

a  (liMlineralTe  ne   seniiil  pas  leii- 


fin  que  si  les  Ion 
à  concilier  le  de 
Kraude  liin 


ele. 


lllelllue 
.■public:. 


diinl  elled 
s  M, m  parlii 


iil  ^1 


1,1   le  p. 


la  (h 


;  .1  e-linie  eii- 
•iiienl  propres 
I  avec  la  plus 
iiiveii ,  c'esi  a 
liiiin  de  la 


ell  -.lii 


ell..  lie 


çpndiliiiii  ipi'elii' 

vie  sociale,  iiiiii  a  la  vu!., nie 

linmaiiie  cullivee  par  l'elii 

condilion  iprelles  fasse,, i 

non  les  insliucls  sur  les  id 

lez,  nie  dira  l-on.  Oiii.ei  I 

cites,  quoi  qu'on  fasse,  airivei.l  leniiiuis  au  -jinivi  riieiiieiiL  IHui- 

ma  a  un  |.euple  la  enusliliilinii  la  plus  ..eliUieiali.pi.-,  .leehpies 

années  paisibles  .sidliioiit  pour  y  faire  siiina^er  l'iiil,  lligeiire.  .. 

Lu  Dyntuciaiie  en  S'fu\s'j  comprend  une  Inlroducliuu,  quatre 
Livres  et  deux  Appendices. 

Dans  i'IutnUiictv'ii  liisinriqiie,  M.  Cherbuliez  expose  succinc- 
tement rorigine  et  les  développements  successifs  (ies  gouverne- 
ments aeliels  de  la  Si,,s.|'  Dans  sou  opinion,  les  h  piilili,pies  de 
la  Slliss,.  Ile  siiiil  ,|ii.  .le,  ii,i.liiei|.aliles  alVi  aiielii.s  de  loi, le  de- 
peudallia'.  réveilles  île,  al  1 1  il, 1,1s  de  la  si.ineiaill, 'le,  épanouies 
enliu  eu  l-lals  si,ii\eiai„s.  C'esl  dans  la'l  epalinuissrliie,,l  (|u'il 
cherche  l'explicaiion  de  ce  qui  car  leleiis.'  les  Imiuis  île  gouver- 
nement, la  vie  politiiiue,  l'espril  de,  lusiiiiiinius  de  la  Suisse. 
Aliu  de  le  faire  comprendre,  il  li  s  siiil  dans  se,  phases  dueises, 
et  remonte  jusqu'au  temps  de  la  eeiii|iiel 


epulilu 


riniil  1 
■laeliarpi 
Il  illliaiilu 


Ile, le  la 


il  ,  leiul  i 
e,.  Dans 
■  loiileiuil 
lie  lail.  h; 


commeiil  h 

nière  période,  loul 

de  l'aneiell  ori;aiiis, 

nouveau  ,  la  d,,,,,., 

développer.   le  |.,i 

progrès,  il  iv,i,o,,i, 

gnée  de  iiailiiious  a 

eu  parliesiii'  les  ,i,iei,i,.  eu  paihe  sur   |  iii,.m;,|,.  ,i,   ,,,|,i,|,o,i  il,. 

la  rielie    ,e,  une    liiei  .  la  lue  ei  el.siasl  ,i|i„.  l.iil,,,,,.,,!    .ousliluee, 

puis  rilillu,-llia-  iiievilalile  des  liisl  lli, lions  ipi,   soiil   en  viijueiir 

dans  le  reste  de  lliiirope,  et  .lusqu'aux   polies  de    la   Suisse.  » 

L'étude  de  cette  lutte,  tel  est  donc  le.  sujet  de/n  XJemocra^ie  eu 

Saisie. 

M.  Cherbnilez  a  résumé  Ini-nième.  dans  sa  préface,  le  plan 


qu'il  a  suivi.  «  Je  nùie, 
principes  dirigeants  ipii 
vr.iie  porlèe  des  inslilulu 
sacrés  |iliis  on  moins  i" 

nOUVidIes,  seul    i.viilellllu 


ilel 


■il,    de 

,11  la 


l'Elat,  e',' 
dont  il  se 
commune 

l-a-,l,r 
-.  «adle 

,i 

unes  el  d. 
Dans  le  1, 

1 

dans  

Ces  foiaiu 

,1 

grenage  : 
l'Etal  sou 
J'expose, 
démncrat 

'rïiïi'pli 

dans  le 
e  sur  1'; 

q 
11 

consacré 
leur  plact 

quelqi 
d;ins  le 

s' 

e  1.1     I       .....as.  qui  n'ont  pu   Irquver 

M.'t;iierl.nliez  iléda 
verain.  le  du  p..ii|,le  ,- 

«Malheur  au  p.ivs  ,„i 

delà  s,„i.,,.r. le  illl   peuple),    lu 

empire  sur  les  passions  et  sur  les  pn'jnges  de  la  ninlliliide!  „ 
IHous  livrons  sans  commentaire  cette  exclaniation  et  ces  rellexiouj 
au  jugement  de  nos  lecteurs;  mais  nous  nu  pouvons  uous  euipè 


Ole   (eelle 


cher  de  protester  contre  «  les  aveux  pénibles  que  M.  Cherbuliez 
a  le  courage  S'énoncer  en  public,  et  i|uc  beaucoup  d'hommes, 

selon  lui,  s,-  fout  a  en.x-mémcs  en  secret  ,  à  savoir  que  le  mal 
proiluil  par  rinsIriKlioii  primaire,  dans  l'état  actuel  des  choses, 
doit  l'eniiinrier  sur  le  bien.  ,>  Dans  l'opinioii  de  M.  t;herbuliez, 
il  n'y  a  eiilie,  nu  pi-iiple  qui  sait  lire  et  un  peuple  loin  a  l'ail 
ignorai, 1,  .|,riiue  Mille  didèreuce,  c'est  que  le  premier  puise 
l'erreiii  ■  il.  s  luri  es  plus  nonibrcnses,  plus  variées  et  plus  lé- 
C Il"  'pie  1.'    lel. 

Kii  1,  lueuaiil  ni  ouvrage  nnWe  la  démocratie,  M.  Cherbuliez 
posi-  les  Unis  ,|iieslions  suivantes  : 

l,a  diinoiralie  organisée  ,'sl-tlle  compatible  avec  un  ordre  so- 
ldai regiiliir  en  niènie  temps  i|ue  progressif? 

l'M-elle  lavorable  au   développement  de  toutes  les  facultés 

Ksi-,  Ile  apte  enlin  à  remplir  le  but  pour  lequel  les  hommes 
se  leiiuisseiil  en  société'? 

Ce,  ipiesiious,  M.  Cherbuliez  ne  prétend  pasies  avoir  résolue;! 
il  s'i  si  lioi  lie,  dil-il,  à  ajouler  quelques  observations  il  celle» 
ipie  il'aiilies  avaient  di'jà  recueillies.  Mais  bien  qu'il  paraisse 
,-roiie  que  les  expérieines  failes  lii  Anieriiiiie  el  eu  Suisse 
soient  insiiflisanlcs  pour  asseoir  un  jugiMiieiil  iufiillilile  sur  l'iii- 
llii, 'uce  des  formes  deiiioeralii|ii,'s,  nous  pens,,,,^  i|,n'  si  ei.uvi,- 
tioii  est  arrêtée,  car  il  l'ail  un  elo^e  si  po u\  ,1,.  rari,loeiMii,. 

anglaise,  qu'il   llesue  evul..,,, ,,,,■, il   v,,!,-  s'elihlir  ,i,|    se  eouselMlri' 

en  Suisseel  pa,ioiii  laiie  Im 1..  ■^••uu-r e,il,  ..  la  plu-  .  a- 

pable,  d'après  lui,  lie  les, sliT   a    l'aili Ils-olvaule    d.'s    idées 

déninrraliqiiesel  des  lies s   ir,..,ali le  licence,  qui  sont 

laillol    la  ree,  lalilôl  r,.|lel   de  ,es  id.a'S.  ., 

Les  deux  appeiidiees  reul'iruii  ni  ;  des  noies  diverses;  la  loi  du 
caiiliiii  ,1e  l.iiceine  sur  la  libre  iiianifeslalion  des  opinions  ;  les 
articles  ,1e  Baden  ;  les  conslituiions  du  canton  de  Berne,  de  Lu- 
cerne,  de  Schwilz,  de  Saint-Gall,  du  Valais,  de  Genève,  et  le 
pacle  fédéral  de  1815. 

«  Ouelque  aeciieil  que  mon  livre  puisse  recevoir  à  l'élrangur, 
disail  M.  Chelliulie/,  dans  sa  |iielaee.   il    s,Ta,  ,.„  Suisse,  l'objet 

de  eliliipii'S  ail),  lesel  il': mes  vu.'e s    Je, lois  m'y  alhinlre, 

el  plus  le  blâme  sera  uni  vi'i  sel,  plus vrai  m'en  réjouir;  car 

il  faudrait  que  l'ouvrage  lût  mauvais  pour  obtenir  l'approbation 
sans  réserve  d'un  parti  quelconque.  Un  blâme  général,  tel  est 
le  seul  genre  de  succès  auquel  puisse  aspirer  l'auteur  qui  décrit 
et  qui  juge  avec  impartialité  les  institutions  de  ton  pays,  u 

Souvenirs  de  Chasses  en  Europe,  par  M.  Louis  ViAitDor. 
i  vol.  in-32.  —  Paris,  18-40.  Paulin,  l  fr. 

Un  jour,  daqs  sa  jeunesse,  M.  Louis  Viardot  rencontra,  cbez 
un  de  ses  amis,  l'illustre  docleur  Gall.  11  pria  l'inventeur  de 
la  phrénologie  d'essayer  sur  sa  léle  la  merveilleuse  puis- 
sance qu'une  lonpue  habitude  d'idiservalion  lui  avait  don- 
née, pour  découvrir  les  penchants  et  les  l.ienlli's  nalurels.  Entre 
autres  bosses,  le  docteur  Gall  lui  trouva,  au  dessus  des  oreil- 
les, celledu  ?iic"i7rc,  et  au-dessus  lin  finui,  ,  elle  du  sens  moral, 
de  la  l.irnri'Uliiiirc.  que  nul  animal  ne  parlage  avec  l'homme, 
el  ,|iii  eoiiiL;,.  dans  l'Iiniuiue  l.s  insiiiiiis  animaux.  Aussitôt, 
eiunliinaul  i  es  iliuix  puissaïues  iniiees,  ,|iii  devaient  agir  toutes 
ih  ux,  mais  ,-n  sens  ,',iiilr.,iie,  de  I.  i;oii  que  l'une  conibatlll  l'au- 
tre el  la  lit  diMer,  il  devina  le  n^siillat  de  Cette  lutte,  n  Je  suis 
sOr,  lui  ilil-il,  ipie  vous  èi,.s,lias-eur.  « 

Celle  explication  simple  el  ingeniense  d'un  goût  naturel,  que 
les  mis  ,ipin  llii,i  II  1111 ,-,  laniiis  que  d'autres  le  proclament  in- 
iiiH'enl,  iinble  il  i^eiu  iiu\,  n  inlii,  in  quelque  sorte,  à  M.  'Viar- 
ilol,  le  r,.pos  de  la,  lui.si  ieiie,..  J  usipi'alors,  malgré  tous  les  sages 
raisonueminis  qu'il  s'elail  faits  a  l'et  égard,  il  lui  restait  tou- 
jours des  doutes  sur  la  parfaite  iiiiioeeiiee  ,lii  goût  de  la  cliass,', 
,1  ,1e,  leinords  des  meurtres  auxquels  il  enlralne.  Eu  lui  expli- 
■  liiaul  ipie  ce  i;o\H  n'étail  chez  lui ,  ,1  piobableiiieul  chez  Ions 
lis  il.asseius,  iiu'uii  lioililile  pellehalit    transi, inlie  par  la  liliis 

belle  îles  ,pialit,.s   I i es,  el  par  eolis, ni  nu  vice  ,  ,h  ri;;,', 

un  n'Ioiir  du  mal  an  bi-ii,  une  vieloii  e  ,1e  l'àme  sur  la  béte,  Gall 
conimen,;a  à  lui  oter  les  remords  qui  lioublaicnt  sou  plaisir; 
Bulfon  acheva  de  l'éclairer,  et  lui  ùla  jusqu'au  doute. 

Dès  lors,  M.  Louis  'Viardot  se  livra,  sans  peur  el  saiis  reproche, 
à  sa  passion,  qui  semble  augmenter  avec  les  années.  Si  i,.us  les 
chasseurs  étaient  dévorés  de  In  même  ardeur,  el  avaient  la  main 
aussi  heureuse,  le  gibier  aurait  bieuioi  ilispaiii  eonipleteuuul 
de  loute  la  surlace  de  la  terre.  La  ,  basse  ouvert,',  iM  Louis 
Viardot,  n'importe  dans  quel  pays  il  .se  liviive,  prend  suï  armes 
et  se  met  eu  campagne.  Malheur  aux  imprudents  animaux  qui 
s'aventurent  à  la  ponce  de  son  fusil  ou  de  sa  carabine,  ils  payent 
cher  un  moment  d'oubli.  Après  avoir  vu  M.  Louis  Viardot  reve- 
nant de  la  eliaçse,  si  on  n'Ilérhil,  loiiiiiie  ,lil  lîiill'on,  „  sur  celle 
l',',-,,ii,lile  sans  b.uiies  iloum'e  a  quelipiesespeees,  sur  la  prninple 

par  milliers  rav.igi-r  les  ,am|iagn,'s  el  il,.s,il,r  la  ten,',  on  n'est 
plus  étonné  qu'ils  n'envahissent  pas  la  nature,  on  ne  craint  plus 
qu  ils  ne  l'oppriment  par  le  nombre,  et  qu'après  avoir  dévore  sa 
substance,  ils  ne  périssent  eux-mêmes  avec  elle.  » 

S'il  lui  fallait  remonter  jusqu'à  ses  premiers  souvenirs  de 
chasseur,  M.  Louis  Viardot  devrait  remonter  jusqu'aux  plus  an- 
ciens souvenirs  de  sa  vie.  Mais  il  n'a  pas  voulu  raconter  ses 
prouesses  d'enfant;  il  n'a  mêmeracontc,  arrivé  il  l'âge, l'Iioui- 
ine.  aueuiie  des  chasses  purement  françaises.  «Ne  sortaulpasde 
France,  ipie  poiinais-je  apprendre  au'iecleur,  dit-il,  qu'il  ne 
sftldeja,  el  loiiiment  l'intéresser  en  lui  raconlant  ce  qu'il  lait 
tous  les  jours';  D'ailleurs,  garde-t-on  le  souvenir  clair  et  détaillé 
'de  ces  promenades -quotidiennes,  ii  heures  lixes  et  à  heures 
comptées,  où  l'on  prend  un  fusil  an  lieu  de  canne,  et  un  chien 
au  lieu  de  livre'?  Je  m'y  amuse  fort,  tant  qu'elles  ilureni  ;  mais, 
iiuaiid  i'ai  fait,  par  ilessiis,  un  hou  souper  ,'t  nu  bon  somme,  je 


il  l'a 


lièvri's  dans  nos  taillis, 
voyage  que  fit  Slernu  le  sentimental  ei 
de  celui,  plus  court  encore,  que  lit  Xa\ 
sa  chambre.   Mais  ces  voyages  ne  soi 


oll'l 


esl  aux  chi 
ilii 


de  l'i 


Cou 


ils  de  ehas 


leur,  ces  drames  seront  le  pins  soiivcnl  hirl  siiiipU's  el  l'on  iinli- 
iiaircs  an  hiiul.  Mais  du  moins  ils  se  pass,  roui  sur  nu  aulrc 
the.'itie  ipie  notre  pays,  au  iiiilii  u  de  |.rr.(.niia;;es  aiiircnieut 
babilles  que  nus  conq.aliiot,  s,  cl,  avec  l'aide  d'une  nature  va- 
riée il  decriie,  de  mu'iirs  originales  il  eludicr,  ne  pent-ou  pas 
divur.'irier  jusqu'au  bruit  luoiiotoiie  ilii  coup  de  lusil'?  » 

Cependant,   les  ,<;,.,„•,,„',,,  de  Chn.^srs    en    /•,■«,■.  ;,c  , h' M.  Louis 


lie  ,  lu 


>">'"''\'^''l bl-'l  l.,liCl,l„'sal'epoip 

e  ,1,'  h'ur  piibli- 

l'iblli.il,e.pie"(:,'./'i",','ieur  as'si'iiv  'l'i'l'i  'lioi'i'veau  s,',',' 
si'ulenii'nt  parc  qu'ils  coiilienneiit  les  n  l 'hmi 
génieuses  d'avenliires  personnelles  ,,.   ,     -:., 
parce  qu'ils  oU'ruiH  une  peinture  lidil.  de  ,  ..,,i. 

ès,  , ,'  n'.M  pas 
■es  Cl  ne  i.iii'iirs 

étrangères  peu  connues  ou  rarement  observées  avec  un  coup 
d'oeil  aussi  sftr,  rarement  décrites  avec  une  sobriété  aussi  sage, 
une  virile  aussi  happante.  On  reconnaît  aisémeol  que  M.  Louis 
Viariloi  a  bi,  n  vu  et  bien  étudié  tous  les  pays  où  il  a  chassé.  En 
visitant  ave,  lui  I  Espagne  eu  1823,  ISS»,  1812,  l'Angleterre  en 
IKii,  la  lloie^ne  .11  LSiô,  la  Knssiei'u  1»44,  1845,  la  Prusse  en 

ISid,  eu  [luii  .11 Il  ,111  .r  .hii.'iiiire  beaucoup  de  choses  ipi'oQ 

ignoiaii.  i.iuaui  ,.,! ,  .     -   .1  1  '  e  ilien'hent  el  ne  voient  que 

Icgibi.  r,i|iii  111  m I  1 ,  .li'sl'alteursetdesihieus, 

ou  le»  ,  i.up.s  de  lll-il.  ils  lioin.ioul  ilalis  les  S.urenirs  dr  Oias- 
ses  en  Eu'ope  de  'luoi  satisfaire  amplemeiit  letirs  yeux  el  leurs 
oreilles.  Somme  loiile,  peisonne  ne  re^nipja  d'avoir  consacré 
deux  ou  trois  heures  ii  la  lecture  de  ce  petit  volume,  qui  mêle 
agréablement  \'uli/e  duhi. 

Fables  nouvelles,  par  M.  Pierbe  Lacuajibeaiwj;.  —  Paris, 
1841).  Perrotin.  l  fr.  .'iU  c. 

M.  Pierre  Lachambeaudie  parlago  la  lémérilé  de  M.  Viennel. 
La  gloire  et  l'épiihète  de  l'iniuiilable  La  Fontaine  ne  l'ont  |ias 

fait  reculer  contre  la  f.blc.  Du  reste,  il  n'a  pas  eu  lieu  de  s,   i 
pelilir  ,1e  cel  excès  d'an. la.  e,  pas  plus  qu.-  l'illiislic  avadenii^ 

le  succès  a  c plcti-iiient  jiislili,'  s.s  .'II.. ils    Kn  luoiiis  de  .. 

lie  ami, '.s,  il  a  dit  publier  quatre  cillions  de  son  premiii  '. 
,11,  Il  .!,■  lalil.s,  ,|ue  lA,-a,leniic  a  coi.ioiinc  deux  fois.  «  Dans  m, 

-l^l,■    ur^ ,,\  et  pur,    l'anlcnr  des  laides  nouvelles,  ilisaii 

M  \  illeiiiaiii  dans  son  rapport  sur  les  conconis  ,1e  IMr.,  M-  l.a- 
elian.l.eiii   le  a  luis  l'u  action  d'excellentes  uiaxinies  el   reliai.' 

qui'lipi.  s  piipi s  pcinlurcs  de  mœurs.  Une  inédaille  de  -Mu  " 

fraiir,  i-i  ,!,■, ,  iiu'i'  a  cet  ouvrage.  »  Trois  ans  avant,  Eérau-,  i 
av.iil  ei  Ml  a  M.l.ailiamheaudie  :  «Vos  deux  labiés  sont   ,l,ai- 

nianl.  s,  si,.,,,,  ,.i  je  suis  her  ipie  l'une  d'i-lles  iiu'  soit  ,1.- 

ili,',',  si  av.ntnree  .pn-  s,, il  la  ,  oiiiparaison  .lue  vous  v..iil.-/.  bien 
faire  du  liis-igliol  au  vi.'UX  iliaiisonnier.  Je  ne  lue  suis  jainaisi  i  ii 
qu'un  pauvre  ois,-'uu,  et  ne  sais  in.p  eu, me  d,-  ipielle  espèce  Au 
moins  siiis-je  de  ceux  qui  aiiueut  a  sain,  i  les  belles  voix  et  le» 
doux  chants.  Voilà  pourquoi  J  n  i  lieniie  .les  échos  pour  les  en- 
gager à  répéter  le  bien  que  je  p.u-ais  il.,  vos  fables,  el  je  suis 
heureux  qu'un  d'eux  vous  ail  redit  mes  paroles.  » 

L'opinion  pnlili.|ue  a  rsliliè  les  éloges  de  Beranger  et  le  jii- 
geuieiil  .le  l'A,  ail,  lui,'.  A  une  époque  où  la  véritable  lilléraluit; 
est  si  iii.li^iii'iiuiil  sai  1  liée  aux  inlerèts  matériels  el  a  des  leii- 
vres  de  pac.lill.'.  m,   |  i..le  du  peu|ile  a  pu  vivre  pendant  plu- 

sieursannecs, , I.  si,  ,,i,.iii  il  esl  vrai,  du  produit  de  ses  fables. 

Les  faibles  benelie,  s  i{i,  il  a  réalises  sur  la  vente  de  six  mille 
exemplaires,  ont  permis  à  M.  Lachambeaudie  de  composer  un 
nouveau  recueil,  les  FnUes  novrelles,  qu'il  vient  de  publier. 

Toiitef.  is,  M.  Lachambeaudie  est  peut-être  tro|i  passionné 
pour  la  fable.  11  donne  ce  titre  à  certaines  pièces  de  vers,  «pii, 
quel  que  soit  ,raillciirs  leur  meiite  ,iilniis|.,|ue.  n'en  sont  r,'el- 
lenii'iil  |,as  ,ligii,'s.  Eu  luitr,-,  il  ,'si  vrainu'nl  Irop  scl'i,  ux  et 
trop  '^lonileiir  pour  nu  fabiilist,'  ijuil  soiin,'  plus  souv,  ni,  qu'il 
s'en  pi, 'lin,'  pliis  eiieoie  aux  travers  parlielllurs  qu'aux  vu  i  s 
^cii,'ia,i\,  iiu  ,1  -ul, -Utile  v;i  el   la  ,1,'s  traits  d'une   ironie  lin   , 

uior.l.  1,,,',  eiij e,  a   lies   relit  xi,, ii,  Irop  pro-aiqllenieul  jii-i   , 

etlii-i,s,  ,1  il  VI  lia  ccrlainemeiil  s'an.L;meiiler  la  re(.uiaM.  n 
qu'il  a  dcja  acpiise,  et  ipii  doit  être  une  des  espérances  de  s. m 
talent. 

Tour  tout  éloge,  nous  citerons  en  entier  deux  des  Fables  w  u- 
rellesda  M.  Lachambeaudie. 

LE  DÉJEUNESl  A  L'ÉCOLE. 


Un  ussge  bien  doux  rpsnait  dans  mon  ) 

eu ne  àsc  ■ 

Tous  les  jours,  les  enfams,  munis  de  leu 

bagage, 

Se  rendaient  à  l'école,  tt,  huivant  U  ss:s 

D, 

Sur  une  longue  table,  lU  versaient  à  fois 

OQ 

FigiiÊF,  raisins,  garenux,  ffçito«se, 

Pain  de  mais,  de  seigle,  ue  froment. 

Chacun,  telon  son  goût,  s'en  Joun.'U  libr 

ment. 

Les  1  lus  iiches,  pour  tOll^,  puisaient  dau 

s  leur  corbeille 

Les  débris  de  icais  du  !-ûuptr  de  la  ^eil; 

E:,  si  IVnfa.t  uo  ■  pauvre,  a  la  commun 

auté 

N'ava-t  rien  appotté. 

On  choiiiS'S.'U  jiour  lui,  sunsblesstr  sa  m 

isère, 

Le.s  morceaux  Us  p'us  savcureux. 

Comme  nous  nous  aimions]  .jut  nous  èii 

ODS  heureui  ! 

Non  pjs  po'.r  «es  Itç-.ns  .. 
Ataib  po  .r  le  doux  l'c^tiu  t 


nali, 


Depuis,  lorsque  je  vr.if 

L'iïomine  cliez  soi  vivant,  drs  tiommes  sépare, 

Le  re|,as  somptueux  pour  ceux-ci  prétjaré, 

De  leurs  travaux,  qu'un  pain  mat  assuré; 
D'autres,  pâles  de  laim...  Cet  aspeci  me  désole! 
Aux  cluimps  de  l'avenir,  mon  ûme  ei.lîu  s'envole. 
Et  se  plail  à  rêver  pour  loate  nation 
Les  biinqu,"ts  Ir  iterneis,  sain'e  communion, 
Qu'eurants  nous  faisiois  à  l'école. 

LE  MARTEAU. 
D'une  barre  de  fer,  un  fragment  relire. 
Et  îot.t  rouge  sortant  de  la  fournaise  ardtnte. 
Sur  l'eucliinie  à  grands  coups  est  battu,  torturé. 
En  vain,  le  malheureux  gémit  et  se  lamente  ; 
"  Quand  de  ce  dur  marteau  serai-je  del.vrét  „ 
Dil-îl.  Mais.  v1  prodige  !  aux  lourmcnts  il  échappa; 

En  marteau  se  transfigurant, 

L'esclave,  qui  se  fait  tyran, 
Aujourd'hui  sur  l'eDclume  à  coups  redoublés  frappe. 
Ce  valet  qui,  lassé  d'un  joug  injurieux, 
A  son  tour  devuiit  maitie,  et  maître  impérieux  ; 
L'iiidomptal  le  iribun,  faiou.he  patriote. 
Qui  saisit  le  pouvoir  el  commande  en  despote; 
La  viciime  d'nier  iraosformée  en  bourreau  ; 
No  sont-ils  pas  ce  fer  qu'on  façonne  en  marteau  t 

Nous  pourrions  citer  encore  beaucou|>  d'autres  fables  aiissj 
remarquables;  mais  ce  serait  faire  Ion  4  M.  Lachainbean.li.', 
dont  le  nouveau  recueil  sera  bienlùl,  nous  n'en  douions  pa-, 
entre  les  mains  d'un  grand  iiombit;  de  uns  abouues. 

L'Alflérie  en  l8tG,  par  M.  A.  DESJonKBT,  il^pulé  de  la  Seiue- 
Inférieure.  —  l'aiis,  1S-46.  lîuitlaumin.  I  fr.  50  c. 

lin  IMd,  comme  eu  IS,".';,  comme  en  Isr.s,  lomme  eu  1844, 
M.  Pcsjobirt  r,'|,i'te  le  même  refrain.  Nous  ,  s|!,i,,iis  i|n'il  ne 
sera  pas  plus  l'eoiil,'  nite  année  que  les  aiii,,  a  s  iiriiiiieiiles; 
mais  nous  r, ,  ,.uii.,aii,l,.iis  sa  brochure  même  a  eux  qu'il  a), pt  Ile 
les  al-, -i,.!  I.il,s  I  a  I,,  lui,'  n'en  esl  pas  longue.  Un  qualre-vii  4;ts 
paiiis.  M.  Il,  M.l  .  ,1  ,  \.  ii.ine  <t  juge  toute  laqueslion  :  l'ain  .'e, 
la  •i,i,in,ssi,,i,  .1,  s  Vial.i's.  I,  s  linames.  la  colonisation,  le  gcui- 
vcriieineut  ,1,  s  imii;;eiii  s,  el  le  goiivcriienieni  de  rAlj.eric  Sa 
coiicliision  est  ti,i|i  eoiiuiie  pour  iiii'il  si. il  llcce^^ail■e  de  la  nicii- 
tioniur.  Il  la  Ici  mine  ainsi  :  ,.  Si  on  pi'rsiitc  ilans  la  wie  ac- 
liielle  .  MU,  i  la  M, II, lieu  inévitable  <:e  la  question  ■  lliranl  la 
paix  en  Lnrepe.  nous  perdrons,  par  an,  en  Aliii|tie,  (i.lHHi  liom- 
uii's  II  I'.':.  millions,  el  au  jour  d'une  guerre  maritime,  nous 
[lerdrous  l'Alrique,  et  nous  pourrons  perdre  lGO,t,uO  konimes.  » 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  IMVERSEL. 


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§         g 


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Mardi        20  —        loine  1,  Laireauinont,  par  eeuène  sue.  2  vo|. 
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An  CENT  VOLUMES 


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Sainl-Thomas,  au  coin  (le  la  rue  Kiclielieu.  Nos  abonnés  nous 
sauront  (;re  de  leur  l'aire  coiinaitre  le  chanftement  de  doniicil" 
des  uiaua^insde  Chemises  Levillayer,  dans  lesquels  se  trouvent 
reunis  le  bon.  le  beau,  le  bien  fait  et  le  bon  marché.  Les  élran- 
pTs  -^oni  engagés  à  visiter  ce  vaste  établissement,  où  on  leur 
ilisiriliiieia  uu  priN-iiinrinl. 


t.XPOSITIO.VS 
Z>e  L'IXDVSTHIB 

1823  ET  1827 


VINAIGRE  aeârv?nccnt  B U  L LY. 


Ct  Vin.iiBrc,  d'un  osJsc  ricminu  hlin  5up.jiii-ur  au»  caui  de 
(À.lnun*  ¥1  que  uni  rie  conliefacU'urs  clieicticnt  â  iniittT,  *^i 
•ujourd'bul  le  coimttiqtie  le  plus  distingué  ci  le  plus  recliercht 
pour  In  v>ins  diiliuu  de  U  loiletU'  des  dîmes,  il  nfralthil  cl 
«vjuplii  la  pMu  i  laquelle  il  rend  son  «lasliciK  ;  Il  enltie  lec  lou- 
ions el  musmiis,  calme  le  feu  du  rasoir  et  dissipe  lesmaui  de  l«le.  , 
\in9,ru«  SairU-HurMti,  o  furi't.  — 1  ft-.Sfl  Je  flacony^ 


TURGATIFàla  MAGNESIE 


EN  VENTE  dans  la  BIBI.IOTHÈQCE  CAZIN  A  UN  FBANC  I.E  VOLUME,  publiée  par  PAULIN,  (iO,  rue  Richelieu 

SOUVENIRS  DE  CHASSES  M  EUROPE 

PAR  LOUIS  VIARDOT. 

SOMMAIRE:  PRÉFACE.  -  EN  ESPAGNE,  1825-i8i2.  —  EN  ANT.LETEUHE,  I8il.  -  LN  IlOMiKIE,  1S43.  - 
EN  RUSSIE,  tSU-ISlô.  —  EN  PRUSSE,  ISiii. 

ITtî  joîi  volgisne  iii-S§-Caxiii.  —  S'rix  :   i   d'Ubti: 


GLACES,  SOBBETS, 

Champagne  frappe  |iar  les  plus  grandes  chaleurs  .i  l'aide  de  l'in- 
génieux iielit  A|ipnreil   des  Ultlciét'eH  t'"fi«»etêttes, 

t  -i,  boulei-uftt  Jfaingomiièi-e,  en  fiece  ile 
In  rut^  rftf  tSenlieê-.  Les  Rapports  de  la  Société  il'en- 
courageiiicul,  des  Hèpiianx  uiililaires,  le  iiunple  rendu  de  l'Ilhi.s- 
tratiiin.  les  noiiibrenses  letiies  de  lelieilalioii  euvoyeesaiix  Inven- 
teurs, tenioiguent  de  la  hoiiiè  de  ces  Appari-ils  ipii" proscrivent  les 
acides  dangereux,  et  roncliounent  a  l'aide  d'un  Sillirereir.  au'-si 
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mande  {franco)  au  Dépùt,  boulevard  Poi.^m 
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jeudi  .  E|i|iéc  :  2f|apcs. 

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jeudis  :  Prix  d'fnirée,  I  fr. 
50  c. — Les  mardis  et  samedis  : 
Prix  d'entrée,  3  fr.  —  peslau- 
raut  et  calé. 


iaL5JL»t,g|ssgaafei>  si^tii'i  y^^  i  ±  t  r  i^  é*  3?:?^  l  i  boite- 

Seules  autorisées  contre  la  Constipation,  les  Vents,  la  Bile  et  les  Glaires.— Pharmacie  COLBERT,  passage  Colberi. 


IV  mnrAI  iT  Mt'NirD  '■orametontproduitavan- 
UU  UUUllULAl  fllIiniLIli  tageusemeiit  connu,  a  ex- 
cite la  cupidité  des  coiilrefacleurs.  Sa  forme  particulière  «jl  ses 
enveloppes  ont  été  copiées,  et  les  médailles  dont  il  est  revêtu 
iiil  éle  remplacées  par  des  dessins  auxquels  on  s'est  efforcé  de 
donner  la  même  apparence.  Les  amateurs  de  cet  excellent  pro- 
duit voudront  bien  exiger  que  le  nom  Mêmes  soit  sur  les  éti- 
quettes et  sur  les  tablettes. 

DépiM,  passage  Clioiseul,2t,  et  chez  un  grand  nombre  de  phar- 
maciens et  d'épiciers  de  Paris  et  de  toute  la  France. 


AHTICLIiS  SI'KCIAL'X  DK  l.\  .MAIS'XV 

DEMARSON  et  CHARDIN, 


l*arrnnit'lir-4.  /■"'*  du  /i. 


Suint-Martin,  l.'i. 


SlTOX  Dl'f '■li':s<*K  an  Kilt   ilamanile.  ...  1 
i;»ll  DE  'l'oll.l'i-ri'E  (le  la  Diiclicsse 2 

I  POl'DRE  <-i  KAIJ  (lenlifriccdu  Dml.  Oiïmaiin.  1 

VIWKiRE  <lo  TOILETTE  suixTicii-  .  .  .  .  i 

I  BOilKSel  SAi;ili;i.'>en;;aiils  puni- il  M'iioev    Nom, a 


CENT  MILLE  FRANCS 

A  la  personne  dont  les  CORS  et  OGNONS  résisteraient  au 
traitement  du  sieur  liKRVAIS  eliir.-ped  du  roi  des  Belges,  live 
a  Pans,  1  lie  (;roix-iles-l'eiil>-i:iiauips.  22.  (Prix:  I  fr.  2:i  c.  le 
rouleau,  avec  l'instriieiioii.;  Ou  i  xprdie. 


EAU  DE  RICCI-DESFORGES. 

Porlilier  les  gencives,  raffermir  les  dents,  lesenlreleiiir  blan- 
ches et  saines,  prévenir  les  douleurs  et  M  carie,  donner  à  l'ha- 
leine l'odeur  la  plus  agréable,  telles  sont  les  qualités  de  cette 
Eau,  dont  le  succès  remonic  à  plus  de  30  ans.  Nous  prions  les 
cimsomnialeurs  de  notre  Eau  de  se  tenir  en  garde  contre  les 
fraudes  incessaiiles  auxquelles  elle  est  en  butte,  et  nous  obtien- 
drons justice. 

lia  seu\e  fabrique  et  Punique  dépôt  srnt  chez  Ii.  SES- 
FCRGES.  cx-Cbirurgien-Dentiste  de  feu  S.A.  R.  le  duc  de 
Bcrry.RDE  DES  FOSEÉS  MONTMARTBE  27,  dniis  la  paite- 
cocbère,  au  douxtème. 

PANSEMENT  des'  VÉSICATOIRES 

FaciU',  u'^iilh'r,  inoiiore,  avec  VAPIKR  cf  C:ompreK.M*N 

d'albespi:yr£s, 

Faub.  St-Denis,  84,  et  dans  les  pharm.  de  province  et  de  l'étranger 


64 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


SIodeM. 


Nous  avions  pensé  que  rimagination  de  nos  couturières,  de 
nos  modistes  et  de  toute  la  classe  occupée  à  varier  l'attirail  de  la 
toilette  féminine,  se  reposait  et  reprenait  des  forces  pour  la  sai- 
son d'hiver;  nous  sommes  obligé  de  reconnaître  notre  erreur: 
le  génie  de  la  mode  ne  se  repose  jamais,  et  nous  met  par  con- 
séquent dans  l'obligation  de  décrire  les  charmantes  nouveautés 
que  les  ateliers  et  les  magasins  qu'il  anime  de  son  souille  créa- 
teur ne  cessent  d'envoyer  à  la  campagne. 

Nous  citerons  d'abord  une  délicieuse  robe  fournie  à  la  du- 
chesse de  L  •.,  par  les  dames  Saint-Laurent  et  Sain  ;  cette  robe 
de  demi-toilette,  puisqu'elle  forme  le  peignoir,  était  en  batiste 
blanche,  avec  une  broderie  d'un  riche  dessin  tournant  autour 
d'une  jupe  très-ample  ;  les  arabesques  de  ce  dessin,  après  avoir 
remonté  en  gracieux  tablier  jusqu'à  la  ceinture,  pour  se  perdre 


ensuite  sous  de  larges  basquines  entièrement  brodées,  venaient 
former  sur  le  devant  du  corsage  un  plastron  de  broderie,  se 
continuaient  par  derrière  à  l'échancrure  du  cou,  et  étaient  rap- 
pelées sur  les  revers  à  la  mousquetaire,  des  manches  un  peu 
justes;  un  taffetas  d'Italie  de  couleur  soufrée  servait  de  des- 
sous à  ce  peignoir,  tout  ù  fait  distingué. 

Cet  envoi  était  accompagné  de  deux  toilettes,  que  nous  avons 
cru  devoir  taire  dessiner  à  cause  de  leur  originalité.  La  première, 
pour  la  promenade,  se  compose  d'un  chapeau  chevrière  eu  paille 
de  riz  avec  couronne  de  roses  et  choux  de  rubans  roses;  d'une 
robe  à  corsage  décolleté,  à  manches  courtes  fendues  sur  le  bras; 
d'un  fichu  écharpe  et  de  manches  en  dentelles.  La  seconde  toi- 
lette, réservée  pour  le  dîner,  consiste  en  une  coiffure  de  barbes 
en  dentelle  posées  à  la  Fanchon  et  lixées  sur  la  tète  par  des 


choux  de  rubans  orange;  d'une  redingote  en  batiste  de  fd  fond 
blanc  à  carreaux  bleus,  dont  la  berthe  double  se  compose  de 
deux  parties  superposées,  celle  de  dessus  moins  large  que  celle 
de  dessous;  cette  double  berthe  et  les  manches  courtes  sont 
garnies  d'un  feston  orange,  ainsi  que  le  tour  et  le  devant  de  la 
jupe,  ouverte  et  rattachée  sur  un  dessous  blanc  par  des  nœuds 
en  ruban  aussi  de  couleur  orange. 

Il  y  aurait  injustice  à  ne  pas  mentionner,  comme  toilettes  de 
soirée ,  sortant  des  mêmes  ateliers,  une  robe  à  trois  jupes  de 
tulle  rose,  découpées  toutes  les  trois  à  larges  dents,  et  ruchées 
de  double  rang  de  tulle  sur  un  dessous  de  taffetas  d'Italie  blanc; 
une  seconde  robe  à  quatre  jupes  de  tulle  bleu  de  ciel  découpées 
carrément  à  la  grecque  et  bordées  de  rouleaux  de  taffetas  bleu 
sur  un  dessous  de  tatlétas  blanc;  et  enfin,  une  troisième  robe  à 
deux  jupes  de  gaze  aérophane,  d'une  blancheur  éclatante  sur 
un  dessous  de  taffetas  vert  chou. 

Les  fleurs  continuent  toujours  à  exclure  les  plumes  de  la  gar- 
niture des  chapeaux,  et  au  train  dont  vont  les  fleuristes  toute  la 
flore  française  y  passera;  nous  venons,  en  effet,  de  voir  éclore 
sous  les  doigts  habiles  de  Mertens  une  création  nouvelle,  à  la- 
quelle nous  prédisons  un  succès  d'automne:  c'est  une  branche 
de  néflier,  dont  les  fleurs  blanches  violetées,  entremêlées  de 
nèfles  parvenues  à  leur  maturité  et  de  petites  nèfles  encore  ver- 
doyantes, vont  en  s'amoindrissant  jusqu'à  l'extrémité,  où  elles 
ne  forment  plus  que  des  boutons. 

La  vivacité  et  l'humidité  de  l'air  sont,  en  général,  peu  favora- 
bles à  la  frisure  des  cheveux;  aussi  la  remplace-t-on,  à  la  cam- 
pagne par  les  bandeaux  renflés  ;  les  femmes  dont  la  ligure  dé- 
crit un  ovale  parfait,  sont  revenues  à  l'antique  bandeau  à  la 
vierge;  mais  celles  dont  les  tempes  sont  légèrement  creusées 
adoptent  les  bandeaux  tombant  sur  le  front  avec  des  nattes  ra- 
massées l'une  sur  l'autre  au-dessus  de  l'oreille. 

Depuis  que  le  propriétaire  d'un  magasin  de  dentelles,  récem- 
ment ouvert  au  coin  du  boulevard  et  de  la  rue  Neuve-Vivienne,  a 
eu  riugénieuse  idée  de  rassembler  des  ouvrières  spéciales  dans 
un  atelier  dépendant  du  même  local  et  ouvert  à  sa  clientèle,  la 
facilité  que  trouvent  les  dames  à  choisir  et  à  combiner  des  des- 
sins qui  peuvent  être  exécutés  sous  leurs  yeux,  a  propagé  le 
goût,  déjà  si  répandu,  de  la  dentelle,  qui  garnit  a  flots  aujour- 
d'hui les  visites,  les  nianlelets  et  tous  ces  vêtements  de  fantaisie 
qui  ne  sont  cepi-ndani  p:is  |>:iivciiii<  à  f^iire  ahaiiuoiiiirr  li>s  nia- 
gniflquescli:'>ICM:H-iv^ri,i."Uil.l,.  i:ii;iiililly  nii  ,rMr,i,..ii,  iiil,'s 

écharpes.'M  |."iMl  d'Anulrlm dr  l\l:il.n,s.    ,N,ms  .Irvuiis,  n< 

passant,  con^talcr  que  les  deiilL-llcs  lihimhes  m. ni  yrinTLilenn'iil 
préférées  aux  dentelles  noires. 

Toutes  ces  fantaisies  charmantes,  mais  trop  diaphanes,  doi- 
vent, vers  le  soir,  céder  le  pas  au  cachemire,  cette  base  solid(! 
de  toute  garde-robe  fémiume;  seulement  le  cachcMniic  a  eu  h: 
bon  esprit  de  prendre,  pour  l'été,  la  forme  légère  ilc  ICiliarpi', 
.et  de  choisir  le  bleu  de  ciel,  le  vert  anglais,  le  jaune  lun-,  vl 
autres  nuances  tendres  pour  ses  fonds,  soit  pleins,  soit  sruirs 
de  bouquets  ou  d'arabesques,  mais  toujours  eucadies  de  bordu- 
res à  palmes  orientales. 

Enfin,  s'il  est  prudent  de  garantir  les  épaules,  il  est  aussi 
d'une  bonne  hygiène  de  préserver  la  tête,  et  nous  imposons  aux 


promenades  du  soir  l'usage  indispensable  des  petits  bonnets, 
dont  tous  les  magasins  distingués  de  Paris  offrent  un  choix  aussi 
gracieux  que  varié. 


Jacqtiemin  Gringonneur,  ou  l'invention  des  caries  à  jouer; 
par  M.  Paul  Eugène  Bâche.  —  Blidali,  1846.  Tiré  à  cent 
exemplaires. 

Ce  petit  livre,  il  n'a  que  cent  trente-sept  pages,  se  compose 
de  deux  études  bien  différentes  sur  le  même  sujet  :  l'invention 
des  cartes  à  jouer.  La  première  est  un  roman  historique,  comme 
on  en  faisait  il  y  a  quinze  ans,  comme  on  n'en  fait  plus  aujour- 
d'hui, et,  ajoutons-le,  comme  on  a  raison  de  n'en  plus  faire.  Ces 
|)astiches  du  moyen  âge  sont  heureusement  passés  de  mode. 
Restons  désormais  de  notre  époque,  et  si  nous  voulons  imiter 
les  écrivains  des  temps  passés,  étudions  Pascal  et  Bossuet  plutôt 
que  Froissart  et  Monstrelet.  Quant  à  moi,  je  préfèrede  beau- 
coup à  Jacqvemin  Griiijonneur  la  Lettre  à  Véditevr,  c'est-à-dire 
la  seconde  partie  de  cet  ouvrage  à  la  première.  Dans  cette  in- 
téressante dissertation  ,  M.  Paul  Eugène  Bâche  a  essayé  de 
prouver  : 

Que  les  cartes  sont  d'origine  italienne  et  inventées  dans  le 
quatorzième  siècle; 

Que  les  cartes  lunes  (jeux  instructifs)  sont  celles  inventées 
d'abord,  et  qu'on  en  trouve  des  traces  à  la  lin  du  quatorzième 
siècle; 

Que  l'exemple  le  pins  ancien  qui  existe  est  le  jeu  peint  par 
Gringonneur  pour  le  roi  Charles  VI,  en  1392; 

Que  dès  1441,  on  trouve  la  preuve  de  cartes  imprimées  et 
peintes  à  Venise  et  dans  d'autres  parlies  de  l'Europe; 

Qu'on  ignore  si  ces  caries  vénitiennes  étaient  larocsou  numé- 
rales ; 

Que  le  jeu  le  plus  ancien  des  cartes  numérales ,  qui  ne  sont 
que  des  nombres  exprimés  par  dillérents  signes  plus  ou  moins 
répétés,  est  tiré  de  planches  en  bois,  gravées  et  coloriées  au 
patron  ; 

Que  ce  jeu  a  été  fabriqué  en  France  vers  USO,  ce  qui  donne 
;i  pciiM'r  (pie  c'est  en  France  qu'ont  été  inventées  les  cartes  nu- 


Que  li'xistcnce  des  ca 
l'iisagi'  lies  rctrtcs  tarocs 
pèi-e,  qui  dciil  avoir  èlé 

M.  lia.  lie  n'a  pas  la  pr 
coiilrairc,  il  csiière  que 
iiiiparlaili's  ipi'i'lh'S  soii 
l„l,p,Mm'i.l.l',liulcsphis 


■tes  numcrales  n'a  pas  l'ait  abandonner 
puisqu'on  Irouvit  un  ji'U  de  cetlc  es- 
•  ravi'  viTS  t  STO,  cl  icccipie  <'ii  Hs:,. 
UnIioM  d'avoir  cimisc  I,.  siij,'l.  llini  au 
■hr.,logi.|M«,  .pudque 


Ht  d'aill.' 


ap|ii 


.{Ml   plT 


m.  I 


matière. 
I  que  des 


de  leur: 


tisics  ri  a  Ions  les  amateurs  du  jeu  de  larl 
mains,  elles  pouvaient  revenir  chargées  de  rectifications  oij 
d'additions,  elles  seraient  accueillies  par  nous  avec  reconnais- 
sance. 1) 


mVlTTOm^MS.  à.OiTVS.  V«,-ftVO\  ivilOM.T'UO.V.    ^  "p^. 

S\vATii.ssiT  aux  L^VitulKtis  A.0iH4tW(\\w  j|.ii'(-" 
wVVe, ,  aux  ûxticUv-ts.  te  VosVis  t\  4«4  ^îo., 
TtissoL^mis ,   —  ou  iuvo>jiT   franco  ii^^ 
UT^  Vio'ft  suv  îans,  à  Votixi  it 
*.  DUBOCHET, 


^î^ 
■^•^^^f^ 


BébiiM. 


EXPLICÀTIOH   DU    DEBMKl   E1BD9. 

Ne  comptons  pas  sur  la  fortune,  elle  est  fantasque,  inconstante, 
trompe  souvent  s.  s  adorateurs. 


On  s'abodne  chez  les  Directeurs  de  postes  et  des  messageries, 

chez  tons  les  Libraires,  et  en  particulier  chez  tous  les  Comipin- 
dants  du  Comptoir  central  de  la  Librairie, 

A  Londres,  chez  Joseph  Thomas,  1,  Finch-Lane-Cornhill. 

A  SAiNT-PETEBSBorKG,  chez  J-  IflSAmorFi  libraire-éditeur 
commissionnaire  olEciel  de  toutes  les  bibliothèques  des  régi- 
ments de  la  Garde-Impériale;  Gostinoi-Dvor,  22.  — F.  Belu- 
ZABD  et  C',  éditeurs  de  la  Herue  étrangère,  au  pont  de  Police, 
maison  de  l'église  hollandaise. 

A  Algeb,  chez  Bastide  et  chez  DtiBos,  libraires. 

Chez  V.  Hebebt,  à  la  Nodvelle-Obleahs  (États-Unis). 

A  Neiv-Youk,  au  bureau  du  Courrier det  États-Unis,  et  chei 
tous  les  agents  de  ce  journal. 

A  Madrid,  chez  Casihib  Momeb,  Casa  Fontana  de  Oro. 

Les  frères  Dimolabd,  à  Milan. 


Jacoues  DUBOCHET. 


Tiré  i  la  presse  mécanique  de  Lacraiipe  cl  G*,  rue  Daniiette,  1 


L'ILLUSTRATION, 


Ab.  pour  Pirii.  3  mail,  8  fr.  —  6  moii,  4S  fr.—  On  >n,  10  fr. 
Prix  de  chaque  N°  lue.  —  La  collection  meniuelle,  br.,  1  fr.  75. 


N«  188.  Vol.  VllI.— SAMEDI  Ô'OCTOBRE  1846. 
Bareaax,  rue  BIcliellea  60. 


Ab.  pour  lei  dép.  —  3  moii,  9  Tr.  —  6  moit,  17  fr-  —  Ud  an.  Si  fr. 
Ab.  pour  l'Étranger.     —      10  —       iO  —        40. 


SOMMAIRB. 

De  Krosrn»ierD.  Porimii.  —  Hlilolre  de  la  semaine.  —  Coor- 
rler  île  Parla.  —  Les  forera  dea  acieara  dans  les  ibétlrea 
de  Parlu.  Premier  article,  r^yer  du  Païais-RoyaL  —  Expoalllon 
d'un  ïllrall  dans  reglUe  de  Saint-Roch.par  M.  Galimard.  T'ne 
Grarart.  —  Cabrera.  PnTtrait.  —  Le  pon  de  Toolon.  Quairième 
el  dernier  irticle.  Vue  géniale  du  pori  de  Tfulon.  —  Tr»\aa\  pa- 
kllcs.  —  Blanche.  Nouvelle  russe.  (Suite  )  —  EIndea  plirenolo- 
Klqaes,  phyHioKDOniODlques  el  anlrea.  SoixanlC'ciii'j  Gravu- 
r't,  par  Chara.  —  Bnllrlln  blbllOKrapbique.  —  Principales 
publlcailon«  de  la  »«emalne.  —Annoncer.  -^  Modea.  Voilure 
decftns.^'.  —Correspondance.  —  Rebue. 


ne  Hrusenstern. 

Le  21  août  dernier,  est  mort  à  Revel,  dans  l'Estlionie, 
Adam-Jean  de  Krusenstern,  le  célèbre  navigateur  russe,  dont 
tous  publions  aujourd'liui  le  portrait,  d'après  la  médaille  frap- 
pée, en  IS.")!),  en  l'Iionneurdu  cinquantième  anniversaire  de 
;on  iMilrée  au  .service.  Né  le  8  novembre  1770,  sur  sa  terre 
ic  llapyud,  de  Krusenstern  fit  toutes  ses  études  dans  celte 
lille,  (111  il  est  venu  passer  les  dernières  annéesde  sa  vieillesse. 
\  dix-iicuf  ans,  il  avait  embrassé  par  goût  la  profession  de 
nariii.  Dans  la  guerre  de  17it3,  il  servit  sur  la  flotte  anglaise. 
Oes  Indes  il  alla  en  Cbine;  il  passa  deux  années  à  Cantoii, 
lù  il  acquit  la  conviction  que  les  colonies  russes  de  l'Ainéri- 
|ue  septentrionale  trouveraient  en  Chine  un  marché  avanta- 
;eux  pour  la  vente  de  leurs  pelleteries.  A  son  retour  à  Saint- 
'élersbourg,  il  soumit  à  son  gouvernement  un  mémoire  dont 
m  ne  tint  aucun  compte  jusqu'au  règne  d'Alexandre.  Il  était 
ilors  capitaine. 

Enfin  en  1805,1a  cour  de  Russie  résolut  d'envoyer  une  am- 
lassade  au  Japon.  M.  Resarofl  futnommé  ambassadeur.  Ude- 
'aild'abord,  d'après  ses  instructions,  se  rendreau  Japon  avec 
leux  bâtiments  équipés  tout  exprès  pour  celte  expédition, 
■uis,  ce  premier  but  atteint,  entreprendre  un  voyage  de  dé- 
ouvertes.  Les  capitaines  Kniscnstern  et  Lisianskoy  furent 
hargés  du  commandcmentde  ces  deuxbàtiments  la  .\<ulejnla 
i' Espérance)  et  la  Sém.  Krusenstern,  qui  avait  eu  le  bonheur 
le  faire  approuver  son  ancien  projet  par  Alexandre,  obtint  je 
ommandcment  en  chef  de  l'expédition.  Le  5  octobre  18(r>, 
es  deux  vai.sseaux  russes  quittèrent  Falmoulh,  où  ils  étaient 
enus  s'approvisionner  d'instruments,  de  caries,  de  livres, 
le  provisions  et  d'une  foule  d'autres  objets  nécessaires  durant 
e  cours  d'un  long  voyage.  Le  âfi  novembre,  ils  traversèrent 
équaleur,  et  après  avoir  tiré  une  salve  de  onze  coups  de 
usil,  les  deux  équipages  portèrent  un  toast  à  la  santé  de 
empereur  Alexandre,  «sous  le  règne  glorieux  duquel  le  pa- 
illon russe  flottait,  pour  la  première  fois  dans  l'hémisphère 
iiéridional.  n 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  résumer  ici  les  principaux  ré- 
ullatsde  cette  expédition,  qui  ouvrit  une  ère  nouvelle  dans 
histoire  de  la  marine  russe.  Personne  n'ignore  qu'après  plu- 
I  leurs  mois  d'attente,  l'ambassadeur,  M.  Resanoll,  reçut  enfin 
lu  plénipotentiaire  japonais  un  ultimatum  qui  fui  loin  de  le 
lalisfaire.  L'empereur  relusa  absolument  de  le  recevoir  et 
I l'accepter  .ses  présents.  «Non-seulement,  dit  Krusenstern, 
|ious  ne  relirilmes  aucun  avantage  nouveau  de  celle  ambas- 
[sade,  mais  nous  perdîmes  même  ceux  que  nous  possédions 
auparavant,  à  savoir  la  permis>iiin  écrite  que  Laxman  avait 
ibtenue  pour  un  navire  de  faire  chaque  année  un  voyage  à 
Nangasaky.  » 

L'expédition  s'éloigna  donc  des  îles  du  Japon,  coloyales 
rives  orientales  de  Tarakai,  el  se  dirigea  vers  le  Kamlscbalka, 
!  où  l'ambassadeur,  M.  ResanolT,  déLarqua  poirse  rendre  en 
Europe  par  terre.  Reprenant  aloi  s  la  roule  qu'il  venait  de  par- 
courir, Krusenstern  doubla  la  pointe  septentrionale  de  Tarakai, 


reconnut  que  sa  cote  nord-ouest  était  une  ligne  ininterrom- 
pue de  dunes  de  sable,  et  découvrit  la  cote  opposée  de  la 
Tartarie.  Malheureusement  des  courants  violents,   causés, 


d'après  ses  conjectures,  par  le  fleuve  Amour  ou  celui  de  Ta- 
rakai, l'empêchèrent  de  s'avancer  au  sud  aussi  loinqu'ill'eûl 
désiré,  et  il  se  vit,  à  son  grand  regret,  contraint  de  songer 


sérieusement  au  retour.  Le  19  août  ISOfi,   il  renira  avec  la 
Xatlejeda  dans  le  poil  deCronstadt,  après  une  navigation  de 
trois  ans,  et  sans  avoir  perdu  un  seul  homme.  Il  a  été  publié 
trois  relations   principales  de 
ce  voyage  :  deux  en  allemand 
el  une  en  russe.  «  Ce  voyage, 
dit  Desborough-Cooley   dans 
^  son   Histoire   ties    découvertes 

maritime  et  conlinentatex  (tra- 
duite en  français  par  MM.  Ad. 
Joanne  el  Old-Nick),  eut  pour 
résultat  d'enrichir  de  plusieurs 
découvertes  importantes  ,  et 
surtout  de  rendre  beaucoup 
plus  sûre  et  plus  parfaite  la 
géographie  du  golfe  de  Tarta- 
rie, de  l'archipel  des  Kouriles, 
el  des  côtes  du  Japon  el  de 
Jesso.  Les  travaux  de  Krusen- 
stern, réunis  à  ceux  de  Hrougli- 
ton  el  de  La  Pérouse,  sullisent 
aujourd'hui  pour  nous  donner  , 
une  connaissance  assez  exacte 
el  presque  complète  des  côtes 
orientales  de  l'ancien  monde.  » 
Krusenstern  indi:iua  sui  tout  de 
la  manière  la  plus  précise  la 
position  de  Nangasaki  el  celle 
du  déiroil  de  Sangaar. 

Neuf  ans  après  son  retour, 
en  1813,  Krusenstern  fut  en- 
core choisi  pour  commander 
une  nouvelle  expédition  char- 
gée d'explorer  le  détroit  de  Be- 
ring, el  de  chercher  un  pas- 
sage qui  conduisit  directement 
d'Amérique  à  Anhangcl  par 
lenord-ouest.  Pniiiiii,  en  ISllI, 
au  grade  de  coniunidorc  ;  en 
182G,  5  celui  dccontreauiiral, 
il  obtint,  quelques  années  plus 
tard,  ceux  de  vice-amiral  cl 
d'amiral.  Enfin  il  iein|ilit  pen- 
dant plusieurs  années  les  fonc- 
tions de  dirccleiir  du  curps  des 
cadets  de  la  marine.  Admis  à  la  retraite,  il  fixa  son  domicile 
dans  la  ville  de  Revel,  où  il  est  mort,  à  l'âge  de  soixante- 
seize  ans,  le  24  août  dernier. 


Histoire  de  In  Seiiiaine. 


La  polémique  des  journaux,  les  échanges  de  noies  aigres-  | 
douces  des  aniha.ssades  se  poursuivent  en  même  temps  que 
les  préparatifs  des  mariages  espagnols.  M.  le  duc  de  Mont- 
pensier  est  parti  lundi  dernier  de  Paris,  avec  son  frère,  M.  le 
duc  d'Aumale,  pour  se  rendre  à  Madrid.  Rientôt  nous  arrive- 
ront les  récils  des  réceptions,  des  entrevues,  des  cérémo- 
nies. Nos  mesures  sont  prises  pour  pouvoir  raconter  cl  pein- 
dre ces  solennités,  el  l'Illustration  pourra  dire,  elle  aussi  : 
«  Il  n'y  a  plus  de  Pyrénées.  » 

En  attendant  que  les  événements  viennent  démentir  ou 
confirmer  les  prédictions  des  journaux  del'opiiosition  qui  pré- 
tendent que  la  France  n'a  aucun  fruit  à  recueillir  et  a  espé- 
rer de  l'alliance  qui  se  prépare,  nous  devons  en  constater 
un  premier  rét-ultat  qui  a  été  accueilli  avec  enlhousiasnie 
parla  très-jeune  génération  Irançai^e  et  avec  ass-ez  de  ré- 
signation par  les  pères  de  riiniille.  le  Miviliur  a  publié  un 
arrêté  de  M.  le  ministre  de  l'insliui  limi  publique  du  22 
septembre,  portant  la  disposition  suivante  : 

«Vu  la  lettre  de  S.  A.  R.  Monseigneur  le  duc  de  Mont- 
pensier,  en  date  de  ce  jour,  ainsi  conçue  : 


«Je  viens,  monsieur  le  ministre,  vous  prier  de  vouloir 
bien,  en  considération  de  mon  prochain  mariage,  accorder 
un  congé  de  huit  jours  aux  élèves  des  divers  collèges  de 
l'Université.  Il  me  serait  doux  de  pouvoir  ainsi  leur  rappe- 
ler, dans  une  occasion  si  intéressante  pour  moi,  que  j'ai  clé, 
sur  les  mêmes  bancs,  le  condisciple  de  leurs  devanciers.  Mes 
frères,  par  le  mènie  sentiment,  avaient,  en  pareille  circon- 
stance, sollicité  cl  obtenu  la  même  faveur  de  vos  prédéces- 
seurs el  de  vous.  » 

«  Avons  arrêté  el  arrêtons  ce  qui  suit  : 
«  Les  vacances  sont  prolongées  de  huit  jours  dans  tous  les 
établissements  publics  et  particuliers  du  loyaiime. 

«Les  inscriplions  dans  les  facultésde  toul  ordre  pourront 
être  prises,  conformément  à  la  règle  anlérituie,  jusqu'au  15 
novembre.  La  séance  solennelle  de  rentrée  aiiia  lieu  le  lundi 
Ki  novembre.  » 

CoLOMKS  AomroiES  nF.  FBA>r,E. — Le  gouvernement  a 
annexé,  depuis  peu,  à  plusieurs  maistms  centrales,  et  parti- 
culièrement à  Fontevrault  el  Gaillon ,  des  terres  qui  sont 
destinées  à  être  cultivées  par  les  jeunes  détenus.  —Le  Cour- 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


lier  de  Loir-et-Cher  nous  apprend  que  ce  déparlement  es- 
père la  prochaine  fondalion  d'une  colonie  agricole  pour  les 
enfants  abandonnés. 

Voici  le  tableau,  aussi  complet  que  possible,  des  colonies 
.ij^ricoles  etétablissements  analogues  en  France. 

I .  —  Colonies  préventives. 
1°  ïNFANT.s.  —  Enfants  pauvres. 
Petit- Bourg  (Seinc-et- Oise.)  flîrecfcur  :  M.  Allier. 

Pauvres  et  orpheUns. 
St-Antoine  (Charente-Infé.)  Directeur  :  M.  l'abbé  Fournier. 
bunneval(KiM-e-et-Loir).  M.  Cliiisles. 

De  Caen /auprès  de  Caen).  M.l'ab.  Le  Veneur. 

Mansigne  (Sarihe).  M.  Vie. 

Bnssind'Arcaclion.  M.  Cazeaux. 

Oulliins  (maison  de  refuge  près  Lyon). 
Enfants  trouvés. 
M<*snil-St-Firmin   (Oise).     Directeur  :  M.  Bazin. 
ll(jntbellet{Sa6ne-et  Loire).  M.  Minaugouin. 

Muntmorilloii  (Vienne).  M.  l'ab.  Fleuriinon. 

Pous.scry  (Nièvre).  (Adrninistr.  départ.) 

Boussaroque  (Canlal).  M.  Martel. 

2"  ADULTES.  —  Mendiants  et  vagabumls. 
Ostwald  (Bas-Rhin.)  M.  Scbutzembergcr. 

II.  —  Colonies  correctionnelles. 

1"    ENFANTS. 

Mettra  j(Indr.-et-L.)Dîrec/curs:  MM.  DemetzeldeBretignères. 
Petit-Mettray,  près  d'Amiens.  Comte  de  Reyneville. 

'Quévilly,  près  Rouen  (S.-Infér.).      M.  Locointe. 
Saint  liens  (Morbihan)  M.  Duclezieu.x. 

Saint-Pierre,  près  de  Marseille.       M.  l'abbé  Fissiaux. 

Algérie.  —  On  se  souvient  de  la  lettre,  si  touchante  dans 
sa  simplicité,  par  laquelle  M.  le  commandant  Courby  de  Co- 
gnoi'd  nous  a  instruits  de  la  négligence  de  l'ailminislration  à 
délivrer  onze  de  nos  compatriotes,  prisonniers  à  la  deïra 
d'Abd-el-Kader.  Les  négociations  relatives  à  un  échange  ont 
été  activées.  Le  résultat  désiré  ne  semble  plus  douteux  au- 
jourd'hui. Une  lettre  de  Toulon  du  21  annonce  que  nos  mal- 
heureux compatriotes,  retenus  prisonniers  à  la  deïra  d'Abd- 
el Kader  seront  sous  peu,  à  moins  d'incidents  qu'il  est  im- 
possible de  prévoir,  rendus  à  leurs  familles  et  au  pays.  L'é- 
change est  résolu,  et  les  difficultés  élevées  par  l'e.x-émir, 
sont  aplanies. 

Afrique  occidentale.  — On  a  appris  de  Corée,  que  deux 
bâtiments  français  de  la  station  occidentale  d'Afrique  avaient, 
en  poursuivant  l'équipage  d'un  négrier,  tait  une  reconnais- 
sance jusque  dans  les  environs  de  VVbydab  ;  celte  ville,  la 
plus  importante  de  la  côte,  est  située  à  trois  kilomètres  de 
la  mer,  elle  est  le  foyer  principal  de  la  traite  et  le  lieu  du 
séjoin-  des  nombreux  traitants  brésiliens,  portugais  et  espa- 
gnols, qui  y  possèdent  des  richesses  considérables  de  tous 
genres,  et  d'immenses  factoreries  ;  elle  dépend  du  royaume 
de  IXihomey.  Le  commerce  considérable  d'esclaves  qui  s'y 
fait  rend  la  partie  de  la  côte,  vers  laquelle  se  trouve  Why- 
dah,  l'objet  d'une  surveillance  continuelle  de  la  part  de  l'es- 
cadre. 

Irlande.  — Si  la  cherté  des  grains  préoccupe  pour  l'hi- 
ver prochain  l'administration  en  France,  elle  parait  inspirer 
au  gouvernement  anglais  les  plus  vives  craintes  sur  l'Irlande. 

Des  troupes  de  renfort  y  ont  été  expédiées  ;  néanmoins, 
ces  mesui  es  n'ont  pas  conjuré  le  mal,  et  déjà  l'on  annonce 
que  le  Inmli  21  a  éclaté  à  Kilkenny  une  émeute  d'un  carac- 
tère loni  ùfiil  ioc|uiélant.  Un'rassemblement,  au  nombre  d'en- 
viron 21)0  hiimmcs,  commença  par  entourer  la  demeure  du 
maire,  en  demandant  du  travail  ou  du  pain,  puis  il  se  mit  à 
parcourir  la  ville.  En  arrivant  à  la  boulangerie  de  M.  Michel 
Magratte,  un  homme  de  la  bande  a  Irisé  un  des  carreaux  de 
la  devanture  de  la  boutique,  et  M.  Magratte,  pour  prévenir 
d'autres  violences,  s'est  empressé  de  leur  jeter  une  très- 
grande  quantité  de  pains,  dont  ils  mangèrent  une  partie  avec 
avidité,  et  promenèrent  le  reste  au  bout  de  grandes  perches. 
De  là  le  rassemblement  s'est  porté  chez  un  autre  boulanger 
nommé Dumphy;  il  a  brisé  les  portes  et  les  fenêtres  et  s'est 
emparé  de  tout  le  pain  qu'il  a  pu  trouver.  Cette  scène  s'est 
répétée  chez  tons  les  boulangers  de  Nigh-street  et  de  Coal- 
Market.  Une  partie  des  révoltés  s'est  mise  ensuite  à  tra- 
verser le  pont,  et  elle  se  disposait  à  attaquer  encore  une 
boutique  de  boulanger,  quand  le  chef  cunstable,  se  plaçant 
devant  la  porte,  a  tiré  son  épée.  Cette  démonstration  a  im- 
posé à  la  foule  qui  s'est  retirée. 

Un  instant  après  cet  acte  de  vigueur  accoururent  tous  les 
cnnstables  renforcés  d'une  compagnie  du  6.i'  régiment,  que 
le  colonel  de  ce  corps  avait  mise  à  la  disposition  du  maire 
sur  sa  réquisition.  Le  maire,  ainsi  soutenu,  s'adressa  aux  mu- 
lins  et  engagea  les  habitants  de  Kilkenny,  qui  se  trouvaient 
parmi  eux,  à  rentrer  paisiblement  dans  leurs  demeures,  leur 
pi'omeltanlde  Iimm-  prociiier  du  travail  en  assemblant  sur-le- 
cbamp  le  rc/iV/  mnnniihT  (la  commission  de  soulagement). 

Cette  cominisMiin  sr  i il  en  effet,  et  lit  bieulôt  placarder 

une  proclamation  annonçant  qu'elli^  allait  pnicurer  du  travail 
à  tous  les  ouvriers  sans  iinviiiye;  mais  (pic  tmis  ci'ux  qui  se- 
raient reconnus  coupables  lie  (pielcpii^  .itie  ilr  viiilciu'e,  iiu 
convaincus  de  s'étic  eniMrs,  M'iai.  ni  e\(C|Mis  ili'    n  llr'  lé- 

Çarlilion.  —  Des  smirs  analm^urs  sr  ...inl  pav^ci's  li'  inanli  à 
oughal  :  plusieurs  Iiuii|ii|ii.'mIc  limilaiif^ris  <:iil  i|,.  |iillc(>s, 
elles  magislials  se  snnl  mis  iihll^;i's  de  demander  des  trou- 
pes aux  coiiniiaii'Iants  iiiililaires  pour  maintenir  l'ordre. 

Haïti.  —  Par  la  vuii'  des  Etiils-Unis,  on  a  des  nouvelles 
de  cette  île,  du  iiiilieii  d'août.  La  Iranqiiihilé  y  régnait.  Le 
gouvernement  fiançais  était  en  bons  termes  aveu  celui  dllaiti, 
et  il  ne  devait  pas  recniiuailie  la  ltépiililii|iie  Doiiiiuieaiiie. 

La  loi  qui  eiiipècliait  ks  navires  étrangers  de  déliarqner 
une  partie,  de  leur  cargaison  dans  un  port,  et  de  décharger 
le  reste  dans  un  autre  devait  être  révoquée,  et  celte  mesure 
mise  à  exécution  vers  le  2f>  août. 

Etats-Unis  et  Mexique.  —  On  a  reçu  des  nouvelles  des 
Ktats-Unis  du  1°' septembre.  Une  dépêche  lélégrapliiquo  pu- 


bliée en  post-scriiitiim  par  le  New-York  Herald  de  ce  jour, 
contenait  ce  qui  suit  : 

«  Santa-Aiina  est  arrivé  à  Vera-Crnz,  et  .s'est  mis  à  la  léte 
du  mouvement.  Paredès  a  été  fait  prisonnier.  Avant  de  quit- 
ter la  Havane,  Santa-Anna  a  déclaré  qu'en  retournant  au 
Mexique  il  était  décidé  à  conclure  la  paix,  à  moins  que  la  na- 
tion n'y  fut  coTnpIétemenl  o|iposée. 

«  Des  nouvelles  reçues  à  Mexico  annoncent  que  le  port  de 
Monterey,  dans  la  mer  Pacifique,  a  été  pris  par  l'escadre  des 
Etals-Unis,  et  que  la  Californie  a  déclaré  formellement  son 
annexion  à  l'Union  américaine. 

«  Le  consul  anglais  a  immédiatement  expédié  par  exprès 
des  dépêches  en  Angleterre  et  à  la  Nouvelle-Orléans.  » 

Ou  pense  que  tout  cela  mènera  à  une  solution  de  l'affaire 
mexicaine. 

Cote  d'Arabie.  —  Nous  avons  déjà  parlé  d'une  attaque 
que  les  Anglais  avaient  eu  à  repousser  dernièrement  dans 
leur  comptoir  d'Aden.  Depuis  celle  affaire,  Scbeick-lsmaël, 
malgré  le  peu  de  succès  de  sa  première  tentative,  avait  con- 
tinué à  recevoir  des  renforts  de  différentes  tribus.  Sa  troupe, 
pendant  près  d'un  mois,  s'est  élevée  à  près  de  8,G0U  bom- 
mes  dont  5  à  6  mille  en  étal  de  combattre.  Il  campait  à  une 
lieue  et  demie  des  fortifications,  et  pendant  tout  ce  temps  la 
garnison  a  été  réduite  à  rester  jour  et  nuit  sous  les  armes. 
Mais  le  1''  septembre,  tous  ces  Arabes  se  sont  dispersés,  à 
la  suite  d'une  querelle  qui  a  entraîné  entre  eux  quelques  col- 
lisions partielles.  Le  scheick  Isniaël  ne  les  avait  allacbés  à  sa 
fortune  que  par  l'espoir  du  butin,  et  en  leur  promettant  le 
pillage  d  Aden;  le  voyant  incapable  de  remplir  son  engage- 
ment, ils  l'ont  abandonné,  et  il  se  trouve  aujourd'hui,  avec 
vingt  de  ses  partisans,  prisonnier  du  chel  de  la  tribu  de  Fou- 
thlet,  qui  est  favorable  aux  Anglais. 

Indes  orientales.  —  Le  paquebot  d'Orient  l'Egyptus  a 
apporté  des  nouvelles  deCalcutta  en  date  du  7  août.  Le  bruit 
courait  alors  en  celle  ville  que  les  Anglais  se  disposaient  à 
évacuer  enfin  l'île  deCbusan. 

Rien  de  nouveau  dans  le  Scinde,  si  ce  n'est  la  continuation 
du.choléra.  On  se  rappelle  sans  doute  que  l'un  des  derniers 
courriers  de  l'Inde  avait  annoncé  l'arrivée  à  Caboul  d'un  am- 
bassadeur persan  chargé  de  négocier  avec  l'émir  Dost-Mo- 
hammed  un  traité  d'alliance  offensive  conire  l'Inde  anglaise. 

D'après  la  Gazette  de  Delhi,  celambassadeur  aurait  é:é  ren- 
voyé de  Caboul  avec  une  lettre  exprimant  le  regret  de  cette 
cour  de  ne  pouvoir,  malgré  son  bon  vouloir,  rien  entrepren- 
dre, à  moins  qu'elle  ne  lût  attaquée.  Elle  aurait  néanmoins 
promis  promis  l'appui  des  Afigbans  dans  le  cas  où  le  roi  de 
Perse  ferait  une  invasion  dans  l'Inde  britannique  et  consen- 
tirait à  payer  les  frais  de  la  guerre,  deux  conditions  égale- 
ment impossibles  à  remplir  par  le  shah. 

Archipel  indien.  —  Bornéo,  2";  juillet.  — La  (lotte  an- 
glaise, sous  les  ordres  du  contre-amiral  Cochrane,  comman- 
dant la  station  des  mers  de  la  Chine,  a  cherché  à  renouer 
les  négociations  avec  le  sultan  de  celte  grande  île;  mais  ce 
prince  n'ayant  pas  voulu  autoriser  les  bâtiments  à  pénétrer 
dans  ses  rivières,  l'escadre  a  commencé  lesopérations  contre 
son  territoire. 

Les  bâtiments,  remorqués  par  les  steamers,  sont  venus 
s'embosser  devant  la  côte,  et  assaillis  par  le  feu  de  plusieurs 
batteries,  les  onl  bientôt  éteintes.  Leurs  canots  sont  alors  en- 
trés dans  la  rivière,  et  ont  forcé  l'ennemi  à  évacuer  la  ville  de 
Bruni.  Le  sultan,  ainsi  que  ses  soldats,  se  sont  retirés  dans 
l'intérieur,  poursuivis  par  un  détachement  de  troupes,  qui  n'a 
pu  les  atteindre,  et  s'est  contenté  d'incendier  ou  de  ravager 
tout  le  pays  sur  son  passage. 

Ces  détails  ont  été  apportés  à  Singapore  par  le  steamer  le 
Spit/ield  ;  lors  de  son  départ,  l'escadre  était  mouillée  à  La- 
boan,  et  se  préparait  à  continuer  ses  opéralions  sur  la  côte, 
contre  tous  les  alliés  du  sullan. 

Indes  hollandaises.  —  Des  nouvelles  de  Batavia  du  11 
juillet  annoncent  que  l'expédition  militaire  dirigée  contre 
Borneo-Prope,  a  eu  un  résullal  brillant.  Le  28  juin,  les  trou- 
pes ont  pris  terre  au  Beleling,  sous  la  protection  du  feu  des 
navires  de  guerre.  Dans  le  combat  qui  s'en  est  suivi,  et  qui 
a  été  acharné  des  deux  côtés,  les  troupes  hollandaises  ont 
été  complètement  victorieuses.  Le  lendemain,  elles  se  sont 
dirigées  sur  Linga-Radja,  séjour  du  Radja,  qu'elles  onl  in- 
cendié. 

Le  chef  de  ces  hordes  à  demi  sauvages  s'est  enfui  avec  une 
parlie  des  siens  vers  les  montagnes.  La  perle  de  l'ennemi  a 
été  d'environ  quatre  cents  hommes,  toute  son  artillerie,  dont 
quarante  canons  en  cuivre,  etc. ,  se  trouve  au  pouvoir  des 
Hollandais;  les  pertes  de  ces  derniers  consistent  en  dix-huit 
morts  et  quarante  blessés. 

Chine.  —  Des  lettres  de  Canton,  du  6  juin,  apprennent 
que  Lin,  le  célèbre  commissaire,  est  rentré  en  grâce  auprès 
de  l'empereur,  et  a  été  nommé  gouverneur  de  la  province  de 
Sliezsi.  —  Keying  avait  présenté  un  mémoire  à  l'empereur, 
pour  lui  proposer  d'autoriser  légalement  l'imporlatioii  de  l'o- 
pium. Cette  proposition  a  été  rejetée,  et  Keying  a  été  réjui- 
inandé.  —  Les  affaires  sont  peu  animées  à  (ianton.  Les  mar- 
chands chinois  se  plaignent  de  la  rareté  du  numéraire. 

Statues  et  projets  de  statues.— Cette  saison  est  celle 
où  la  recrudescence  de  grands  hommes  se  fait  sentir.  La 
session  des  conseils  généraux  y  aide  beaucoup.  Celui  de  la 
Marne  vient  de  voler  l'érection,  dans  la  ville  de  Vilry,  de  la 
statue  d'un  homme  dont  sa  pairie  a  le  droit  d'être  Hère, 
Royer-Coliard.  —  Une  coiiuiiissinn  vient  de  se  former  pour 

en  élever  une  à  Elampes  à  Genllidy  de  .Sainl-Hilaire. On 

voit  depuis  quelque  temps  dans  le  ja m! ni  qui  se  trouve  à  l'on- 
liée  de  l'Iinlel  des  Invalides  une  slulue  de  Parmenlier,  le  pro- 
paf^aleur  île  la  culture  de  la  pomme  de  terre  ,  desliiiée  à  la 
\ille  de.  Minildiilier.  —  Enfin,  on  annonce  qu'une  slalue  en 
piedde.lean  Nicol,  rimpnrlaleiir  du  labac,  va  être  érigée  dans 
la  conrd'hdiineur  de  la  urandeinaniil'aeliue  du  Gros-Caillou. 

Diïsastui:s.  —  A  peine  avllll^-n(lns  fini  d'enregistrer  tous 
les  malheurs  qu'une  desséchante  lempéralure  a  causés  ou 
aggravés,  que  nous  nous  trouvons  avoir  à  faire  coniiaîlre  les 
all'rciises    dévastations  causées  dans  les   départements  do 


l'Ardêclie,  de  la  Drôroe  et  du  Gard  par  des  inondations  dont 
la  violence  et  les  ravages  ont  dépassé  tout  ce  que  les  vieil- 
lards les  nlus  âgés  de  Cf  s  contrées  se  rappellent  avoir  jamais 
eu  à  déplorer.  Les  routes  départementales,  les  roules  roya- 
les, les  ponts  onl  été  coupés;  les  communications  n'existent 
plus.  Le  département  de  l'Ardèche  a  été  le  plus  maltraité. 
Deux  arches  du  pont  Saint-Esprit  onl  été  emportées.  La  cir- 
culation a  élé  interrompue  pendant  trois  jours  sur  le  che- 
min de  fer  d'Alais  à  la  Grand'Coiiibe. 

C'est  le  20  septembre,  à  cinq  heures  du  matin,  que  le  fléau 
fondit  sur  la  ville  d'Alais.  Les  journaux  n'ont  pu  paraître  ; 
nous  trouvons  le  récit  des  terribles  événements,  donlce  chef- 
lieu  d'arron  lissemenl  a  élé  le  malheureux  Ibéàlre,  dans/a 
Gazette  (lu  lias-Lanijutduc. 

«  Dimanche  malin,  vers  cinq  heures,  les  habitants  d'Alais 
furent  surpris  par  les  eaux.  Dans  quelques  instants,  elles 
moulèrent  jusau'au  second  élage.  Qu'on  juge  de  leur  ni- 
veau :  à  cinq  lieures  et  demie,  le  fontSeuf  du  Marché, 
dont  la  voûte  est  Irès-élevée,  était  couvert  en  entier,  et  ses 
balustres  en  foule  emportées  par  le  torrent.  Le  laubourg  du 
Marché  a  été  le  premier  inondé.  Toutes  les  filatures  el  les 
labiiques  de  soie  ont  été  envahies,  et  les  moulins  el  les 
ballots  de  .soie  entraînés.  Les  habitants  n'ont  évité  une  mort 
certaine  qu'en  se  réfugiant  vers  la  montagne.  La  ville,  un 
instant  protégée  par  ses  boulevards,  a  bientôt  aussi  élé  sub- 
mergée. Le  Gardon  a  pénélré  par  deux  énormes  crevasses 
el  un  ravin  immense  qu'il  a  creusé.  Le  boulevard  de  l'Hôpital 
a  cédé  le  premier;  le  torrent,  après  avoir  emporté  l'entrepôt 
de  charbon  du  chemin  de  fer,  a  balayé  sur  son  passage  les 
filatures,  les  fabriques,  les  jardins,  etc.  La  Grand'-Rue  d'A- 
lais el  les  c|uariiersbas  de.  la  ville  ressemblaient  à  de  vastes 
élangs.  Le  l'ont-  Vieux  a  presque  cédé,  les  hôtels  el  les  mai- 
sons onl  été  envahis  jusqu'au  second  élage. 

«  On  ne  connaît  pas  encore  tous  les  malheurs  que  l'on  a 
à  déplorer.  Les  perles  sont  incalculables.  Parmi  les  morts, 
on  cite  M.  Coste,  ancien  marchand  drapier,  et  M.  Banquier, 
orfèvre.  La  fin  de  ces  deux  malheureux  est  affreuse  à  enten- 
dre conter. 

«  M.  Coste  fut  réveillé  le  malin  par  le  bruit  des  eaux,  sa 
maison  donnait  d'un  côté  sur  le  quai  et  de  l'autre  sur  la 
place  du  Marché.  Il  crut  se  metlreà  l'abri  en  consolidant  la 
porte  extérieure  de  sa  maiton  et  celle  de  la  cuisine.  A  peine 
fermait-il  cette  dernière  porte,  que  l'eau,  arrivant  avec 
force,  enfonçait  les  deux  barrières  et  le  surprcnaitau  milieu 
de  l'escalier,  lui  et  un  de  ses  locataires  qui  était  venu  à  son 
aide.  Madame  Coste  était  au  haut  de  l'escalier,  les  pieds 
dans  l'eau  el  criant  au  secours.  Euli  aînés  par  le  torrent  sous 
les  voûtes  du  Marché,  M.  Coste  et  son  localaire  demeurèrent 
loit  longtemps  cramponnés  aux  crochets  de  fer  dont  ces 
voûtes  sont  munies;  ce  dernier,  plus  jeune  el  plus  fort, 
parvint  à  échapper  à  l'envahissemenl  des  eaux,  en  allant 
s'accrocher  au  support  d'un  réverbère  à  gaz.  M.  Coste, 
moins  heureux,  fut  entraîné,  et  l'on  n'a  retrouvé  son  cadavre 
qu'à  l'Écluse. 

«  M.  Banquier,  orfèvre,  dans  la  Grand'Rue,  était  parvenu 
à  enlever  presque  toutes  ses  caisses  de  bijoux,  quand  l'eau, 
envahissant  le  magasin  jusqu'au  ]ilafond,  ferma  la  porte  par 
laquelle  il  avait  pénétré.  Il  se  fraya  une  issue  en  cassant  un 
carreau  de  la  partie  haute  de  la  porte  extérieure  et  arriva 
dans  la  rue  porté  sur  l'eau.  Excellent  nageur,  il  comptait 
sur  ses  forces,  et  une  fois  à  l'air  il  se  croyait  sauvé.  On  lui 
lança  un  drap  de  lit  du  second  élage;  déjà  il  s'était  cram- 
ponné, sa  femme  lui  tendait  la  main,  il  la  saisissait,  quand, 
ses  forces  l'abandonnant,  il  lâcha  prise  el  fut  entraîné  par  le 
torrent.  La  lutte  avait  été  longue,  et  entouré  par  un  tour- 
billon, il  s'était,  un  instant  auparavant,  ftndu  la  tête  con- 
tre l'arête  d'un  mnr.  M.  Banquier  était  jeune  et  vigoureu.x; 
il  a  fallu  ce  concours  de  circonstances  malheureuses  pour 
qu'il  ait  péri. 

«  Au  même  moment,  on  voyait  passer,  emportés  par  les 
eaux,  une  femme  el  son  petit  enlanl,  encore  attachés  à  un 
drap  de  lit,  au  moyeu  duquel  on  n'avait  pu  les  sauver. 

(1  A  côlé  de  ces  malheureux  qui  périssaient,  d'autres  don- 
naient des  preuves  d'un  dévouement  remarquable. 

«  Les  pertes  éprouvées  par  les  marchands  d'Alais  sont 
inappréciables.  Malheureusement,  tous  les  magasins  sont  si- 
tués à  la  place  du  Marché,  ou  dans  la  Grand'Rue.  Le  blé, 
la  farine,  les  draps,  les  éloffes,  l'huile,  les  soies,  tout  était 
entraillé  par  le  courant.  (Juelques  négociants  n'ont  pu  sau- 
ver que  leur  portefeuille;  d'autres  ont  tout  perdu.  Les  inar- 
cliauds  de  nouveautés  n'ont  presque  pu  rien  conserver,  elce 
qui  leur  reste  est  três-détéiioré.  Les  droguistes  ont  perdu 
toutes  leurs  denrées;  les  sucres  se  sont  londus;  les  builei 
ont  coulé  dans  le  torrent.  Un  courtier  d'Alais  a  pu  en  re- 
cueillir huit  hectolitres  au-dessus  de  l'eau.  Un  droguiste  en 
avait  enfermé,  la  veille,  dans  ses  magasins,  trois  cents  hec- 
tiilitres,  qu'il  a  vu  suivre  les  eaux.  Les  horlogers  n'ont  pu 
sauver  que  quelques  objets;  l'un  d'eux,  dont  le  magasin  était 
lorl  bien  as.sorti,  n'a  n  trouvé  qu'une  (lendule. 

u  Linondatiou  a  duré  deux  heures,  et  le  lendemain  le  Gar- 
don était  rentré  dans  son  lit.  Hier,  un  l'aniait  passé  sur  une 
planche. 

tt  On  conçoit  dans  quelle  désolation  se  trouve  la  ville.  » 

Nécrologie.  —  La  science  etiiudusirie  viennent  de  faire 
une  perte  cruelle.  M.  Charles  Dcrosne,  de  la  maison  Charles 
Derosiie  et  Cail,  est  moil  l'ans  sa  soixanle-sepliême  année. 
Cet  habile  nianulaUuiiei  laisseia  des  souvenirs  dans  plus 
d'une  branche  d'iiuln>lrie.  Clnniislo  distingué,  il  a  puissam- 
ment contribué  au  de\eloppeiiieiil  de  la  sucrerie  indigène, 
lant  par  riulroduelioii  de  nombreux  perfeclioniienient.s'dans 
les  melhodes  de  labriealioii  que  par  la  con.^lrnelion  dts  ap- 
pareils économiques  à  l'aide  desi,uels  celle  indiislne  a  pris 
le  dévelopi  enieiil  qu'elle  a  acquis  aujourd'hui.  Plus  récem- 
meul,  .M.  lleniMie  a  apporté  un  concours  non  moins  ellicacc 
à  riuiliislrio  (les  cliemms  de  fer,  par  la  fondalion  des  vastes 
alelieis  de  la  .société  Ch.  Derosne  et  Cail,  à  Chaillol,  Grenelle 
el  Deiiain,  pour  la  fabricaliou  des  locomotives  el  des  machi- 
nes à  vapeur,  établissenienls  qui  l'ivaliseut  aujourd'hui,  pour 


II 


L'ILLUSTRATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


67 


I  l'importance  et  la  penection  des  produits,  avec  les  fabriques 
les  plus  estimées  d'Angleterre. — M.  le  vicomte  de  La  Peyrade, 
ancien  député  de  l'Hérault,  et  maire  de  Celle  sous  la  restau- 
ration, vient  également  de  mourir. 


Caurrier  d«  Part*. 

C'en  est  donc  fait,  et  les  beaux  jours  sont  passés.  Notre 
ciel  parisien  s'obscurcit  à  vue  d'œil  ;  n'entendez-vons  pas  le 
venl  quisiflle'/  Tout  pâlit  et  se  voile  autour  de  nous,  jusqu'à 
notre  beau  soleil,  si  superbe  bier  encore  et  si  éblouissant,  et 
qui  semble  nous  jeter  un  sourire,  triste  comme  le  dernier 
adieu  d'un  ami.  La  voilà  donc  venue  cette  pâle  automne,  tant 
célébrée  par  les  cbasseurs,  mais  maudite  par  les  élé^iaques, 
cette  saison  entre  deu.v  âges,  au  visage  double,  à  la  bouclie 
pcriide,  et  dont  la  main  avare  dispute  et  retire  à  nos  citadins 
le  peu  de  biens  qui  leur  restaient  ;  pour  eux  plus  de  parfums, 
car  il  n'y  a  plus  de  fleurs;  pour  eux  plus  d'ombrages,  tou- 
tes les  feuilles  se  détaclient  et  s'envolent  sur  le  souffle  de 
l'aulonme.  Où  sont,  je  vous  prie,  la  joie  et  les  distractions 
de  celte  saison'?  Toutes  les  autres  ont  leurs  plaisirs  et  leurs 
doux  tumuitts;  on  invoque  l'été,  on  attend  l'hiver,  on  désire 
le  printemps  :  qui  est-ce  qui  s'aviserait  de  soupirer  après 
l'automne?  C'est  un  hôte  de  passage,  un  visiteur  importun  ; 
ce  n'est  pas  le  chaud,  ce  n'est  pas  le  froid,  ni  le  jour,  ni  la 
nuit  ;  c'est  un  je  ne  sais  quoi  transitoire  et  négalil,  quelque 
chose  de  vague  et  de  plat  comme  tout  juste  milieu.  Koin  de 
l'autonme  ! 

Celte  inlluence  d'un  ciel  qui  s'éteint,  d'une  température 
anonyme  et  d'une  saison  sans  physionomie,  tout  la  subit:  les 
hommes,  les  choses,  les  faits,  les  événements,  tout  est  vague, 
incertain,  nébuleux  ;  on  ne  sait  que  faire  et  nous  ne  savons 
que  dire. 

Il  est  vrai  qu'octobre  prépare  des  fêtes,  il  aura  des  épitha- 
lamcs,  des  illuminations,  des  pompes  ofQcielles,  des  courses 
et  toutes  sortes  de  réouvertures.  Octobre,  en  effet,  est  le  mois 
réorganisateur  par  excellence,  et  la  besogne  ne  lui  manquera 
pas:  mais  si  octobre  est  actif,  en  revanche  septembre  n'est 
qu'un  fieffé  paresseux.  S'il  invenle  une  fête,  c'est  toujours  la 
même  :  la  fêle  de  Saint-Cloud.  Ses  cérémonies  ont  lout  l'im- 
prévu des  anniversaires,  et  il  est  très-fort  sur  le  chapitre  des 
créations  rétrospectives.  C'est  à  lui  qu'on  doit  principalement 
les  séances  d'académie,  les  congrès  scienlifiques ,  les  exposi- 
tions de  peinture,  de  sculpture,  d'arcbileclure  et  d'horticulture. 

Dois-je  faire  honneur  à  la  présente  quinzaine  de  la  réou- 
verlure  des  Italiens?  ce  n'est  peut-être  pas  une  grande  nou- 
veauté, mais  c'est  une  agréable  nouvelle.  Voilà  dix  ans  et  plus 
que  Paris  admire  les  divas  Persiani  et  Grisi,  voilà  vingt  ans 
iju'il  a  goùlé  cet  excellent  Lablache,  et  qu'il  entend  celte 
roulade,  ce  duo,  cette  cavaline.  Cependant  la  troupe  de  ces 
brillanis  rossignols  et  de  ces  délicieuses  fauvettes  est  rentrée 
dans  la  volière  Venladour  avec  accompagnement  de  bravi,  de 
bouqneLs  et  de  billets  de  banque,  c'est  tout  ce  que  nous  te- 
nions à  constater. 

Quelqu'un  a  dit,  et  ce  quelqu'un  c'est  vous,  c'est  moi, 
c'est  idut  le  monde,  que  la  musique  est  un  puissant  agent  de 
civilisation.  M.  le  nimislre  de  la  marine  l'a  compris  et  il  a 
décidé,  d'accord  avec  M.  le  miiiislre  de  la  guerre,  aulre  di- 
lellanle,  que  l'orcheslre  complet  d'un  régiment  de  ligne  se- 
rait envoyé  aux  lies  Maripiises  et  mis  à  la  disposition  de  la 
reine  Pomaré.  C'est  le  moyen  le  plus  sur  d'eiiirelenir  l'Iiar- 
monie  entre  elle  et  nous.  Reste  à  savoir  si  nos  voisins  de  l'ex- 
entente  cordiale  apprécieront  celle  teulalive  de  bon  accord 
par  voie  de  piopugande  musicale,  et  s'ils  ne  seront  pas  tentés 
de  troubler  le  concert,  auquel  cas  il  faudrait  dépêcher  dans 
ces  lointains  parages  un  aulre  orchestre  plus  bruyant  et  pré- 
luder à  une  aulre  danse. 

Un  nouveau  représentant  de  l'aristocratie  indo-chinoise, 
le  prince  Moham-Lall  s'est  montré  à  la  dernière  représenta- 
tion des  Huguenots,  mais  son  apparition  n'a  causé  qu'une 
très-légère  sensation.  Est-ce  que,  je  ne  dis  pas  les  prmces, 
mais  les  Chinois  commenceraient  à  passer  de  mode,  et  à 
quoi  allribuer  cette  indilTérenee?  Elèverait-on  quelque  doute 
sur  sa-  principauté,  ou  notre  public  se  serail-il  blasé  à  l'endroil 
des  visites  et  des  visiteurs  extraordinaires?  11  e.st  vrai  que  le 
train  de  ce  nouveau  Baboo  est  assez  modeste,  qu'on  ne  con- 
naît pas  le  chiffre  de  sa  fortune,  qu'il  ignore  lui-même.  Il  est 
vrai  encore  qu'il  n'a  pas  reproduit,  dans  les  salons  où  il  est 
admis,  le  grand  miracle  de  la  multiplication  des  cachemires, 
cl  (lue  la  poigHée  de  son  damas  est  destituée  de  toute  espèce 
de  bouchon  lié  carafe  sous  prétexte  de  diamant,  mais  il  est 
jeune,  il  est  b»au,  il  a  la  distinction  de  race,  la  force  et  la 
souple.s.-e  du  lirui  et  la  svellc  élégance  des  palmiers  de  son 
pays.  \  la  bonne  heure  !  Cependant  pour  cnni]uérir  les  hom- 
mages de  la  foule  et  s'assurer  la  vogue  d'une  semaine,  il  ne 
suflit  pas  qu'un  prince  soit  beau,  il  faut  encore  qu'on  le 
trouve  inagniliquc. 

Tout  à  l'heure,  nous  parlions  de  réouverture,  elle  est  gé- 
nérale pour  les  tliéàlres,  ils  oiïrcnt  un  aspect  réjouissant, 
que  de  dé.serts  l'automne  a  repeuplés,  en  dépit  des  landes  et 
de  l'aridité  de  cerlains  répertoires. 

Voici  par  exemple  le  Théàlre-Français  qui  vient  de  nous 
raconter  une  vieille  aventure  et  nous  a  incuitré  un  personnage 
que  nous  connaissons  de  longue  date  :  don  Guziivm,  lisez 
don  Juan,  cet  enfant  chéri  des  dames,  ce  lat  égorsle,  blasé 
comme  un  vieillard,  coureur  émérite  qui,  sous  lous  les  bal- 
cons du  inonde,  a  fait  depuis  un  lemps  immémorial  une  si 
prodigieuse  consominalion  d'échelles  de  corde  et  de  madri- 
g.iux,  de  coups  d'épéK  et  de  sérénades,  personnage  légère- 
ment f.iiilaslique.  malgré  sa  qualilé  avérée dehéros  de  boudoir 
et  qui  ne  brillerait  à  nos  yeux  que  d'un  reflet  assez  maus.Sijde 
s'il  n'i  iil  élé  chaulé  par  Slolière,  Mozart  el  Byron.  M.  Adrien 
de  Courctiles,  lauleur  de  la  nouvelle  comédie,  a  pris  i'Iii- 
dalgi  par  un  colé  moins  poétique,  el  son  danjunn  tourne  au 
Sganarelle,  il  a  des  prémisses  Iriomphaules  el  une  ciuiclusinn 
humiliante.  Une  comédie  de  cape  el  d'épée  qui  se  termine 
par  une  sérieuse  moralité,  vous  conviendrez  que  si  le  sujet 


semble  suranné,  l'interprétation  est  nouvelle  et  mérite  un 
bout  d'éclaircissement. 

D'abord  nous  retrouvons  le  don  Juan  de  la  tradition,  le 
séducteur  pur  sang  cl  andaloii,  la  mouslache  en  croc,  le 
poing  sur  la  hanche,  la  ra[>ière  au  colé,  bon  luron  néanmoins, 
s'il  laut  l'en  croire,  aimant  fort  à  plaisanlei-,  mais  souffrant 
difficilement  qu'on  le  plaisanle,  et  doux  seulement  vis-à-vis 
du  beau  sexe,  plus  hardi  qu'un  page  et  grand  cn|6leur;  s'il 
menrl...  eli!  bien,  qu'importe,  lout  sera  fini  pourGuzman, 
n'est-ce  pas  là  toute  la  morale  de  don  Juan  qui  ressemble 
si  fort  à  celle  de  Polichinelle? 

Avant  de  battre  le  pavé  à  Séville,  Guzmau  amusait  ses  loi- 
sirs dans  Madrid,  où  il  ne  connaissait  pas  d'disiacles.  Aussi, 
à  ses  heures  perdues,  séduisit-il  Lena,  une  jeune  fille  qu'il 
retrouve  mariée  dans  Séville,  et  mariée  à  un  alcade,  quelle 
occasion  pour  don  Juan  de  .se  reprendre  aux  beaux  yeux  de 
dona  Elvire,  et  pour  .Alinaviva  de  s'introduire  auprès  de  sa 
Rosine  sous  un  costume  de  fantaisie;  mais  pour  celle  fois 
l'enlèvemenl  n'aura  pas  lieu,  mons  Guzman  n'a-t-il  pas  frôlé 
tout  à  l'heure  la  basquiiie  d'une  certaine  soubrette,  Paquila, 
taille  cambrée,  yeux  éveillés,  fin  museau  el  fine  mouche.  11 
n'en  faut  pas  davantage,  alieu  Lena,  bonsoir  Rosine,  Barlho- 
lo  peut  dormir  en  paix,  Almaviva  a  trouvé  Suzanne,  c'est  le 
cas  d'évoquer  Figaro,  car  dans  celle  comédie  qui  est  un  peu 
la  comédie  de  tout  le  monde,  après  avoir  buliné  dans  Molière, 
le  moment  est  venu  de  tailler  eu  .plein  dans  Beaiiinarcbais. 
Ce  Spadillû  est  un  Figaro  moraliste,  qui  est  aimé  de  Pa- 
quila, si  bonne  connaisseuse  en  morale,  el  qui  met  la  sienne 
en  action.  Les  peccadilles  de  Guzmau  reccvronl  leur  juste 
chàliment,  Paquila  a  évenlé  ses  projels,  et  Spadillo  est  inté- 
ressé le  premieràce  qu'ils  échouent.  Quellepunition  infliger 
au  séducteur,  et  comment  brûler,  d'un  seul  coup  sur  son  front, 
tous  les  myrtes  dont  il  se  pare?  Veuillez  vous  rappeler  la  po- 
sition d'Almaviva  entre  Figaro  el  Suzanne,  ce  rendez-vous 
donné  à  la  camérisle  et  qu'elle  accepte,  el  le  comte  enfermé 
dans  le  cabinet  avec...  sa  femme.  Cette  vengeance  n'est  que 
piquante  ;  celle  que  subit  Guzman  tombe  dans  l'atroce.  Une 
duègne  allreuse,  un  monstre  septuagénaire ,  l'horreur  des 
Espagnes,  se  prèle  à  la  circonstance  et  mel  le  comble  à  la  le- 
çon. Dans  l'intérêt  des  mœurs,  la  justice  andalouse  vient 
constater  le  quiproquo,  et  divulguera  l'avenluie. 

Don  Guzman  ou  la  Journée  d'un  séducteur  est  l'ipuvre 
d'un  très-jeune  homme  qui  a  l'inexpérience  et  en  même 
temps  les  qualités  charmantes  de  son  âge,  l'entrain,  la  grâce, 
la  vive  saillie,  le  vers  bien  troussé,  l'inlerrlion  comique;  n'est- 
ce  rien  que  d'avoir  côtoyé  de  si  près  la  haute  comédie,  la  co- 
médie de  caractère,  et  entrevu  ce  dramatique  sujet,  la  mort 
de  don  Juan. 

Au  Vaudeville,  aulre  résurrection,  la  A'oui-elte  Hélom\ 
Hier  Clarisse,  l'autre  jour  Werther,  en  attendant  Manon  Les- 
caut, Ellenore,  Marianne,  Delphine,  le  ban  eU'arrière-ban  du 
roman.  Dans  ses  Confessions,  le  plus  vrai  des  romans  de  Jean- 
Jacques,  il  nous  apprend  à  quelles  émotions  il  cédait  en  écri- 
vant l'IIéloïse,  il  voyait  rassemblés  autour  de  lui  tous  les  êtres 
qui  avaient  occupé  sa  jeunesse,  les  demoiselles  Galley,  ma- 
dame Bazile,  ma  lame  de  Larna§e.  «  Je  me  vis,  poursuil-il, 
entouré  de  nies  anciennes  connaissances,  pour  qui  le  goût  le 
plus  vif  ne  m'était  pas  un  sentiment  nouveau.  Mon  sang 
.s'allume,  la  lête  me  tourne,  malgré  mes  cheveux  grison- 
nants ,  et  voilà  l'austère  Jean-Jacques,  à  quarante-cinq  ans, 
redevenu  tout  à  coup  le  berger  extravagant.  »  C'est  dans 
ces  di.sposilions  qu'il  jetle  sur  le  papier  quelques  lettres 
épaises,  sans  suite  et  sans  liaison,  il  n'a  aucun  plan  et  ne 
prévoit  pas  qu'il  pui.sse  jamais  en  faire  un  ouvrage  en  règle. 
Puis,  chemin  faisant,  les  spéculations  du  philosophe  em- 
piètent sur  les  rêveries  du  romancier  ;  toutes  ces  larmes 
brûlantes  que  Rousseau  a  tirées  de  son  cœur  se  figent 
bientôt  dans  une  Uicse  insoutenable,  et  le  voilà  tombé  des 
hauteurs  de  la  passion  dans  les  bas  fonds  de  la  déclamation 
et  du  paradoxe.  Que  d'animation  dans  ces  pages,  quelle 
éloquence  impétueuse  dans  l'expression  des  sentiments,  mais 

Quelle  vulgarité  de  faits  et  d'incidents,  el  comment  le  Vaii— 
eville  a-t-il  pu  s'imaginer  qu'il  trouverait  là-dedans  un  pré- 
texte quelconque  à  un  arrangement  dramatique?  Triste  jus- 
tice à  rendre  aux  auteurs  (parmi  lesquels  se  trouve,  dit-on, 
un  académicien),  ils  ont  suivi  le  roman  pas  à  pas  ;  ils  ont  dé- 
pouillé le  livre  el  l'ont  mis  à  nu,  pour  n'en  montrer  que  la 
charpente  boiteuse  el  le  triste  squelette.  En  vérité,  c'est  pi- 
tié de  voir  l'étalage  de  lieux  communs  el  de  scènes  triviales, 
qui  nous  est  fait  sous  prétexte  d'amour,  d'innocence  et  de 
haine  des  préjugés;  Saint-Preux  agit  d'abord  en  séducteur 
vulgaire;  il  écrit  des  billets  doux,  il  les  glisse  en  secret,  il  en 
cache  dans  lous  les  coins,  et  d'abord  aussi  Julie  le  reçoit  en 
fille  bien  élevée,  avec  desreproches  el  des  représentations; 
puis  Saint-Preux  menace  de  se  tuer,  el  Julie  s'attendrit  visi- 
hlemenl;  lermonné  par  lord  Edouard  et  chassé  par  le  baron 
d'Elange,  il  rentre  en  Irioiiipbe  par  je  ne  sais  quelle  porte 
laissée  enlr'ouverte  ;  au  second  acte  milord  provoque  le  .5^- 
ductrur  et  retire  aussitôt  sa  provocalitm  sur  une  confidence 
de  Julie,  el  ce  n'est  pas  ici  comme  dans  le  roman,  où  Julie 
motive  sa  faute  éloquemmc ni  et  fait  honneur  à  sa  raison  de 
l'éclat  même  de  sa  chute;  le  drame  ne  s'accommoderait  pas 
de  ces  adoucissements  qui  langiii.ssent,  il  faut  aller  au  fait, 
el  il  V  va,  vous  voyez  par  quel  chemin,  celui  des  aveux  im- 
possiLles,  des  violences  inexplicables,  et  au  prix  de  tfuiles 
les  invraisemblances.  Aussi  ne  saurais- je  vous  dire  comment 
ni  pourquoi  milord  devient  l'ami  le  plus  dévoué  de  Saint- 
Preux,  à  ce  point  de  lui  offrir  la  moitié  de  sa  fortune  pour 
enlever  Julie,  mais  le  baron  ne  leur  laisse  pas  cette  ressource 
el  Julie  devient  l'épouse  de  Wolinar.  Cinq  ans  d'enir'acle  nous 
onlséparédecelévénenicnl,  el  l'onaimeà  croire  que  madame 
deWo'mara  perdu  le  souvenir  de  sa  triste  aventure,  lor^qlIe 
Sainl- Preux  reparaît  loul  à  coup  poursuivi  par  un  songe  comme 
feu  Danaiis,  il  a  vu  Julie  morte  ..en  rêve.  Il  l'aimetoujours.  et 
à  la  manière  des  grands  rêveurs  el  des  amoureux, ceségoï^les 
trop  célébrés,  il  ne  re\  lent  que  pour  la  persécuter.  «Vous  allez 
me  suivre,  lui  dit-il.  —  Mais  mon  mari,  mon  fils,  ma  répu- 
iTlion!  11  A  celle  triple  objection,  Sainl-Preu.x  nul  l'épén  A  la 


main  pour  quelque  massacre  des  innocents,  il  va  commen" 
cer  par  l'e.xcellent  Volmar,  lorsqu'un  cri  retentit,  l'enfant  (Ir 
Julie  vient  de  se  laisser  choir  dans  le  lac.  Une  femme  qui 
devient  Iremblanle,  dont  le  visage  pâlit  et  dont  les  traits  se 
bouleversent,  qui  s'agenouille,  qui  porte  la  main  à  son  front 
avec  un  geste  horrible,  qui  veut  crier  el  ne  trouve  point  de 
cris,  qui  veut  pleurer  et  n'a  plus  de  larmes,  une  mère  qui  se 
lamente,  se  roule  à  terre,  que  la  douleur  abat  el  brise  enfin 
et  que  l'on  relève  folle,  ce  spectacle,  disons-nous,  ne  man- 
que jamais  de  réveiller  l'intérêt  et  d'exciter  l'émotion  pour 
peu  que  le  talent  sache  interpréter  cl  faire  valoir  ce  trouble, 
ces  cris,  celle  émotion,  celle  folie  et  ce  désespoir  ;  aussi  le 
drame  s'esl-il  relevé  loul  à  coup  .au  moinenl  décisil,  grâce 
à  rexcellenle  aclricequia  su  prêter  àcelte  agoniedes  accents 
d'une  vérité  el  d'un  pathétique  déchirants.  Faut-il  ajouter 
que  Saint-Preux  a  sauvé  l'enfant  pendant  que  madame  Al- 
bert sauvait  la  pièce  ? 

Des  tableaux  vivants,  des  statues  animées,  Galatée  descen- 
due de  son  piédestal,  Vénussorlant  des  ondes  en  maillot,  les 
dieux  de  l'Olympe  antique  dans  toute  leur  splendeur  dia- 
phane, le  jugement  de  Paris,  les  syrènes  el  les  bacchantes, 
ornées  d'une  ceinture  légère,  lel  est  le  spectacle  que  le  tliéà- 
tie  de  la  Porle-Sainl-Marlin  présenlail  jeudi  à  ses  habitués. 
Celle  exhibition  n'est  pas  sans  charme,  et  tous  ces  posants 
britanniques,  hommes  ellemmes,  nous  ont  paru  aussi  reniar- 

3iiables  par  la  beauté  des  formes  que  par  la  grâce  des  allilu- 
es.  Diderot  disait  :  Ce  n'est  pas  le  nu  qui  est  indécent,  mais 
bien  le  retroussé  ;  à  ce  comple-là,  il  faudrait  être  bien  limoié 
pour  trouver,  dans  ces  académies,  cerlains  détails  Iroppeu  ga- 
zés. L'ensemble  de  ces  tableaux  mouvants  a  pour  cadre  une 
action  scénique,  où  figure  Giollo  endormi  el  de  petits  lulius 
très-éveillés,  aux  tuniques  rosesel  aux  ailes  d'argent. 

Mais  une  nouveauté  ou  une  nouvelle  dramatique  plus  ex- 
traordinaire assurément  que  les  précédentes,  c'est  la  retraite 
de  mademoiselle  Racliel.  Celle  détermination  ne  laisse  pas 
d'avoir  son  côté  tragique  pour  le  Théâtre-Français,  el  Ion 
ne  sait  s'il  faut  l'attribuer  à  un  caprice  ou  au  dépit.  Cepen- 
dant une  reine  qui  abdique,  et  qui,  répudiant  son  rang  et  sa 
grandeur,  rentre  el  va  se  perdre  dans  la  foule,  perdant  aussi 
une  liste  civile  de  cinquante  mille  francs,  le  fait  est  assez  bi- 
zarre pour  qu'on  s'obstine  à  le  révoquer  en  doute  et,  pour  être 
vrai,  il  n'en  demeure  pas  moins  invraisemblable.  Messieurs 
les  sociétaires  seraient,  dit-on,  encore  loul  étourdis  du  coup 
qui  a  lout  l'air  d'être,  pour  eux,  le  coup  de  grftce.  Fière  Ca- 
mille, c'est  une  terrible  imprécation  que  vous  leur  jetez 
avec  cet  adieu,  et  devaient-ils,  6  llermione,  s'attendre  à  ces 
fureurs.  Mais  enfin  quel  est  leur  crime? 

Pourquoi  les  immoler?  De  quel  droit'?  à  quel  tilie? 
On  vous  accablait  de  lettres  el  d'obsessions,  on  déplorait 
cet  éloignement  dont  le  public  s'inriuièle  et  ce  silence  dont 
gémissent  vos  admirateurs,  on  a  eu  le  tort  enfin  de  suspecter 
cessoiiïrauces  que  vous  alléguez  el  de  demander  à  la  hiculic 
une  constatation  de  cet  élnt  auquel  se  rattachent  tant  d'in- 
térêts. Voilà  tous  vos  griefs,  rien  de  moins,  rien  de  plus,  de 
l'aveu  même  de  vos  amis,  car  on  ne  dit  plus  et  l'on  n'iiurait 
jamais  dû  dire  peut-être  que  le  comité  songeât  à  provoquer 
une  décision  mini,stérielle  qui  suspendit  vos  rippoint'Muenls. 
On  n'use  de  ces  remèdes  violents  qu'à  toute  e.vliéniilé ,  el 
nous  n'eu  sommes  pas  là,  el  vous  aurez  beau  dire  ciuiiine  la 
mourante  Phèdre  : 

Je  ne  me  soutiens  plus,  ma  force  m'abandonne, 
ni  la  Fac'ilté,  ni  le  public,  ni  la  Comédie,  ne  veulent  déses- 
pérer de  votre  guérison  et  de  votre  retour. 


lies  Foyers  des  ncleiire  dans  leH  tliéAtreM 
de  Pariw. 


LE  FOYER   DU    rHÊATHE   I>1     l'ALAIS-ROYAL. 

On  écrirait  plus  d'un  volume  sur  l'histoire  des  vicissitu- 
des subies  par  le  théâtre  du  Palais-Royal,  autrefois  salle  des 
I}eaujolais,  et  reconslruil  en  ITilU  par  la  célèbre  el  infatiga- 
ble Monlansier.  Avant  son  règne,  car  c'en  fut  un  véiilable, 
des  acteurs  de  bois  défrayèrent  longtemps  la  salle  des  Beau- 
jolais, cl  firent  la  fortune  de  leur  directeur,  qui  n'avait  ja- 
mais à  craindre,  de  la  part  de  ses  pensionnaires,  ni  les  jalou- 
sies, ni  les  indispositions  de  commande. 

Enfin  nninel  parut!... 
De  celle  époque  date  une  ère  de  prospérité  dont  on  a  vu  peu 
d'exemples  dans  les  annales  dramatiques.  Tout  Paris  courail 
en  foule  aux  spirituelles  bêtises  du  roi  de  la  farce.  Ses  succès 
tarirent  la  cais.se  de  messieurs  les  comédiens,  ses  ombrageux 
voisins,  et  ce  brave  Bruiiel,  succombant  enfin  sous  leurs  in- 
trigues quotidiennes,  expia  sa  g'oireparj'exil.  Laissons  Brii- 
net  se  consoler  ampleineiu  au  théâtre  des  Variétés,  où  sa  re- 
nommée s'accrut  chaque  jour  davantage,  et  revenons  à  la 
scène  d'où  l'envie  se  tenaii  heureuse  de  l'avoir  chassé. 

Que  devint  le  théâtre  Monlansier? 

Il  fut  accaparé  par  un  fameux  danseur  de  corde,  nommé 
Forioso;  ses  exercices  sur  la  corde  roide  passaient  pour  le 
nec  plus  ultra  du  genre,  el  bon  nombre  d  amateurs  y  ve- 
naient assister  l'd'ii  l'bahi  el  la  bouche  tiéaiite.  Mais  il  était 
écrit  que  la  jalou.sie  devait  prendre  à  lâche  dese  faufiler  dans 
la  salle  du  Palais-Royal,  cl  Forioso  se  vil  surpassé  bientôt 
par  les  frères  Ravel,  dont  il  avail  accepté  el  méprisé  le  déli. 
Pour  surcroit  de  douleur,  maître  Forioso  inspira  une  jiassioii 
violente  à  mademoiselle  Monlansitr,  âgée  alors  de  soixanle- 
dix-huitans,  cl  prouva  aux  générations  futures,  en  épousant 
celle  amoureuse  surannée,  qu'il  n'est  pas  sans  danger,  pour 
un  bel  homnre,  de  s'habiller  d'un  maillot  cnuleiir  de  chair, 
el  que  lout  danseur  de  corde,  un  peu  raisonnable,  de*  a  II  lais- 
ser, à  propos,  échapper  son  balancier,  afin  d'aMiir  la  cliain  e 
de  se  casser  le  cou,  plutôt  que  de  finir  par  le  saut  périlhiix 
d'un  MMiiage  ocloiHiaiie. 


08 


L'ILLLSTKATION,  JOURNAL  UNIVERSEL. 


iiéiii  sois-tu  pourtant,  infoituné  Forioso  !  car  c'est  îi  la  rn- 
liailo,  q\ic  nous  (levons,  sur  l'ancienne  scène  de  Brunet,  la 
réapparilioii  des  joyeux  vaudevilles  !  Il  est  vrai  que  l'autorité 
du  teuips  cul  peur'des  nouvelles  récriminations  de  la  Comé- 
die-Française, et  ne  permit  que  des  pièces  il  deux  personna- 
ges; mais  Martainvil  e  suppléa  i'i  la  quanlilé  par  la  qualité, 
et  il  ne  falliil  lirn  inniiis  que  les  graves  événements  de  l'em- 
pire pour  laiir  ii'idiiilier  daus  le  néant  ce  petit  théâtre,  qui 
eut  la  courlnisir  de  nidiuir  momentanément  en  même  temps 
que  celli'  nui  lavait  liàli. 

iléliis  !  cent  l'ois  liélas!  quand  il  fit  sa  réouverture,  il  était 
livré  aux  liêlesl 

N'all</.  pis  croire  que  nous  voulions  parler  des  vaudevil- 
lisli«  lie  l'empire! 

C'était  une  troupe  de  bêtes  véritables,  une  troupe  decliiens 
plus  ou  moins  savants,  qui  exploitait  la  curiosité  des  bons 
Parisiens.  Caniches,  lévriers,  épagneuls  et  barbets  peuvent 
se  liatter  d'avoir  fait  beaucoup  de  bruit  dans  le  monde  Ihéà- 
tral  ;  ces  intéressants  animaux  eurent  cela  de  bon,  dans  le 
cours  de  leurs  représentations,  qu'ils  furent  à  l'abri  de  l'effet 
moral  produit  d'ordinaire  par  les  sons  aigus  du  sifflet  :  quel- 
que spectateur  mal  avisé  se  permettait-il  l'exercice  incivil  de 
la  clef,  on  supposait  charitablement  que  son  maître,  placé 
dans  la  salle,  faisaithson  chien,  qu'il  avait  prêté,  le  signe  de 
reconnaissance  ou  d'appel,  et  il  ne  venait  à  l'idée  de  per- 
sonne de  donner  une  couleur  d'hostilité  à  cette  discordante 
manifestation.  De  là  est  venue  l'origine  de  cette  expression  : 
appeler  Azo>-,  expression  qui  s'applique  à  toute  pièce  tombée. 


Le  public  siflle;  il  appelle  .4  zor.' Ce  pauvre  Azor  n'est  appelé, 
de  nos  jours,  que  trop  souvent!  Heureux  l'auteur  en  laveur 
duquel  on  le  laisse  dormir  dans  sa  niche  ! 

Lorsque  la  société  des  chiens  savants  ne  trouva  plus  d'os  à 
ronger  dans  la  capitale,  et  que,  se  voyant  aux  abois,  elle  se 
décida  à  se  ruer  sur  la  jirovince,  le  théâtre  Montansier  subit 
une  quatrième  métamorphose,  et  devint  un  élégant  café.  On 
y  distribuait,  à  un  prix  iissi'Z  (levé,  île  la  bière,  deséchau'Jés 
et  des  t;laces,  mais  les  pières  qu'un  y  ilomiail  par-dessus  le 
mari  hé  l'Iaicnl  lieiniioup  (dus dilliciles  à  avaler.  Nous  ne  sui- 
vrons pas  rel  liisliirique  au  milieu  desorages  de  tous  les  par- 
tis (pli  vcnaienl  poindre  et  gronder  silencieusement  autour 
des  limonadi's  ihi  eafé-speclacle,  pour  aller  éclater  ensuite 
dans  de  pins  v;rh'^  iiirm-s;  et  nousnous  rappellerons  seule- 
ment la  réviiliih !■■  inillel,  qui  nous  rendit  ce  théâtre  dans 

des  coiidilions  ilirmh's  .•!  ronveiiahles. 

L'ouverlnn-  liil  Iomi  Ii^  t;  |iiin  LS-'il,  sous  la  direction  de 
M.Contat-Dcslnnlaines,ilitl>>rnii'iiil,rldeM.CIiarle5Poirson, 
frère  de  M.  Dcli'slie-l'uii  son  (I),  alors  directeur  du  Gymnase. 
M.  Guerchy,  architecte  d'une  grande  habileté,  fut  chargé  de 
reconstruire  la  salle,  dont  il  tira  tout  le  parti  possible  en  rai- 
son de  sa  petite  étendue;  et  M.  Dormenil,  une  fois  en  pos- 
session de  son  privilège,  choisit  en  qualité  de  régisseur-gé- 
néral, M.  Coupart,  homme  de  lettres  distingué,  ancien  chef 
de  bureau  des  théâtres  au  ministère  de  l'intérieur. 

(I)  M.  Cil.  Poirson  vient  d'être  remplacé  par  M.  Benou,  hom- 
me d'esprit  et  d'une  intelligence  éprouvée. 


Le  foyer  du  Palais-Royal,  où  circulent  tant  de  noms  si 
chers  aux  amis  de  la  franche  gaieté,  ne  se  distingue  ni  par 
son  étendue,  ni  par  son  luxe:  c'est  une  petite  pièce  d'attente 
meublée  et  décorée  avec  une  grande  simplicité.  Deux  ban- 
quettes-divans pour  les  acteurs,  une  armoire  pour  les  manu- 
scrits et  les  partitions  du  jour,  une  horloge,  un  poêle  et  un 
tableau  indiquant  les  répétitions,  voilà  à  peu  près  tout  ce  dont 
il  se  compose.  (Juand  je  dis  tout...  n'oublions  pas  son  plus 
bel  ornement!  Nous  voulons  parler  de  sa  fenêtre,  qui  donne 
sur  le  jardin  du  Palais-Kuyal  :  cette  jolie  vue  a  bien  son  prix, 
et  ces  messieurs  et  ces  dames  ne  sont  pas  fâchés,  après  s  être 
promenés  sous  leurs  bosquets  de  toile,  de  récréer  leurs  yeux 
sur  des  feuillages  comme  il  n'en  sortira  jamais  du  pinceau  de 
nus  plus  ingénieux  décorateurs. 

D'abord  voici  Sainville  qui  vient  d'être  bafoué  par  une 
femme  coquette,  et  ruiné  par  un  neveu  libertin...  Il  a  rid'a- 
bord  de  son  rire  si  communicatif,  mais  il  a  compris  qu'on  le 
niyslihait...,  et  soudain  il  vous  arrive  la  figure  enluminée,  la 
perruque  de  travers  et  la  canne  encore  brandissante... 
mais  toute  cette  grande  colère  s'abat ,  et  vous  retrouvez  a'i 
foyer  un  Sainville  cordial,  bonhomme,  et  spirituellement  ja- 
seur.  Encore  un  peu,  et  le  voilà  qui  va  entamer  avec  Alcide 
Tousez  une  question  philosophique  et  morale  !  Passe  encore 
pour  Sainville,  qui  joue  souvent  des  raisonneurs!  mais  toi... 
mais  toi,  ô  Alcide  Tousez!  Où  as-tu  été  chercher  cesang-froiiî 
fantastique  que  tu  sais  garder  en  nous  débitant  toutes  les  fo- 
lies, toutes  tes  extravagances?  qui  t'a  fourni,  malheureux,  le 
modèle  de  cette  bêtise  prétentieuse  que  tu  exprimes  à  déscs- 


LE   FOYER   DES  ACTEURS  DU   THÉÂTRE   DU   PALAIS-ROVAL. 


Mlle  Davereer.  Leniônil 

Mlle  Scrlvaneck,  Kalekaire. 

Mme  Grassot. 


pérer  la  mémoire  du  frère  de  Piron?  où  as-tu  pris  tes  yeux, 
ton  nez,  ta  bouche  et  ta  ligne  faciale?  et  surtout  où  as-tu  pris 
ta  voix  si  admirablement  niaise? 

N'est-ce  pas  Grassot  que  je  viens  d'entendre?  il  lui  ap- 
partient bien  vraiment  de  se  faire  ici  l'avocat  de  son  cama- 
rade Alcide  Tousez!  heureusement  pour  lui  qu'il  a  toujours 
de  joyeuses  anecdotes  à  nous  raconter,  et  qu'il  imprime  à 
.ses  divers  personnages  les  caractères  originaux  qu'il  dépeint 
et  comprend  si  bien.  Grassot  est  venu  au  monde  tout  exprès 
pour  représenter  les  portiers ,  les  aubergistes  fripons,  les 
lions  septuagénaires,  et  les  marquis  de  Carabas. 

Le  couple  Leménil  vient  ensuite  faire  son  apparition.  Ma- 
dame Leménil,  actrice  pleine  d'entrain  et  d'originalité,  Le- 
ménil, comédien  consommé,  disant  bien,  soigneux  et  con- 
sciencieux. Puis  Ravel,  le  comique  par  excellence,  excen- 
trique, original  et  fantasque.  Près  de  Ravel,  vient  s'asseoir 
Germain,  l'amoureux  de  la  troupe,  qui  s'indigne  en  chevalier 
courtois  des  prétentions  d'un  rival  ridicule,  et  endort  les 
papas  d'une  manière  assez  piquante. 

Le  rival  ridicule  ci-dessus  est,  le  plus  habituellement,  in- 
terprété par  Lhéritier,  homme  d'esprit  à  la  scène  et  à  Ut 
ville,  comme  disent  les  bourgeois,  et  qui  imite  à  merveille 
les  exagérations  de  la  mode,  et  se  compose  comiquemeut 
une  dégaine  pileuse   et  ilésappnintée.   Mais  qnni!    ii'esl-ce 

donc  pas  l.eviissur  qui  lient  en  clirl  cl  sans  paila^e   1' pliii 

des  siiii|iir,inls  (•(•iiiKliiils?  suit  1  L.'ViisMir  s'en  arqiiillp  asei- 
la  drùleiie  i-t  rinl.'llineiii'e  qu'on  lui  eoiiiiail;  mais  sa  s|i.'i-ia- 
lilése  rallaelie  de  piéliTcnee  aii\  heanx-lils  vaporeux  el  piii- 
trinaii-es;  I  érole  idiuautiqne  a  naluralisé  ees  ineoinpris  lar- 
moyants qui'riio'nme-cliansonnette  a  passés  en  détail  an  ta- 
mis Je  l'observation,  lit  pourquoi  ne  se  serait-il  pas  donné  ertle 


peine?  Ne  voyons-nous  pas  aujourd'hui  une  pépinière  d'in- 
téressants jouvenceaux  qui  s'étudient  aux  amours  dolentes  et 
maladives  pour  impressionner  plus  vivement  le  cœur  sensi- 
ble de  nos  naïves  demoiselles  ?  il  est  établi  désormais  qu'on 
se  fait  poitrinaire,  comme  on  devient  avoué  ou  médecin  :  c'est 
un  état,  une  position  sociale.  Au  surplus,  Levassor  excelle 
dans  celte  composition,  langoureusement  joviale,  comme 
dans  tous  les  genres  de  travestissements  qui  lui  sont  conhés. 
C'est  une  espèce  de  caméléon  qui  changerait  à  vue  dix  fois, 
dans  une  pièce  en  un  acte  qui  ne  durerait  qu'une  demi- 
heure.  11  ne  laudrait  pas  le  défier  de  se  façonner  au  bon  ton 
de  son  camarade  Derval,  et  de  porter  l'Iiabit  à  la  française 
tout  aussi  noblement  que  lui.  Et  pourtant,  Derval  est  le 
grand  seigneur  de  la  troupe.  Le  Théâtre-Français,  dans  le 
voisinage  duquel  il  joue,  semble  avoir  laissé  tomber  sur  lui 
le  germe  de  ses  meilleures  traditions;  plein  de  morgue  et 
d'orgueil  au  besoin,  il  sait  comment  un  marquis  régence 
doit  terrifier  son  inonde  d'un  seul  regard,  et  s'assouplit  avec 
grâce  au  laisser-aller  du  courtisan  efféminé  et  libertin.  Ar- 
tiste scrupuleux,  et  loyal  camarade  à  la  scène,  Derval  est,  à 
la  ville,  un  huniiiir  il'nïi  esprit  délicat  et  de  bonne  compagnie. 
l\leiiii(iiiiinns  l.iiijuel,  I  iimr'dieii  d'une  bonne  école,  jouant 
la  liiiiilTiMuiii  II'  ri  !,■  sciilinirnt  avec  un  égal  succès;  puis  La- 
niiiii  lère,  Kallrkaiie,  le  jeune  Berger,  qui  fait  tous  les  jours 

Mais  Miyiv.  ilniie?  dans  le  jardin  du  Palais-Royal,  depuis 
le  lali'  dn  l'ciroii,  jiisipie  sous  la  fenêtre,  que  de  nez  au 
vent,  el  que  de  hiinieles  en  jeu  !  Allons,  belle  Nathalie,  soyez 
bonne  pensioiniaire,  et  dans  l'inlérél  de  voire  directeur, 
n'obstruez  pas  l'eulrée  de  son  théâtre,  venez  vous  asseoir  là, 
près  de  nous,  dans  ce  petit  foyer. 


Mademoiselle  Scrivaneck  est  une  jeune  et  charmante  ac- 
trice, aux  yeux  malins  et  provoquants.  Elle  a  pris  avec  beau- 
coup de  succès  le  répertoire  de  Déjazet.  Mademoiselle  Ju- 
liette, à  la  physionomie  piquante,  n'a  plus  qu'un  pas  à  faire 
pour  être  sur  le  même  rang  que  sa  mère  occupait  au  théâtre 
des  Variétés. 

Madame  Berger,  femme  distinguée,  ayant  de  la  comîdie 
dans  la  tête,  mademoiselle  Charlotte  Diipuis,  la  jolie  made- 
moiselle Lambert,  luademoiselle  Durand,  madame  Grassot, 
madame  Ravel,  mademoiselle  Aline  Duval,  madame  Moutin, 
excellente  duègne,  complètent  l'ensemble  de  la  troupe  du 
Palais-Royal. 

Quant  aux  auteurs  qu'on  voit  habituellement  circuler  dans 
le  foyer  et  dans  les  /Kirlanls  du  théâtre  du  Palais-Royal,  ce 
sont  MM.  Bayard  d'ahord,  qui  a,  de  même  qu'au  théâtre  des 
Variétés,  proiuisiles  pièces  au  direcleuret  ne  les  lui  donne  pas. 

Puis  viennent  les  auteurs  qui  ne  sortent  jamais  seuls,  qui 
travaillent  à  deux,  qui  se  promènent  lialiiluolleiiiciilp,ir  pai- 
res, qui  se  pioilnisent,  par  couple,  eomme  les  alexandrins 
classiques,  MM.  Mélesville  et  Carinoiiehe.  MM.  \arin  et  Paul 
de  Koek,  MM.  Ouvert  et  Lauzauue,  MM,  Diquuly  et  Gabriel, 
MM.  Labiche  et  Leiranc,  MM.  Villeneuve  et  Masson.  elc. 

Nous  devons  ajouter  pour  finir,  que  le  l'alais-Royal  est  un 
des  théâtres  où  les  portes  sont  le  plus  l'aeilement  ouvertes 
aux  jciinesaiiUins.  M.\l.  Dnrnieiiil  ri  Briioii  u'untpas  ce  pré- 
jugé des  iKUiis  sur  l'ariiilie;  ils  ne  jugent  pas  de  la  bonté  des 
pièces  par  l'auteur,  mais  par  la  pièce  elle-même.  C'est  d'un 
grand  sens,  car  en  même  temps  qu'ils  encouragent  les  coni- 
inençaiils,  ils  stimulent  ceux  qu'on  appelle,  en  argot  drama- 
tique, /l's  auteurs  aniiès. 

{La  mile  à  un  prochain  numéro.) 


L'ILLUSTUATION,  JOUUNAL  LNIVEHSEL. 


Ci 


La  peinture  sur  verre,  cette  mosaïque  trans- 
parente inconnue  à  la  civilisation  antique,  et 
cependant  d'un  elîet  si  riche  et  si  bien  en  har- 
monie avecies mystères  du  culte,  tend  de  jour 
en  jour  à  prendre  en  France  un  accroissement 
motivé  par  la  restauration  des  verrières  échap- 
nées  à  la  destruction  iconoclaste  de  la  révo- 
lution et  par  l'exécution  de  vitraux  nouveaux 
dont  les  fabriques,  et  même  les  particuliers 
entreprennent  de  doter  les  églises  anciennes 
si  celles  de  construction  récente. 

Outre  les  manufactures  de  Sèvres  et  de 
Ciioisy,  où  s'exécutent  de  grands  travaux  de 
peinture  sur  verre,  diverses  maisons  parti- 
culières, parmi  lesjuelles  nous  devons  citer 
celles  qui  sont  dirigéespar  MM.  Mortelèque, 
Udiard,  Laurent,  Karl  Hauder,  etc.,  se  sont 
formées  pour  exploiter  cette  fabrication  an 
p  lint  de  vue  spécial  de  rornementation  de 
lins  éiitices  religieux  et  de  nos  liabilations 
privées. 

Dans  celte  voie  nouvelle  que  l'inJustrie  lenr 
ouvrait,  quelques  artistes  se  sont  empressés 
d'entrer  avec  le  désir  de  faire  refleurir  un  art 
qui  a  illustré  en  France  les  noms  de  Bcrnaid 
Halissy,  Jean  Cousin,  Pierre  Tâcheron,  Linard, 
Bazin,  Robert  Pinaigrier,  etc.  Déjà  l' Ilhixl ra- 
tion a  signalé  les  productions  de  ce  genre  dues 
au  talent  de  MM.  Maréchal,  Forget  et  Auguste 
Galimard  ;  c'est  encore  le  nom  de  ce  dernier 
que  nous  allons  citer  à  l'occasion  d'un  vitrail 
nii'il  vient  d'exposer  dans  l'église  de  Saint- 
Rocli. 

Ce  vitrail  fait  partie  d'une  série  de  verrières 
composées  par  M.  Galimard  pour  la  décoration 
géii  irale  d'une  église  nouvellement  construite 
dans  le  style  ogival  à  Bieliémont,  près  de  Tours, 
sous  l'invocation  de  sainte  Madeleuie. 

Celle  décoration  se  composera  de  cinq  su- 
jets, trois  pour  l'abside,  qui  représenteront  la 
Madeleine  au  pied  du  Christ  en  croix,  la  Vierge 
douloureuse  et  saint  Jean  ;  et  deux  pour  le 
transsept,  savoir  :  saint  Martin,évèque  de  Tours, 
et,  le  vitrail  actuellement  exposé,  la  Vierge 
dans  sa  yloire. 

Tout  en  adoptant  le  style  rayonnant  du 
quinzième  siècle,  en  restant  dans  les  coiidi- 
lioas  essentielles  aux  verrières,  et  en  subor- 
donnant SCS  compositions  aux  exigences  du 
catholicisme,  M.  Galimard  a  su  faire  concou- 
rir chacune  d'elles  il  la  forinalion  d'un  tout 
indivisible,  indispensable  à  l'effet  général  de 
loulc  décoration  monumentale. 

Dans  le  vitrail  exposé,  sous  une  architecture 
couronnée  d'un  dais  de  clorhelonsen  grisaille 
se  détachant  sur  un  ciel  d'azur,  et  au  milieu 


Expositioti  «i'iiii  litrail  dnus  k'église    lie  Saiut-Koeli. 


d'une  tenture  de  damas  veil  qui  décure  l'in- 
téiieurde  l'archiloclnre,  l'artiste  a  re|iiéseuté, 
enloiiiée  d'anges  puiteurs  de  philactoies  avec 
inscriptions  laudatives,  la  Vierge  tenant  l'en- 
fant-dieu  entre  ses  bras;  cette  ligure,  dont  les 
proportions  élégantes  «ont  empruntées  aux 
modèles  que  nous  oITrent  les  belles  époques  de 
l'art,  estd'uno  grande  et  noble  tournure,  quoi- 
que d'une  pose  simple  et  nalurelle  ;  elle  est 
vêtue  d'une  tunique  rouge  et  d'un  manteau 
bleu  doublé  de  damas  d'or,  couleurs  simples 
consacrées  par  la  lithurgie,  qui  réserve  les 
couleurs  binaires  aux  objets  accessoires  de  la 
décoration. 

Sans  chercher  à  mettre  .'i  profil  loutes  les 
ressources  de  l'art  moderne,  M.  Galimard  a 
ciim|iosé  et  colorié  ses  cartons  de  manière  à 
Cl'  i|ue  MM.  Lauret  et  C",  chargés  seuls  de 
l'e\éculicinin,ili'riell(',qui  fait  grand  bonneurà 
l'haliilelé  de  Ifuis  pinceaux  cl  de  leurs  procé- 
dés chimiques,  ne  s'écai  lassent  pas  doserre- 
ini'Uls  de  nos  vieux  peintres  verrii'i's,  qui  con- 
sistaient à  choisir  et  tailler  sur  les  cartons  des 
morceaux  de  verre  teints  en  pièce,  sur  les- 
quels on  peint,  avec  des  couleurs  métalliques 
et  vitriliables  les  conlourset  lestiails  des  par- 
lies  nues,  les  plis  des  draperies  et  les  détails 
des  ornements;  les  parties  lumineuses  ettrans- 
parentes  s'obtiennent  par  un  travail  de  pointe 
ou  de  pinceaux  secs  et  rudes  qui,  en  enlevant 
la  demi-teinte  superposée,  laisse  à  nu  le  verre 
colorié  en  pièce,  et  donne  ainsi  p^s'age  à  une 
lumière  douce  ou  vive,  fine  ou  incisive  selon 
les  besoins  de  l'etfetà  produire;  ces  dilTérentes 
pièces  de  verre  sont  ensuile  assemblées  au 
moyen  d'un  sertissage  en  plomb  qui  suit  les 
contours  des  ligures,  des  draperies  et  des  or- 
nements, et  qui  sert  ii  en  accuser  solidement 
les  ombres  les  plus  vigoureuses. 

Cette  manière  de  procéder  nous  paraît  la 
seule  bonne  au  point  de  vue  des  grands  vi- 
traux d'église,  et  grâce  à  l'exposition  ijue  ft- 
roul  (lu  ri  an  Hi)  octobre  dans  leurs  ateliers  de 
la  rue  Monlnuuire,  n.  IGO,  MM.  Karl 
llauder  et  comp.  ,  d'un  vitrail  représentant 
sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  exécuté  sur  un 
carton  composé  encore  par  M.  Galimard  pour 
l'oratoire  de  madame  la  marquise  Du  l'iessy- 
li?yer,  le  public  pourr;'.  reconnaître  la  supé- 
riorité de  ces  anciens  procédés  en  les  compa- 
rant aux  échantillons  de  peinture  en  émail  sur 
grandes  pièces  de  verre,  que  cette  même  mai- 
son entreprend  d'exécuter  h  l'instar  de  la  ma- 
nufacture de  Sèvres,  et  qui  ne  peuvent  vérita- 
blement servir  qu'à  l'ornement  de  nos  appar- 
tements rétrécis. 


Depuis  quinze  jours  environ  un  homme, 
jadis  trop  célèbre,  mais  déjà  justement 
oublié,  préoccupe  et  inquiète  une  partie 
de  l'Europe.  Cabrera,  trompant  la  vigi- 
lance de  la  police  française,  est  passé  en 
Angleterre,  et  peut-être  en  ce  moment  a- 
t-il  fait  sa  rentrée  en  E-ipagne,  d'où  Espar- 
tero  l'availchassé  en  18i0.  Cetévéïiement 
pourrait,  en  elïet,  avoir  les  conséquen- 
ces les  plus  graves.  Pour  prouver  à  quel 
point  les  inquiétudes  dont  nous  parlims 
sont  fondées,  nous  allons résumer.simple- 
ment,  —  au  lieu  de  prédire  un  avenir  in- 
certain, —  la  vie  passée  de  cet  homme, 
que  nous  ne  savons  comment  qualifier,  et 
qui  a  joué  un  rôle  si  important  dans 
1  histoire  des  guerres  civiles  contempo- 
raines de  la  malheureuse  Espagne.  Sa 
vie  a  été  déjà  racontée  il  yasix  ans  dans 
la  Revue  des  deux  Mondes  ;  mais,  si  bien 
Inrormé  qu'il  ait  été,  l'auteur  de  celle 
remarquable  biographie,  M.  Léonce  de 
Lavergne  n'a  pas  tout  su.  C'est  à  un  ou- 
vrage publié  cette  année  même  à  Madrid, 
sous  ce  titre  :  «  llisluria  île  la  ffuerra 
ullimn  en  Àraijon  y  l'«/iw/«,  t  par  MM. 
Cabello,  Sanla  Crux  et  Tempiado,  que 
nous  avons  emprunté  les  di'lails  (pii  vont 
suivre,  détails  presque  tons  conlirinés 
par  des  doriimenls  authentiques. 

Ramnn  Cabrera  naquit  le  27  décem- 
bre IHOti  à  Toitose,  dans  la  Catalogue. 
Son  père ,  ijui  exerçait  la  profession  de 
marin,  l'avait  ilesliné  à  l'état  ecclésiasti- 
que ;  mais  il  n'annonçait  que  de  mauvai- 
ses dispositions,  et  il  fut  de  Irop  bonne 
heure  abandcmné  à  lui-même.  Au  lieu  de 
travailler,  il  mena  la  vie  d'un  vagabond  ; 
il  se  lia  avec  tous  les  mauvais  sujets  de  sa 
ville  natale,  et,  à  peine  sorti  de  l'enfance, 
il  se  rendit  célèbre  par  ses  excès  en  tout 
genre.  Les  prières  de  ses  parents,  les 
réprimandes  et  les  conseils  de  ses  supé- 
rieurs ,  et  les  punitions  corporelles , 
rien  ne  put  le  corriger  :  u  11  était  pa- 
resseux ,  débauché  ,  querelleur  ,  ef- 
fronté ,  enfin  un  franc  Ironero  (  vau- 
rien ),  dit  M.   Léonce  de    Lavergne  qui 


pourlant  se  moiilio  toujours  disposé  à 
l'absoudre  ;  si  bien  (pie,  quand  vint  pour 
lui  le  moment  do  solliciter  le  sous- 
diaconat  ,  l'évêiiue,  don  Victor  Saez ,  le 
lui  refusa.  De  son  éducation  cléricale 
il  n'avait  retiré ,  outre  riiorreur  de 
toute  élude  intellectuelle  et  de  itoule 
règle  établie,  que  la  haine  du  parti  li- 
béral ;  car  le  clergé  du  diocèse  de  Tor- 
tose  était  fanatiquement  dévoué  à  la  fac- 
tion absolutiste.  Si  l'Espagne  eût  conti- 
nué à  jouir  delà  paix,  Uamon Cabrera  fut 
devenu  chef  de  tadrvnes.  Il  possédait 
toutes  les  cpialilés  exigées  pour  cet  em- 
ploi, et  il  11  étail  lion  à  rien  aulie  chose. 
Maisia  gneneiivilc  éclala.elil  se  litchef 
de  yueriUerus. — Il  y  apourlanl  des  esprits 
honnêtes  et  droits  qui  ne  saisisscni  pas 
ladifl'érence. — Le  I  Ti  novembre  I  S'ri  il  alla 
rejoindre  le  colonel  Cariiicer  (|ui  avait 
déjà  arboré,  sur  les  remiiarts  de  Mc- 
reila,  l'étendard  de  Charles  V. 

(1  II  arriva  dans  cette  ville  où  il  devait 
régner  un  jour,  dit  son  biographe  fran- 
çais, eu  mauvais  costume  d'écolier, 
des  alpargues  aux  pieds  et  un  hàloii  à 
la  main.  Comme  il  annonça  qu'il  savait 
écrire,  on  le  lit  caporal,  et,  les  armes 
manquant,  un  lui  donna  un  fusil  de 
chasse.  » 

Pendant  seize  mois  Cabrera  servit  a- 
vecle  titre  de  colonel  qu'il  s'élait  adjugé, 
sous  les  ordres  immédiats  de  Carniter, 
et  il  ne  se  distingua  que  par  des  actes 
odieux  de  cruauté.  Sun  [inexpérience  et 
sa  présomption  furent  fatales  dans  plus 
d'une  alTaire  aux  soldats  qu'il  couiman- 
dait;  elles  leur  firent  surtout  essuyer  à 
Mayals,  dans  la  Catalogne,  une  déroute 
qu'on  regarda  à  cette  épinpic  comme  le 
coup  de  grâce  de  la  facliou  aragonaise. 
D'autres  rencontres  moins  importantes 
eurent  le  niênn'  résultat.  Au  commen- 
cement d<^  ISô.'i,  les  chefs  carlistes  des 
provinii'siiiiiMil:di'sdi'l.i  IViiinsole  étaient 
rédoil-  :i  rirn-  ,l;iii.  Ir.  miinlii-iirs,  à  la 
tète  i\-  i"■l|^•^  luii  l.'s  ,l,v,,iii âgées  , 
fuyjul   iMilMiil   .l.'vaiil  li's  limip.-^   do   la 


ro 


L'ILLLSlJlAllOiN,  JOOiliNAL  LINIVERSEL. 


reinn,  auxquelles  elles  ne  pouvaient  plus  opposer  aucune  ré- 
sistance. Furieux  de  cet  état  de  choses,  indigné  de  la  con- 
duite de  Carnicer,  ù  l'Iiumanité  duquel  il  attribuait  ses  re- 
vers, mécontent  d'ailleursde  sa  position  obscure  et  subalterne. 
Cabrera  ,  qui  représentait  en  Aragon  le  parti  apostolique  ou 
ultra-absolutiste,  etiiUi,encettequalité,coinptait  des  protec- 
teurs inlluenls  à  la  cour  de  Charles  V,  rési>liil  'h-  ^''  ili'lia- 
rasser  de  son  cliel'  et  de  prendre  sa  place.  Ali.m  ImiiLnil  n-ui 
poste,  il  part  pour  la  Navarre  avec  une  femmi;  onn  hmmiin  iv- 
niarq,iabh^|nr  sa  beauté  que  par  son  esprit  et  suu  ciiaclne,  et 
i|ii'il  SI-  picqwso  d'ollrir  pour  maîtresse  à  ce  roi  veuf  dont  il  va 
solliciter  la  laveur.  A  peine  arrivé,  il  obtient  de  don  Carlos 
une  au  WiMico  parlicidii're,  lui  expose  ses  plans  de  cainagne, 
lui  insimie  qu'il  l'st  seul  capable  de  commander  l'armée 
aragoniiisc  ri  de  tiiri'  liiniÈqilier  la  cause  qu'il  a  embrassée, 
accuse  Carnicer  de  faiblesse  et  d'humanité,  et  démontre  la  né- 
cessité des  mesures  les  plus  énergiques.  Quand  il  revint  en 
Aragon,  il  remit  à  Carnicer  une  lettre  du  roi  qui  lui  ordonnait 
de  se  rendre  immédiatement  au  quartier-général  en  Navarre. 
Le  9  mars  1833  Carnicer  partit  en  effet  pour  les  provinces 
basques,  et  Cabrera  prit  le  commandement  en  chef  par  inté- 
rim. Mais  sur  sa  rout?,  Carnicer  tomba  dans  une  embuscade, 
et  il  fut  fusillé  à  Mirandadel  Ebro.  Les  carlistes  eux-mêmes 
n'hésilèrent  pas  à  accuser  Cabrera  de  la  mort  de  son  supé- 
rieur. Il  avait  l'ait  avenir  les  autorités  christinos  de  la  roule 
que  Carnicer  devait  suivre,  et  il  avait  engagé  Carnicer  à  pren- 
dre pour  guides  deux  officiers  chargés  de  le  livrer  à  ses  en- 
nemis ;  ces  deux  officiers  furent  échangés  peu  de  temps 
après  contre  deux  ofliciers  christinos,  bien  que  la  convention 
Eliot  n'existùtpas  encore, et  qu'on  fit  rarement  quartier  aux 
prisonniers.  Ces  faits,  confirmés  par  d'autres  circonstances, 
étaient  ciiaque  jour  racontés  et  commentés  par  les  soldats. 
Cabrera  s'en  émut  enfin,  et,  pour  clore  la  discussion,  il  lit 
fusiller  à  Cainarillas  le  frère  d'un  des  deux  guides  de  sa  vic- 
time, qui  avait  eu  l'imprudence  de  dire  que  Carnicer  avait 
été  vendu  par  Cabrera.  Cette  exécution,  qui  eut  lieu  le  16 
février  18ô(i,  le  jour  même  et  à  la  même  heure  où  avait  lieu 
il  Tortose  celle  de  la  mère  de  Cabrera,  produisit  un  effet  op- 
posé à  celui  qu'il  en  attendait.  Personne  ne  douta  plus  de  sa 
culpabilité.  Aussi,  le  général  carliste  Cabanero  lui  reprocha- 
t-il  plus  tard  son  crime  en  présence  de  plusieurs  témoins, 
sans  qu'il  osilt  lui  demander  réparation  de  cette  accusation 
comme  d'un  outrage  fait  à  son  honneur. 

Une  fois  maître  par  celle  trahison  de  ce  pouvoir  suprême 
qu'il  avait  si  ardemment  désiré,  Cabrera  s'empressa  de  met- 
tre ses  théories  en  pratique.  Avons-nous  besoin  de  raconter 
une  à  une  toutes  les  atrocités  qu'il  commit?  Un  seul  mot 
suffit  pour  le  peindre  tout  entier  :  «Les  jours  où  je  n'ai  pas 
versé  de  sang,  dil-i!  au  mois  de  juillet  ■] 837,  dans  l'jnti- 
ohambre  de  don  Carlos,  où  il  se  trouvait  avec  Villareal,  Mé- 
rino,  Cuevilas  et  d'antres  généraux  carlistes,  je  digère  mal.  » 
Pendant  les  cinq  années  de  son  commandement,  sa  digestion 
fut  rarement  troublée.  Jusqu'alors  les  carlistes  s'étaient  con- 
tentés de  fusiller  ou  d'égorger  les  soldats  ennemis  qui  tom- 
baient entre  leurs  mains.  Le  système  de  Cabrera  une  fois  en 
vigueur,  ils  luèrent  pour  tuer  ;  ils  massacraient  souvent  une 
famille  entière,  —  femmes,  enfants,  vieillards,  —  si  elle  était 
seulement  soupçonnée  d'avoir  donné  un  verre  d'eau  par 
pitié  à  un  chrislino  blessé  et  mourant.  Les  bandes  de  l'A- 
ragon  et  de  Valence  ne  ressemblaient  en  rien  à  celles  de 
la  Navarre  et  des  provinces  basques.  Dans  ces  deux  dernières 
provinces,  les  généraux  carlistes  commandaierft  des  pajsans 
intelligents  et  industrieux,  insurgés  pour  la  défense  de  cer- 
taines libertés  et  immunités  locales,  dont  on  leur  avait  per- 
suadé que  le  maintien  dépendait  du  triomphe  de  don  Carlos. 
Cabrera  n'avait  sous  ses  ordres  que  le  rebut  de  la  population 
espagnole,  des  voleurs  de  grands  chemins,  des  contreban- 
diers ou  des  assassins  échappés  des  mains  de  la  justice,  et 
quelques-uns  de  ces  moines  qui  menaient  alors  une  vie  si 
dissolue,  qu'un  jour,  — pour  ne  citer  qu'un  exemple,  — les 
gardes  natiimaux  du  village  de  Vera  ayant  été  coutraints  i 
prendre  part  à  une  expédition,  l'alcade  crut  devoir  publier 
une  ordonnance  à  [l'effet  d'interdire  aux  femmes  des  ab- 
sents d'aller  se  promener  dans  le  voisinage  du  monastère  de 
Beruela. 

D'abord  Cabrera ,  incapable  de  se  défendre  contre  les 
troupes  de  la  reine,  —  il  n'avait,  à  la  mort  de  Carnicer,  que 
300  hommes  d'infanterie  et  iO  chevaux,  —  se  borna  à  se  di- 
vertir aux  dépens  des  chrislinos  dont  il  parvenait  à  piller 
les  propriétés.  Il  se  livra  toujours  au  plaisir  avec  emporte- 
ment. Partout  où  il  était,  il  y  avait  festin  et  bal  ;  il  donnait 
à  ses.oflicii'is  l'exemple  de  bien  boire  et  de  danser  gaiement. 
«Ilav.iil,  ilil  M.  (Il'  Lavergne,  trois  ou  quatre  femmes  dans 
chacun  de  -rs  iMiiliuinements,  et  ce  qu'on  raconte  de  ses 
débauches  i:sl  \ialment  incroyable.  »  Le  désir  de  mener  li- 
brement nue  pareille  vie,  bien  plus  que  l'ambition  de  servir 
la  cause  de  Charles  V,  ne  tarda  pas  à  augmenter  sa  petite 
troupe.  Il  devint  plus  hardi  et  plus  entreprenant.  Quelques 
engagements  henreuv  li'  rrinliri'iit  célèbre,  et  il  se  trouva 
bientôt  à  la  tète  d'un  luillii'i  d  liuiiimes.  Malheureusement  le 
gouvernement  de  Maih  ni  prisisla,  avec  la  plus  stupide  obsti- 
nation, il  ne  pas  s'inquiéter  de  l'insurrection  aragonaise.  Au 
lieu  d'envoyer  contre  Cabrera  des  forces  suffisantes  pour  dis- 
perser cl  détruire  complélement  ce  noyau  d'armée,  il  le 
laissa  gagner  du  terrain,  recruter  de  nombreux  soldats, 
s'emparer  do  places  fortes  et  ravager  les  provinces,  en  bra- 
vant déjii  les  garnisons  trop  faibles  pour  prendre  l'offensive, 
et  les  courageuses  mais  impuissantes  démonstrations  des 
gardes  nationaux. 

Le  11  septembre,  au  point  du  jour.  Cabrera  entra  à  l'im- 
proviste  dans  la  ville  de  Uuhielos  (le  Moia.  La  garnison, 
surprise,  essaya  vainement  de  le  repousser;  elle  l'ut  obligée 
de  batli'i!  en  retraite  dans  un  couvent  l'orlilié,  où  elle  se  dé- 
fendit vaillamiiii'iil.  Mais  le  l;î  au  malin,  après  avoir  sontonu 
un  siège  de  viii^l-(pi:ilii'  heures,  le-;  iissie^i's  viicnl  Imil  à 
couples  pointes  île  iiiiielies  des  assaillants  sertir  du  mur  i|iii 
séparait  leeou\eiit  d'une  maison  voisine;  ils  mirent  aussilol 
la  l'en  ;i  cette  iiiaison.  Un  vent  violent  qui   soufllail  alori 


communiqua  l'incendie